vendredi 20 février 2015
Loi Macron : les leçons d’un psychodrame
L'éditorial. La manière dont l’essentiel de la droite s’est comporté, à cette occasion, va finir par lui revenir dans les jambes tel un violent boomerang qu’elle aurait elle-même lancé.
Jusqu’à présent, personne n’ignorait que la France souffrait d’avoir la droite la plus bête du monde. Désormais, nous savons aussi qu’elle a la gauche la plus incapable de se réformer. Mardi après-midi, à quelques minutes du vote très attendu de la loi sur la croissance et l’activité, défendue avec talent par Emmanuel Macron, le gouvernement s’est aperçu qu’il n’avait pas de majorité pour faire approuver ce texte. Et après une réunion extraordinaire du Conseil des ministres, il a donc décidé de faire adopter cette loi en engageant la responsabilité du gouvernement.
Bien sûr, les politologues vont pondre des pages d’exégèse sur l’utilisation par un pouvoir socialiste de ce très controversé article 49 alinéa 3 de la Constitution. Bien sûr, le recours à cette procédure n’aurait pas été nécessaire si une poignée de frondeurs n’avaient pas décidé de faire le forcing pour infliger un camouflet à un Manuel Valls qu’ils taxent de “social-libéral” comme si c’était la pire des injures. Bien sûr, derrière tout cela, c’est le congrès de Poitiers qui se prépare et Benoît Hamon qui espère bien ravir le parti à Jean- Christophe Cambadélis.
Mais il est malheureux que s’agissant d’un texte d’intérêt général, et non partisan, il ne se soit trouvé qu’une douzaine de députés de l’UMP ou de l’UDI prêts à éviter un tel psychodrame et surtout un tel spectacle donné au pays. Quel malheur pour la France de voir le procès en sorcellerie de cette loi dressé par la députée communiste des Hauts-de-Seine Jacqueline Fraysse, applaudie debout par la plupart des députés de droite ! Quelle aberration de voir mêlées dans le même conservatisme aveugle, des voix de l’extrême gauche et celle d’une droite qui se dit prête à gouverner en 2017 !
Comme l’a dit François Hollande, la loi Macron n’est pas « la loi du siècle ». Comme nous l’avons nous-mêmes expliqué dans Valeurs actuelles, ce n’est pas une panacée. Mais faut-il voir sans cesse le verre à moitié vide ? Ou bien était-il vraiment impossible, dans l’état où se trouve actuellement l’économie française, de voter une loi qui simplifie les procédures de licenciement (ce que réclame la droite depuis des années), qui rénove la justice prud’homale (ce que souhaitent les 2 millions d’entrepreneurs), qui permet de clarifier les modalités du travail dominical et qui déverrouille une quantité de cadenas qui bloquaient la croissance et l’activité économique ?
En s’essuyant les pieds sur ce texte, les députés ont montré qu’ils vivaient dans une bulle à mille lieues des préoccupations de leurs électeurs. Ils ont montré qu’il était plus important pour eux de renvoyer à ses chères études quelqu’un qu’ils n’ont jamais admis, parce qu’il a été banquier chez Rothschild & Cie, plutôt que de permettre à des dizaines de milliers de jeunes d’avoir accès à un emploi. Ils ont préféré caricaturer un texte plutôt que de rendre service à l’économie française, aux entreprises et à tous ceux qui créent de l’emploi. Ils ont préféré un quart d’heure de vengeance stupide à l’égard de la majorité actuelle à un texte qui aurait pu changer la face de notre économie au cours des dix années à venir.
En agissant ainsi, les députés ont montré qu’ils étaient finalement aveuglés par le syndrome Syriza, ce parti d’extrême gauche qui vient d’être porté au pouvoir en Grèce pour avoir joué sur la seule fibre populiste. Ils ont laissé croire, une nouvelle fois aux Français que comme en Grèce, il n’y avait finalement aucun problème à nier la réalité, les 10,3 % de taux de chômage, les 25 % de jeunes sans emploi, une dette de 2 050 milliards d’euros que nos petits-enfants devront encore rembourser dans cinquante ans et un déficit budgétaire qui continue de progresser, alors qu’il recule partout ailleurs en Europe.
Ce qui vient de se passer est lourd de conséquences pour la gauche, qui va devoir maintenant gérer ses fractures. En même temps, ce recours au 49-3 témoigne de la part de Manuel Valls de sa volonté de s’imposer coûte que coûte comme le réformateur qu’il avait promis d’être il y a onze mois en devenant premier ministre.
Mais la manière dont la droite s’est comportée à cette occasion va finir par lui revenir dans les jambes tel un violent boomerang qu’elle aurait elle-même lancé. Comment pourra-t-elle expliquer, une fois revenue au pouvoir, qu’il faut simplifier les licenciements, déverrouiller les rigidités de notre économie, faciliter le travail dominical, alors qu’elle aura tenté de bloquer la loi Macron ? Cette attitude irresponsable se paiera cher. Une fois encore, par la montée des extrêmes, de tous les extrêmes. De tous ceux qui refusent de regarder la réalité en face. Et qui, ce faisant, accentuent lentement mais sûrement le déclin de notre pays.
La Grèce au bord du drachme
Crise. Mélange de fables économiques : la cigale grecque voulait se faire aussi grosse que le boeuf. Elle a péché par vanité avec la complicité de l’Europe. Éclairage sur une crise à rebondissements qui pourrait aboutir à la sortie de la Grèce de la zone euro.
Prenez un shaker, mettez-y un pays qui, pour entrer dans la zone euro, a caché l’ampleur de sa dette et de ses déficits, champion de l’évasion fiscale, où la corruption est devenue un sport national. Rajoutez les conséquences économiques et sociales du ralentissement mondial lié à la crise des subprimes et deux grosses cuillerées de cure d’austérité sous l’égide d’un contrôle international, la troïka, en échange d’aides financières massives… Secouez le tout et vous obtiendrez un cocktail des plus explosifs : la Grèce à la veille des élections législatives du 25 janvier dernier.
Syriza les a emportées en rassemblant les voix des Grecs laminés par quatre années de crise et lassés par les malversations des conservateurs et des socialistes qui alternent au pouvoir depuis quarante ans. À la tête de ce parti de la gauche radicale, Alexis Tsipras, un populiste qui a fait campagne en promettant qu’une fois élu il réclamerait l’effacement de l’essentiel de la dette grecque, qui se monte aujourd’hui à 320 milliards d’euros, soit 175 % du PIB.
Devenu premier ministre, il plaide maintenant pour un réaménagement des engagements grecs en cherchant à s’affranchir d’une troïka jugée trop contraignante et directive. Avec Yanis Varoufakis, son ministre des Finances, il a engagé un bras de fer avec l’Europe en espérant qu’elle se pliera à ses exigences et que l’Allemagne, tenante de l’orthodoxie budgétaire, sera marginalisée. Ses armes ? Gesticulations et chantage. Il menace l’Europe de demander de l’aide à la Chine et à la Russie, et exige de l’Allemagne des réparations de guerre… La Banque centrale européenne (BCE) a aussitôt réagi en fermant aux banques grecques le canal qui leur permettait de se refinancer auprès d’elle, ne laissant en place qu’un dispositif d’urgence.
Statistiques lointaines
La moindre statistique sur la Chine donne le vertige. Ces gens-là étant assez nombreux, tout événement mobilise des foules considérables. Comme on célèbre actuellement le nouvel an et l’avènement de la chèvre, manifestation fort prisée des Chinois, il est prévu qu’ils se déplaceront 3, 6 milliards de fois à cette occasion. Déjà 295 millions de tickets de train et 42 millions de billets d’avion ont été vendus. Quant à ceux qui se souhaiteront la bonne année par texto, ils n‘ont pas à s’inquiéter : dix millions de messages seront transmis par minute. On fait certes pâle figure à côté d’eux. Mais le nombre n’a jamais triomphé. Nous avons notre revanche : nos vins surpassent sans mal leur alcool de riz et il est d’un ridicule achevé de manger du foie gras avec des baguettes.
Le nouveau ni-ni
Le suspense était inexistant : pas une voix n’a manqué à droite et à l’extrême-droite pour voter la censure, ni au Parti socialiste pour la rejeter. La logique procédurale a prévalu : aucune majorité ne s’est dégagée contre le gouvernement.
Nous voici donc à un tournant du quinquennat avec l’installation d’un étrange rapport de force : il n’y a plus de majorité pour soutenir les grandes réformes structurantes dont la France a besoin et que réclament ses partenaires, et il n’y en a pas contre non plus. Une sorte de nouveau ni-ni. Cela ne menace pas directement la survie du gouvernement : il peut parfaitement tenir en maniant l’arme du « 49.3 ». Mais cette pratique du coup de force permanent a des limites, si bien que le pouvoir sera naturellement enclin à s’autocensurer dans son action réformatrice pour éviter autant que possible de provoquer de nouveaux conflits.
En moins de trois ans d’exercice du pouvoir, François Hollande a perdu le soutien du Parti communiste, celui du Parti de gauche, puis celui des Verts d’EELV, et maintenant celui de la partie activiste de son propre parti. Pas de majorité, pas de chef non plus pour la diriger : Manuel Valls, celui qui, pour faire bouger la France, promettait de secouer le plus sa famille politique, est désormais contesté dans son rôle naturel de leader de la majorité. Même le Premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, le soutient du bout des doigts, avec ce qu’il faut d’ambiguïté pour le fragiliser.
Tout cela rend dorénavant le travail gouvernemental à peu près impossible, sauf à pratiquer la politique de l’eau tiède. Alors qu’un soupçon de croissance semble revenir de l’extérieur, alors qu’il reste d’immenses réformes à mener pour sortir la France du cycle dépenses publiques-impôts-chômage, c’est l’assurance d’une terrible perte de temps.
Un archaïsme absurde
Ci-joint une tribune publiée ce matin par le Figaro Vox, portant sur la confusion politique croissant qui se manifeste par l’usage de l’article 49-3 de la Constitution. Depuis toujours, je trouve cet outil qui permet au gouvernement de faire adopter sans vote un projet de loi par l’Assemblée nationale, particulièrement insolite. Il me semble symboliser, pas seulement le « parlementarisme rationalisé », mais le mépris du pouvoir législatif, c’est-à-dire, du suffrage universel. Il pouvait se comprendre en 1958, par la volonté d’instaurer un gouvernement fort et de réduire la toute puissance du Parlement. Il est incompréhensible aujourd’hui, dans un contexte de profond discrédit populaire de la politique en général. A quoi sert-il d’élire des députés si, en cas de désaccord avec le gouvernement, ce dernier peut s’affranchir de leur point de vue? Aujourd’hui, cet article 49-3 se présente comme un archaïsme humiliant pour les élus du suffrage universel et donc pour les électeurs eux-mêmes. Personnellement, son usage ne me donne pas du tout un sentiment d’autorité mais plutôt de faiblesse et de déni démocratique .
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