Les chefs d'État et de gouvernement étaient réunis mercredi pour venir au secours de la Grèce et de la monnaie unique.
L'Europe a engagé mercredi soir un marathon à suspense pour reprendre le contrôle de sa monnaie et de son destin. Mais aux premières heures de ce nouveau sommet de crise à Bruxelles, l'espoir d'un règlement tous azimuts de la crise de la dette butait toujours sur la Grèce, révélateur du malaise, et sur le fonds de sauvetage, censé stopper la contagion pour l'avenir.
Angela Merkel, rassérénée par un soutien très majoritaire au Bundestag, a confirmé l'existence de blocages dès le début du sommet: « Il y a encore beaucoup de problèmes à régler et de négociations à mener, donc le travail n'est pas terminé», a-t-elle fait savoir à son arrivée à Bruxelles. Du côté français, après un nouveau tête-à-tête d'une heure entre la chancelière et le président, on se voulait pourtant rassurant: «Le fossé n'est pas insurmontable.»
Contrairement à l'objectif initial du double sommet (Europe entière puis zone euro seule), les chances semblaient néanmoins s'amenuiser d'une réponse assez complète et précise pour enrayer la contagion. Dix-huit mois après la première alerte sur la Grèce, les négociations avec les banques créancières se sont à nouveau enlisées. Berlin brandit la menace d'une restructuration précipitée de la dette grecque, avec une décote d'au moins 50%, «imposée aux banques si elle n'est pas volontaire». Mais les établissements financiers refusaient de franchir ce seuil en début de soirée.
La France est en retrait sur la question, par crainte de déclencher une réaction en chaîne catastrophique aussi bien pour le système financier que pour d'autres pays endettés, telles l'Italie et l'Espagne. Les derniers milliards sont les plus difficiles à trouver, explique un haut responsable, laissant prévoir que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel pourraient faire directement valoir leurs arguments aux représentants de l'industrie bancaire, eux aussi réunis à Bruxelles.
Négociations nerveuses
Au cœur de négociations nerveuses entre banquiers et hauts fonctionnaires, la décote grecque est la variable de départ d'une série d'additions-gigognes que les dirigeants européens s'étaient donné pour mission de verrouiller la nuit dernière. De l'allégement du fardeau consenti à Athènes dépend largement le montant de la recapitalisation des banques, officieusement chiffré à 108 milliards d'euros.
Au bout de ces inconnues en cascade, c'est la force de frappe du FESF, le fonds de sauvetage européen, qui vient en question. Le chiffre, jalousement gardé secret, est celui qu'attendent les marchés pour jauger le nouvel arsenal de défense de l'euro. Pour ce trésor de guerre, des montants allant jusqu'à 2000, voire 3000 milliards d'euros ont circulé ces dernières semaines. Mercredi soir, tout portait à croire que le sommet s'entendrait sur un chiffre moins ambitieux.
Sous la pression d'Angela Merkel et malgré les réticences de Nicolas Sarkozy, la zone euro a volontairement bridé ses moyens: elle a renoncé dimanche à faire de la BCE et de ses capacités de financement théoriquement illimitées le ressort principal de la défense de l'euro. La question posée mercredi au sommet était de mieux mobiliser les ressources existantes, qu'il s'agisse des fonds encore disponibles du FESF ou de ce que des acteurs externes, comme la Chine ou le FMI, seraient disposés à investir dans des emprunts publics européens.
Force de frappe
Du côté français, on assurait mercredi soir que les Européens s'entendront sur un effet de levier «supérieur à quatre», afin de démultiplier les interventions du fonds européen. Ce qui aboutirait à une force de frappe d'un peu plus de 1000 milliards d'euros.
Il faudrait y ajouter ce que les fonds souverains chinois, japonais ou russe, bientôt directement sollicités par l'UE, pourraient apporter au dispositif. Dans tous les cas, il y avait peu de chance que le fameux chiffre soit divulgué à l'issue du sommet: «Nous n'allons surtout pas dire aux marchés à quel endroit ils doivent nous attendre», lâchait mercredi un haut responsable européen.
Les marchés, justement, feront très vite connaître leur verdict sur le résultat du sommet. Ils semblaient l'attendre mercredi dans une certaine sérénité, contrastant de façon surprenante avec la fébrilité bruxelloise: les Bourses européennes sont restées stables, les places américaines étaient en hausse à l'ouverture du sommet, et l'euro a touché un plus haut quelques heures plus tôt depuis sept semaines face au dollar.