mercredi 24 juillet 2013
Ces mots qui tournent à vide
Ces mots qui tournent à vide
C’est une phrase que j’avais relevée la semaine dernière dans un quotidien, dont l’un des chroniqueurs, Thomas Wieder, analysait l’indifférence que suscitait dans l’opinion, à l’exception du mariage pour tous, la palanquée de lois votées à l’instigation du gouvernement et censées, à coups de réformes, « transformer » la France. Une indifférence palpable même chez l’électorat socialiste. Ces réformes dont se targue le président de la République n’accrochent pas l’intérêt de l’immense majorité des Français.
Le chroniqueur voyait la cause de cette désaffection dans les discours insipides du chef de l’Etat, « réfugié dans une novlangue technocratique ou des slogans creux » : « Redressement dans la justice », « pacte de compétitivité », « nouveau modèle français, choc de simplification ». Et il ajoutait : « Les mots tournent à vide parce qu’ils sont reliés à rien, inscrits dans aucune culture politique, aucune filiation idéologique… » Des mots qui ne sont plus que des éléments de langage élaborés par les spécialistes de la communication, et qui sont généralement destinés à racoler les électeurs, en faisant entendre à ces derniers ce que les gourous de la communication croient qu’ils veulent entendre.
Des mots hors-sol, tournant à vide au-dessus de sociétés vides de sens. Ce n’est plus le viol des foules par une propagande perverse, mais une sorte de nuage de mots vaporeux dont l’objectif brumisateur n’est plus tant de porter un message politique précis, même mensonger, mais bien plutôt d’enfumer ceux qui les écoutent, dans une sorte de sfumato syntaxique plaisant.
Les mots tournent à vide, mais cela ne les empêche toutefois pas, au passage, de broyer le réel pour y substituer le monde de plus en plus virtuel des intellos, des idéologues et des politiciens. « Le réel a disparu. Il a été kidnappé », nous prévient, de façon ironique mais hélas fort juste Elisabeth Lévy dans son éditorial de Causeur, précisément intitulé « Les infortunes du réel ».
Elisabeth Lévy, une journaliste qui généralement ne cause pas pour ne rien dire et elle nous le prouve une fois encore. « Le réel ment. En tout cas il exagère beaucoup. C’est Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité, qui le dit. Dans un rapport remis le 25 juin au Premier ministre, il est formel : “La France n’a pas de problème avec sa laïcité ” »… Le problème, selon Bianco et Cie, ce sont les « laïques » qui se livrent à « une dramatisation politique de ces sujets ». Le terme « laïque » pouvant ici être entendu comme synonyme de citoyens français. Des « laïques » donc qui se disent « gênés de croiser de plus en plus de femmes voilées au supermarché mais ne s’offusquent pas de voir des sapins de Noël dans les mairies ». Ce qui est bien la preuve de leur duplicité et de leur parti pris discriminatoire. Ces « laïques » qui croient voir que des extrémistes barbus imposent l’islam par la force dans certaines cités, dans certains quartiers, dans certains lieux où ils sont majoritaires comme les prisons, tandis que leurs adeptes multiplient les provocations dans le monde hospitalier, les entreprises et à peu un peu partout où ils passent.
Les croisés de l’islamophobie
Toutes ces réalités, tels des documents périmés ou erronés, sont à passer à la broyeuse. Le problème, selon l’ineffable Bianco, ce n’est pas le comportement de certains musulmans mais bien « la montée évidente de l’islamophobie dans le pays ». C’est d’ailleurs ce que pense Manuel Valls, qui, le 17 juillet dernier, participant en tant que ministre de l’Intérieur à une rupture du jeûne à la Mosquée de Paris, dénonçait « la montée des violences à l’égard des musulmans de France ». A ce stade ce n’est même plus un déni de la réalité, mais bien un complet retournement de celle-ci.
Les événements de Trappes nous fournissent un bel exemple de cette réalité… passée à la trappe. Dans Le Monde daté de mardi, un reportage signé Shahzad Abdul nous explique les vrais « raisons de la colère » de ceux qui, après avoir tenté de prendre d’assaut un commissariat, se sont attaqués toute une nuit aux forces de l’ordre, saccageant tout ce qui leur tombait sous la main. Les vraies raisons de ces émeutes, selon Shahzad Abdul, ce n’est pas qu’une Martiniquaise récemment convertie à l’islam enfreigne délibérément la loi d’octobre 2010 prohibant le port du voile intégral dans l’espace public. Ce n’est pas non plus que son mari ait frappé à coups de poing, puis tenté d’étrangler le policier qui tentait de faire respecter cette loi. « Une version contredite par le récit la jeune femme », que s’est dépêché de reprendre le collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), qui parle, lui, comme de bien entendu, de « provocations policières ». Oui, voilà les vraies raisons de la colère : ces intolérables provocations policières. Celles-ci commençant par la seule présence d’un policier dans la cité.
Shahzd Abdul se demande également si l’interpellation en plein mois du ramadan d’une femme voilée, n’a pas été perçue « comme un affront » envers la communauté tout entière ? « A Trappes, en ces jours de jeûne où l’on ne trouve aucun restaurant ouvert, une habitante des Merisiers ne comprend pas pourquoi la police ne laisse pas les femmes voilées tranquilles (…). C’est déjà suffisamment pénible de jeûner par cette chaleur. » Et puis les lois de la République française ne sont-elles pas faites pour allumer les feux de bois sur lesquels les fils d’Allah font cuire le méchoui ?
Étrangers dans leur pays même…
Trappes est-elle encore une ville française ? En tout cas ce sont d’autres coutumes, d’autres mœurs que celle d’une ville de civilisation chrétienne ou « laïque » qui y règnent. Des mœurs et des coutumes inspirés de la charia, avec Ramadan obligatoire pour tous les habitants des cités. Et tant pis pour les « souchiens » devenus étrangers dans leur pays même et dont le quotidien, dans des quartiers dominés par le caïdat religieux ou mafieux (souvent les deux à la fois) ressemble parfois à un enfer. Cette réalité-là est plus qu’une autre passée à la broyeuse des mots qui tournent à vide…
Dans le même numéro du Monde, un chercheur du CNRS, Hicham Benaissa, allait dans le même sens que le journaliste Shahzd Abdul : « On peut observer chez la plupart des musulmans un consensus tacite autour de l’idée que les actes islamophobes ne sont pas suffisamment condamnés et d’un traitement deux poids deux mesures. » Que l’on ne puisse plus parler des exactions, grandes ou petites, commises par des islamistes, c’est une revendication que les mahométans semblent bien être sur le point d’obtenir.
Ainsi viennent-ils de recevoir le renfort de Dominique Baudis, autre négationniste bien connu des réalités qui dérangent. Ce dernier annonçait lundi qu’en tant que Défenseur des droits « il allait enquêter sur le déroulement des opérations de maintien de l’ordre à Trappes ». Les vraies coupables, sans doute, de l’embrasement de vendredi et samedi derniers ? Les voyous des cités crachent quotidiennement à la figure des flics, mais ce sont eux, les insulteurs (et parfois les caillasseurs) qui se plaignent d’être mal traités. Et ce sont eux toujours que médias, magistrats, politiciens de gauche et tous les complices des « kidnappeurs de la réalité » feignent de croire.
Les vraies fausses condamnations de la demi-douzaine de casseurs déférés devant la justice (quand ils n’ont pas été tout simplement relaxés) constituent un bel exemple de cette désintégration de la réalité (lire l’article de Pierre Malpouge en page 2 du journal "Présent"). Mais ceux qui font subir de tels outrages à la réalité devraient user plus modérément de leur machine ubuesque : à force de faire chauffer jusqu’à ébullition les mots qui tournent à vide pour mieux écrabouiller et pulvériser les réalités qu’ils ne veulent ni voir ni entendre, celles-ci pourraient bien, un jour ou l’autre, par leur exploser au visage, avec une violence cataclysmique.
Certaines déclarations exaspérées, si odieuses soient-elles, en sont peut-être déjà le signe annonciateur.
Inscription à :
Articles (Atom)