lundi 19 septembre 2011
On ne va pas encore nationaliser les banques !
Dégradation du Crédit agricole et de la Société générale par Moody's, division par deux des capitalisations boursières des banques françaises, inquiétude des Français concernant leur épargne, opacité des réels engagements des banques vis à vis des pays à risque, sentiment répandu dans la population que la finance n'est plus au service de l'économie réelle...n'en jeter plus pour que le thème d'une nationalisation des banques revienne sur la table.
Pourquoi nationaliser les banques et pas les constructeurs automobiles ?
Sauver le job d'un ingénieur de chez Peugeot ou d'un ouvrier de chez Renault est-il moins important que de préserver les bonus d'un trader de la Société générale installé à Londres ou de garantir le capital placé à la BNP d'une veuve milliardaire ? Moralement non mais économiquement oui. En fait la spécificité des banques sur n'importe quel autre secteur économique est la capité de nuisance systémique qu'on leur prête (même si cette idée est battue en brèche par l'exemple Islandais où l'Etat a laissé tombé ses banques et qui actuellement connait une forte croissance mais cette histoire n'est pas finie comme je l'explique ici). Pour faire simple, si Peugeot fait faillite Montbéliard tombe, si une banque française, même de taille modeste, fait défaut les répercutions peuvent se faire sentir jusqu'en Nouvelle-Zélande. C'est pourquoi les Etats sont plus sensibles au sort des banques que des constructeurs auto, c'est injuste mais le monde est injuste.
- Les banques françaises sont bien plus engagées dans les pays victimes de la crise de la dette que leurs consœurs allemandes ou britanniques (c'est d'ailleurs pour cette raison que Merkel et Sarkozy ne sont pas d'accord sur les modalités de sauvetage de la Grèce comme je l'explique dans ce papier). 27%, 23% et 20% de la dette publique (ou 10, 5,8 et 2,8 milliards d'euros) respectivement grecque, portugaise et irlandaise sont détenus par les établissements bancaires français. A cela s'ajoute de grosses filiales bancaires installées en particulier en Grèce et en Italie. Pas besoin d'être commissaire au compte pour comprendre qu'en cas de défaillance d'un de ces pays le système bancaire français boira la tasse, mais survivra, et qu'en cas d'effet domino, entrainant l’Espagne ou l'Italie, c'est le calice jusqu’à la lie.
- La rumeur est au système financier ce que le placebo est à la médecine...enfin en sens inverse. Si le marché pense qu'une banque est sur le point de faire faillite ou suit une rumeur qui l'accrédite, la banque fera faillite car ceux qui ont des billes en jeux les retireront et les autres ne voudront pas ou plus lui prêter -c'est ce qu'on appelle une prophétie auto-réalisatrice-. Malheureusement les banques françaises sont victimes de rumeurs qui se nourrissent, soit de maladresses politiques, soit de l'opacité des comptes des banques. Quand les conseillers du président Sarkozy affirment, en pleine crise bancaire cet été, que celui-ci n'a aucune raison d'écourter ses vacances et que quelques jour plus tard il organise un conseil des ministres d'urgence, il nourrie la rumeur. Quand Christine Lagarde, directrice générale du FMI, déclare que les banques européennes devaient être recapitalisées, elle nourrie aussi la rumeur puisque qu'en tant qu'ancienne ministre de l'économie donc ministre de tutelle des banques, elle était une des mieux placée pour connaitre l'état réel de ces établissements (voir mon papier à ce sujet "L'AMF doit-elle ouvrir une enquête contre Lagarde ?").
Les banques aussi ont leur propres responsabilités dans le foisonnement de rumeurs. Personne ne prend au sérieux le stress test organisé par le CESB (Comité des superviseurs bancaires européens). Ce test destiné à rassurer les marchés face à la crise grecque a même eu l'effet opposé. Si quasiment tout le monde le passe, c'est qu'on nous cache quelque chose se lamentent les analystes financiers rattrapés par le syndrome conspirationniste.
- Plus une société cotée en bourse est sous-évaluée par rapport à sa valeur réelle plus le risque d'une OPA hostile augmente, c'est un classique. La capitalisation de la Société générale est descendu le 12 septembre dernier sous les 12 milliards d'euros soit 8 mois de résultat net du Chinois ICBC en 2010 !
La France, contrairement à l'Allemagne, n'est pas leader mondial dans beaucoup de secteurs économiques ; les produits de luxe, la construction d'automobiles, l’aéronautique, le vin, le camembert et la finance. C'est peut être pas le moment de perdre la main sur un secteur stratégique qui pèsent plus de 400.000 emplois qualifiés.
Les banques nationalisées vont-elles changer leurs "mauvaises habitudes" ?
Ceux qui pensent que les "mauvaises habitudes" sont le monopole du secteur privé, avide d'argent et amoral, ont la mémoire courte ou feignent de ne plus se souvenir du Crédit lyonnais et du GAN. Est-ce que les banques françaises doivent se cantonner à distribuer du crédit à des particuliers pour l'achat d'un logement et à des PME qui veulent s'équiper de machines-outils et ainsi laisser le champs libre aux banques anglo-saxonnes pour les produits financiers plus complexes mais globalement et sur le long terme plus rentables et générateurs de nombreux employés hautement qualifiés et bien rémunérés ? C'est détruire l'expertise française, connue et reconnue, dans le domaine de l'ingénierie financière et les débouchés qu'elle offre. Je sais, c'est pompeux mais c'est la réalité.
Quels coûts et y a-t-il des alternatives au nationalisations ?
Avec des capitalisations riquiqui, la nationalisation des banques françaises ne serait pas d'un coût exorbitant (surtout comparé au prix d'un sauvetage d'une banque en faillite) et pourrait même s’avérer être un investissement extrêmement juteux pour l'Etat, mais à deux conditions. D'abord le gouvernement ne doit pas accorder une prime d'indemnisation extravagante aux actionnaires. Il doit se comporter comme n'importe quel requin de la finance, si la Générale vaut 13 milliards en bourse aujourd'hui contre 30 il y a plus d'un an, l'Etat doit la racheter sur la base des derniers cours sans tenir compte des cours historiques, c'est à dire 14 milliards voir 15 à tout casser mais surement pas 20 ou plus. Le rôle de l'Etat n'est pas de soulager les pertes des actionnaires. La nationalisation ne doit ni être obligatoire sinon on entre dans un processus d'expropriation toujours risqué juridiquement (c'est pas Nanard ou Lagarde qui me contrediront) ni spoliative (on est pas des sauvages !). Seconde condition à une nationalisation partielle réussie, les banques ne doivent pas planquer des cadavres dans les armoires sinon la facture peut devenir vertigineuse. Vu que les postes les plus importants des banques sont trustés par d'anciens haut fonctionnaires c'est pas trop difficile de le savoir, à moins de jouer l'aveugle.
Ne pas nationaliser les pertes et privatisés les gains
Pourtant je pense que les nationalisations doivent être la dernière mesure à prendre et l'exemple irlandais devrait nous mettre en garde, à vouloir sauver toutes ses banques, le tigre celtique a frôlé la faillite. Heureusement pour nos amis rouquins (je plaisante) l'EU est venu à leur rescousse même si Dublin trouve encore les moyens de pinaller sur les conditions de l'aide (voir mon papier "L'Union européenne doit-elle renégocier le plan de sauvetage de l'Irlande ?). Cependant la France n'est pas l'Irlande, c'est un trop gros morceau pour être secouru même pas l'Allemagne.
C'est un peu facile de nationaliser les pertes et de privatiser les gains comme le rappellent à juste titre beaucoup de dirigeants de gauche (pour certains en oubliant au passage que c'est le gouvernement Jospin qui a conduit le plus de privatisation). C'est non seulement immoral mais contre-productif car cela incite les banquiers à l'imprudence, ce qui devrait être le contraire des valeurs de leur profession.
Aide toi et le ciel t'aidera
Les banques peuvent sa sauver elles-mêmes en prenant des mesures pour améliorer leurs bilans et éviter d'en arriver à une nationalisation même si leurs marges de manœuvre sont limitées.
1- Céder des actifs ? Les trois grandes (BNP-Paribas, Générale et Crédit agricole) ont déjà annoncé des programmes de cession d'actifs. Malheureusement le contexte économique étant ce qu'il est, il sera difficile de ne pas brader et donc de se priver de revenu future ce qui au final revient à affaiblir encore plus la banque vendeuse.
2- Augmenter le capital ? Trop tard, il fallait le faire avant que les cours de bourse ne plongent à moins d'accepter de diluer complétement le poids des actionnaires historiques parmi lesquels on trouve de nombreux salariés et les dirigeants. En plus avec des capitalisations représentant à peine des actifs des banques en moyenne c'est aussi futé que la vente de l'Alaska aux Etats-Unis par la Russie.
3- Ne plus distribuer les résultats et provisionner plus ? Encore trop tard, les dividendes viennent d'être versés en juin ou juillet, il faudra attendre le prochain exercice si les marchés ont de la patience bien sûre.
4- Virer les traders trop bien payés ? Sauf que généralement ceux qui sont très bien payés sont aussi ceux qui rapportent le plus. Un bon exemple, Kerviel, qui n'était pas un trader vedette surpayé, c'est même peut-être cette raisoncal qui l'a poussé à prendre des risques insensés.
Un cocktail de plusieurs solutions à doser avec la dextérité d'un Jerry Thomas
Les banques doivent se séparer des activités non rentables au meilleur prix et se renforcer dans les métiers profitables et d'avenir, virer les plus mauvais traders et garder les bons, provisionner plus largement et accepter de mettre une croix sur la distribution de dividendes pour 1 ou 2 ans. C'est facile à dire ?...oui mais c'est pour cela qu'un PDG d'une banque est mieux payé qu'un cantonnier.
L'Etat ne gérera pas mieux ni moins bien les banques puisque le plus souvent les grands patrons de banques sont d'anciens grands commis de l'Etat. La seule différence c'est qu'en nationalisant une banque celle-ci devient un boulet pour la nation toute entière même si elle l'est ,de facto, à cause de la garantie sur les dépôts bancaires.
Globalement les Français paieront, soit en tant que clients, soit en tant que contribuables. Mais plutôt que de vouloir jouer le rôle de pompier de service et de préteur en dernier ressort l'Etat devrait se cantonner à faire ce qu'il fait de mieux ; Légiférer pour séparer les activités de banque de dépôt -qui serait garantie- et de banque d'affaire où nos joyeux spéculateurs pourraient se plumer entre eux en toute liberté.
"La dette de la Grèce est aujourd'hui absolument impossible à rembourser"
La Grèce est surendettée : quoi qu'il arrive, cette dette passera par pertes et profits et les créanciers n'en mourront pas. Qu'en pensez-vous ?
Quel serait l'intérêt d'un retour à la drachme pour la Grèce ?
Jacques Sapir : Le problème pour la Grèce, mais aussi pour d'autres pays, est celui de sa compétitivité par rapport à l'Allemagne. Il y a deux manières de chercher à restaurer la compétitivité d'un pays : soit en faisant des investissements massifs dans ce pays, et l'on pourrait concevoir que l'Allemagne, peut-être la France, investissent massivement en Grèce, au Portugal et en Espagne.
Mais on conçoit aussi que l'ampleur de ces investissements dépasserait de très loin ce qu'il nous faudrait payer par ailleurs pour maintenir ces pays à flot dans la crise de la dette. Donc nous sommes renvoyés à la deuxième possibilité : ces pays doivent dévaluer, et pour cela ils doivent sortir de l'euro. Cela nous rappelle qu'une monnaie unique impose un carcan de fer aux économies qui la composent, et que la seule solution qui permette d'assouplir un peu ce carcan, ce sont des transferts financiers massifs depuis les pays à forte compétitivité vers les pays dont la compétitivité est plus faible.
Dans la mesure où ces transferts ont été exclus, que ce soit dans le traité de Maastricht ou encore, plus récemment, dans le traité de Lisbonne, la zone euro était malheureusement condamnée.
Si la Grèce sort de la zone euro, n'ouvre-t-elle pas la voie à l'implosion de celle-ci, sachant que d'autres pays comme l'Espagne ou l'Italie sont aussi en difficulté ?
Jacques Sapir : Effectivement, une sortie de la zone euro par la Grèce, et même simplement l'annonce d'un défaut, ne serait-ce que partiel, déclenchera un processus de contagion qui touchera tout d'abord le Portugal, puis, très rapidement, l'Espagne, et enfin, l'Italie, la Belgique, et finalement la France.
Ce processus d'implosion de la zone euro, par ailleurs, n'est pas seulement lié à la contagion que provoquerait la sortie de la Grèce, il faut savoir qu'un pays comme l'Espagne devra faire face à une situation sociale et économique très difficile en 2012. En effet, les allocations chômage en Espagne ne durent que deux ans. Et l'on voit à ce moment que plus de la moitié des chômeurs, qui représentent aujourd'hui 21 % de la population active, se retrouveront sans aucune ressource. Cela imposera soit des dépenses importantes pour les solvabiliser, soit des dépenses tout aussi importantes pour solvabiliser les banques, qui seront confrontées à des prêts non remboursés de manière massive. La crise de la zone euro apparaît aujourd'hui comme inéluctable.
Y a-t-il un risque, si la Grèce ne sort pas de la zone euro, de voir des pays "forts", comme l'Allemagne, quitter cette dernière ?
Jacques Sapir : C'est effectivement une possibilité. Par exemple, si l'Allemagne était isolée sur la question des eurobonds, ou de la monétisation directe de la dette – soit le rachat par la Banque centrale européenne, directement aux Trésors publics, d'une partie de leur dette. On sait que ces deux solutions ont été évoquées. Or, elles sont en réalité inconstitutionnelles du point de vue de l'Allemagne.
Le Tribunal constitutionnel de Karlsruhe a rappelé la semaine dernière que le gouvernement allemand ne devait pas donner son accord à une mutualisation de la dette, excluant ainsi la possibilité des eurobonds, et il a rappelé que l'euro n'était acceptable pour l'Allemagne qu'à la condition qu'il garantisse aussi la stabilité monétaire, comme le faisait le mark. On voit donc que la cour constitutionnelle a fermé la porte à ces deux solutions.
Si l'Allemagne sortait de la zone euro, ce ne serait d'ailleurs pas une catastrophe. Le deutsche mark retrouvé se réévaluerait fortement par rapport à l'euro maintenu. Les pays de la zone euro pourraient ainsi rééquilibrer leur commerce extérieur avec l'Allemagne. Mais politiquement, c'est une solution qui apparaît très peu probable. Il est à craindre que nos gouvernements s'obstinent dans des perspectives de sauvetage de la zone euro et qu'ils soient acculés d'ici à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine à la perspective d'un éclatement général de cette zone.
Pensez-vous comme Jacques Delors que c'est le manque de réaction de la zone euro qui plombe la Grèce ? L'UE ne semble pas avoir les moyens de sauver la Grèce alors que ce pays représente le PIB des Hauts-de-Seine. La crise grecque n'illustre-t-elle pas la faillite de l'UE et de ses institutions inadaptées ainsi que la mise en avant des égoïsmes nationaux ?
Jacques Sapir : La réaction de Jacques Delors est juste, mais bien tardive. Comment pouvons-nous prendre au sérieux un homme qui a conçu un système dont l'aboutissement logique est la crise actuelle, et qui vient maintenant déplorer celle-ci ? Il faut rappeler le rôle extrêmement néfaste qu'ont eu un certain nombre d'hommes politiques français, ainsi que des hauts fonctionnaires, qu'il s'agisse de Jacques Delors, de Pascal Lamy ou d'autres, dans la déréglementation financière généralisée que nous avons connue en Europe à partir de 1985-1986. Sur le fond, on a voulu faire avancer la solution d'une Europe fédérale sans le dire aux populations.
La construction européenne a été faite de telle manière qu'elle incluait des déséquilibres structurels dont les pères de l'Europe espéraient que les solutions iraient chaque fois un peu plus en direction du fédéralisme. Ce fédéralisme furtif, ou clandestin, comme l'on veut, ne tenait pas compte des réactions des peuples, et ne tenait pas compte de l'enracinement extrêmement profond des nations qui constituent l'Europe. On peut toujours aujourd'hui reprocher aux différents pays leurs égoïsmes, on peut toujours aujourd'hui reprocher aux classes politiques de France, d'Allemagne, d'Italie, d'Espagne, leur manque d'initiative et leur aveuglement face à la crise de l'euro, qui était une perspective inévitable depuis 2009.
Mais sur le fond toutes ces incompétences renvoient en réalité à un projet politique. Ce projet qui avait été refusé lors du référendum de 2005, que ce soit en France ou aux Pays-Bas, et que l'on a cherché à imposer malgré tout via la notion de contrainte économique. Mais les faits sont têtus, et quand on les méprise, ils se vengent.
On nous parle de l'exposition des banques (françaises ou pas) à cette dette grecque. Mais les prêts octroyés aux banques après la "crise des subprimes" ont été rapidement remboursés. Ne vaudrait-il mieux pas injecter de l'argent dans les banques trop exposées, plutôt que de prêter à une Grèce qui n'aura jamais la possibilité de rembourser ?
Jacques Sapir : Le problème des banques est bien sûr celui des dettes grecques qu'elles détiennent, et au-delà celui des dettes portugaises, espagnoles et italiennes. Bien entendu, on peut toujours injecter de l'argent dans les banques, et d'une certaine manière ce serait certainement plus efficace que de chercher à tout prix à sauver la zone euro. Mais il faut savoir qu'aujourd'hui l'opinion, dans différents pays européens, est très hostile aux banques. Alors un scénario possible consisterait à nationaliser les banques, à se servir de cette nationalisation pour faire accepter la recapitalisation des banques, mais en utilisant aussi cette nationalisation pour mettre de l'ordre dans les systèmes bancaires, et en particulier rétablir la distinction impérative entre banques de dépôts et banques d'affaires, et très sérieusement limiter le nombre d'opérations que les banques ont le droit de faire.
D'une certaine manière, toute crise correspond à un risque et à une opportunité. Nous avons aujourd'hui l'opportunité de nous saisir de cette crise pour réformer en profondeur nos systèmes bancaires, pour mettre fin à la financiarisation qui dicte sa loi depuis la fin des années 1980, et pour recréer les conditions de stabilité d'un grand pôle de crédit alimentant à la fois les entreprises et la population. De ce point de vue, la crise peut être utile.
Pensez-vous qu'aujourd'hui il y a un moyen de "sauver" la zone euro ? Si oui, quel est-il ?
Jacques Sapir : On pourrait sauver, au moins temporairement, la zone euro soit par la mutualisation de la dette ou par l'émission massive par la Banque centrale européenne de crédits au profit des Etats membres. Ce que l'on appelle la monétisation de la dette. Mais comme je l'ai dit, ces deux options sont exclues, à la fois pour des raisons politiques, mais surtout juridiques, par l'Allemagne. Je rappelle ici que la cour de Karlsruhe, dans son arrêt rendu il y a une semaine, a tué dans l'œuf toute possibilité de rebond.
Et si la Banque centrale européenne décidait de prêter directement aux Etats, au lieu de prêter aux banques, qui elles-mêmes prêtent aux Etats, une nouvelle plainte devant la cour constitutionnelle de Karlsruhe aboutirait à ce que cette dernière rende un avis d'inconstitutionnalité sur cette pratique. Cela, le gouvernement allemand le sait, et il ne pourra donc pas accepter une telle solution. Nous voyons donc qu'aujourd'hui les deux solutions pour sauver, ne serait-ce que temporairement, la zone euro sont de fait exclues.
D'un point de vue juridique, comment peut-on sortir de l'euro ?
Jacques Sapir : La zone euro ne prévoit pas de mécanisme de sortie. Mais elle ne prévoit pas non plus de mécanisme pour expulser un pays contrevenant à ses règles. Cette situation juridique tout à fait extraordinaire démontre bien que la zone euro était institutionnellement très fragile. On peut d'ailleurs imaginer que certains pays décident de réquisitionner leur banque centrale, et décident que leur banque centrale se mette à octroyer des crédits en euros à leur gouvernement. Cela provoquerait une crise politique très grave qui pourrait soit se solder par l'éclatement de la zone euro, soit par la sortie de l'Allemagne et de ses pays satellites, l'Autriche et la Finlande, de la zone euro.
La solution la plus simple et la plus judicieuse consisterait néanmoins dans une autodissolution de la zone euro, un peu sur le modèle de l'autodissolution de la zone monétaire nordique que la Suède, la Norvège et le Danemark avaient constituée dans les années 1920, et qui a été dissoute avec la crise de 1929. Cette autodissolution, se faisant de manière ordonnée, permettrait alors à chaque pays de fixer le taux de change de sa monnaie retrouvée, en concertation avec les autres pays. Cette solution aurait le grand avantage de maintenir une concertation monétaire minimale entre les pays qui composaient la zone euro, et pourrait permettre de reconstituer des mécanismes monétaires une fois que la crise serait passée.
Mais ce que l'on doit craindre aujourd'hui, c'est que les gouvernements, pris d'un entêtement infantile, renoncent à une telle solution jusqu'au moment où ils seront contraints par la réalité de l'envisager, et ceci se fera alors dans une atmosphère de crise, de très grandes récriminations entre les pays, et en particulier entre la France et l'Allemagne, et généralement dans des conditions politiques tout à fait détestables.
En 2013, le SPD arrivera sans doute au pouvoir en Allemagne, et il est très favorable à l'Europe fédérale. Ne pensez-vous pas que cela permettra d'aller vers des solutions comme la monétisation de la dette (quitte à ce que la Constitution soit modifiée en Allemagne) ?
Jacques Sapir : L'hypothèse d'un changement constitutionnel en Allemagne ne saurait être à l'ordre du jour avant plusieurs années. Le destin de la zone euro se jouera dans les semaines ou les mois qui viennent. Il n'est simplement plus temps de rêver à de telles solutions.
Vous dites que la sortie de la Grèce de la zone euro permettrait une dévaluation. Il me semble que cela augmente l'inflation. Est-ce envisageable dans un climat social déjà agité en Grèce ?
Jacques Sapir : Il est inévitable qu'une dévaluation de très grande ampleur, et celle-ci ne devrait pas être inférieure à 40 % pour la Grèce, entraîne par la suite une poussée d'inflation. De ce point de vue, c'est le taux de change réel, autrement dit le taux de change corrigé des taux d'inflation, qui doit nous servir d'indicateur. Mais en même temps, aujourd'hui, les tensions inflationnistes dans la zone euro sont relativement faibles. Elles ne sont pas les mêmes entre pays, ce qui est d'ailleurs un problème, mais elles sont relativement faibles. Dès lors, l'inflation doit être acceptée comme un mal nécessaire pour qu'un pays puisse bénéficier des avantages de la dévaluation.
Le véritable problème n'est pas tant l'inflation que la spéculation possible sur les taux de change des différentes monnaies une fois que ces dernières auront été recréées. Mais il faut signaler ici qu'il y a une monnaie sur laquelle on ne parle pas de spéculation, et cette monnaie, c'est le yuan chinois. La raison en est simple : il y a des contrôles de capitaux extrêmement sévères qui encadrent le cours du yuan. Il faudrait donc que les pays européens acceptent de mettre en place, si possible de manière concertée, des systèmes de contrôle de capitaux permettant aux marchés des changes de fonctionner sans risques de spéculation. Les méthodes en sont connues, elles sont déjà appliquées hors d'Europe par un certain nombre de pays et, ce qui est assez extraordinaire, elles sont même recommandées par le Fonds monétaire international pour les pays émergents.
Le point de vue des spécialistes sur les contrôles des capitaux a beaucoup évolué depuis une dizaine d'années, en particulier parce que l'on a vu, lors de la grande crise de 1997 à 1999, que ces contrôles étaient efficaces, en particulier dans le cas de la Malaisie, du Chili et de la Russie. Il reste aujourd'hui aux gouvernants européens à tirer tardivement les leçons de ces expériences et de se mettre d'accord pour des systèmes analogues en Europe ou, au pire, pour que de tels systèmes soient introduits individuellement dans un certain nombre de pays.
Ne trouvez-vous pas étonnant que la dette grecque et la sortie de l'euro ne soient pas au cœur du débat politique en France ?
Jacques Sapir : Oui, c'est effectivement assez surprenant, surtout quand on sait que ce débat a lieu aujourd'hui en Allemagne. Je pense que la classe politique française s'est enfermée dans un déni de réalité massif. Non seulement ce dernier l'empêche de comprendre la situation, mais il l'empêche aussi de préparer des solutions de rechange. Ce déni de réalité est en train de se fissurer, mais quand la crise de l'euro va éclater, ce qu'elle fera de manière inévitable d'ici quelques mois au plus, elle se doublera d'une crise politique majeure dans notre pays, car les électeurs et la population pourront à bon droit demander des comptes à nos gouvernants ainsi qu'à une partie de l'opposition, pour ne pas avoir su anticiper la situation. On sait que gouverner, c'est prévoir ; la classe politique française, en se refusant à prévoir l'hypothèse d'une crise de la zone euro, a ainsi perdu le droit de gouverner.
DSK chez TF1 : Gisèle Halimi choquée par un « entretien de connivence »
Dominique Strauss-Kahn n’avait pensé qu’à lui dans la suite 2806 du Sofitel de New York. Il a récidivé hier soir sur le plateau de TF1. Pas un mot d’excuse aux millions de Français qui étaient prêts à lui faire confiance avant le 14 mai. Pas un mot vraiment chaleureux pour le parti dont il était décidé à devenir le candidat. Pas un mot pour le pays qu’il voulait représenter et auquel, de toutes façons, son comportement public n’a pas fait honneur.
Ses supporteurs l’auront trouvé «vrai» et «poignant». Le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ne sont pas très exigeants avec leur champion. À leur jugement subjectif forcément conditionné par l’amitié et... l’admiration, on peut en effet en opposer un autre inspiré par le décryptage des 20 minutes d’une confession annoncée qui n’en n’a pas été une.
À l’américaine, avec la sincérité d’un comédien débitant mécaniquement un texte manifestement préparé - c’était ébouriffant de spontanéité - DSK a consenti «une faute morale». La belle affaire! C’était bien le moins qu’il pouvait reconnaître après avoir anéanti un avenir qui n’était pas seulement le sien pour «7 à 9» minutes de «plaisir» officiellement «précipité». Il ne faut pas se fier aux apparences, certes, mais à aucun moment la sincérité n’a affleuré sur ce visage de cire pétrifié par le message qu’il était venu faire passer. Rien, par exemple, sur la «légèreté» dont il s’est lui-même accusé et qu’il aurait été possible d’évoquer dignement pour comprendre ce qui peut bien pousser l’un des hommes les plus puissants du monde, attendu pour franchir la porte de l’Élysée, à prendre tous les risques en obéissant à une pulsion fugitive. À tromper la femme qu’il dit aimer plus que tout. À mettre les siens dans une situation intenable. S’il s’était confié là-dessus, alors là oui, on aurait pu écrire qu’il avait été vrai et poignant.
Mais le mot sexe, pourtant clé, n’a pas été prononcé une seule fois! Les zones d’ombre que constituent les précédents avec son ancienne collaboratrice du FMI Priotshka Nagy, même pas évoquées. Face à une Claire Chazal se contentant de lui passer aimablement les plats sans lui opposer la moindre contradiction, DSK, en bon avocat de lui-même, a pu dérouler confortablement son interprétation, pas fausse mais très avantageuse pour lui, du rapport du procureur Vance, suggérant qu’il l’avait clairement innocenté. Ce qui n’est pas le cas... Dans son argumentaire, il n’y avait plus qu’une seule coupable, la plaignante, considérée, pourtant, comme une employée modèle par son employeur, le groupe Accor.
Égoïste jusqu’au bout, l’ancien directeur du FMI a pourri la séquence, positive, des primaires du PS. Au passage, il a compromis sans état d’âme, et doublement, son «amie» Martine Aubry en confirmant - alors que personne ne le lui demandait - le pacte de désistement qu’elle aurait noué avec lui. Encore merci Dominique.
L'Express juge l'intervention de DSK
Les journalistes de L'Express ont suivi la prestation de Dominique Strauss-Kahn sur le plateau de TF1, ce dimanche soir. Ils livrent leurs impressions.
La note: 8/20. Quel beau numéro d'acteur ! Jouée, rejouée, surjouée, toute la première partie de l'interview de Dominique Strauss-Kahn donne le sentiment d'avoir apprise par coeur, jusqu'aux (longs) silences et aux yeux douloureusement baissés. Des phrases toute prêtes, des expressions choisies - l'absence totale de spontanéité met le spectateur mal à l'aise, même s'il était sans doute irréaliste d'avoir attendu autre chose de cet entretien. Jusqu'au moment il où il affirme "Cette légèreté, je l'ai perdue pour toujours", qui sonne comme une mélodramatique tirade de fin, loin du regret sincèrement éprouvé d'avoir "raté un rendez-vous avec les Français".
Du coup, la deuxième partie de l'interview a une dimension sur-réaliste: le même, qui vient nous faire part de sa grande douleur une minute avant, se trouve soudain lancé dans une explication claire et précise de la crise financière mondiale ! Le tout avec un naturel et un vrai intérêt pour son sujet, qui contraste avec le DSK du début de l'émission.
Bilan: on termine la séquence sans avoir rien appris qu'on ne sache déjà, ni surtout compris ce qui a motivé la "faute morale", selon son expression, du 14 mai. Dommage.
Le top: Martine Aubry prise en flagrant délit de mensonge !!! DSK allait être candidat à l'élection présidentielle, il l'a dit. Il n'a donc jamais expliqué à Martine Aubry, contrairement ce qu'elle a affirmé en juillet, que la crise grecque l'empêchait de se présenter.
Le flop: Le côté Acteur Studio, "j'ai-bien-appris-mon texte-j'ai-même-répété-les-intonations".
Matthieu Deprieck (LEXPRESS.fr)
La note: 14/20. Tous les sujets ont été passés en revue: affaire Diallo, Banon, primaire PS, crise économique,.. Dommage que Claire Chazal ne l'ait pas cuisiné un peu plus sur le contexte politique actuel, d'autant que DSK a lâché une vraie bombe, en confirmant qu'un pacte le liait à Martine Aubry et qu'il voulait être candidat.
Le top: Le sens de la formule de Dominique Strauss-Kahn. Il a réussi à ne rien dire de ce qui s'était passé dans la suite du Sofitel, qu'il ne s'engagerait pas dans la primaire et qu'il se mettait en retrait de la politique, tout en laissant entendre le contraire. Chapeau!
Le flop: Les séquences "émotion". De vrais moments d'Actor's studio, avec longs silences et mine grave. Tous ces passages très personnels et émotionnels n'avaient qu'une utilité: laver l'honneur de DSK.
Eric Mandonnet (service France de l'Express)
La note: 17/20. Ce fut un moment de télévision par définition unique, où l'on se sentait presque gêné d'assister à cette séance d'explication -comme on fut gêné, depuis le premier jour, de se retrouver prisonnier de cette histoire. Tout aussi décalé, presque comique, fut le passage entre la première partie, consacrée aux fameux événements, et la seconde, sur la crise financière. "Je ne crois pas que l'euro soit en difficulté"...
Le top: L'image furtive -elle a duré une seconde -où DSK est apparu sur l'écran comme un petit garçon pris en faute. Terrible.
Le flop: Là où la mission était impossible, c'était de convaincre de la sincérité, au-delà des artifices de la communication. Chaque phrase donnait l'impression d'être récitée, mais il est vrai que l'exercice d'un 20h est d'abord une question de communication.
Thierry Dupont (LEXPRESS.fr)
La note: 14/20. Un moment très attendu, avec un peu de repentance bien préparée, des coups de griffes, un cours de finance internationale et quelques messages politiques ("Martine Aubry est une amie, elle a été très présente (...) mais je ne m'immiscerai pas dans cette primaire..." Au final, pas grand chose de neuf.
Le top: Des regrets - pas des excuses- qui sonnent assez juste au début. L'homme a du talent... "J'ai manqué mon rendez-vous avec les Français", a-t-il dit à cause d'une "faute morale".
Le flop: "Un piège, c'est possible. Un complot, nous verrons." Cette simple phrase vient contredire l'entreprise de mea culpa ("Cette légéreté, je l'ai perdue pour toujours"). Il rejette la cause de son erreur sur d'autres. Et ouvre la porte de la théorie du complot...
Thomas Bronnec (LEXPRESS.fr)
La note: 14/20. Une interview sous haute tension. Aucune question n'a été éludée, même si Claire Chazal confirme qu'elle n'est pas l'intervieweuse la plus pugnace du PAF... Les réponses, elle, appartiennent à DSK.
Le top: La stratégie de communication. Pas d'excuses explicites aux Français, comme il l'avait fait pour les salariés du FMI ; une contrition minimum avec cette "faute morale" dont il n'est "pas fier"... Aux Etats-Unis, cela aurait sans doute été un flop. En France, cette stratégie du "j'assume ce que je suis", incarnée par son "j'ai du respect pour les femmes", pourrait davantage convaincre l'opinion.
Le flop: "La maison, c'était ça ou retourner à Rykers Island". J'ai du mal à croire que les seules maisons disponibles à New York coûtent 50.000 dollars par mois. Mais je connais sans doute trop mal New York.
IL DISCRÉDITE AUBRY
Le PS veut-il vraiment réindustrialiser la France ?
Francis Journot fait partie de l'association citoyenne «vêtements made in france». Dans une lettre envoyée au PS et relayée par le blog économique et social, il s'interroge : en cas de victoire, le parti d'opposition lancera-t-il de grands projets industriels pour créer des emplois ?
En cas de victoire, le parti socialiste poursuivra t-il la désindustrialisation entamée depuis plusieurs décennies ou soutiendra t-il de grands projets industriels manufacturiers créateurs d’emplois ?
Trois décennies de désindustrialisation : entre supercherie, incompétence et inconscience
Dés les années 70, les gouvernements successifs ont promis aux jeunes générations, des emplois propres, bien rémunérés, moins contraignants, qui seraient offerts en nombre suffisant, par les services et les R&D (Recherche et développement, ndlr).
L’industrie assurait alors le plein emploi avec un chômage qui ne touchait que 2 % ou 3 % de la population active et le budget de la France n’était pas déficitaire.
Plusieurs dizaines d’années plus tard, la ministre de l’économie, Christine Lagarde n’a tiré aucun enseignement de l’échec de cette désastreuse politique économique et déclarait sur Radio France, le 14 août 2008 : «Il ne serait pas sérieux de vouloir récupérer les industries ne nécessitant pas une main d’œuvre extrêmement qualifiée» ou «que les biens de consommation de base soient fabriqués en Chine, n’est pas le plus grave».
Certes, il est indispensable d’investir dans les technologies du futur, mais cela ne nous autorise pas à sacrifier une industrie manufacturière qui fournissait du travail à des millions d’ouvriers. De plus, l’effet multiplicateur de ces emplois industriels sur les emplois locaux, permettait le développement de territoires entiers, devenus aujourd’hui exsangues.
Pourtant, nous continuons à offrir ces activités de main d’œuvre aux pays émergents pour favoriser l’achat d’armement, de centrales nucléaires, d’avions et d’autres produits de grands groupes français, pour le plus grand bonheur de quelques dirigeants et gros actionnaires proches du gouvernement.
Par ailleurs, nous devons « consommer moins pour consommer mieux » pour préserver la planète et il est irresponsable de se satisfaire du consumérisme provoqué par l’importation d’articles bas de gamme, qui voyagent parfois 30 000 kilomètres pour finir dans nos poubelles après 2 ou 3 lavages ou usages.
Pendant son ministère, Christine Lagarde a préféré avant tout miser sur l’industrie aéronautique qui vient de bénéficier d’une aide de 2 milliards d’euros, sur l’industrie automobile qui délocalise à tour de bras après avoir également bénéficié de plusieurs milliards d’euros d’aides et sur des pôles de développement de très hautes technologies comme les biotechnologies et les nanotechnologies, qui créent, assurément des emplois à très forte valeur ajoutée, mais en nombre très restreint.
Ce discours utopiste ciblant principalement une industrie d’élite, est dépassé car chaque année, 1 500 000 ingénieurs indiens et chinois, sont formés, parfois dans nos écoles et par nos enseignants ou chercheurs, et s’approprient notre avance technologique issue de 50 années de recherches.
Aujourd’hui, la majorité des produits technologiques sont déjà fabriqués en Asie et lorsque nous vendons des centrales nucléaires ou des avions, nous devons, de plus en plus souvent, les réaliser sur place, en partenariat avec un pays émergent acheteur et cela crée peu d’emplois en France. Ainsi, nous offrons notre technologie souvent pour le prix dérisoire d’une commande et à ce rythme, bientôt, il ne nous restera guère d’activité industrielle.
Le maintien de l’emploi industriel plébiscité
Une enquête du CREDOC, de mai 2011, souligne l’inquiétude des français et démontre l’intérêt des consommateurs pour l’industrie française : 73 % des français déplorent le déclin de l’industrie et sont convaincus que le développement de la France ne peut se passer du secteur industriel et 64 % sont prêts à payer plus cher des produits industriels « made in France », au lieu de 44 % il y a 5 ans.
Le grand emprunt créera-t-il des emplois ?
Les R&D coûtent déjà 25 milliards d’euros par an aux contribuables, mais ne débouchent que rarement sur une production en France, pourtant ce secteur bénéficiera de la quasi-totalité des fonds dédiés. Les filières industrielles innovantes, parfois situées hors de l’hexagone, obtiendront des subsides de l’état français, mais les industries manufacturières traditionnelles produisant encore en France, potentiellement créatrices de nombreux emplois, ne recevront aucune aide.
Les R&D sont indispensables à notre croissance et à notre développement, mais peut-être conviendrait-il d’investir aussi sur le présent, car l’impact immédiat du grand emprunt sur l’économie et l’emploi en France, risque, selon plusieurs économistes, d’être inexistant.
Si l’on considère que, les fruits des coûteux travaux de R&D, sont souvent, rapidement copiés par des pays concurrents ou, leur sont parfois généreusement offerts, et que les produits issus des recherches, sont, par avidité, la plupart du temps immédiatement fabriqués hors de notre territoire, on peut aussi émettre de sérieux doutes sur la future et hypothétique efficacité économique, dans 15/20 ans, de ce grand emprunt. Il n’est pas certain que ce grand emprunt de 35 milliards soit plus efficace que le précèdent plan de relance de 34 milliards qui n’a sauvegardé ou créé que 18 000 à 72 000 emplois, avec un coût par emploi exorbitant, aggravant ainsi considérablement notre dette.
Renouer avec une politique industrielle créatrice d’emploi
La France affiche au premier semestre 2011, un déficit extérieur record de 37.5 milliards d’euros, probablement plus de 80 milliards à la fin de l’année et la croissance est atone. Le chômage continue d’augmenter malgré 200 000 ou 300 000 radiations mensuelles. Pole Emploi compte 5 millions d’inscrits et le RSA concerne 1.9 million de personnes.
L’absence de politique industrielle réaliste et le chômage qui en résulte, sont responsables d’une part importante de nos déficits publics, dont plus de 100 milliards de dépenses pour l’emploi par an.
Nous ne pouvons plus nous permettre d’être aussi élitistes et devons cesser de rêver à une fabrication exclusive de produits à haute valeur ajoutée ou hautement technologiques.
Peut-être est-il temps de reconnaître nos erreurs pour revenir à une vraie politique industrielle et nous ne devons pas attendre que notre pays s’enfonce davantage dans la crise.
Viabilité d’une production industrielle dans les pays occidentaux
Dans bon nombre de cas, les coûts salariaux ne sont pas vraiment déterminants et la délocalisation de l’activité n’est pas vitale pour la survie de l’entreprise. D’autres raisons animent parfois les dirigeants, parmi lesquelles le recours à la main d’œuvre plus docile et moins syndicalisée des pays émergents et dans les PME, le découragement, face à une administration française jugée peu compréhensive et des banques peu solidaires.
Certes, les donneurs d’ordres uniquement motivés par les gains de coûts et peu regardants sur la qualité, l’age des ouvrières et les conditions de travail, peuvent, même si l’on ajoute les surcoûts, faire des économies très conséquentes.
Il y a sur le continent asiatique, une grande disparité de salaires et ces nouveaux esclavagistes peuvent toujours trouver encore et toujours moins cher. Les grandes usines chinoises qui ont pignon sur rue ont dû, suite aux grèves, augmenter plusieurs fois les salaires mais il y a encore des dizaines de millions d’ouvrières, notamment en Inde et au Bangladesh, qui sont corvéables à merci, dont parfois des gamines de 12 ou 14 ans travaillant 14 à 16 heures par jour et six à sept jours par semaine avec une rémunération journalière de 1 à 2 euros.
Effectivement, si les boutiques occidentales vendaient les vêtements à des prix en rapport avec ces coûts salariaux presque inexistants, il serait évidemment impossible d’être concurrentiel en fabriquant en France, mais c’est loin d’être le cas !
Lorsqu’une enseigne de prêt-à-porter moyen de gamme ou auto proclamée haut de gamme ou luxe, opte pour la fabrication de vêtements à bas prix et produit ou achète par exemple, un article pour 1 euro en Chine ou en inde, celui-ci n’est pas pour autant revendu 3 ou 4 euros en boutique.
En réalité, le prix de vente dépend davantage du positionnement marketing de la marque et de ses ambitions que du coût réel de fabrication du vêtement et la cliente doit débourser 25, 50 ou 100 euros pour cet article de qualité souvent médiocre.
Ainsi la consommatrice perd du pouvoir d’achat car ce niveau de prix aurait pu naguère, lui permettre, d’acheter un article de meilleure qualité, fabriqué en France. En revanche, l’enseigne prospère très rapidement au frais de sa clientèle et s’offre généralement avec les économies réalisées sur les coûts de fabrication, de nombreuses et coûteuses campagnes de publicité, et des dizaines, centaines ou milliers de nouvelles boutiques ou mégastores qui enrichissent démesurément les actionnaires et fonds d’investissement.
Avant la délocalisation massive de l’industrie du textile habillement, afin que leurs prix soient concurrentiels, les boutiques appliquaient le plus souvent, un coefficient multiplicateur entre 2.2 et 3.5 au prix d’achat hors taxes payé à l’usine de vêtements. En clair, la moitié ou le tiers du prix payé par la consommatrice était constitué par le coût consacré réellement à la fabrication du vêtement et lorsqu’un article était soldé, le coût de fabrication représentait couramment 2/3 du prix acquitté.
Aujourd’hui, il n’y a aucun repère et la plupart du temps les consommatrices sont abusées.
Chez les chaînes de magasins proposant des articles à prix bas ou modérés, les consommatrices ont le sentiment de pouvoir consommer davantage qu’auparavant, mais il n’est pas non plus certain qu’elles aient gagné du pouvoir d’achat car ces produits importés sont souvent rapidement hors d’usage ou démodés et doivent être renouvelés en permanence. Les groupes de distribution l’on bien compris et savent également qu’une profusion d’articles à bas prix génère l’achat d’une plus grande quantité de produits, parfois inutilisés.
L’achat impulsif remplace l’achat réfléchi et ces temples du consumérisme connaissent maintenant l’apogée.
Les Etats-Unis, pourtant au cœur du processus de mondialisation, envisagent maintenant la relocalisation : dans l’article « Moving back to America », publié sur The economist, le 12 mai 2011, le BCG (Boston Consulting Group), nous informe que la convergence des salaires américains et chinois, pourrait favoriser une relocalisation de l’industrie aux Etats Unis à l’horizon 2015 et prédit un nouvel avenir pour l’industrie américaine.
Notre voisin allemand, dont la croissance repose sur son modèle industriel et dont le coût de main d’œuvre est proche du notre, a su préserver sur son territoire, une plus grande part de son industrie et reste le deuxième exportateur mondial de biens.
Des économistes compétents tentent de nous faire prendre conscience des dangers liés à la perte d’industrie manufacturière. Parmi eux, Dani Rodrik, professeur d’économie politique internationale à Harvard, dont l’article publié sur le site remarquable « Project Syndicate » le 8 août 2011, démontre la nécessité de conserver une industrie manufacturière.
La production en France d’une grande part de nos biens de consommation pourrait être économiquement viable et notre projet a rencontré un bon accueil lors de sa publication :
- Un plan de sauvetage pour l’industrie manufacturière
- « L’emploi industriel ? On dirait qu’ils s’en foutent … »
Recréer 500 000 à 1 million d’emplois
Le mode de financement de l’entreprise et la structure de son capital social, permettraient d’offrir aux salariés, des avantages financiers semblables à ceux d’une coopérative, mais sans nécessiter d’investissement personnel.
Par ailleurs, cette politique de rémunération renforcerait la cohésion dans l’entreprise et atténuerait considérablement les risques de conflits sociaux.
Ces intéressantes perspectives d’emplois seraient offertes à des personnels qualifiés, riches d’un savoir-faire, mais aussi des personnels jeunes et sans formation, souhaitant acquérir un métier dans une entreprise qui n’aurait pas vocation à délocaliser et qui leur assurerait longtemps du travail.
La mise en œuvre de notre modèle économique pourrait susciter un formidable espoir, et offrir un nouvel horizon à des français abandonnés par l’état. Nous pourrions également créer des synergies avec le projet d’emplois jeunes du programme socialiste.
En 10 à 20 ans, avec un mode de gestion adapté à nos coûts de production plus élevés, notre pays, ancienne patrie de la mode, pourrait récupérer 1 à 2 % de la fabrication mondiale de vêtements et créer 125 à 250 000 emplois et encore au moins 125 000 dans la fabrication d’autres biens de consommation. Si l’on ajoute les emplois indirects et induits générés grâce à ces nouvelles activités industrielles régionales, au total, ce sont 500 000 à plus de 1 million d’emplois qui pourraient être créés.
Une réelle volonté politique sera indispensable
François Hollande, fidèle au dogme socialiste, a souvent prôné plus de mondialisme et d’importations « pour aider les pays du sud ».
Compte tenu du déficit record de la balance commerciale et d’une crise s’aggravant chaque jour, l’ancien Premier secrétaire du PS prendra t-il enfin en compte l’opinion des ouvriers et de la majorité de français qui souhaitent que l’on récupère notre industrie manufacturière ?
Martial Bourquin, Sénateur PS et Président de la commission du Sénat pour la reindustrialisation créée à son initiative, a rendu son rapport en juin 2011, au terme de onze mois de travaux. D’importantes divergences ont opposé les sénateurs socialistes au groupe de sénateurs majoritairement à droite et le rapport final de cette mission n’a pas été signé.
Cette propension à défendre notre industrie pourrait peut-être préfigurer une politique industrielle plus volontariste des élus du Parti Socialiste.
Dans notre article du 25 mai 2011, Un plan de sauvetage pour l’industrie manufacturière, nous avons évoqué la possibilité d’une renaissance de l’industrie manufacturière française facilitée par l’augmentation des salaires dans les pays émergents et les coûts croissants du transport. Martine Aubry partage semble-il, notre analyse et a présenté ces mêmes arguments lors d’une interview, le 21 août 2011 sur BFM TV.
L’ancienne ministre du travail a également recommandé : « il faut remettre l’industrie au cœur de notre développement » et cité « les textiles innovants ».
Cependant, le marché des textiles techniques est un marché de niches avec une production de petites quantités de produits à forte valeur ajoutée qui emploie à peine 19 000 personnes. Ce marché des textiles innovants, brandi depuis plus de 20 ans par la plupart des personnalités politiques dont Nicolas Sarkozy, comme le remède miracle à la délocalisation du textile habillement, reste malgré tout peu créateur d’emploi.
Par ailleurs, si les ventes explosaient, il est à craindre que les plus grosses entreprises, souvent bénéficiaires du financement en R & D de l’état, s’empressent encore de délocaliser. Peut-être conviendrait t-il de soumettre l’obtention de financement en R & D, à l’engagement à ne pas délocaliser. Certes, cela va à l’encontre d’une politique gouvernementale qui encourage les délocalisations. René Ricol, Commissaire général du grand emprunt de 35 Milliards, a expliqué sur BFM Business, que dans le contexte de globalisation, il devait aussi investir l’argent du contribuable français dans les R & D de sociétés situées à l’étranger !
Au cours de son interview, Martine Aubry a ajouté : « il faut aussi relocaliser un certain nombre d’activités », sans toutefois préciser clairement si elle incluait des industries manufacturières traditionnelles comme celles du textile habillement et du meuble. Pourtant, seuls des marchés de masse sont susceptibles de générer les millions d’emplois industriels indispensables à la santé économique et sociale d’un pays de 65 millions d’habitants.
Nous pensons que la réindustrialisation de la France est surtout affaire de volonté politique et nous ne devons plus feindre de croire que l’invention de quelques produits innovants à forte valeur ajoutée, suffira à compenser la disparition des grandes industries manufacturières.
De plus les produits innovants les plus prometteurs sont souvent acquis par des fonds d’investissement qui délocalisent systématiquement la production dans les pays émergents.
Croissance industrielle et consommation d’importations
L’emploi, thème de campagne qui a permis la victoire des socialistes en 1981, demeure encore aujourd’hui la principale préoccupation de nos concitoyens.
Certes, compte tenu de la dette, le PS ne peut raisonnablement envisager une création massive d’emplois dans le secteur public comme il l’a fait en 1981.
Face à Nicolas Sarkozy qui a anéanti notre industrie manufacturière et n’est plus crédible en matière d’emploi industriel, le Parti Socialiste adoptera t-il notre projet économique de relance de l’industrie manufacturière des biens de consommation ?
La croissance de la France est de plus en plus dépendante d’une consommation des ménages payée à crédit et financée par la dépense publique.
Le Parti Socialiste est il prêt à opter pour un modèle de croissance à la fois plus industriel et moins consumériste ?
Verrons-nous enfin en 2012, un gouvernement disposé à renouer avec l’industrie manufacturière, pour recréer des emplois, sauvegarder nos régimes de protection sociale, rétablir notre balance commerciale, augmenter notre croissance et réduire nos déficits ?
Souhaitons que le PS manifeste plus d’intérêt que Nicolas Sarkozy, pour une renaissance de l’industrie manufacturière française des biens de consommation et que l’emploi industriel, enjeu économique et social majeur pour l’avenir de la France, soit au cœur des débats lors de la prochaine campagne pour l’élection présidentielle.
Francis Journot, association citoyenne «vêtements made in France».
DSK reconnaît une "faute morale"
Dominique Strauss-Kahn est apparu le visage grave et fermé dimanche à 20 heures sur le plateau de TF1. Veste noire, cravate sombre, l'ancien directeur général du FMI, s'est dit "content de pouvoir s'exprimer". "Ce qui s'est passé ne comprend ni violence ni contrainte ni agression ni aucun acte délictueux, c'est le procureur qui l'a dit", a-t-il assuré.
S'appuyant sur le rapport du procureur, Dominique Strauss-Kahn affirme que celui-ci "ne m'accuse en rien de traces ou de blessures. Ce tabloïd qu'est devenu L'Express a voulu présenter comme rapport médical ce qui n'était que la fiche d'entrée à l'hôpital. Il n'y a rien dans le rapport”.
"NAFFISATOU DIALLO A MENTI SUR TOUT"
"On a dit beaucoup de choses fausses, que j'avais voulu fuir, alors que mon billet pour l'Europe avait été pris depuis des jours, que j'avais déjeuné avec ma fille", a-t-il ajouté. "Le rapport du procureur dit quoi ? Ce ne sont pas mes avocats qui le disent, ce n'est pas moi. Il dit que Naffisatou Diallo a menti sur tout, elle a menti sur les faits, elle a présenté tellement de versions différentes que je ne peux plus en croire un mot, elle a menti à chaque entretien".
"Les charges ont été abandonnées, il n'y a pas lieu de poursuivre parce que les accusations sont tombées. Il n'y a pas eu de procès parce qu'il n'y avait plus aucune déclaration qui tienne. La poursuite au civil montre bien les motivations financières qui sont derrière tout cela. La procédure civile va se dérouler, je n'ai pas l'intention de négocier", explique-t-il aussi.
"J'ai eu peur, j'ai eu très peur", a répondu Dominique Strauss-Kahn quand Claire Chazal l'a interrogé sur la procédure judiciaire américaine. "Quand vous êtes pris dans les mâchoires de cette machine vous avez l'impression qu'elle peut vous broyer. J'ai eu le sentiment d'être humilié avant d'avoir pu dire un mot. J'ai beaucoup perdu". Il a refusé de parler de complot contre lui, estimant : "un piège c'est possible, un complot nous verrons".
BANON A PRÉSENTÉ UNE "VERSION IMAGINAIRE, CALOMNIEUSE"
Il a également évoqué le "rôle de l'argent", "très choquant dans la justice américaine". Revenant sur son appartement luxueux à TriBeCa, DSK a reconnu que "les sommes ont choqué". "Que fallait-il faire ? Quand vous avez quelques heures pour vous loger vous n'hésitez pas. Annes avait loué un deux pièces, on n'a pas pu y rester, on a trouvé une location trois pièces il restait trois jours. Il ne restait plus de temps, il fallait trancher, il falait une maison, qui satisfasse les conditions de sécurité. On a trouvé cette maison, je ne l'ai pas aimé, elle a coûté cher, mais c'était ça ou retourner à Rykers Island", la prison de l'Etat.
Sur l'affaire Banon, dans laquelle il est accusé de viol par la jeune femme, l'ancien patron du FMI a assuré qu'il n'y a "aucun acte d'agression, aucune violence". "La version qui a été présentée est une version imaginaire, calomnieuse, d'ailleurs j'ai déposé une plainte, je n'en dirai pas plus", a-t-il ajouté.
"OUI, JE VOULAIS ÊTRE CANDIDAT" EN 2012
Dominique Strauss-Kahn est également revenu sur sa candidature à la présidentielle. "Oui, je voulais être candidat, je pensais que ma situation au FMI me donnait un regard aigu et que je pouvais être utile et apporter des réponses, a-t-il expliqué. Tout cela est derrière moi, je ne suis évidemment pas candidat, même si je continue de penser que la victoire de la gauche est nécessaire".
Il n'a pas souhaité soutenir officiellement l'un des candidats à la primaire. "Je souhaite le succès de la primaire", il a néanmoins ajouté que "Martine Aubry est une amie. Pendant cette période, elle a été très présente et j'y ai été sensible".
Interrogé sur son avenir, Dominique Strauss-Kahn a déclaré qu'il allait "prendre le temps de réfléchir". "Je ne suis candidat à rien et dans ces conditions je vais d'abord me reposer, je vais retrouver les miens. (...) Mais toute ma vie a été consacrée à essayer d'être utile au bien public... et on verra", a-t-il dit, concluant son interview. Auparavant, il avait souligné que le sujet de la dette et des systèmes financiers dans le monde, ainsi que celui de la "démographie" dans les pays "vieillissants", étaient des sujets qui le "passionnaient".
MANIFESTATION DEVANT TF1 Arrivé un peu plus tôt en voiture, DSK est entré par l'arrière de la tour qui abrite le siège de TF1 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Il a ainsi évité la cinquantaine de féministes qui manifestaient devant le siège de la chaîne.Peu après l'arrivée de M. Strauss-Kahn, les manifestants scandaient "DSK honte à toi" et "TF1 complice", en tapant sur des tambours.
Les manifestants, des femmes pour la grande majorité, s'étaient rassemblés en fin de journée derrière deux banderoles, l'une portant les mentions "DSK = déni de justice. Quand une femme dit non, c'est non" et "La barbe", du nom de l'un des collectifs qui appelaient à manifester contre l'intervention télévisuelle de l'ancien directeur du Fonds monétaire international.