mardi 5 août 2014
Les femmes resteront interdites sur le Mont Athos
Depuis une règle datant de 1046, les femmes sont interdites sur la péninsule de Chalcidique (Nord de la Grèce). Dix siècles plus tard, les moines ont confirmé la réglementation, la considérant comme un bouclier face à la tentation.
Une règle d’un autre temps…et pourtant toujours d’actualité. En novembre 2013, le Conseil Œcuménique des Eglises, qui compte quelque 350 Eglises protestantes, anglicanes, orthodoxes et autres du monde entier, avait pourtant demandé la suppression de la règle discriminatoire qui empêche les femmes de fouler le sol du Mont Athos. Le conseil des moines et le gouverneur Aristos Kasmiroglou ont confirmé l’interdiction, rapporte l’hebdomadaire grec La presse orthodoxe, dans son édition du 2 août, une information relayée par Slate.fr.
« La montagne sacrée appartient aux moines et personne ne peut y entrer sans leur permission et encore moins changer les règles», a déclaré Aristos Kasmiroglou, un haut fonctionnaire nommé par le ministère grec des Affaires étrangères pour veiller à l’administration de la République semi-autonome. Et ce pour une raison très claire : éviter une quelconque tentation aux 3 000 moines des vingt monastères perchés sur le mont Athos, à plus de 2 000 mètres d’altitude. Seuls les touristes et pèlerins (hommes) peuvent y poser un pied, à condition d’avoir une autorisation délivrée par une autorité à Salonique à plus de cent kilomètres de là. Les femmes et les animaux femelles (sauf les chattes, qui chassent les rongeurs) ne sont pas les bienvenues.
Malgré des manifestations à l’entrée de la péninsule pour protester contre le règlement et une résolution du Parlement Européen votée en 2003, en faveur d’une ouverture du site aux femmes, les moines continuent d’invoquer leur vœu de célibat pour maintenir la discrimination.
A l’instar de la psychanalyste et écrivain française Maryse Choisy qui avait séjourné incognito sur le mont Athos dans les années 1920, donnant naissance à son livre Un mois chez les hommes, quelques femmes se sont aventurées sur la « montagne sainte » en se déguisant en hommes. La première Miss Europe grecque Aliki Diplarakou avait elle aussi dans les années 1930, provoqué un tollé en violant l’interdiction. En 2008, quatre femmes d’un groupe d’immigrants moldaves, âgées de 27 à 32 ans et venant de Turquie s’étaient échouées par erreur au pied du mont Athos. Premières tentatrices à pénétrer la « montagne sainte » depuis 1 000 ans, elles ont été livrées à la police.
Une présence qui restera frappée d'interdit tant que le célibat des prêtres ne sera pas remis en question…
ATHOS DOIT RESTER UNE TERRE D'ASILE POUR LES HOMMES DÉSIREUX DE S'ÉLEVER
Les chrétiens d’Orient ou la trahison de l’Occident
Le 31 Août 2013, les « Rafale » étaient prêts à décoller pour des frappes punitives contre la Syrie. C’est un appel téléphonique du Président Obama qui stoppa le faux pas de François Hollande : chef des Armées émoustillé par le succès malien ? Imitation de l’intervention française contre la Libye pour égaler Sarkozy ? Enthousiasme pour le Printemps Arabe et l’émergence de la démocratie musulmane ? Ce jour-là, Hollande faisait la démonstration de son incompétence : méconnaissance de la situation au Moyen-Orient, orientations idéologiques superficielles négligeant bien sûr les populations chrétiennes et séduites par le « progressisme » des opposants à Assad, alignement sur la politique à la fois unilatérale et confuse des Etats-Unis, alliés d’Israël, du Qatar et de l’Arabie Saoudite et adversaires de la Russie…
Un an plus tard, la situation et le discours ont changé. Les Chrétiens d’Orient sont spoliés, chassés, massacrés par des djihadistes qui ont objectivement profité de notre soutien à la rébellion syrienne. Les bandes de EIIL s’avancent vers Bagdad. Ce n’est pas un Etat. Ce n’est pas une armée classique. Ce sont des fanatiques peut-être infiltrés par d’anciens soldats de Saddam Hussein. Peut-être y-a-t-il des « français » parmi eux. Leur victoire menace la vie de nombreux Irakiens. C’est l’argument qui avait justifié l’action contre les troupes de Kadhafi devant Benghazi. Cette fois pourtant, les « Rafale » ne sont pas sur les pistes. L’Europe à l’instar d’Obama se mobilise… contre la Russie. La France se déclare prête à accueillir les Chrétiens demandeurs d’asile.
Comme l’a souligné le Cardinal Barbarin, ce n’est pas la solution. Les Chrétiens d’Orient sont évidemment chez eux de l’Egypte à l’Irak où ils étaient présents des siècles avant la conquête musulmane. Accepter leur exode, c’est renoncer au respect de droits fondamentaux que nous proclamons… ailleurs, c’est sous-entendre que l’effacement de la présence chrétienne va dans le sens de l’Histoire, c’est faire preuve de complaisance à l’égard d’une religion dont l’intolérance et la violence sont en contradiction avec les valeurs que nous sommes censés défendre.
L’histoire des religions les fait traverser des phases contrastées, des périodes de grande culture et des épisodes de répression mentale. La pratique religieuse varie beaucoup dans le temps. Beaucoup de Musulmans vivent leur appartenance confessionnelle comme le respect d’un certain nombre de rites et de règles, la participation à des fêtes communautaires, l’obéissance à des valeurs morales qui ne sont pas incompatibles avec l’intégration. Néanmoins, dans les sociétés dont toute l’évolution a été orientée par le Christianisme, l’affirmation de la supériorité politique de la communauté religieuse sur la Nation, la contestation des Lois, le prosélytisme de combat ne sont pas acceptables. Un laïcisme superficiel a aujourd’hui tendance à dire que toutes les religions se ressemblent, que l’Islam est une religion de paix et de tolérance, qu’elle a offert un modèle inégalé d’ouverture d’esprit dans l’Andalousie de Cordoue. Cette bouillie intellectuelle pour enfants incultes omet la radicale opposition de trajectoire entre le Christianisme et l’Islam. Entre Celui qui proclame que son Royaume n’est pas de ce monde, qu’il faut rendre à César ce qui lui appartient, et qui a subi avec la crucifixion la pire des violences, et un chef de guerre qui a créé un Etat théologico-politique par la force, il n’y a rien en commun, sinon qu’on les rattache au Livre. Mais le Dieu des Chrétiens, celui du Nouveau Testament, fait du Christianisme une religion où le rachat des hommes l’emporte sur leur punition. C’est là une dimension absolument originale. De même, la séparation entre le temporel et du spirituel, la supériorité de l’esprit sur la lettre ouvrent la voie à la démocratie politique et à l’autonomie personnelle. Que dans son parcours, la religion chrétienne ait pu prendre d’autres visages sous le poids de la nature humaine n’enlève rien à la force du message.
La plupart de nos dirigeants actuels semblent ignorer ce qu’ils doivent au Christianisme. Cet héritage qui les a conduits à exiger aujourd’hui le respect des Droits Humains devrait les pousser doublement à défendre ces communautés religieuses qui, envers et contre tout, malgré la dhimmitude, l’impôt et les massacres, ont su préserver leur foi. Leur diversité même, au gré des débats byzantins et des conciles, est un trésor de l’humanité, une preuve de la primauté de l’esprit. La plupart se considèrent comme des Arabes. Ils s’affirment Chrétiens. Ne pas tout faire pour qu’ils puissent vivre leur foi et pratiquer leur religion chez eux, c’est trahir les valeurs que nous prétendons défendre.
Paranoïaques brutaux
Paranoïaques brutaux
Les morts de Gaza resteront inutiles. Ils ne régleront rien sinon de petits intérêts cyniques dans chacun des camps qui s'affrontent. Ces morts sont le tragique résultat d'une longue accumulation de violences et de mensonges des protagonistes, et de la faiblesse, coupable des États-Unis dont le président ne semble pas avoir tiré de leçons du tunnel de l'inintelligence politique bushienne. Dans l'opéra d'ombres de la communauté internationale, cette irréalité impuissante costumée en fanfaronnade, on continue de chanter « avançons » en faisant du surplace. Et en empilant les déclarations de principe qui, comme toutes les autres, finiront dans le cimetière des accords inutiles. L'ONU doit se suffire de monter d'un ton dans son indignation quand une nouvelle fois Israël bombarde une de ses écoles.
François Hollande a raison, « les ennemis héréditaires peuvent se réconcilier… » On l'espérait déjà au moment de la Résolution de partage de l'ONU en 1947, qui prévoyait un État-nation israélien et un État-nation palestinien. Utopie. On l'espéra encore après les accords d'Oslo en 1993. Utopie. Les guerres et les Intifada se succèdent et, sauf si Obama retrouve sa fermeté originelle, la paix n'est pas imaginable.
Ni Israël ni le Hamas ne sont assez forts pour accepter les sacrifices qu'impose la paix, ils se font donc la guerre. Appuyé sur une majorité extrémiste, le gouvernement de Tel-Aviv ne fait rien contre la colonisation illégale des Territoires et la violence qui en découle. Pire, Israël a inventé un mur honteux, des heures d'humiliations dans les check-points et des privations d'eau inhumaines, alimentant ainsi les rancunes et les doutes sur sa volonté d'atteindre à l'idéal de paix de ses pères fondateurs. Le Hamas, lui, ce parti religieux que la corruption du Fatah et les Américains ont porté au pouvoir, n'a qu'un objectif : remettre la Palestine dans le patrimoine islamiste.
Seule la reprise du dialogue peut permettre d'avancer vers le déblocage entre les bombes à retardement que sont les colons extrémistes et les islamistes du Hamas. Mais peut-on expliquer à des paranoïaques brutaux que c'est sur la vérité sincère que l'on bâtit les démocraties les plus solides
Fric-frac au « 36 »
Fric-frac au « 36 »
Quand 52 kg de « coke » se barrent « mystérieusement » de la salle des scellés de la police judiciaire (PJ) parisienne, ça fait désordre au 36, Quai des Orfèvres.
Un « 36 » d’autant plus en émoi que la fameuse salle des scellés, où étaient entreposés les 52 kg de drogue (dont la valeur est estimée à 2,5 millions d’euros), saisis début juillet par la brigade des Stups à l’occasion du démantèlement d’un réseau de trafiquants sénégalais soupçonnés d’alimenter le nord de Paris, n’a pas été forcée et que seules trois personnes possédaient les clés de ce local ultra-sécurisé.
A moins d’être dans un roman de Maurice Leblanc, difficile de croire que ce vol perpétré dans la nuit du 24 au 25 juillet soit du fait d’Arsène Lupin. Etant donné que seules trois personnes possédaient les clés du « coffre-fort », le fric-frac, perpétré sans haine ni violence, ne peut être que du fait d’une personne interne au service et, disons-le, apparemment pas très maligne. Ce qui facilite la tâche des enquêteurs de l’IGPN, la police des polices.
Résultat, après deux jours d’enquête, les policiers de l’IGPN ont rapidement identifié un « suspect de tout premier plan », notamment grâce à des témoignages recueillis au sein du mythique « 36 » mais aussi grâce à l’exploitation d’images de vidéosurveillance « particulièrement troublantes ».
Flic ou voyou ?
Fort du témoignage d’un fonctionnaire de police ayant vu un collègue entrer dans la chambre forte avec des sacs vides puis en ressortir avec les mêmes sacs, cette fois pleins, les soupçons des enquêteurs se sont aussitôt portés sur un certain Jonathan G., policier de la brigade des stupéfiants.
Agé de 34 ans, sportif, « beau gosse », le brigadier de police Jonathan G. a été interpellé samedi à Perpignan (où il a fait toute sa scolarité) alors qu’il faisait ses courses avec son épouse et sa fillette.
Si la présomption d’innocence prévaut, le train de vie du suspect ne laisse pas d’intriguer les enquêteurs de l’IGPN. Domicilié à Paris, il posséderait par ailleurs, grâce au patrimoine de son épouse (?), sept biens immobiliers à Perpignan et dans sa région.
Autre point qui ne joue pas en sa faveur : le suspect, auteur présumé du vol, aurait attiré l’attention de ses collègues au cours des derniers mois, à l’occasion de deux enquêtes au cours desquelles il aurait eu « un comportement suspect ». Si cela n’en fait pas forcément un coupable, les craintes des enquêteurs semblent pourtant bien fondées, notamment sur l’attitude du suspect et sur des sommes d’argent en liquide saisies dans ses appartements de Perpignan et de Paris lors de perquisitions effectuées samedi.
Un taiseux
Placé en garde à vue dans les locaux parisiens de l’IGPN situés dans le XIIIe arrondissement de Paris, le suspect présumé n’est pour l’heure pas passé à table.
« Peu disert » sur les faits, l’homme est « quasi muet » et se « comporte comme un cador », indiquent les policiers de l’IGPN, persuadés, eux, d’avoir interpellé le responsable de ce vol.
Où se trouve la drogue ? Y a-t-il eu des complicités internes ou externes ? Autant de questions auxquelles les enquêteurs tentent actuellement de trouver une réponse. Du moins si leur suspect numéro un se décide à parler.
En l’état actuel de l’enquête, la drogue n’a toujours pas été retrouvée et une course de vitesse est engagée pour mettre la main sur ce pactole qui, forcément, « attire les convoitises », assure-t-on du côté de la police des polices. En revanche, si la drogue n’est « pas encore sur le marché », les enquêteurs sont à peu près certains qu’il y a des complicités dont « certaines », sans doute, « dans le milieu perpignanais ».
Alors que l’image de la PJ est une fois de plus ternie, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a demandé à l’IGPN un audit de la brigade des stupéfiants et a demandé que « les méthodes et les pratiques professionnelles de la PJ soient passées au crible ».
En ce qui concerne le suspect, « si l’enquête devait confirmer son implication, et dès que j’aurai connaissance des conclusions de cette enquête, je prendrai toutes les sanctions et autres dispositions nécessaires », a déclaré le ministre, en demandant que « toute la lumière soit faite » sur des actes qualifiés d’« intolérables ».
Le président et la tentation du « ni plus, ni moins »
Le président et la tentation du « ni plus, ni moins »
A Vladimir qui se demande quoi faire, Estragon, le héros de Samuel Beckett, répond : « Ne faisons rien. C’est plus prudent. » En vacances aujourd’hui pour dix jours, François Hollande devrait méditer cette réplique tellement française. Car si le chef de l’Etat a acté qu’il pourrait attendre la reprise comme d’autres Godot, un danger plus lourd encore menace la rentrée : l’immobilisme. Le Président va en effet entamer une séquence budgétaire sensible avec une popularité minée par son double échec sur le front du chômage et des déficits. Or la fronde d’une partie de sa majorité et la quasi-rupture avec les syndicats ont montré qu’il ne pouvait exiger davantage en matière de rénovation politique. Triste exception nationale, la gauche reste prisonnière de son archaïsme économique : l’entrepreneur, l’actionnaire, le capitaliste restent des ennemis, au mieux des adversaires.
Voilà donc François Hollande sans doute contraint de temporiser, pire de finasser quand la conjoncture « difficile » imposerait d’accélérer. Accélérer sur l’allégement des charges. Accélérer sur la simplification. Accélérer sur la baisse des dépenses. Accélérer sur la réforme de l’Etat. Accélérer sur la liberté d’entreprendre…
Pour masquer l’échec de 1981, François Mitterrand avait ressuscité en 1988 le « ni, ni » de la IIIe République, totem du non-choix par excellence. Le même opportunisme électoral et la même confusion doctrinale pousseront son lointain successeur à rétorquer « ni plus, ni moins » à ceux qui voudront pousser ou contrecarrer le pacte de responsabilité. Ainsi rien n’a vraiment changé, sauf l’état de la France toujours plus dégradé.
Hollande s'en va (épisode 2) : Opération «Titanic»
Seul dans son appartement, un jour de décembre 2015, Jacques Attali, assis à son piano, joue du Schubert. Soudain quelqu'un sonne. C'est François Hollande.
- Voilà, Jacques, je suis venu te voir parce que je ne sais plus très bien quoi faire…
- Ça, j'avais remarqué. Et je crois que je ne suis pas le seul…»
François Hollande s'était assis dans le petit fauteuil crapaud que lui avait indiqué d'un geste de la main Jacques Attali. L'ancien conseiller spécial de François Mitterrand avait pris place dans une large méridienne qui lui permettait d'allonger ses jambes tout en scrutant son illustre visiteur.
Entre les deux hommes, à même le parquet à chevrons, il y avait des feuilles, des classeurs, des carnets et des cahiers. Avant de s'asseoir, le président de la République, la tête baissée, avait jeté un regard rapide sur cette abondante littérature qui jonchait le sol, et dont l'auteur n'était autre que l'homme à qui il rendait visite. Il y avait une explication à ce désordre. Souvent, Jacques Attali, debout dans son salon, un stylo Montblanc à la main, écrivait fiévreusement trois ou quatre mots et se promettait d'en faire le titre de son prochain ouvrage. Puis, il laissait tomber à terre sa feuille ou son cahier, lesquels, avec les jours, s'accumulaient de sorte que le parquet en point de Hongrie était presque uniformément recouvert. Avant de s'exiler pour Kuala Lumpur, les occupants du quatrième étage s'étaient félicités du bouillonnement d'idées de leur voisin du cinquième, qui leur assurait ainsi une isolation phonique idéale.
En s'avançant vers le fauteuil crapaud, François Hollande, le regard en dessous, avait donc lu, en lettres énormes, ce qui était écrit au sol: Théorie du désastre, De Charybde en Scylla,Le Pire et le Super-pire, Fin d'un monde, fin du monde. Les sourcils en accent circonflexe, Jacques Attali observait le chef de l'État. Il était impressionné par sa pâleur, son regard perdu, sa fébrilité. «M. Petites Blagues est mort à jamais, se dit-il à lui-même. Il est passé de l'autre côté du miroir. Que dois-je faire? Le consoler? À quoi bon être consolant? Si je le console, tel que je le connais, il sera ragaillardi et recommencera demain les mêmes inepties. Non, je vais l'accabler.»
Comme il ne savait pas très bien comment commencer, François Hollande tenta un: «Ça va, Jacques?»
- Mieux que toi, mieux que la France!, répondit d'une voix glaçante Jacques Attali, qui soudain se leva, se mit à arpenter le salon et se sentit les élans d'un Grand Inquisiteur. La situation, TA situation, la voilà!»
Et ce fut un déluge: la ruine du pays, l'indolence des consciences, les zigzags commodes, la faiblesse générale, l'impéritie permanente, les révoltes qui partout montaient, l'angoissant ratio dette/PIB, les médiocrités arrangeantes, les compromis émollients, les Chinois qui s'émerveillent devant tant de faiblesses françaises, les Indiens qui se frottent les mains et bientôt achèteront l'Arc de triomphe. Et le Belize, enfin, qui, comparativement, s'en sort plutôt mieux que nous. Bref, ce fut un festival. Qui dura trente minutes. François Hollande, au fur et à mesure, se recroquevillait dans son petit fauteuil sans oser répliquer au Torquemada qui l'accablait. Puis, Jacques Attali se tut.
«Jacques, je sens bien que tu es énervé. Mais au moins, reconnais que je n'ai pas eu la partie facile, tenta le président de la République. Admets que Sarkozy m'a légué une situation désastreuse…
- Sarkozy a bon dos!», répliqua Jacques Attali, qui dînait de temps à autre avec l'ancien chef de l'État.
Seul dans la nuit, il descendait l'avenue Mozart, entrait dans la Villa Montmorency et refaisait le monde avec l'ancien président. Jusqu'à une heure avancée de la nuit, les deux hommes disaient du mal de François Hollande et s'esclaffaient au point d'en pleurer. Puis il rentrait chez lui dans l'obscurité et regagnait son immeuble désert.
Mais François Hollande poursuivait, d'une voix transparente:
«Tout fuit entre mes doigts. Tu comprends, dans ma vie, j'ai toujours réussi à me raccrocher aux branches, mais là, je n'y arrive plus. Pourtant, on essaie de faire bonne figure! Sapin a ordre de dire que la croissance repart alors qu'elle ne repart pas. Rebsamen a pour mission d'expliquer au pays que lorsque le chômage progresse, en fait, c'est parce qu'il baisse! Pour Cazeneuve, c'est pareil. La hausse de la délinquance est une illusion d'optique! Jacques, tu ne te rends pas compte! On ment tout le temps! On truque, on biaise, on feinte, on louvoie, on temporise. Nous sommes plus forts que Potemkine avec ses villages en carton-pâte qui charmaient tant la Grande Catherine. Mais on n'y arrive plus. Je suis venu te voir parce qu'à l'époque de François Mitterrand, tu étais très fort pour transformer les vessies en lanternes…»
- Mitterrand avait le supplément d'âme, toi tu ne l'as pas, répliqua sèchement Jacques Attali, fixant droit dans les yeux son visiteur. Il mentait, mais il avait le supplément d'âme. Toi, sur ce point comme sur tous les autres, tu es en déficit. Tu n'y peux rien, c'est comme ça.
- Mais enfin, le truc du “supplément d'âme”, c'était complètement pipeau!, rétorqua d'une voix faible François Hollande. Souviens-toi, Jacques! Mitterrand prenait un air grave, parlait du supplément d'âme, mais ça n'empêchait pas le chômage de progresser… Bref, c'était des mots, rien que des mots.
- Toi aussi, tu t'y connais en mots!, s'exclama Jacques Attali. Mais les tiens sonnent creux. Je me demande encore où tu es allé chercher ta fameuse “boîte à outils” -qui d'ailleurs ne marche pas. Tu n'es pas vendeur chez Leroy Merlin, François, tu es président de la République.»
À ce moment-là de son réquisitoire, Jacques Attali mit ses mains sur ses joues, ouvrit grand les yeux et changea le timbre de sa voix:
«Il faut transcender, sublimer, se situer au-delà, réinventer.»
François Hollande, on le comprend, était de plus en plus mal à l'aise. Jacques Attali, qui fut jadis à l'Élysée son supérieur hiérarchique, le renvoyait à toutes ses faiblesses. Tandis que Nostradamus une nouvelle fois se levait et arpentait la pièce, le chef de l'État ferma les yeux et passa en revue les événements des derniers mois. Nous étions à 3,5 millions de chômeurs et à 2100 milliards de dettes. Ministre du Travail,François Rebsamen s'était remis au tabac. «La CGT m'emmerde! FO m'emmerde! Ces syndicats à la con m'emmerdent!», criait, dans son bureau, cet ancien de la Ligue communiste révolutionnaire. Il fumait cigarette sur cigarette, prenait son téléphone pour incendier Thierry Lepaon ou Jean-Claude Mailly, mais rien n'y faisait. À toutes ses tentatives d'assouplissement du Code du travail, les patrons de la CGT et de FO disaient non. Le Canard enchaînél'avait mis dans une situation embarrassante en rapportant une exclamation qui, un soir de très grand emportement, lui avait échappé devant trois témoins: «Plus c'est de gauche, plus c'est con!» Il avait démenti, mais, comme on s'en doute, Thierry Lepaon et Jean-Claude Mailly avaient décrété ce jour-là qu'il fallait définitivement se méfier de lui.
François Hollande, les yeux toujours clos, pensa soudain à son ami Michel Sapin. Le pauvre. Il ferraillait avec la Commission européenne, qui lui reprochait l'insincérité des comptes publics français. De fait, le ministre des Finances était contraint chaque jour de mentir comme un arracheur de dents. Il faisait en permanence des allers-retours à Bruxelles pour présenter des graphiques tronqués. Certains, à la Commission, l'avaient surnommé «Séraphin Lampion», lui trouvant des ressemblances avec ce personnage de Tintin qui tente à tout instant de vendre ses polices d'assurance à ses interlocuteurs. Comme on s'en doute, ses démonstrations volubiles et mensongères avaient fini par lasser les commissaires bruxellois. En septembre 2015, une séance à la Commission avait fait grand bruit car elle avait duré très exactement quatre minutes. Transpirant à grosses gouttes, Michel Sapin avait pris la parole pour dire que «le retour aux 3% de déficit allait prendre finalement, et contre toute attente, un peu plus de temps que prévu», et il avait ajouté d'un air mi-espiègle mi-mystérieux: «Cependant, mesdames et messieurs, je pressens de bonnes surprises pour l'an prochain…» Il avait alors été interrompu par un brouhaha. «Ah non, il ne va pas recommencer!», avait lancé Jean-Claude Juncker, hors de lui. «Ça fait trop longtemps que la France nous bassine! Il nous prend vraiment pour des imbéciles. Dans douze mois, il viendra nous faire le même cinéma et nous demandera une année de plus! Assez!» La séance avait été levée. Dépité, Michel Sapin avait repris le Thalys et n'avait pas échangé un mot avec ses collaborateurs tout au long du trajet. Sauf en arrivant gare du Nord. Il s'était levé et leur avait dit: «J'ai l'impression que mon petit numéro ne marche plus, il va falloir trouver autre chose. Messieurs, je compte sur vous.»
Dans le salon, cependant, Jacques Attali continuait de parler tout seul. François Hollande l'interrompit.
«Jacques, dit-il, toi qui sais et devines tout, dis-moi: que va-t-il se passer dans les prochains mois?»
Jacques Attali s'arrêta, pivota sur lui-même et dévisagea froidement son interlocuteur. Il se chercha une expression du visage aussi inquiétante qu'il est possible.
«Tu me demandes ce qui va se passer? François, tu as vu le film Titanic ? Eh bien, ce qui va se passer, c'est la fin du film, en pire. Aucun canot de sauvetage pour personne. Tu comprends?
François Hollande était accablé. Nostradamus ne se trompait jamais. Il fallait donc trembler.
- Jacques, à ma place, tu ferais quoi?
La réponse fusa, glaçante et définitive:
- Je partirais.
- Euh… Que je parte de chez toi?, répondit, gêné, le président de la République.
- Non, de l'Élysée.
- Que je démissionne?
- Oui. Tu vois bien que tout est bloqué dans ce pays, et que tu es toi-même le blocage. Si tu restes, ce sera pour toi un long supplice. Déjà, au PS, les gens disent qu'il faut une primaire pour 2017. Tu seras obligé de t'y soumettre, toi, le chef de l'État, et tu seras laminé, par Valls ou par Montebourg. Évite-toi cette honte, épargne-toi ce déshonneur. Pour toi comme pour la France, c'est mieux.»
François Hollande ferma les yeux de longues secondes, blanc comme un linge. Puis, il se leva et reprit le casque qu'il avait posé par terre. Les deux hommes se dirigèrent vers la porte d'entrée, évitant là un cahier, là deux carnets à spirale. Jacques Attali ouvrit la porte.
«Merci, Jacques, pour tous tes conseils. Je vais réfléchir.»
Et le président de la République s'engagea dans l'escalier.
Jacques Attali referma la porte. Il se rassit à son piano. «Voilà une bonne chose de faite», murmura-t-il. Et il attaqua le deuxième mouvement en se promettant d'appeler Nicolas Sarkozy.
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