Dans son discours du Bourget, le candidat PS à la présidentielle s'attaque à un système qu'il a, en partie, contribué à ériger.
François Hollande ferait-il dans la politique à géométrie variable ? Difficile à croire tant le candidat socialiste à la présidentielle a insisté dimanche sur la sincérité du combat qu'il mène. Pour son premier grand meeting de campagne, François Hollande a pointé du doigt son "véritable adversaire" : le monde de la finance. Un exercice de style logique et prévisible, la contestation des dérives du capitalisme étant ancrée dans l'ADN du PS. Dimanche au Bourget, François Hollande a parfaitement ressorti la boîte à outils du candidat de gauche pour clouer au pilori la sphère financière.
Un combat qu'il aurait toujours mené depuis son entrée en politique. Logique, alors, qu'il lance avec conviction et emphase : "J'ai toujours suivi la ligne que je m'étais fixée." Pourtant, la ligne politique de l'ancien premier secrétaire du PS n'est pas aussi droite qu'il voudrait bien le faire croire. Sa carrière politique ne restera pas marquée par une contestation sans faille de la finance mondiale. Il a même, à plusieurs reprises, appuyé des décisions qui vont à l'encontre des grands principes énoncés dimanche au Bourget.
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Président, moi ? vous rêvez là !!! |
Privatisations
Alors, même si François Hollande n'a jamais été au pouvoir en tant que tel, son soutien à l'action gouvernementale de Lionel Jospin entre 1997 et 2002 n'est plus à démontrer. D'ailleurs, pour atténuer ce handicap de poids dans la course à la présidentielle - il a longtemps été attaqué sur le fait de n'avoir jamais exercé le pouvoir -, le député de Corrèze n'hésite pas à rappeler qu'il a été associé à toutes les grandes décisions prises par Lionel Jospin pendant la cohabitation.
Une période marquée par un vaste chantier de privatisation des entreprises publiques françaises. À cette époque, le gouvernement Jospin cède face à la pression de la concurrence internationale. Du coup, nombre de groupes emblématiques sont cédés par l'État. Et non des moindres. Au chapitre des différentes privatisations (totales ou partielles) et autres ouvertures de capital, on retiendra notamment France Télécom, Air France, Aérospatiale, Thomson-CSF, Thomson Multimédia, le Crédit lyonnais, la Société marseillaise de crédit, le CIC et le groupe d'assurances Gan.
François Hollande, alors premier secrétaire du Parti socialiste, n'a jamais manifesté le moindre désaccord, assurant une indéfectible loyauté à son Premier ministre. Pire, à l'époque, il présente même ce gouvernement comme une "référence". D'ailleurs, Lionel Jospin lui a rendu la pareille en votant pour le candidat corrézien aux deux tours de la primaire socialiste. François Hollande pâtit indéniablement des discours et des soutiens qu'il a pu apporter dans le passé. De quoi apporter de l'eau au moulin de ceux qui le décrivent comme le candidat du système.
Social-démocratie
D'ailleurs, à la fin des années 1990, il est un des premiers à se réclamer ouvertement démocrate à l'image de Tony Blair en Grande-Bretagne. Il sera d'ailleurs reçu par le Premier ministre britannique fin 2002. Rien d'étonnant puisque la carrière politique de l'ancien maire de Tulle est marquée par la social-démocratie : il est lancé en politique par Jacques Delors, précurseur de la social-démocratie à la française, et il a même dirigé le club Témoin, centre de réflexion des idées deloristes. Malgré cela, pendant la primaire à l'investiture socialiste, l'entourage de François Hollande n'hésite pas à attaquer
Martine Aubry pour avoir préfacé en 1997 l'ouvrage de Tony Blair,
La nouvelle Grande-Bretagne, jugé trop à droite de la gauche. C'est pourtant
Manuel Valls, grandement influencé par l'ancien leader du Labour Party, qui a été désigné par le candidat Hollande pour gérer sa communication pendant la campagne présidentielle.
Autre exemple de cette ambivalence en 2005. Alors dans l'opposition, François Hollande se rallie à la majorité présidentielle en se faisant un fervent défenseur du oui au référendum sur le projet de Constitution européenne. Une position clairement sociale-démocrate, la ligne plus traditionnelle du PS préférant opter pour le non, à l'image de Jean-Luc Mélenchon, encore membre du Parti socialiste, Henri Emmanuelli ou Arnaud Montebourg. Alors quand François Hollande se pose en adversaire farouche de la finance, il effectue un exercice de synthèse politique compréhensible étant donné le contexte de campagne présidentielle. Mais il s'agit aussi d'un opportunisme certain dont
l'objectif est de rallier - ou, du moins, froisser le moins possible - l'aile gauche de son parti.
Ambivalence
Preuve de cette politique à deux vitesses quand François Fillon déclare : "François Hollande pourrait soumettre son programme électoral à Standard and Poor's. Il serait intéressant de savoir ce qu'une agence de notation pense d'un programme dans lequel il n'y a que des augmentations de dépenses et des hausses d'impôts." C'est alors Bruno Le Roux, un des quatre porte-parole du candidat PS, qui monte au créneau : "Le Premier ministre aurait lui-même une mauvaise surprise en regardant le projet socialiste, qui est tout à fait de nature à rassurer les agences de notation."
Le camp Hollande est devenu maître dans l'art du grand écart politique. Car il aurait été logique de rejeter purement et simplement la question de l'avis des agences de notation, intimement liées au monde de la finance donc alliées de l'ennemi juré. Mais la politique est un habile jeu d'équilibriste qui va et vient au gré du vent. D'ailleurs, le slogan de campagne de François Hollande illustre cet état de fait. Au Bourget, on pouvait lire : "Le changement, c'est maintenant". Le changement de veste aussi ?