Les marchés financiers réagissent plus favorablement aux plans
d’austérité axés essentiellement sur la baisse des dépenses plutôt qu’à
ceux qui font la part belle aux augmentations d’impôts. Quand on
constate que le programme du président Hollande prévoit des
augmentations d’impôts considérables sans coupes budgétaires, on peut
penser que la France a toutes les chances de devenir la prochaine cible
des marchés financiers.
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L'homo-crétinus en période de sommeil, à rapprocher de l'homo-Ça pionce. |
Les pays fortement endettés de la zone euro ne savent plus comment
financer leur dette souveraine. Ils annoncent des plans d’austérité
mirobolants visant à réduire le déficit budgétaire, l’Allemagne vient à
leur rescousse à coup de dizaines, voire de centaines, de milliards
d’euros. Rien n’y fait : les marchés financiers ne croient pas à la
solidité ni à la soutenabilité des efforts consentis, ou tout au moins
promis, et imposent des taux d’intérêt de plus en plus élevés aux
obligations d’État de ces pays. En même temps, les plans d’austérité
poussent les pays qui les appliquent, et partant l’ensemble de la zone,
dans la récession.
La faille, car faille il y a, il faudra la chercher dans l’assortiment de mesures utilisées.
Pour avoir la paix sociale, les gouvernements et parlements concernés
ont tendance à couper le moins possible dans les dépenses publiques
(fonctionnaires, allocations sociales, retraites) et préfèrent plutôt,
autant que faire se peut, augmenter les impôts.
Or, l’expérience montre que les politiques ayant le mieux réussi,
aussi bien dans le domaine de la relance économique que dans celui de la
recherche de l’équilibre budgétaire, sont celles qui ont entraîné une
diminution (et non pas une augmentation) des impôts.
Prenons d’abord le cas d’une crise économique qui, pour être peu
connue du grand public, n’en fut pas moins dévastatrice : celle qui
frappa l’économie américaine en 1920, avec une chute de 23% de la
production industrielle et un chômage passant de 2% à 14% en quelques
mois.
Le président américain de l’époque, Warren Harding, décide alors de
réduire, et les dépenses publiques et les impôts, et parie sur les
entreprises privées pour faire le reste. Résultat : en 1922 la
production industrielle augmente de 27% et le chômage retombe à 3% en
1923 []
Une dizaine d’années plus tard entre en scène la Grande Dépression.
Et avec elle deux présidents interventionnistes : Edgar Hoover d’abord,
ensuite Franklin Roosevelt, père du New Deal.
Tous les deux ignorent le succès de la politique de Harding et
recourent à un autre genre de mesures : augmentation massive des
dépenses publiques, protectionnisme (loi Smoot-Hawley), entraves aux
licenciements et aux diminutions de salaires, et augmentation des
impôts, via, entre autres, un impôt sur les bénéfices non distribués.
Cette panoplie de mesures volontaristes n’empêche pas l’économie
américaine de tomber en 1937 dans ce qu’on appelle une « dépression dans
la dépression ». Le Dow Jones chute de 49% entre mars 1937 et mars
1938, la production industrielle se rétrécit de 40% entre août 1937 et
janvier 1938, et le chômage grimpe de 14% à 19%.
Le président Roosevelt rectifie le tir et introduit un ensemble
d’incitations aux investissements privés et à la création d’emplois par
le secteur privé. Parmi ces mesures, mentionnons la libéralisation du
marché du travail et la réduction, jusqu’à l’élimination, de la taxe sur
les profits non répartis. La reprise économique durable commence à ce
moment et non pas – comme on a l’habitude de marteler – lors du
lancement en 1933 des grandes dépenses publiques associées au New Deal. []
Pour lutter contre la stagflation des années 70, Margaret Thatcher et
Ronald Reagan se feront connaître par les réformes structurelles et les
baisses d’impôts (encore elles), qui marquent le début d’une période de
forte croissance économique.
Contrairement à la diminution des impôts, les dépenses publiques ne
s’avèrent pas être un moyen efficace pour relancer une économie. Si
c’était le cas, l’économie japonaise – qui a fait un usage démesuré de
ce genre de dépenses []
– ne se trouverait pas dans une léthargie qui dure depuis plus de vingt
ans. Et ni la Grèce ni l’Italie, pays où l’État a toujours fait montre
d’une grande prodigalité, ne seraient aujourd’hui aux prises avec la
récession. Quant à la France, sa légendaire gourmandise en matière de
dépenses publiques (56% du produit intérieur brut) ne l’a pas empêchée
d’enregistrer ces dernières années une croissance économique poussive,
inférieure à celle des pays de la zone euro ayant taillé sur les
dépenses, telles que la Suède et l’Allemagne.
Rien d’étonnant qu’une étude menée par les économistes Alberto
Alesina et Silvia Ardagna, de l’université de Harvard, couvrant les 107
plans d’austérité des 30 dernières années, signale que les plans les
plus efficaces sont ceux qui ont comporté des coupes dans les dépenses
publiques sans augmentations d’impôts. L’étude va plus loin encore et
souligne que les plans comportant des hausses d’impôts ne parviennent
pas à réduire la dette publique et risquent de surcroît de provoquer une
contraction de l’économie [].
Une équipe du Fonds monétaire international arrive à une conclusion
semblable : les coupes des dépenses publiques et les réformes
structurelles sont les seuls moyens de réduire durablement la dette
souveraine d’un pays [].
C’est pourquoi les marchés financiers – qui ont pour principal souci
de recouvrer leurs créances – réagissent plus favorablement aux plans
d’austérité axés essentiellement sur la baisse des dépenses plutôt qu’à
ceux qui font la part belle aux augmentations d’impôts.
Ainsi, quand on constate que le programme du président Hollande
prévoit des augmentations d’impôts considérables (entre autres 28
milliards d’euros de charges supplémentaires sur les entreprises, ce qui
fera plomber davantage encore leur compétitivité), et qu’on remarque
une frilosité certaine à l’égard des coupes budgétaires, on est en droit
de penser que la France a toutes les chances de devenir la prochaine
cible des marchés financiers.
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Notes :