Pour Hervé Gattegno, le mariage gay offre une illustration parfaite de la méthode du président : l'habileté manoeuvrière.
jeudi 24 janvier 2013
Hollande, un mariage, deux enterrements
Une délégation de députés UMP hostiles au mariage homosexuel a été reçue hier à l'Élysée ; les leaders non politiques de la contestation seront reçus demain. Mais, pour vous, la cause est entendue. Votre parti pris : Hollande, un mariage, deux enterrements. Que voulez-vous dire ?
L'affaire du mariage gay offre une illustration parfaite de la méthode de François Hollande - c'est-à-dire son habileté manoeuvrière, qui est d'autant plus grande qu'elle n'est pas contrariée par des convictions trop précises. Il y a d'un côté des opposants mobilisés, qui font du bruit ; de l'autre, la communauté gay et l'ensemble de la gauche, qui tient cette cause pour identitaire. Au milieu, un président qui ne peut pas contenter tout le monde, mais qui ne veut braquer personne. Son objectif est de réaliser sa promesse de campagne - ni plus ni moins. Donc, le "mariage pour tous" et le reste pour... une autre fois. Peut-être jamais.
Quand vous dites : "le reste", ça veut dire la procréation médicalement assistée ? Vous pensez que c'est une clause qui va disparaître de la réforme ?
À coup sûr. François Hollande n'en a jamais voulu - le PS l'avait inscrit dans son projet, pas lui. Son adresse a été d'encourager les députés PS à la surenchère en les laissant libres de déposer des amendements en ce sens. Puis la contestation s'est focalisée sur la filiation et la procréation - celles qui créent le plus de troubles, y compris chez les partisans de la réforme - et les députés ont vu qu'ils risquaient de compromettre l'ensemble du projet. Résultat : la question de la PMA est renvoyée au mois de mars, avec le projet de loi sur la famille - où elle a toutes les chances d'être repoussée. Et François Hollande a donné des gages sans reculer.
Le fait de recevoir l'organisatrice de la manifestation contre le mariage gay, Frigide Barjot, c'est aussi une habileté ? C'est pour donner le sentiment qu'il est à l'écoute ?
Évidemment. François Hollande a qualifié la manifestation du 13 janvier de "consistante" ; en vérité, il l'a trouvée rassurante - on était loin du raz-de-marée redouté. Qu'il reçoive son organisatrice est une marque d'attention, mais aussi le moyen de mettre en valeur la porte-parole dont la crédibilité est la moins forte. Frigide Barjot, ce n'est ni Jeanne d'Arc ni Angela Davis : c'est une égérie pathétique à la recherche d'une gloire médiatique ; une provocatrice "has been" qui est passée des boîtes de nuit aux sacristies - pas l'incarnation la plus convaincante des valeurs qu'elle prétend défendre. La choisir comme interlocutrice n'est pas une erreur de casting, mais une habileté tactique.
L'UMP reste décidée à réclamer un référendum sur ce sujet. Est-ce que c'est le dernier obstacle que François Hollande doit contourner ?
Il n'y aura pas de référendum - et c'est bien ainsi. En théorie, la Constitution l'interdit, et même si l'UMP dépose une motion référendaire, la majorité parlementaire socialiste ne va pas se priver d'elle-même du pouvoir de trancher une question qui lui tient à coeur. Du point de vue de François Hollande aussi, le Parlement est le terrain idéal : la gauche va s'y trouver plus unie que sur aucun autre sujet, et la droite, elle, moins unie qu'elle ne l'aurait voulu. À l'arrivée, François Hollande sera en tout cas le seul à n'avoir pas varié d'un iota. Il aura écouté, mais pas plié. Il aura "son" mariage tel qu'il l'avait promis. Il aura écarté la PMA et le référendum. Soit, au total, un mariage et deux enterrements.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire