TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

samedi 19 juin 2010

Non !

Il n'est pas certain que Charles de Gaulle aurait savouré l'unanimisme qui le célèbre. Était-ce une ultime marque d'orgueil, ou l'arme du détachement ? Le testament du grand homme, écrit en 1954, montre à quel point il aspirait à une éternité dépouillée d'hommages bruyants. Redoutait-il par avance la confiscation de son héritage par ses propres soutiens ? Persuadé de l'unicité de sa propre destinée, il n'avait d'ailleurs jamais reconnu aucun gaullisme. Mais celui qui resta toute sa vie un général de brigade - avec seulement deux étoiles sur les épaulettes - aurait été ému de voir ses derniers compagnons vivants revenir à Londres pour commémorer le 18 juin. La simplicité avec laquelle ces hommes racontent leur décision de tout laisser derrière eux pour continuer le combat lui aurait plu. Comme tant de vrais héros, certains d'entre eux ont si peu le goût des honneurs qu'ils n'avaient jamais sollicité une décoration, avant que cet anniversaire très scénarisé ne les sorte de l'ombre. De quoi faire réfléchir au passage sur le sens d'une Légion d'honneur si galvaudée qu'elle en oublie certains grands Français... « L'appel » - les premiers appels, en fait - c'est le manifeste spontané de tout un personnage qui, plus tard, définira la vie comme « un combat, pour un homme comme pour une nation ». On ne saura jamais à quel point l'inspiration littéraire du rebelle solitaire contribua à la force de rassemblement qu'il sut patiemment faire triompher. Cette voix surgie de la nuit parvint à incarner « l'esprit de résistance », évoqué tout au long des cérémonies d'hier, qui ne saurait être prisonnier des années les plus noires du XXe siècle. Dire non ? Une capacité fondamentalement moderne pour refuser l'inacceptable. Une valeur pleine de panache quand elle refuse toute forme de compromis avec l'inacceptable. Une valeur en baisse, aussi - au-delà des mots allégoriques - dans une époque où tant de renoncements trouvent toujours de faciles justifications. Dans l'univers politique, comme dans le monde de l'entreprise, qui ose encore se dresser devant les diktats qui sont autant de défaites morales acceptées si souvent par lâcheté plus que par conviction ?

Olivier Picard

DU BON USAGE DE L'USTENSILE !


Et si on s'en "footait" ?

Une fois encore, la France misait beaucoup sur ses footballeurs. Il y a tant d'enjeux dans ce ballon rond et de millions à ramasser sous les pieds des joueurs. Qu'on en juge. Même les parlementaires ont dû se hâter pour peaufiner leur loi sur les paris en ligne. Elle devait impérativement être bouclée avant le Mondial. Ce qui fut fait et ne devrait pas décevoir les acteurs dotés de la précieuse licence... Dans peu de temps, il n'y aura plus personne pour parier un kopeck sur les Bleus ! L'entrée dans le stade de ces nouveaux managers est aussi ratée. Et que dire de TF1 qui a vendu jusqu'à plus de 300 000 euros le spot de trente secondes diffusé pendant les matchs ? Il ne reste plus qu'à en ramener le prix à l'aune de l'enthousiasme suscité par la suite des évènements ! Certes les vendeurs d'écrans plats ont déjà fait leur beurre mais on ne la refera pas aux téléspectateurs. C'est la dernière fois qu'ils s'équiperont avant une coupe du monde de foot... Ils attendront les soldes d'après défaite. Par-delà ces déconvenues bien matérielles, l'échec de notre équipe aura une toute autre incidence sur la France. C'est notre moral qui est en jeu. Notre Marseillaise blessée. Notre identité nationale à nouveau brouilléee. À l'inverse de l'euphorie collective déclenchée par le "trois-zéro" face au Brésil en 1998, l'ambiance est aujourd'hui déliquescente. Plus de slogan black-blanc-beur affiché sur tous les cœurs. Place à l'invective et aux rancœurs. On ne sait même plus qui a eu tort, de Rama Yade qui fustigeait les dépenses somptuaires de nos footballeurs ou de Roselyne Bachelot qui tentait un dernier cocorico. Une chose est sûre. Les Bleus font grise mine et nous donnent le bourdon. Comme Domenech. Qui semble n'avoir qu'une chose à dire : "Et si on s'en footait ?"


Hélène Pichilowski

Paris ville ouverte

Paris ville ouverte. Cette décision du gouvernement français portait, en elle, toutes celles qui suivirent et conduisirent à l'armistice du 22 juin 1940.

Même pour les enfants des écoles, cette déclaration signifia que la guerre était perdue puisque la capitale du pays était prise. Qu'est-ce, en effet, qu'un pays si sa capitale est aux mains de l'ennemi ? Un vaincu évidemment...

À l'heure où l'armistice était demandé en France, la Grande-Bretagne se barricadait pour faire face à une invasion probable. Le pays devint une fourmilière. Les barrages poussèrent comme des champignons sur toutes les routes côtières. Les hommes, même âgés, s'entraînaient à manier des armes. Des femmes réclamaient des grenades pour les jeter, depuis leurs fenêtres et leurs balcons, sur l'ennemi s'il passait par là. Les poteaux routiers indicateurs étaient détournés de leur sens pour désorienter l'envahisseur. Au lieu d'être une ville ouverte, Londres acceptait d'avance les destructions que ne manqueraient pas de lui infliger les combats. Et l'on sait ce que subit la capitale britannique dans les semaines qui suivirent. On peut donc se demander pourquoi les Anglais et les Français firent des choix aussi contradictoires.

En France même, ces derniers se divisèrent entre ceux qui voulaient continuer la lutte et ceux qui préféraient cesser le combat. Tous, sans doute, portaient un amour égal à leur pays. Qu'est-ce donc qui poussait les uns à la résistance et les autres à la soumission ?

Londres barricadée

Il fallait être fou ou visionnaire pour croire, en juin 1940, à une victoire possible sur l'Allemagne. Celle-ci avait vaincu sur tous les territoires d'opérations. Elle était alliée à l'URSS, à l'Italie. Elle était amie du Japon. Alors que, pendant ce temps-là, les États-Unis observaient tout cela sans s'engager.

Les Français, dans leur majorité, crurent que le prestigieux maréchal Pétain avait raison de tenter de sauver ce qui pouvait l'être et, dans ce but, de composer avec l'ennemi. Ils suivirent massivement le maréchal qui fut, du reste, acclamé dans ses déplacements en France et à Paris même, jusqu'au printemps 1944.

Sans doute, la farouche clairvoyance d'un Churchill, qui avait jaugé et jugé le nazisme, a-t-elle sauvé l'Europe et les démocraties d'une abominable domination que les Français découvrirent peu à peu par la suite. Le général de Gaulle était de la même trempe que l'indomptable Premier ministre, mais, d'abord, il fut seul. À Londres, Churchill lui dit en ces jours-là : « Puisque vous êtes seul, je vous reconnais tout seul. »

Paris ville ouverte signifiait que le gouvernement français voulait d'abord épargner la vie de ses citoyens. Londres barricadée signifiait que le gouvernement britannique choisissait d'abord de perdre des vies plutôt que l'indépendance.

Entre le sacrifice et la résignation, il avait fallu choisir.