dimanche 2 février 2014
L'étude qui montre que devenir riche rend salaud (et que c'est notamment à cause des pauvres)
D'après un chercheur américain en psychologie sociale, plus une personne s'enrichit, moins elle aura tendance à faire preuve de compassion et d'empathie.
Therry Gallois : S’enrichir apporte davantage de pouvoir et/ou de puissance. L’argent permet aussi de renvoyer aux autres une image de soi-même qui est valorisée : on affiche sa valeur au travers des possessions. Et plus on s'enrichit, plus on a peur de « retomber ». On nourrit une angoisse plus ou moins consciente de la ruine, qui va avoir pour conséquence l’individualisation et l’oubli des personnes autour de soi. Lorsque la richesse est forte et rapide, surtout, le mouvement ascensionnel est tel que la peur de redescendre est encore plus intense.
Des éléments de personnalité s’ajoutent à cela, qui peuvent atténuer ou amplifier le phénomène. Si la valeur de solidarité n’est pas ancrée dans l’éducation de la personne, la dérive égocentrique est bien plus marquée.
La peur de la ruine est plus ou moins consciente. Les sujets qui partent de niveaux bas ou moyens et qui construisent une richesse par quelque moyen que ce soit sont les premiers concernés. Le réflexe est de protéger la situation nouvelle à tout prix.
Ne soyons pas aussi extrêmes. Notre personnalité joue, ainsi que l’éducation de chacun. Le monde dans lequel nous avons été élevés nous influence énormément. On peut chercher à s’enrichir beaucoup sans pour autant oublier les autres.
Notons que les mentalités américaine et française sont très différentes par rapport à l’argent et la réussite. Chez nous, l’argent a un effet de culpabilisation évident. Chez les anglo-saxon au contraire la réussite et l’argent sont valorisés, puisqu’ils sont censés favoriser le partage : les dons sont beaucoup plus courant là-bas. Il serait d’ailleurs intéressant de mener des études comparatives plus poussées.
La notion de justice est très présente notre monde occidental. Lorsqu’on voit des fortunes construites rapidement, grâce à un héritage ou à l’euro-million par exemple, la bienveillance laisse vite place à l’envie : pourquoi lui et pas moi ? Cela est très présent dans nos mentalités, ce qui peut déclencher une position de retrait chez le possédant, soit parce qu’il se protège, soit parce qu’il se sent rejeté. Certains gagnants du loto ont été jusqu’à dilapider leur richesse pour revenir à leur situation d’avant. L’argent génère toujours attirance et répulsion, nous n’avons pas beaucoup évolué sur ce point.
Notre rapport à l’argent est en train d’évoluer, car nous en parlons beaucoup plus qu’avant. La notion de réussite est de plus en plus mise en avant, et est même vécue par certains jeunes comme un objectif. Le revirement s’est effectué dans les années 1980.
Si on prend l’exemple de quelqu’un comme Bill Gates, on peut supposer que son évolution s’est faite par étapes. Il a dû passer par un moment de protection à l’égard du monde, puis son sentiment de sécurité lié à sa fortune qui est considérable, mêlé à sa culture du don à l’américaine, l’a poussé à se poser des questions et à revenir à une position d’empathie. Intérieurement, il a beaucoup « voyagé », il est au-delà de toutes les peurs inhérentes à la richesse.
La France, l'investissement, et le biais de narration
Les trois Christs d'Ypsilanti
Un beau matin, à la fin des années 50, trois hommes se rencontrèrent pour la première fois dans l'hôpital national d'Ypsilanti, . Ils commençaient une expérience étrange, qui ne devait jamais être recommencée plus tard, sous la supervision du psychologue Milton Rokeach, qui allait durer deux ans et les conduire, chaque jour, dans cette même pièce pour y discuter. Ils n'avaient pas grand chose en commun, à part une caractéristique :chacun d'entre eux se prenait pour la réincarnation de Jésus-Christ.
L'objectif du psychologue, en les faisant se rencontrer chaque jour, et confronter leurs histoires, était de les guérir. La bible précise qu'il n'y a qu'un seul fils de Dieu. Si réellement chacun d'eux se prenait pour le Christ, ils allaient subir un choc; en constatant que les histoires des autres étaient les mêmes que la leur, cela les conduirait à remettre leur propre histoire en question. Comment allaient-ils pouvoir préserver leur croyance, Mais pendant deux ans, rien de tel ne s'est passé. Les trois hommes ont conversé, en sont parfois venus aux mains; chacun d'eux a demandé aux deux autres de cesser de s'illusionner et de commencer à le révérer, sans succès. Interrogés sur le fait d'être dans un hôpital psychiatrique, avec deux autres individus partageant le même délire, chacun d'eux aboutissait à la même conclusion : les fous, c'étaient les deux autres. Ils mettaient une ingéniosité particulière à déceler les failles dans le discours des deux autres; mais jamais ils n'ont remis en cause leur propre croyance.
On appelle biais de narration notre tendance à appréhender les faits qui nous entourent comme un récit. Nous préférons recevoir l'information sous forme d'histoire; racontée sous cette forme, l'idée la plus saugrenue nous paraît plus plausible. Les publicités qui racontent une histoire nous semblent bien plus crédibles que les autres; et lorsque notre cerveau a appréhendé la réalité sous forme d'un récit, il nous est très difficile d'en sortir. Un autre biais intervient, le biais de confirmation : lorsque de nouvelles informations nous parviennent, nous sélectionnons et ne retenons que celles qui viennent confirmer le récit d'origine, en excluant automatiquement toutes les autres.
Les trois Christs d'Ypsilanti nous paraissent aberrants parce que leur croyance est pathologique; mais nous partageons les mécanismes mentaux qui les ont conduit, tout au long de l'expérience, à préserver leur certitude. Il faut se méfier des histoires; si elles sont le moyen par lequel notre cerveau rend le monde intelligible, elles nous empêchent aussi de comprendre la réalité - qui ne se plie pas toujours à la structure narrative.
77%
Il y a quelques jours, un chiffre tombait comme un coup de tonnerre : les investissements directs étrangers vers la France ont chuté de 77% en 2013, selon un rapport de la CNUCED. Ce chiffre a donné lieu à toute une série d'articles alarmistes : les étrangers fuient l'économie française, on en a enfin la preuve. Et de s'interroger gravement sur les facteurs qui permettraient de redresser la barre, sur le déclin national qui s'accélère, poussé par la frénésie fiscale du gouvernement actuel.
Il n'y a pas de mal à s'interroger sur l'attractivité de l'économie française et ses facteurs; mais le chiffre de la variation d'une année sur l'autre des Investissements Directs Etrangers est un très mauvais indicateur pour le faire. Le graphique ci-dessus, qui illustre cet article, le montre : ce chiffre est extrêmement volatil. Les IDE vers la France ont baissé de 50% entre 2007 et 2008, pour remonter de 74% entre 2010 et 2011. Un tout petit nombre d'opérations détermine d'énormes fluctuations; par ailleurs, ironiquement, si une entreprise étrangère est très bien implantée en France, elle aura tendance à se financer sur le marché des capitaux national plutôt que de faire appel à sa société-mère, ce qui tendra à réduire les entrées d'IDE. Si vraiment les IDE d'une année sur l'autre étaient significatifs, il faudrait surtout s'interroger pour la Suisse, dont les IDE entrants ont diminué de 98% si l'on en croit le même rapport!
Personne n'a écrit que l'attractivité française s'effondrait en 2008 (-50%); ni que la France avait redoré son blason de manière éclatante en 2011 (+74%). Mais cette année, le chiffre est "inquiétant". Pourquoi?
Parce qu'il s'inscrit dans un récit. Dans ce récit, les capitaux fuient la France, l'homme malade de l'Europe, le pays incapable de se réformer contrairement à tous les autres qui ont fait "le nécessaire". Au lieu de faire des efforts, les français ont préféré voter pour des socialistes qui ne savent que voter des hausses d'impôt et faire fuir les entreprises.
Peu importe que la France ait mieux traversé la crise depuis 2007 que la moyenne européenne. Qu'il y ait, en matière de politique économique, beaucoup plus decontinuité que de différences entre le gouvernement actuel et le précédent, y compris dans les revirements brouillons. Ce qui est d'ailleurs assez compréhensible: dès lors qu'on a décidé d'accepter le même faisceau de contraintes, on limite inéluctablement le champ des possibilités. Le biais de confirmation fera que toute information contradictoire sera négligée, considérée comme non pertinente. 77% de baisse des IDE est un problème pour la France, 98% de baisse une statistique étonnante pour la Suisse. Les efforts du gouvernement pour persuader le monde entier que la France est un pays raisonnable auront le même effet : s'ils ont tellement besoin de se justifier, c'est la preuve qu'il y a un problème!
Les récits changent la réalité
On pourrait croire qu'à notre époque informée, dans laquelle il suffit de quelques minutes pour disposer sur n'importe quel sujet d'une formation considérable, les erreurs ont tendance à disparaître par exposition aux faits. C'est exactement l'inverse qui se produit. Loin d'être un moyen de se confronter à des idées qui pourraient nous faire changer d'avis, la profusion d'information nous permet au contraire de picorer exactement ce qui confirme nos idées préétablies. Les réseaux sociaux, dans lesquels nous choisissons ceux que nous écoutons et avec lesquels nous discutons, servent de caisse de résonance; même la recherche google, dont les résultats sont de plus en plus personnalisés sur la base de notre historique de navigation, organise le biais de confirmation au lieu de nous en préserver. Et la tentation de se référer à une histoire pour aborder un sujet est toujours très forte; l'auteur de ces lignes y a succombé récemment. C'est une erreur : en croyant corriger une idée fausse, on ne fait au bout du compte que la conforter.
Selon les psychologues, il y a un contenu commun à tous les récits qui nous marquent. Le personnage qui a des défauts, est soumis à des épreuves, et soit échoue et en paie les conséquences, ou au contraire parvient à surmonter ses travers pour s'en sortir, est la trame de pratiquement tous les récits célèbres. Lorsque des faits nous sont présentés sous cette forme, il est presque impossible de résister à cette présentation. Mais c'est dangereux.
Peu de choses ont été plus nuisibles, depuis le début de la crise de la zone euro, que lerécit de la crise causée par quelques pays impécunieux qui doivent désormais s'en sortir à force d'épreuve qui les sortira de leurs tares. De la même façon, le récit d'une France fuie par les investisseurs étrangers pousse à des politiques s'imaginant qu'il suffit de quelques carottes fiscales pour résoudre tous les problèmes. Au lieu de traiter les vrais problèmes de l'économie française, on cherche simplement à changer le récit que s'en font les commentateurs; le plus souvent, sans succès.
De la médiocrité du personnel politique actuel
De la médiocrité du personnel politique actuel
Entendons-nous bien. Je parle du personnel politique actuel, actif et présent médiatiquement, dans son ensemble, d’un bout à l’autre de l’échiquier idéologique. J’en exclus quelques rares personnalités qui me paraissent supérieures à la moyenne (exemple: Laurent Wauquiez, Henri Guaino, Nicolas Dupont-Aignan). Les autres me donnent le sentiment d’être privés d’épaisseur comme on dit, de vision de l’avenir, de lucidité, voire d’humanité. Il se présentent comme de purs communicants, à la recherche du bon mot, de la polémique, du slogan qui va faire parler d’eux. Ils n’ont pas beaucoup étudié, ni lu, ni réfléchi, parvenus au sommet grâce à leur réseau familial, clanique, relationnel, et poussés vers le haut par une vanité quasi pathologique, inversement proportionnelle à leurs facultés intellectuelles. Privés d’éthique, de notion de la vérité ou du mensonge, incapables de travailler en profondeur sur l’avenir de la société, les réalités, ils versent dans l’agressivité fébrile, le sectarisme forcené – c’est toujours la
faute des autres – ou bien le politiquement correct absolu, ou encore la fuite en avant dans l’utopie et la provocation. Ils lisent les fiches préparées par leur entourage, hors d’état d’improviser et de penser par eux-mêmes; roués au débats crétins de la télévision où il faut radoter en gueulant pour se sentir vainqueur. Ils n’ont pas la moindre idée de ce qu’est l’intérêt général, le bien commun, le destin d’une nation. Ils sont dans le calcul à la petite semaine, la tactique, le bon coup. L’idée de ne pas être un jour Calife à la place du Calife, bomber le torse sous les ors du Palais, les indigne, les révulse, leur est insupportable. Et pourquoi pas eux? Hein? Pourquoi? Vous avez compris, je ne les aime pas beaucoup. J’aime trop la politique, l’échange d’idées et l’intérêt général pour supporter ces nouveaux tartarins qui ont envahi la scène politicienne.
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