Depuis le début du quinquennat, il cherche sa case sur un échiquier sans cesse bousculé. Fallait-il donc qu’il expie ? Dans l’imprévisible jeu du pouvoir où il n’est, depuis 2007, qu’un pion subalterne, le Premier ministre doit régulièrement réinventer une fonction, la sienne, dont il avait imprudemment prophétisé la disparition, avant de la ressusciter.
Après l’effacement consenti des années de l’hyperprésidence puis la revanche combative de l’automne 2010 pour rester à Matignon, voilà à nouveau François Fillon relégué dans un second rôle. Cette fois, en effet, c’est presque en spectateur qu’il a assisté à l’épisode de ce remaniement alors qu’il avait été un acteur prépondérant du précédent. En faisant cohabiter un Premier ministre avec un vice-président virtuel intronisé par les médias, la V e République sarkozienne, décidément, n’en finit plus de se contorsionner pour trouver son équilibre.
Hier matin, sur RTL, c’est avec une distance déférente, à la fois déliée et prudente, que le chef du gouvernement a commenté la constitution de «sa» nouvelle équipe. Encadré par trois poids lourds sur quatre, placés aux postes régaliens, le voilà paré pour une rocardisation annoncée. Que lui reste-t-il comme espace politique entre un chef de l’État qui pratique une gestion très personnelle de la présidence, un chef de la diplomatie qui ne souffre aucune tutelle, et un ancien n° 2 du régime, installé place Beauvau, qui ne sera pas du genre à rendre des comptes sur son action au ministère de l’Intérieur ? Hier soir, M. Fillon a bien sifflé la fin de la récréation, à la mode barriste, en moquant l’agitation du bocal microcosmique mais cette posture sera-t-elle suffisante pour masquer son affaiblissement, voire une certaine relégation qui ne fait pas pleurer le Président ? Les sondages qui vont decrescendo et le double handicap de ses vacances égyptiennes et de ses vols en avion pour ses week-ends sarthois ont, semble-t-il, fait leur œuvre sur sa popularité, dont il ne s’est pas servi à temps pour marquer un avantage définitif.
On verra aujourd’hui, à l’occasion de la rentrée parlementaire et de la séance des questions au gouvernement, comment le Premier ministre tentera de reprendre la main sur son terrain, l’hémicycle du Palais Bourbon, où il joue à domicile devant le public acquis des députés UMP. Mais avant que le coq chante, il a déjà subtilement renié toute vassalité. Trois fois. En défendant l’honneur de Michèle Alliot-Marie, en refusant un débat sur l’islam qui stigmatiserait les musulmans et en souhaitant que la peur des flux migratoires ne soit pas l’alpha et l’omega de la nouvelle politique méditerranéenne de Nicolas Sarkozy. A l’oreille, ce sont plus que des nuances. Des bémols qui donnent à la musique de l’exécutif un son original moins accordé que sur les partitions officielles.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire