TOUT EST DIT

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mercredi 10 septembre 2014

Le gouvernement confronté à un grave dérapage du déficit public

A quelques jours de la présentation du projet de loi de finances pour 2015, le gouvernement a décidé de jouer cartes sur table. Le ministre des finances, Michel Sapin, accompagné du secrétaire d'Etat chargé du budget, Christian Eckert, a dévoilé, mercredi matin, les prévisions révisées de croissance, d'inflation et de déficit public pour 2014 et 2015.

Plus question, cette fois, de tourner autour du pot : aucun des objectifs réaffirmés en juin lors de la loi de finances rectificative ne sera tenu.
  • La prévision de croissance pour 2014 est révisée à 0,4 % et celle de 2015 à 1 % contre 1,7 % prévu au printemps.
  • La prévision d'inflation pour la France est révisée à - 0,5 % en 2014 et + 0,9 % en 2015.
  • Le déficit public devrait se situer à 4,4 % du PIB (au lieu des 3,6 % prévus dans la loi de finance puis des 3,8 % prévus dans la loi de finances rectificative), contre 4,3 % en 2013.
Le manque à gagner pour les comptes publics s'élèverait à 2 milliards d'euros en 2015, estime le ministre des finances. Pour compenser ces 2 milliards d'économie qui ne seront pas réalisées, le gouvernement exclut toute nouvelle hausse d'impôt.
Où porteront ces économies supplémentaires ? Le ministre se contente d'indiquer qu'« elles seront détaillées dans les prochaines semaines ». Il évoque cependant les dépenses de l'Etat et de ses opérateurs et un « ralentissement des dépenses de santé ».
MAINTIENT DES 21 MILLIARDS D'ÉCONOMIES PRÉVUS EN 2015
Le gouvernement entend ainsi maintenir le cap sur les 50 milliards d'euros d'économies prévus jusqu'en 2017, à commencer par les 21 milliards prévus en 2015, contrairement à ce que M. Sapin avait laissé entendre une semaine plus tôt.
M. Sapin cherche cependant à rassurer ceux qui s'inquiètent d'un nouveau tour de vis austéritaire. « L'efficacité, ce n'est pas de chercherà atteindre à toute force et coûte que coûte l'objectif de déficit initial, affirme le ministre des finances. L'efficacité, ce n'est pas de prendredes mesures qui reviendraient à aggraver encore la panne de croissance que nous connaissons et à ralentir encore un peu plus l'inflation. »
Le gouvernement table sur un déficit de 4,3 % pour 2015, au lieu des 3 % annoncés dans le programme de stabilité. L'objectif de retour aux 3 % étant désormais reporté à 2017.

Commission européenne : Pierre Moscovici aux Affaires économiques

Sans surprise, l'ancien ministre de l'Économie français a reçu le portefeuille européen de l'Économie dans l'équipe présidée par Jean-Claude Juncker. 
Le Français Pierre Moscovici a réussi son pari : décrocher le poste des affaires économiques, un des plus prestigieux de la Commissionoù cet Européen passionné pourra défendre sa vision de la "flexibilité" dans l'application des règles budgétaires. La victoire n'était pas acquise pour l'ancien ministre des Finances, l'Allemagnes'étant longtemps opposée à la nomination à ce poste chargé de la surveillance des budgets du représentant d'un pays, la France, en délicatesse avec la réduction des déficits. "Ce ne serait pas un cadeau pour Pierre Moscovici, car il verrait en permanence sa crédibilité et son impartialité mises en doute", avait estimé cet été une source européenne.
"Il faut que la France soit aimée en Europe et faire aimer l'Europe aux Français", plaidait de son côté Pierre Moscovici, avant même des élections européennes marquées par une poussée sans précédent des antieuropéens. Pour cela, il souhaite une Union européenne "moins libérale", et se veut "un acteur résolu" à Bruxelles d'une "politique économique globale et inventive". "La France doit être le fer de lance du sursaut" du projet européen, dit-il. Après son départ du gouvernement au printemps, il s'était vu confier une mission parlementaire sur la "contribution des politiques européennes à la croissance et à l'emploi". 

Un "social-démocrate chimiquement pur"

À bientôt 57 ans, cet énarque au parcours brillant et très européen - il fut vice-président du Parlement de Strasbourg et ministre des Affaires européennes - retrouve un poste à sa mesure en faisant un pas de côté à Bruxelles. Son passage à Bercy n'a pas été facile : frictions régulières entre les six ministres dépendant de lui, notamment le bouillant Arnaud Montebourg, démission du ministre du Budget Jérôme Cahuzac, forcé d'avouer qu'il détenait un compte secret en Suisse, couac lorsqu'il avait dit "comprendre le ras-le-bol fiscal" des Français. Quelques mois plus tard, le pacte de responsabilité en faveur des entreprises lancé par François Hollande rejoint des idées défendues par Pierre Moscovici depuis l'époque où ce "social-démocrate chimiquement pur", comme il se définit, donnait des cours d'économie à Science po dans les années 1980. Mais c'est paradoxalement le moment que le président Hollande choisit pour se séparer de son ancien directeur de campagne... en lui promettant aussitôt un poste à Bruxelles.
À Bercy, Pierre Moscovici a oeuvré pour un consensus sur l'union bancaire européenne, mais aussi un apaisement des relations avec la Commission, malgré les dérapages des déficits français. Il avait obtenu un délai de deux ans, jusqu'en 2015, pour revenir dans les clous des 3 %, un objectif qui semble désormais impossible à tenir. Mais il n'a pas que des amis, notamment au Parlement européen, où le ministre français avait à plusieurs reprises annulé au dernier moment des auditions devant la commission des Affaires économiques, chargée maintenant de l'entendre avant de donner son avis sur sa nomination.
Né le 16 septembre 1957 d'un père psychologue exilé de Roumanie et d'une mère psychanalyste d'origine polonaise, Pierre Moscovici a flirté dans sa jeunesse avec un mouvement trotskyste, la Ligue communiste révolutionnaire, avant de rejoindre en 1984 le Parti socialiste et son mentor, Dominique Strauss-Kahn, balayé en 2011 par un scandale sexuel à New York. En 1997, il est élu député du Doubs (Est), berceau du groupe automobile PSA qu'il a contribué à sauver en oeuvrant au partenariat avec le chinois DongFeng et l'État français - un comble pour ce pur Parisien qui n'a pas son permis de conduire. Cet homme au visage rond, dont la réserve passe parfois pour de la froideur, apparaît plus humain depuis quelque temps via sa compagne, Marie-Charline Pacquot. Cette étudiante en philosophie de trente ans sa cadette alimente la blogosphère en publiant sur Twitter des photos du couple, assistant à un match de tennis dans les tribunes de Roland-Garros, ou avec son chat Hamlet

La République des fraudeurs

Les déclarations, la main sur le cœur, de Jérôme Cahuzac, jurant n’avoir jamais eu de compte en Suisse, n’ont pas fini de résonner dans l’hémicycle que déjà « l’affaire Thévenoud » vient nous conforter dans l’idée que, aussi moralisateurs soient-ils, ces socialistes sont les premiers à s’asseoir sur l’éthique. Ainsi, lundi, le député et éphémère conseiller d’Etat Thomas Thévenoud, ancien vice-président de la mission d’information sur la fraude fiscale et de la commission d’enquête sur l’affaire Cahuzac (!), qui ne payait pas ses impôts depuis des années, a-t-il officiellement annoncé sa « mise en retrait » du PS. En revanche, a-t-il ajouté, pas question de quitter son siège de député !
« Sanction symbolique »
Sous la pression des médias et d’une partie de la classe politique qui sent bien les effets ravageurs de cette nouvelle affaire au moment où Marine Le Pen est donnée en tête des sondages, le député PS de Saône-et-Loire a en effet expliqué qu’après s’être entretenu avec Jean-Christophe Cambadélis, Premier secrétaire du PS, il avait finalement décidé de se « mettre en retrait du Parti socialiste et donc du groupe SRC à l’Assemblée nationale ». Mais pas question d’aller au-delà : là où un minimum d’amour-propre aurait poussé n’importe quel homme à quitter son siège à l’Assemblée, Thévenoud a, lui, décidé de rester. Ce qui signifie concrètement qu’il continuera à être député de Saône-et-Loire mais ne siégera plus dans l’hémicycle parmi ses collègues socialistes. Il devrait rejoindre les non inscrits, comme c’est déjà le cas d’un autre ex-député PS, Sylvie Andrieux, qui siège là depuis 2013 et sa lourde condamnation pour détournement de fonds publics… Une solution qui, au fond, arrange les socialistes, comme le soulignait Olivier Pirot dans La Nouvelle République du Centre Ouest, puisque cette « sanction symbolique » leur permet de « ne pas trop perdre la face » et « de sauver du bout des doigts la majorité » absolue qui ne tient qu’à une voix.
« Enchaînement de négligences »

Reste, comme l’écrivait Nicolas Beytout dans L’Opinion, que « ce qu’il représente est ravageur, et la seule perspective de le voir revenir maintenant sur les bancs de l’Assemblée nationale semble une insulte à tous les contribuables en règle avec leur percepteur ». Voilà en effet un couple, lui député de Saône-et-Loire (entre autres), et elle chef de cabinet du président du Sénat (mise en retrait depuis), qui depuis des années ne payait pas ses impôts, lorsque des millions de Français se demandent comment ils vont réussir à régler les leurs !
Et l’élu socialiste de dénoncer lundi un « acharnement médiatique », de nous expliquer qu’il est aujourd’hui victime d’un « enchaînement de négligences choquantes qui m’ont placé dans cette situation » et qui ne font pas de lui « un fraudeur » !
Depuis, a précisé fièrement Thomas Thévenoud, « j’ai réglé à ce jour l’ensemble de mes impôts avec, comme tout contribuable dans cette situation, l’intégralité des pénalités de retard ». Bravo M. le député ! Ainsi saurez-vous maintenant ce que veut dire « contribuable français » lorsque vous emploierez cette expression dans l’hémicycle… 

Comment le discours de Poutine sur l’Ukraine s’est radicalisé

Vladimir Poutine n’a jamais caché que la dislocation de l’empire soviétique représentait pour lui « la plus grande catastrophegéopolitique du XXsiècle ». Depuis la chute du gouvernement Ianoukovitch en Ukraine et l’annexion de la Crimée, son discours n’a cessé de se radicaliser, révélateur de ses ambitions grandissantes dans l'est de l'Europe.

18 mars : « Nous ne souhaitons pas une partition de l'Ukraine »

Quelques minutes avant de signer le traité d’annexion de la Crimée, le 18 mars, le président russe, dans un long discours aux accents nationalistes, souhaite se montrer rassurant : « Ne croyez pas ceux qui cherchent à vous effrayer avec la Russie et qui hurlent que d'autres régions vont suivre l'exemple de la Crimée (...). Nous ne souhaitons pas une partition de l'Ukraine, nous n'en avons pas besoin. »
Il évoque aussi, au détour d’une phrase, les Ukrainiens, qu’il considère alors comme un « peuple frère». Un positionnement conciliant qui ne tardera pas à voler en éclats.
Ce qui nous manque en France

29 mars : « Pas d'autre chemin que la fédéralisation »

Parallèlement, l’idée d’une « fédéralisation » fait son chemin, suggérée à l’Ukraine par le Kremlin. Si Poutine ne s’est pas exprimé publiquement à ce sujet, son ministre des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, déclare le 29 mars 2014 : « Nous ne voyons pas d'autre chemin à suivre que la fédéralisation pour l'Etat ukrainien. »
Il affirme même, le 16 avril, que « l’Etat unitaire en Ukraine a cessé de fonctionner ». La fédéralisation aurait donné aux régions une autonomie accrue et un droit de veto sur les grands choix de Kiev. « Un scénario soft pour Moscou », selon l’analyse du politologue Volodymyr Fessenko, cité à l’époque dans Le Monde.

17 avril : « L'Ukraine c'est "la Nouvelle Russie" »

Vladimir Poutine, le 17 avril, lors de son discours fleuve à la télévision russe.
Lors d’un show télévisé de quatre heures, le 17 avril, le président russe déclare que l’Ukraine n’est pas un Etat à part entière mais un appendice russe qu'il appelle « la Nouvelle Russie », ou « Novorossia», une terminologie datant de l’époque des tsars désignant une partie du pays.
« L'Ukraine, c'est "la Nouvelle Russie", c'est-à-dire Kharkov, Lougansk, Donetsk, Kheerson, Nikolaev, Odessa. Ces régions ne faisaient pas partie de l'Ukraine à l'époque des tsars, elles furent données à Kiev par le gouvernement soviétique dans les années 1920. Pourquoi l'ont-ils fait ? Dieu seul le sait»
« Parler de "Novorossia", c’est jouer avec un imaginaire impérial, patriotique, d’une Russie qui incarnerait une identité qui dépasserait ses frontières, analyse Kevin Limonier, chercheur à l’Institut français de géopolitique spécialisé sur la Russie. Cette représentation duale du monde, avec une phraséologie très soviétique, aide Vladimir Poutine à se renforcer, notamment face aux difficultés qu'il connaît dans son pays. »

9 mai : Rétablissement de « la vérité historique »

Poutine a de nouveau recours à l’histoire en demandant aux partenaires occidentaux de la Russie de « tenir compte des intérêts légitimes, comme le rétablissement de la vérité historique ». « Poutine a toujours fait appel à l’histoire dans ses discours, souligne Kevin Limonier, mais on assiste depuis la chute de Ianoukovitch à une intensification et à une radicalisation de cette récupération. »

29 août : « Un seul et même peuple »

Si le 18 mars, Poutine considérait les Ukrainiens comme un « peuple frère », il opère un glissement quelques mois plus tard en affirmant lors d’un forum de la jeunesse le 9 mai à Moscou que « le peuple russe et le peuple ukrainien forment quasiment un seul et même peuple ». A cette occasion, il cite de nouveau la « Novorossia », affirmant que les séparatistes prorusses de l'Est ukrainien en sont les défenseurs.

31 août : « Statut étatique pour le sud-est de l'Ukraine »

Vladimir Poutine franchit un nouveau cap dans la radicalisation de son discours le 31 août, en évoquant pour la première fois la création d'un Etat dans l'est de l'Ukraine : « Nous devons commencerimmédiatement des discussions substantielles (...) sur des questions touchant à l'organisation politique de la société et à un statut étatique pour le sud-est de l'Ukraine afin de protéger les intérêts légitimes des personnes qui y vivent. » Le porte-parole du Kremlin a néanmoins nuancé ces propos, assurant que les médias les avaient surinterprétés et que Poutine n'avait pas évoqué la création d'un Etat.
Cinq mois après l’annexion de la Crimée, le « scénario soft » semble toutefois bel et bien enterré.
Lire aussi l'analyse : En Ukraine, la guerre des mots
L'Ukraine vue par la Russie.
L'Ukraine vue par la Russie. | Infographie Le Monde

Compétitivité : François Hollande se trompe dans les chiffres

François Hollande a mis des lunettes un peu trop roses, mardi 9 septembre à l'Elysée. Lors d'un long discours destiné à vanterles mérites des trente-quatre plans de « reconquête industrielle » lancés il y a exactement un an, le président de la République s'est voulu résolument optimiste. 
« Nous avons cassé la spirale infernale de la dégradation de la compétitivité française », a-t-il affirmé devant un parterre de ministres, de patrons, de créateurs, d'ingénieurs et de journalistes. Mieux encore : « Nous avons maintenant commencé la marche en avant », a-t-il assuré. 
Les deux éléments qu'il a mis en avant pour justifier son propos méritent de sérieux bémols. Premier signe de redémarrage évoqué : le dernier classement mondial de la compétitivité établi par le Forum économique mondial. 
Pour la période 2014-2015, la France y occupe le 23e rang, comme en 2013-2014, alors qu'elle avait reculé auparavant durant quatre années consécutives. Une stabilisation, donc, mais en aucun cas un redressement. M. Hollande lui-même a d'ailleurs relativisé la portée de cet indicateur, disant se « méfier »  de ce type de classement, même s'il émane en l'occurrence d'une institution « reconnue internationalement ». 
Les enfumeurs
D'autres indicateurs semblent d'ailleurs montrer plutôt un nouveau fléchissement récent de la compétitivité française. En mai, la part des exportations de marchandises dans l'ensemble de celles de la zone euro a ainsi touché son plus bas niveau historique, à 12,3 %. 
LE TAUX DE MARGE DES ENTREPRISES N'EST PAS EN HAUSSE DE 4 POINTS

Le président a ensuite cité un deuxième signe positif : un taux de marge des entreprises « en hausse de quatre points depuis un an ». Un mouvement « très important », a-t-il déclaré, estimant que le gouvernement avait ainsi « inversé ce qui avait été jusque-là une forme de handicap, pour ne pas dire de malédiction pour notre économie ».

Pareille progression serait effectivement très encourageante… si elle était vraie. Or ici, M. Hollande s'est tout bonnement trompé. Tombé en fin d'année 2013 à 29,5 %, son plus bas niveau depuis 1985, le taux de marge bénéficiaire des entreprises est certes un peu remonté au premier trimestre, selon l'Insee. Mais seulement de 0,5 point, soit 8 fois moins qu'indiqué par M. Hollande. Il a ainsi atteint 30 %. 
C'est d'ailleurs ce qu'indiquait le texte que le président avait sous les yeux. « Le taux de marge des entreprises a commencé à s'améliorer et s'établit aujourd'hui à 30 %, soit la plus forte progression depuis quatre ans », était-il écrit.
Mais le président a mal lu, et la référence aux « quatre ans » s'est malencontreusement transformée en « quatre points » de hausse, reconnaît-on à l'Elysée. Sans doute était-il encore « émerveillé » par le minidrone, le tee-shirt connecté et les autres prototypes innovants qu'il venait de découvrir, comme il l'a dit. « Le chiffre sera corrigé sur la version du discours que nous allonsmettre en ligne », précise un porte-parole.
Un discours exagérément optimiste donc, d'autant que la hausse de 0,5 point prête elle-même matière à discussion. Elle est en effet due uniquement à l'effet du CICE, le nouveau crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi dont les entreprises ont commencé àbénéficier
« Les comptables nationaux ont décidé de considérer ce CICE comme une subvention à la production, ce qui augmente facialement l'excédent brut d'exploitation, explique l'économiste Denis Ferrand, de COE-Rexecode, un institut proche du patronat. S'ils l'avaient intégré plutôt comme une baisse d'impôt, le taux de marge d'exploitation des entreprises n'aurait pas bougé. » 

Marine présidente…

Marine présidente ! Ce n’est plus seulement le souhait de ses électeurs mais une possibilité envisagée par un sondage IFOP paru dans Le Figaro de samedi et qui tétanise les partis de l’UPMS et les éditocrates de l’establishment (1). Pour la première fois, un sondage place Marine Le Pen en tête du second tour. Une confrontation avec François Hollande donnerait 43 % pour la présidente du Front national, 38 % seulement pour l’actuel chef de l’Etat.
Et une Marine Le Pen qui, au premier tour « et quel que soit son adversaire », arrive largement en tête. Recueillant 32 % des intentions de vote, elle devance François Fillon de quinze points et Alain Juppé de six : 32 -17  dans le premier cas de figure, 30 -24  dans le second. Le score se resserre un peu avec Nicolas Sarkozy : 28 -25 . Marine Le Pen se présente désormais en recours, au cas où le président de la République se résoudrait à dissoudre l’Assemblée, comme la présidente du Front national le demande. « Pour l’UMPet le PS, le temps de la facilité est terminé. Maintenant, il va falloir combattre idée contre idée, projet contre projet. » Sur l’immigration, sur l’insécurité, sur l’islamisation de certains quartiers, sur l’UE et l’euro, sur la préférence nationale… Des terrains où le Front national dispose d’un avantage certain sur ses adversaires. De Rome, où il festoyait dimanche avec la gauche italienne, Manuel Valls lance un cri d’alerte à la gauche : « L’extrême droite est aux portes du pouvoir. » Et l’UMPS au bord du gouffre ? Au nom du danger FN, le Premier ministre exhorte les élus de gauche à l’unité. Les « frondeurs » crient au « chantage ».
Ce sondage, peut-être historique par la tendance qu’il indique (mais qui ne fait, somme toute, que confirmer les élections de mars et mai 2014 en les amplifiant) bouscule bien des certitudes et plonge les dirigeants de l’UMPS dans un grand désarroi, que reflète bien l’affolement de Manuel Valls. Il achève de démoraliser une gauche déjà dans le trente-sixième dessous et va accroître un peu plus les tensions au sein de l’UMP. En effet, si Sarkozy fait mieux que ses concurrents pour décrocher la seconde place derrière Marine Le Pen lors du premier tour, en revanche, au second, il fait moins bien que Juppé. L’UMP, en plein dilemme, a donc un candidat pour le premier tour, et un autre pour le second. Avec Fillon dans les choux, mais qui s’accroche…

D’un choc l’autre

Vendredi un sondage, réalisé avant la parution du livre de Valérie Trierweiler, chiffrait l’impopularité record de François Hollande à 13 % de satisfaits. Dimanche, un autre sondage paru dans le JDD indiquait que 85 % des électeurs français ne souhaitaient pas voir l’actuel président se représenter en 2017. Les sondages, pour Hollande, se suivent et se ressemblent : tous semblables à des faire-part de décès…
Après le choc de compétitivité (raté), le choc Treierweiller (réussi pour cette dernière), le choc, donc, des sondages. On comprend que François Hollande, en train de boire la tasse dans la vague bleu Marine, soit choqué. C’est bien l’impression que ce président désormais en loques donnait vendredi après-midi au sommet de l’OTAN. Même Le Monde, quotidien pro-Hollande, parle d’une « légitimité personnelle en lambeau » et d’une « légitimité politique en ruine ». Son illégitimité devient donc de plus en plus apparente ? « Le président normal qui entendait établir une frontière étanche entre vie publique et vie privée pour mieux rétablir la dignité de sa fonction, se trouve – par sa faute – plongé dans des feuilletons indécents. »
Parmi tous les chocs que François Hollande encaisse actuellement, il faut sans doute y ajouter celui de son orgueilleuse et arrogante anaphore qui lui revient en pleine figure avec une violence inouïe, tant la réalité de son quinquennat est contraire à ses rodomontades de campagne.
Une descente aux enfers dans laquelle le président déguenillé entraîne aussi son Premier ministre : la cote de popularité de celui-ci s’amenuise également à vitesse accélérée. Pour Manuel, c’est la valse à l’envers… Hollande croyait, en le nommant à Matignon, pouvoir vampiriser un peu de sa popularité. C’est le contraire qui se produit.
Alors, la dissolution ? Marine Le Pen, lors de son discours de clôture de l’Université du Front national de la jeunesse qui se tenait ce week-end à Fréjus, l’a jugé « inévitable ». Elle n’est d’ailleurs plus la seule à le penser et à le dire. Y compris d’ailleurs un certain François Hollande lui-même, puisqu’en 2006 il écrivait : « Je ne crois plus à la possibilité de venir au pouvoir sur un programme pour cinq ans dont il n’y aurait rien à changer au cours de la mandature. Je pense qu’il y a forcément un exercice de vérification démocratique au milieu de la législature. » Nous y sommes !
Mais, se démentant une fois de plus lui-même, François Hollande, bien qu’au fond du gouffre, affirmait vendredi en direct du sommet de l’OTAN, la mine décomposée : « J’ai été élu pour cinq ans par le peuple français, je suis à mi-mandat, il n’y a pas de sondage, aussi difficile soit-il (…), qui puisse interrompre le mandat que donne le peuple au président de la République. J’agis et j’agirai jusqu’au bout. » Jusqu’au bout de l’échec et du rejet qu’il inspire désormais aux Français ? Dimanche, Marine Le Pen a dénoncé un quinquennat « crépusculaire ». Que l’heure du redressement national vienne vite chasser ce crépuscule bruineux avant qu’il ne se fasse plus sombre…
(1) Cet anglicisme désigne, rappelons-le, « un groupe puissant de gens installés qui défendent leurs privilèges et leurs positions sociales ». Et Dieu sait si nos dirigeants sont bien installés, et depuis longtemps, dans leurs prébendes… 

Impopularité de Hollande: «Le problème n'est pas le président, mais son entourage»

Ils sont les derniers fidèles du président. Les 13%. Pour Le Figaro, ils expliquent pourquoi ils y croient encore.
Jusqu'où ira la chute du président de la République? Selon le baromètre TNS Sofres-Sopra pour Le FigaroMagazine réalisé entre le 28 août et le 1er septembre, seuls 13% des Français accordent leur confiance au chef de l'Etat. Comment les derniers soutiens du président vivent cette nouvelle dégringolade? Qu'est-ce qui les aide à tenir bon? Dans les commentaires du Figaro, quelques-uns ont osé se manifester, malgré les critiques des autres internautes.
En dépit d'une rentrée politique catastrophique - ministres indisciplinés, éclatement du gouvernement, indicateurs économiques en berne - certains commentateurs continuent en effet d'afficher leur soutien à la politique du président: «Je lui fais toujours confiance parce que nous sommes encore à mi-mandat. Poser une politique prend du temps, il ne faut pas rêver», confie Mathilde P. Même pensée pour Yves F: «J'ai toujours confiance en l'action de l'actuel président et de son gouvernement. J'avoue être partiellement déçu, mais il lui reste encore trois années à la tête du pays.» Jérémy E les suit dans leur raisonnement: «Je jugerai en 2017, à la fin de son mandat présidentiel. J'ai voté Hollande en 2012 et je ne le regrette absolument pas. Je reste persuadé qu'il lui faut du temps.» «Le mariage pour tous ne fait pas tout, même si c‘était une bonne chose. Un professeur note une copie sur l'ensemble des réponses fournies et non pas sur une seule donnée correcte. Les citoyens français devraient pareil», conclut Carla C.
Certains, comme Pierre R, restent inflexibles concernant l'homme: «J'ai 20 ans, je viens de l'Ain et je suis en école d'ingénieurs. Je soutiens l'homme: pas de bling-bling, un bon esprit, pas une image de gourou… Au vu de la situation actuelle, on ne peut pas lui en vouloir personnellement.» «Je crois encore en Hollande, il nous sauvera de la crise», prédit Julien P, le plus optimiste de nos commentateurs, bravant les réflexions désagréables de nombreux autres internautes, guère hollandôlatres.

«Hollande est le coupable idéal pour tous nos maux»

Certains pourtant laissent paraître leurs craintes: «Je dois avouer que je suis inquiet en raison ce chiffre [de 13% ndlr]. Je pense qu'il n'est pas dû à ses actes, mais à l'absence de résultats significatifs et aux petites querelles au sein du gouvernement», analyseMin Y. «Le problème n'est pas le président, mais son entourage. Il a nommé des gens qui ne se sont pas révélés fiables. Tout le monde pense des choses différentes au Parti socialiste: il n'est pas étonnant que la popularité du président dégringole», renchéritFatima M.
Pour Audray O, l'exécutif paie les pots cassés de ses prédécesseurs: «La gauche n'est pas totalement responsable et ne fait que contribuer aux résultats de la politique de l'UMP.»Canion P assure encore que François Hollande est juste un bouc émissaire: «La chute de popularité du président est pour moi l'illustration parfaite de ce qui ronge actuellement la société française: il faut absolument trouver un coupable à nos maux.» Claudine Bsouligne ce manque de cohésion et prône une solidarité nationale: «Dans le climat actuel, on doit se serrer les coudes et rester fidèle à notre pays et à notre président. Ce n'est pas le moment de jouer et de se désunir.»

Projet de révision constitutionnelle

Dans la continuité de mon billet d’hier, voici la révision constitutionnelle que je proposerais, avec en gras, les ajouts nécessaires:
ARTICLE 5.
Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État.
Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, et du respect des traités, de l’unité et de l’avenir de la Nation.
Il nomme le Premier ministre, responsable devant lui et devant l’Assemblée nationale. Ce dernier est seul chargé du gouvernement quotidien du pays, dans le cadre d’objectifs généraux définis par le président de la République et communiqués à la Nation une fois par an.
Au service de la France, il s’abstient de toute activité ou prise de position partisane.
ARTICLE 6.
Le Président de la République est élu pour cinq sept ans au suffrage universel direct.Son mandat n’est pas renouvelable. Dans l’année qui suit la fin de la première moitié de son mandat, il engage sa responsabilité dans le cadre d’un référendum.
Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs.
Bon, ce n’est pas parfait, mais c’est juste un début de réflexion. Qu’en pensez-vous?

Eric Zemmour : «La plume acérée de Maxime Tandonnet découpe la vanité du pouvoir»

La lumière brûle. Maxime Tandonnet, désormais, le sait. Au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy, il est sorti du bienfaisant anonymat qui le protégeait ; et s'avoue heureux d'y être retourné. Ce haut fonctionnaire, fin et subtil, était chargé à l'Élysée des questions d'immigration et de sécurité. Notes administratives, éléments de langage, discours, réunions, voyages officiels étaient son lot quotidien. Discrétion et efficacité, ses règles de conduite. Et puis, soudain, pour un texte qu'il n'a pas rédigé seul (le fameux discours de Grenoble de Sarkozy en 2010) et dont il avait même contesté véhémentement les aspects les plus polémiques (déchéance de nationalité des assassins de policiers) il se retrouve au cœur d'une polémique d'une rare violence, traité de fasciste et de raciste sur les réseaux sociaux, tandis que la presse de gauche mettait sa tête au bout d'une pique médiatique. Tandonnet s'explique, se défend, se justifie. Avec précision et conviction. Parfois trop. Si ce plaidoyer personnel donne un côté romanesque au récit, ce n'est pas le meilleur passage du livre. On sent notre énarque blessé, presque craintif, s'apitoyant sur lui-même ; son récit y perd un peu de ce qui faisait jusqu'alors son charme corrosif: ce scalpel acéré qui découpait en petites lamelles fines les hommes et les choses, la comédie politique et la vanité du pouvoir.

Thévenoud, Trierweiler : assistons-nous à l'autodestruction de la politique ?

Alors que le président est critiqué au sein même de sa majorité, Maxime Tandonnet s'inquiète des conséquences de l'absence d'un personnel politique digne de ce nom, alors même que le pays est en crise.
Rongée par les divisions entre Wallons et Flamands, la Belgique a vécu pendant plusieurs mois, dans les années 2010 et 2011, sans gouvernement. Aujourd'hui en France se pose la question de savoir si un pays peut vivre longtemps en l'absence d'une classe politique digne de ce nom, non seulement de pouvoir légitime, de gouvernement effectif du pays, mais aussi d'opposition. La débâcle de la classe politique dans sa globalité continue en effet de s'amplifier. La majorité silencieuse, la France dite «d'en bas» ne cesse d'exprimer son rejet de l'élite politique, de se
s autorités dirigeants et de sa représentation. Un fameux sondage CEVIPOF de janvier 2014 soulignait que 11% des Français font confiance aux partis politiques. 36% éprouvent, envers la politique, de la méfiance et 31% du dégoût, 11% de l'ennui, soit 78% au total qui en ont une vision négative et 88% jugent que les politiques ne se préoccupent pas de ce que pensent les gens comme eux.
Les évènements de 2014 n'ont pu que renforcer ce rejet massif de la classe politique par les Français: le Vaudeville hallucinant à la tête de l'Etat, l'affaireThomas Thévenoud, après tant d'autres, illustrant ce qu'il peut y avoir de pire dans la tartufferie et l'hypocrisie des donneurs de leçon, mais aussi l'impressionnante glissade de l'opposition dans les chamailleries d'ego et de plans de carrière au détriment de l'intérêt général et du débat d'idées. Tout cela se produit sur fond de désespoir d'un pays frappé de plein fouet par un chômage massif qui atteint 3,4 à 6 millions de personnes, selon le mode de décompte, un climat international qui n'avait pas été aussi dégradé et inquiétant depuis des décennies.
Dans un tel contexte, il est presque miraculeux que le parti protestataire, anti-mondialisation, qui monopolise l'attention et la passion des médias, reste confiné, depuis des années, voire des décennies, à un niveau plafond de 20 à 24% des intentions de vote, même si du fait de l'effondrement des autres, il se présente en ce moment comme le «premier parti». C'est tout le paradoxe du Front National. Gardant une image profondément négative dans le pays - 68% des Français en ont une vision défavorable selon BVA le 11 mai 2014, ce que confirment toutes les enquêtes - il sert malgré lui d'ultime rempart au système politique. Sans ce parti, à la fois présent médiatiquement mais véhiculant une tradition inacceptable pour une vaste majorité des Français, il est vraisemblable que la condamnation du milieu politique se cristalliserait tout autrement et s'exprimerait de manière beaucoup plus massive sinon majoritaire, entraînant alors des chamboulements profonds dans le pays. Le réflexe de survie explique l'acharnement de la classe politique à mettre le FN en valeur, à l'image d'un Premier ministre qui le prétend, contre toute évidence, «aux portes du pouvoir» ou des leaders de l'opposition qui, à force d'en faire une cible privilégiée, confortent sa place centrale sur l'échiquier politique. Par un étrange paradoxe, la classe politique semble avoir besoin du FN, à la fois comme repoussoir, dérivatif à ses échecs et faire-valoir...
Combien de temps un pays peut-il vivre sans classe politique reconnue, légitime, condidérée comme représentative? La crise actuelle donne l'impression que la France suit désormais sa route sans la politique. L'Etat continue de fonctionner, tant bien que mal. «Une fois de plus, on voit que ce qui tient bon dans les coups durs, c'est le réseau des préfets et des sous-préfets. C'est l'Etat.» Ces propos du Général de Gaulle, dans le chaos de la fin de la guerre d'Algérie, rapportés par Alain Peyrefitte dans C'était de Gaulle, illustrent la situation actuelle. Le pays semble tenir vaille que vaille par son Etat, son administration, la compétence et la constance de ses préfets, magistrats, ambassadeurs, généraux, de ses professeurs, policiers, travailleurs sociaux, debout dans la tempête. La société civile continue de fonctionner. Les trains partent à l'heure, les étudiants sont accueillis dans les universités, l'approvisionnement du pays n'est pas remis en cause; dans un contexte économique dramatique, ses entreprises tournent et certaines, notamment les PME, dans la discrétion, investissent, recrutent, innovent. Tout pourrait ainsi continuer pendant des années.
Cependant, la débâcle de la politique n'est pas supportable à long terme. L'absence de pilotage politique et d'alternative crédible se traduit par un décrochage du pays en Europe et dans le monde. La vie politique se cantonne surtout à la communication, aux polémiques, aux coups médiatiques, aux postures, mais déserte le réel, le champ des réformes nécessaires et de l'action. L'Allemagne, gravement affectée par le crise de 2008 et 2009, a profondément transformé son système économique et social ces dernières années. Son économie est aujourd'hui fleurissante avec un taux de chômage de 5%, une puissance industrielle qui en fait le second exportateur de la planète, et la quasi-disparition de ses déficits publics. L'antigermanisme montant dans une partie de la classe politique française n'est qu'un signe supplémentaire de repli et d'aigrissement. Le Royaume-Uni se transforme et atteint le plein emploi, l'Italie et l'Espagne reprennent le chemin de la croissance au prix de profondes réformes de leur système économique et social. La France, elle, n'est toujours pas sortie du boulet de ses 35 heures, des rigidités de son marché du travail, de ses effroyables records de prélèvements obligatoires (47% du PIB), de ses déficits et endettement massif, ni de ses régimes de retraite à la fois injustes et insoutenables. En outre, le pays se divise, avec une montée de la violence et des communautarismes, l'aggravation des phénomènes de ghettoïsation, la crise de son éducation nationale, de l'autorité en général, sans véritable réponse politique, de long terme, à ce morcellement croissant. Non, une nation ne peut pas survivre longtemps sans pilote dans l'avion, sans une classe politique, une représentation digne de confiance et d'autorité.