mercredi 26 novembre 2014
Le cerveau archaïque des politiques
Les politiques sont incapables de penser l’avenir. La structure mentale de leur cerveau les en empêche.
Écrire sur la politique est devenu vraiment trop éprouvant. Tant à gauche qu’à droite, les hommes politiques s’avèrent tous désespérément incapables d’inventer un avenir différent de ce à quoi ils ont été habitués depuis des décennies. Enfermés dans des structures mentales d’un autre âge, ils sont dans l’incapacité d’imaginer autre chose que ce qu’ils ont toujours connu : l’alternance désespérante soit de ronds de gauche, soit de carrés de droite, mais toujours enfermés dans la même grille qui a fait faillite.
L’indispensable reconfiguration des structures – politiques, institutionnelles, sociales, démocratiques ou numériques – est carrément hors de portée de leurs cerveaux formatés par des idéologies datant du XIXe siècle ou déformés par l’ENA. Ils sont en fait incapables de penser « en dehors de la boîte » – de leur petite boîte crânienne étriquée, verrouillée et impuissante à concevoir autre chose que l’existant et le répétitif. Et donc je ne vais même pas essayer d’expliquer avec des mots (ils ne comprendraient pas) mais avec des images qui disent plus que mille mots…
L’image du dessous, c’est ce qu’ils tolèrent à peine : une fois tous les cinq ans environ, lors de scrutins qu’ils redoutent comme la peste, ils ont un petit tressaillement existentiel : des élections s’annoncent, les lignes Maginot qu’ils ont construites risquent de bouger et ils ont une peur panique. Et puis les gens votent, les lignes traditionnelles se remettent en place. Ils poussent un grand ouf de soulagement : tout se stabilise à nouveau et ils peuvent continuer leur petit train-train habituel. Le vent du boulet électoral est passé. Ils sont assurés de leurs petits fours pendant au moins quatre ans.
Vous avez aussi une autre représentation de ce à quoi ils veulent bien se prêter : juste changer quelques têtes. Untel remplace untel, tu me remplaces ici et je te remplace là, on se tient tous par la barbichette et l’électeur n’y verra que du feu. On fait des remaniements ministériels qui ne sont qu’un jeu de chaises musicales, on donne l’illusion du changement et, hop, on peut continuer à danser en rond jusqu’aux prochaines élections, avant lesquelles on changera sans doute encore quelques têtes pour donner encore l’illusion d’un changement fort ! Et ils s’étonnent que les Français en aient carrément par-dessus la tête de ces petits jeux stériles.
Incapables de concevoir des structures dynamiques différentes
Ces « représentations mentales » qui font sauter les configurations classiques et exploser le cerveau comme les marrons chauds en hiver – paf ! – fonctionnent évidemment dans bien d’autres domaines que la politique. Celui du web en particulier. Je lisais ce matin un article passionnant d’Amaelle Guiton intitulé « L’Internet et le politique, en un (vieux) schéma » où sont présentés les trois schémas ci-dessous que je trouve tout simplement lumineux. Si nos politiciens pouvaient comprendre enfin la différence entre la configuration (A) dans laquelle ils sont mentalement enfermés, la (B) qui serait déjà un progrès, et surtout la (C), on aurait évidemment fait un immense bond en avant. Je vous laisse les regarder attentivement…
Et tenez, pour que ce soit encore plus clair, je vous recopie carrément ci-après ce qu’en dit Amaelle Guiton dans son article :
Ce schéma est de la main de l’ingénieur américain Paul Baran, qui a rejoint en 1959 la RAND Corporation, un think tank californien originellement créé à la fin des années quarante pour conseiller les forces armées américaines. Au sein de la RAND, Baran a travaillé à concevoir un système de communication capable de résister à une attaque nucléaire. Ces travaux ont donné lieu à la parution, en 1964, d’une série de rapports intitulée On Distributed Communications. Ce schéma est tiré du premier de la série Introduction to Distributed Communications Networks.
C’est à la fois clair, d’une absolue simplicité, et incroyablement évocateur. Ce que propose Baran – de manière très audacieuse pour l’époque – c’est une infrastructure de communication sans centre névralgique, sans « point unique de défaillance » (single point of failure), et dont le maillage assure la résilience : même si l’un des points du réseau disparaît, l’information continue à circuler entre les autres. Mais on peut aussi, évidemment, voir dans cette structure distribuée une « forme politique » – l’effacement des points d’entrée, des gatekeepers, au profit de liens égalitaires entre les nœuds du réseau.
Voilà, maintenant si vous écoutez des politiques parler à la radio ou à la télévision, demandez-vous quelle est la configuration exacte de leur cerveau (A), (B) ou (C) ! Et faites comme moi : éteignez le poste immédiatement. Ils n’en valent pas la peine.
Bonne conscience
Bonne conscience
Il manquait un titre au pape François : celui de champion… d'Europe, un titre laissé vacant par des dirigeants de l'UE ayant perdu la foi. Il l'a conquis haut la main et haut les ch'urs, hier, au Parlement de Strasbourg, devant des députés européens qui lui ont réservé une « standing ovation » après son discours. À se demander s'il n'y avait pas dans l'assistance une majorité d'hypocrites. À moins que les technocrates, bureaucrates et autres eurocrates aient voulu exprimer une forme de repentir après avoir été touchés par la grâce. Car c'est peu dire qu'ils ont été sérieusement sermonnés par le pape François.
En condamnant les gaspillages de notre société de consommation quand tant d'hommes meurent de faim, il a soulevé les applaudissements de ceux qui se montrent d'ordinaire si chiches dans l'octroi des aides alimentaires aux plus démunis. En évoquant le besoin d'aide et d'accueil des migrants pour qui la Méditerranée est devenue un grand cimetière, il a soulevé les bravos des mêmes qui se rejettent indignement le poids du « fardeau ».
Oui, le pape François a plaidé pour une Europe à visage humain et placé la dignité de l'homme au centre de tout. Il a porté sur cette Europe « vieillissante » et « fatiguée » l'autre regard d'un pape venu d'Argentine, imposant à son auditoire un effort de lucidité à l'heure de la mondialisation. L'Europe, tout en restant fidèle à ses racines chrétiennes et ses valeurs inaliénables, ne saurait rester « repliée » et « effrayée ».
A peine allusif sur les problèmes de société et les questions bioéthiques, le pape n'a pas abusivement prêché, si l'on peut dire, pour sa paroisse, mais a tenu un propos essentiellement politique, difficilement réfutable. Assez, en tout cas, pour entretenir une image de « pape de gauche » et pas trop pour préserver les fondamentaux de l'Église et le soutien d'une base plus conservatrice. On ne reprochera donc pas au pape François sa rapide apparition à Strasbourg. Ce serait bien si nos dirigeants y trouvaient matière à agir courageusement, et pas seulement à se donner bonne conscience.
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