TOUT EST DIT

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jeudi 8 novembre 2012

Une taxe contre l'exil des entreprises est à l'étude

Afin de décourager l'exil fiscal des sociétés, Bercy réfléchit à créer une taxe frappant les entreprises qui transfèrent leur siège social ou une de leurs filiales à l'étranger.

Le gouvernement veut empêcher les entreprises françaises de délocaliser leurs filiales et même leurs sièges sociaux à l'étranger. Son arme? La fiscalité. Bercy réfléchirait ainsi à créer une «exit tax» pour les entreprises afin de compléter les dispositifs existants qui ne correspondent pas tout à fait à ce qu'impose le droit européen. L'information a été confirmée mercredi soir lors d'une importante réunion de fiscalistes au cours de laquelle la directrice de la législation fiscale, qui dépend du ministère des Finances, intervenait.
Le mécanisme est simple. Une société qui transférerait l'un de ses actifs à l'étranger - par exemple une filiale - devrait calculer la plus-value latente sur cet actif, c'est-à-dire la différence entre son prix d'acquisition et sa valeur au moment du transfert. La société payerait ensuite une taxe sur cette plus-value latente, d'un montant pour l'heure indéterminé. Le paiement se ferait non pas au moment du déménagement - le droit européen l'interdit - mais de façon différée et étalée sur plusieurs années. Cet «exit tax» s'appliquerait aussi à tout groupe décidant de transférer sa holding de tête à l'étranger.

Renchérir le coût des délocalisations

Ce projet de Bercy n'arrive pas par hasard. Depuis des mois, les rumeurs de grandes entreprises souhaitant déménager leur siège social dans d'autres pays européens se multiplient. En cause? L'alourdissement de la fiscalité sur les entreprises (moindre déductibilité des intérêts, majoration d'impôt sur les sociétés prolongée…) décidé par le gouvernement Ayrault. Les cessions de filiales sont également davantage taxées. En outre, les dirigeants de grands groupes subissent la nouvelle taxe à 75% sur leurs revenus supérieurs à un million d'euro par an. Bref, les raisons ne manquent pas pour les entreprises de délocaliser une filiale ou le siège. Une fuite que Bercy espère donc contrer en renchérissant, par la fiscalité via la création d'une «exit tax» conforme au droit européen, le coût de ces délocalisations.
Cette nouvelle «exit tax» pour les entreprises pourrait faire partie du projet de loi de finances rectificative pour 2012 qui doit être présenté dans les prochains jours en Conseil des ministres et qui est dédié à la lutte contre la fraude fiscale. Ironie de l'histoire, le gouvernement Fillon avait lui aussi créé une «exit tax» pour les ménages sur les plus-values latentes afin de freiner la fuite à l'étranger des particuliers…

ALORS LÀ, C'EST LE BOUQUET. 
LA FRANCE DEVIENT PEU À PEU UN ÉTAT TOTALITAIRE
OÙ LES LIBERTÉS ÉLÉMENTAIRES SONT BAFOUÉES.

Vivement le rapport… Jospin !

Il n’y a pas que le rapport Gallois dans la vie politique, il y a aussi « le Jospin » dont la publication a été repoussée en fin de semaine, comme s’il était secondaire. Pourtant, ce travail sur « la rénovation et la déontologie de la vie publique » est de première importance. D’abord parce que le débat national ne saurait se réduire uniquement à une confrontation sur le coût du travail. Même si la question de l’allègement des charges des entreprises n’est pas négligeable pour notre économie comme pour notre avenir, on ne saurait en faire comme nous y enjoint Laurent Joffrin dans son éditorial du Nouvel Observateur une « ardente nécessité » qui mobiliserait l’essentiel de nos forces intellectuelles, vitales.

La démocratisation de nos institutions et la moralisation des pratiques de nos élus valent qu’on y mette autant d’ardeur voire davantage, car sinon on risque de passer à côté d’une révolution éthique et démocratique, dont cette commission a la charge. Même si les « préliminaires » de ce rapport n’ont pas été très réjouissants, il ne faut pas trop préjuger en mal de sa conclusion…

La composition de cette commission a certes suscité du respect, mais pas d’enthousiasme – des professeurs de renom certes, tel Jean-Claude Casanova, et des fonctionnaires réputés, mais pas de représentants du secteur privé, ni de philosophe, ni personnalité hors normes- ce qui ne laissait pas présager d’une audace dont son patron, Lionel Jospin n’a que trop rarement fait preuve. L’ancien Premier ministre n’a certes plus grand chose à perdre, mais sa crainte de gêner son ex-premier

secrétaire du PS devenu Président de la République a pu retenir un esprit et une main qu’il faudra pousser s’il a été ainsi entravé. Mais point de procès d’intention, alors même qu’il n’y a pas eu de fuites ni d’indiscrétion sur ce rapport-là. Et attendons avec exigence ce qu’il en sera vraiment des avancées esquissées sur quelques points essentiels !

Le cumul des mandats, des fonctions, des rémunérations ? Lionel Jospin a annoncé son intention d’édicter « une limite extrême pour les ministres et les parlementaires, sans faire de distinction entre députés et sénateurs ». Sa traduction dans les faits demandera d’être suivie avec la plus extrême vigilance, car tant au Sénat qu’à l’Assemblée nombre d’élus sont à l’œuvre pour différer et dévoyer toute réforme trop restrictive. Idem pour les conflits d’intérêts, où les lobbys sont mobilisés afin que les parlementaires puissent continuer d’être avocats et que les hauts fonctionnaires aient toujours loisir de pantoufler dans le privé sans trop s’embarrasser. Entre « belles personnes », on s’est toujours montré coulant…

Sans doute la remise en cause du statut pénal du chef de l’Etat ou la refonte du système de parrainages pour l’élection présidentielle provoqueront-elles moins de passion ou même d’affrontements de coulisses que par exemple les sanctions envisagées pour corruption, tant les élites politiques se sont jusqu’ici protégées. Les atteintes à la morale et à la probité ont passé jusqu’ici pour une contrepartie indissociable de l’action, une maladie infantile qu’on regardait avec compréhension, sans vouloir vraiment la combattre par des lourdes peines qui interdisent aux corrompus tout retour sur la scène nationale. Les temps auront-ils enfin vraiment changé ? L’éthique sera-t-elle plus qu’un tic de langage et un toc de campagne ? Jospin le protestant qui ne s’est jamais totalement racheté de son mensonge initial sur son trotskysme passé fera-t-il œuvre de justicier ? Il devrait essayer…

Mais on attendra aussi, d’abord, l’ancien Premier ministre au tournant de la réforme du mode de scrutin. Une dose, mais quelle dose de proportionnelle ? Telle est la question existentielle pour François Hollande et son avenir. Si on en reste au bas de la fourchette, une cinquantaine d’élus par ce biais, comme c’est pour l’instant envisagé, le principe majoritaire n’est guère bouleversé. En revanche s’il s’agit d’une centaine de sièges ainsi pourvus au scrutin proportionnel, alors ce sera le signe clair que le Président de la République envisage d’élargir sa majorité au centre, à François Bayrou pour être plus précis. Les discussions en ce sens ont commencé au sommet. Le candidat centriste battu à l’élection présidentielle cherche à se retrouver un rôle historique et François Hollande ne peut rester sans carte de secours dans sa manche. En outre, les deux François se sont toujours bien entendus. Alors…

Rapport Gallois : Hollande a déjà fait la synthèse

Tout le monde connaît la parabole de la lune, du doigt et de l’imbécile. Quand on montre la lune avec le doigt, l’imbécile regarde le doigt. Et bien le rapport Gallois, c’est la même chose, ou presque.

Imbéciles que nous sommes, nous nous acharnons à trouver, voire à commenter sans le trouver, le rapport Gallois, alors qu’il faut être attentifs à ce que nous dit le président de la République. Il suffisait de lire le compte-rendu de la conférence de presse que donna François Hollande lundi 28 octobre lors de sa visite au siège de l’OCDE, château de la Muette, à Paris.

Il y rencontrait les présidents ou directeurs généraux des grandes organisations, FMI, Banque mondiale, OMC, OIT, OCDE.  (On remarquera au passage que sur six personnalités éminentes présentes, trois étaient françaises – Hollande, Christine Lagarde et Pascal Lamy–. Et après on dira que l’élite française n’est pas mondialisée…)

Dans son discours, le président français s’est livré à une longue analyse de la situation économique du pays, confronté à un triple défi : endettement, faible croissance, compétitivité. Pour la première fois, il a abandonné sa réflexion par « phases » (on traite chaque problème à son tour, lire les chroniques précédentes), pour une réflexion dialectique, comme on disait chez les marxistes : « C'est parce que nous ne faisons pas assez de croissance que nous n'avons pas assez de recettes et que nous pouvons connaître des situations d'endettement. C'est parce qu'il y a de l'endettement que nous n'avons pas nécessairement toutes les marges de manœuvre pour soutenir la croissance. C'est parce qu'il y a un chômage élevé que nous ne pouvons pas avoir toute la capacité nécessaire pour mieux produire, pour être encore plus compétitif. »

Et de conclure: « Il faudra donc faire à la fois, un pacte de compétitivité mais aussi un pacte de croissance et un pacte budgétaire. »

François Hollande a ensuite décliné les chapitres d’une politique dont on peut parier qu’ils forment la trame de ce que le gouvernement annoncera le 6 novembre, à la suite du séminaire « compétitivité » prévu à Matignon…

Il faudra « prendre la compétitivité dans toutes ses dimensions » : nous aurons donc des mesures sur « l’éducation, le logement, les services publics, l’innovation, la recherche et le coût du travail. » Tous items expressément mentionnés dans le discours. On peut parier que certains d’entre eux ne seront que la reprise de dispositifs déjà existants, comme l’extension du crédit impôt recherche à l’innovation dans les PME.

De même, François Hollande considère déjà que les emplois d’avenir et le contrat de génération sont des acquis de sa politique de compétitivité. Il y aura aussi du dialogue social. En particulier, le président compte beaucoup sur le fait que les partenaires sociaux « prennent leurs responsabilités » en concluant sur le délicat dossier de la « sécurisation de l’emploi ».

Et le basculement des charges sociales, revendication prioritaire des patrons ? On savait déjà François Hollande hostile au concept de « choc de compétitivité », depuis au moins le discours d’Oseo. Ce lundi 28 octobre, il se livre à un subtil distingo entre d’une part « la réforme du financement de la protection sociale », qui sera soumise aux partenaires sociaux, et donc remise à plus tard, sans doute l’année 2013. Et d’autre part les décisions « dans les domaines de la compétitivité », prises, elles, « dès le mois de novembre ».

La nuance laisse augurer des dispositions fiscales rapides, mais limitées (à cause des contraintes du « pacte budgétaire »), issues de conclusions du rapport Gallois, et l’ouverture d’un débat sur la question des cotisations sociales. Avec un avertissement aux patrons : « ces mesures ne peuvent pas affecter la consommation intérieure… »

Conclusions: les gloutons qui espèrent des dizaines de milliards d'allègement de cotisations sociales risquent d’être déçus par la synthèse présidentielle.

Le dernier Premier ministre ?

Jean-Marc Ayrault s'est engagé dans une course à l'incompétence, mais l'actuel Premier ministre n'a pas le monopole de l'insuffisance, d'autres avant lui se sont "illustrés".
La course à l’abîme de l’incompétence dans laquelle s'est engagé le Premier ministre a quelque chose de stupéfiant. Qu’on en juge.
Annoncer une décision du Conseil constitutionnel avant qu’elle ait été rendue, au mépris de la séparation des pouvoirs, principe pourtant constitutionnel ? Le matin, envisager l’abolition des funestes 35 heures, pour l’après-midi, aussitôt battre piteusement en retraite, comme un garnement pris les mains dans le pot de confiture de sa propre incompétence ? D’autres péripéties presque aussi graves n’ont pas été dévoilées.

Est-il donc loin le temps où Laurent Fabius lança, bravache, le fameux "vous parlez au Premier ministre de la France" ? Doit-on pardonner cette série de bavures, qui esquinte nos Institutions et qu’on ne pardonnerait pas à un étudiant de première année en sciences politiques ?
Reconnaissons, pour être parfaitement juste, que l’actuel Premier ministre n’a pas le monopole de l’insuffisance. François Fillon, sous lequel Matignon su avec talent se muer en docile caisse enregistreuse des oukazes de l'hyper président Sarkozy, vida de sa substance la nature même de la fonction de Premier ministre : arbitrer, décider, en un mot, gouverner. Le "collaborateur" du président, hormis quelques saillies, ne montra finalement de caractère qu’une fois, pour conserver son précieux maroquin contre la volonté du chef de l'Etat.

Dominique de Villepin, plus occupé à poursuivre à califourchon sur le cheval chimérique de son ambition une candidature à la magistrature suprême, aura passé plus de temps à traiter son turbulent ministre de l’Intérieur et rival qu’à conduire une véritable politique.

Jean-Pierre Raffarin, rebaptisé justement "Jean-Pierre Fera Rien" par un talentueux observateur, et dont la bonhomie – sauf quand il s’agira, par exemple, de s’asseoir sur le Pacte de Stabilité et de Croissance en 2003 – ne nous a pas fait oublier qu’il fut choisi, transposant ainsi le produit générique de la pharmacie à la politique, parce qu’il ne "ferait pas d’ombre à Alain Juppé".

A la vérité, il n’y rien de si nouveau dans tout cela. Pas plus que le sentiment de malaise qui nous étreint quand nous voyons celui qui, à défaut de l’étoffe, a bien le titre de chef du gouvernement de la France. Malaise devant s(c)es ministres qui, toute impudeur bue, rivalisent lors du congrès du PS pour déclarer leur flamme et leur admiration. Malaise devant les gorges-chaudes de la presse, et plus largement de ce qu’un ancien Premier ministre, qui lui ne galvaudait pas sa fonction, appelait le microcosme, et ces paris qui se prennent pour savoir jusqu’à quand il "tiendra"…

Pour nous, au-delà de la tragédie personnelle de Jean-Marc Ayrault, visiblement perdu dans sa fonction, ce sont deux questions de fond qui se posent. La première est celle de la fonction même de Premier ministre, que la pratique des Institutions par les présidents de la République, et par l’Imprésident Hollande, réduit à la triste condition de fusible. C’est une profonde déviance de la Vème République que cette habitude prise par le président de la République de fuir ses responsabilités en s’abritant commodément derrière l’homme-ou la femme- de paille qu’est devenu(e) le Premier ministre.

Pour nous, la solution est claire. Il ne saurait, comme l’a dit le Général de Gaulle, exister une dyarchie au sommet de l’Etat. En conséquence, nos Institutions, qui sur cet aspect nous singularisent en mal par rapport aux grandes démocraties, doivent reconnaître que le président est Chef de l’Etat et Chef de gouvernement, et qu’en tant que tel, il doit répondre, d’une manière ou d’une autre, directement de sa politique.

La seconde est celle du personnel politique. A dire vrai, nous n’espérions pas grand chose d’un Premier ministre qui n’a ni expérience de l’Etat (machine redoutablement complexe), ni expérience du secteur privé (où se produit la richesse), ni expérience européenne ou internationale (où se joue notre destin dans un monde de plus en plus globalisé). Bien sûr, la situation de la France à cet égard n’est pas isolée, et c’est tout l’Occident qui se meurt d’avoir oublié cette évidence :avant d’être un sourire qui plaise à la presse, un sexe qui flatte une volonté d’égalité intégrale, un apporteur de voix quand il s’agit de conserver la cohérence d’une majorité politique, un ministre, un Premier ministre, un chancelier fédéral, un président du Conseil, un président de la République se doit d’être compétent.

Lorsque l’on considère Jean-Marc Ayrault, on se dit légitimement que c’est mal parti.

Grèce : le tonneau des Danaïdes

Les Grecs ont passé depuis longtemps l'étape de quête de "compétitivité". Il ne leur reste plus que la dette à payer, et elle ressemble de plus en plus à un mur.
Pour les Européens, l'affrontement de cette nuit entre Barack Obama et Mitt Romney pour la présidence des États-Unis a offert un passe-temps distrayant. Mais l'événement médiatique américain a permis aussi de cacher une actualité autrement plus pressante du côté d'Athènes...

Le problème ? La dette, encore et toujours.
Les Grecs ont passé depuis longtemps les étapes plaisantes du "partage des fruits de la croissance", de "l'effort de redressement", de la quête de "compétitivité" et autres escroqueries sémantiques dans lesquelles se vautrent avec délice les politiciens des quelques pays pensant encore avoir une marge de manœuvre.
Pour les Grecs il ne reste plus que la dette à payer, et elle ressemble de plus en plus à un mur :
La Grèce ayant bénéficié de deux lignes de crédit de quelque 240 milliards d'euros au total de la part de l'UE et du FMI, a vu mécaniquement sa dette croître.
Et ce d'autant que les fondamentaux économiques du pays s'effondrent et que le programme de privatisations, censé aider le pays à la résorber, a pris un énorme retard.
Comment un pays aux bons soins du FMI et de l'Union Européenne - dont la compétence n'est plus à prouver - peut-il encore se débattre dans la dette ? C'est à n'y rien comprendre. On serait même tenter d'en accabler le peuple grec, tiens.
En réalité, tout tient en un seul mot dans l'extrait ci-dessus : mécaniquement. La froide conséquence des lois de la physique, dont la comptabilité n'est qu'une application, comme le découvrent bien trop tard tous les apprentis-sorciers de la finance publique persuadés que la richesse peut jaillir en trafiquant les comptes ou la monnaie.
Depuis maintenant quelques années, la Grèce est soumise à un régime de cheval de réduction de ses dépenses publiques - en théorie, comme nous le rappelle l'éditorialiste de Contrepoints. La réalité est un petit peu plus compliquée.
Pour améliorer son bilan comptable, l’État grec dispose de plusieurs méthodes qu'on peut grosso-modo regrouper en trois catégories :
  1. La réduction "globale" des dépenses ;
  2. La privatisation de secteurs d'activité ;
  3. La hausse de la fiscalité.
Or, il se révèle que ces trois leviers n'ont rien d'équivalent. Le premier - baisser les rentes, salaires et émoluments de tous ceux qui dépendent de l’État - a l'avantage de répartir l'effort sur tout le monde. La pilule est difficile à avaler mais s'impose à l'aide de slogans à base de "partage" et de "solidarité". Les obstacles restent nombreux, notamment législatifs, face à des populations vulnérables comme les retraités.
Démocratiquement, l'approche est dangereuse, et incompatible avec le niveau de réduction concret qu'il faudrait atteindre pour que la méthode soit efficace.
Deuxième levier, le seul qui soit libéral et qui finira par s'imposer par la force des choses une fois la faillite consommée, revient à réduire le périmètre de l’État. Pour utiliser un vocabulaire employé dans le privé, l’État arrête de s'immiscer dans des secteurs d'activité non-essentiels pour ce recentrer sur ses activités de base, c'est-à-dire les fonctions régaliennes de justice, police et armée. Le reste, il le laisse à la société civile.
Dans une optique de retraite ordonnée (ce qui n'est évidemment pas le cas pour une faillite brutale) les pans du secteur public à l'abandon devraient être revendus. Il s'agit alors de renverser des forteresses du syndicalisme local pour les rendre au marché libre. Ce n'est pas simple : d'abord, ces bastions sont défendus par des gens ayant le secteur privé en horreur ; ensuite la revente prend du temps ; et enfin, la valorisation de ces ventes est souvent décevante.
Peu de clients se pressent au portillon pour acquérir rubis sur l'ongle des secteurs d'activité sinistrés par des décennies de mauvaise gestion étatique. Les investisseurs privés, vils capitalistes, espèrent acheter pour gagner de l'argent, certainement pas se ruiner pour acquérir à prix d'or des ateliers obsolètes garnis d'un personnel acrimonieux. Entre ce que l’État pense détenir et le prix auquel il parvient éventuellement à vendre, il y a un monde.
Cette situation se vérifie en Grèce. Le pays devrait ainsi lever 8,8 milliards d'euros d'ici la fin de l'année 2015, au lieu des 19 milliards qu'Athènes s'était engagée à lever en contrepartie d'une aide internationale. D'après un rapport, l'objectif "à long terme" de réaliser 50 milliards d'euros de recettes grâce aux privatisations est "repoussé".
Reste la troisième solution, celle de facilité par excellence: la fiscalité. En ce moment, les contribuables grecs en voient de toutes les couleurs, mais les veinards avec un emploi ne sont pas les seuls à être de la fête. Les pauvres et les chômeurs n'ont même pas la consolation d'échapper aux prélèvements obligatoires, devant s'acquitter de 23% de TVA sur tout ce qu'ils arrivent encore à consommer...
La Grèce (et une bonne partie de l'Europe, France incluse) ayant dépassé le point d'équilibre de la Courbe de Laffer, elle expérimente très concrètement la sagesse populaire selon laquelle trop d'impôt tue l'impôt.
La Grèce s'apprête donc à vivre une sixième année de récession consécutive - moins 6,5% de PIB cette année. Et je prédis sans peine une belle continuité de la trajectoire jusqu'à ce que les Allemands disent Nein et provoquent une faillite avec pertes et fracas.
Au vu des échéances électorales outre-Rhin, le mot fatidique devrait être prononcé en 2013.
Pour convaincre les plus réticents, ce petit tour d'horizon ne serait pas complet sans un graphique évocateur.
Vous la voyez, la belle courbe atteignant 120,5% d'endettement en 2020 ? Moi pas.
L'explication est évidente : l'économie grecque se délite à un tel rythme que le désendettement poussif de l’État ne suit pas - et ne peut pas suivre. L'économie hellène décroît plus vite que les dépenses publiques, le rapport entre l'un et l'autre empire. Résultat, la dette "exprimée en pourcentage du PIB" augmente continuellement.
La courbe ci-dessus inclut l'ardoise de 107 milliards d'euros gentiment effacée par le secteur privé (ou semi-privé, disons, dès lors qu'on parle de banques en Europe...) en 2012.
En conclusion :
  • La Grèce va encore faire un défaut de paiement. Très bientôt.
  • Le secteur privé ayant déjà été lessivé, la prochaine douloureuse sera provisionnée par les fonds européens ou internationaux (FESF, MES,  FMI, ajoutez votre acronyme favori ici). On va voir ce que valent leurs garanties lorsqu'il faudra les activer.
Pas sûr qu'Athènes tienne jusqu'à la réélection de Mme Merkel, d'ailleurs.

Présidentielle : cinq États désigneront le vainqueur

Présidentielle : cinq États désigneront le vainqueur 



Lorsque les annales américaines se pencheront sur les caractéristiques marquantes de cette élection présidentielle, elles souligneront trois points forts : l’inédit bras de fer de minorités (un Noir contre un Mormon), son coût faramineux (2,5 milliards de dollars dépensés par les deux camps) et la remontée foudroyante, au dernier moment, du rival du président sortant. Après dix mois de combats, le plus étonnant, le plus spectaculaire restera ce tour de force inattendu dans une course qui s’annonçait sans éclat.
Depuis cinquante ans, on affirme, on répète que les trois débats télévisés opposant les deux candidats ne sont organisés que pour la galerie, car leur impact sur les votants s’avère pratiquement nul. En gros, c’est vrai. La victoire de John Kennedy contre Richard Nixon en 1960, celle de Ronald Reagan contre Jimmy Carter en 1980 et celle de George Bush contre Al Gore en 2000 ne durent presque rien aux points qu’ils marquèrent pendant les joutes oratoires. Elles furent acquises bien avant, pour d’autres raisons et sur d’autres terrains. Cependant, il arrive qu’une exception se glisse dans une logique imputrescible. C’est le cas cette année avec Mitt Romney. A trois jours du vote, il talonne le président Barack Obama. Il l’inquiète. Il le menace. Si la course s’affiche si serrée, si elle a tourné au suspense, c’est à cause du républicain. Début septembre, Romney était considéré comme battu et traînait dans les sondages avec cinq ou six points de retard. Un mois et demi après, le même Romney empoigne Obama et l’oblige à camper dans la zone où les sondages s’avouent incapables de départager les adversaires. Une remontée fulgurante. Du jamais vu. Tout cela parce que dans le premier débat Romney fut souverain, dans le second accrocheur, dans le troisième courageux. A chaque fois, il prit le meilleur d’un homme abattu, crispé, agressif. La grosse presse refusa de le croire. Dommage, car la carte électorale ne s’explique que par cet événement.
Cette carte est en trois couleurs : bleu pour Obama, rouge pour Romney, gris pour les ultimes champs de bataille. Le système attribue à chaque Etat, selon son importance économique et son poids démographique, un nombre précis de Grands Electeurs selon un vaste éventail allant de la Californie qui en a 55 au Montana qui n’en a que 3. Il en faut 270 pour entrer à la Maison-Blanche. Ce chiffre est le seul qui compte. Les Américains l’appellent Electoral Vote. Dans une colonne différente, mais très en retrait, figurera, au soir du 6 novembre, un autre chiffre appelé Popular Vote, autrement dit, en vrac et sans aucune compartimentation, l’ensemble des choix exprimés par la nation. C’est l’expression du suffrage universel direct selon la formule des pays européens, qui ne joue ici aucun rôle : fédéralisme oblige.
Donc, une carte tricolore. A première vue, le bleu s’impose à gauche sur la bordure Pacifique, à droite sur la façade Atlantique et sur le bord central dans le Midwest. C’est la mosaïque des fiefs d’Obama. Ces fiefs désormais pratiquement intouchables totalisent 217 Grands Electeurs. Ils constituent la base, la fortune démocrate dans cette course. A côté, le rouge semble vouloir s’étaler partout. Il y en a dans les Rocheuses, ces montagnes qui flanquent le désert de l’Ouest. Il y en a dans le Sud profond, cette région qui monte vers les Grands Lacs. Il y en a sur les rives orientales, cette côte qui verrouille l’ancienne Confédération. C’est la peau de léopard de Romney. Cette peau considérée par tous comme inaltérable rassemble 191 Grands Electeurs. Ils représentent le socle, le capital républicain dans ce duel. Enfin, entre le bleu et le rouge, coincés dans des zones inattendues, disposés presque en embuscade, les cinq Etats-clés, les cinq Etats gris qui sont devenus la substantifique moelle de cette interminable épreuve, le modèle réduit des passions exprimées, le microcosme où mijote la victoire.
Ces cinq Etats ont tous leur importance, leurs caractéristiques, leurs mystères. Chacun d’entre eux représente un bloc, une sorte de citadelle qu’Obama ou Romney doit prendre d’assaut pour rafler la totalité des Grands Electeurs de l’Etat en question. Mais les combats apparaissent si serrés – presque du corps à corps politique – que les deux équipes de campagne furent obligées d’alléger leurs quartiers généraux établis dans la capitale de ces Etats afin de se rapprocher du terrain, de plonger dans le local, de « muscler » des antennes au niveau des counties (cantons). On atteint le micro-électoralisme. Sans être totalement nouvelle, cette descente au ras de l’électorat est tout de même assez rare. C’est que certains counties sont tout bleus, d’autres tout rouges alors qu’une troisième catégorie peut être badigeonnée en gris et exiger un traitement spécial parce que les indépendants, les retraités ou les minorités y sont en nombre décisif. Subtile stratégie dont la plus importante cible est la Floride, 29 Grands Electeurs. Le nord du Sunshine State penche plutôt vers les républicains, le sud vers les démocrates. Obama et Romney s’y trouvent à égalité avec 48 % chacun. Le premier pourrait perdre en conservant ses chances ; le second ne peut se le permettre.
Autres joyaux des Etats indécis ? L’Ohio, 18 Grands Electeurs. Obama y réunit 48 % des intentions de vote, Romney 46 %. Compétition acharnée. Le président détient les villes, l’ex-gouverneur les campagnes et les banlieues. Chacun en est à sa quinzième visite. La Virginie, 13 Grands Electeurs. Là aussi, les deux rivaux sont à égalité, 48 % chacun. Romney insiste sur l’emploi dans les bases navales et les mines de charbon, Obama sur sa défense de l’avortement. Le Colorado, 9 Grands Electeurs. Le président n’y devance son challenger que d’un point. Le premier compte sur les conservateurs des stations de ski, le second sur les hispaniques des environs de Denver. Enfin, le New Hampshire, 4 Grands Electeurs. Obama y prend 2 points à Romney, qui espère rattraper son retard dans le sud de cet Etat, voisin du Massachusetts dont il fut gouverneur pendant quatre ans.
Au milieu de ces minutieux calculs, l’ouragan Sandy frappa 27 Etats avec une terrible rage destructrice (63 morts, 55 milliards de dollars de dégâts). Il imposa durant 72 heures un cessez-le-feu électoral qui sépara les deux rivaux un peu étourdis comme le sont deux boxeurs retenus chacun dans son coin par des soigneurs inquiets. Obama se plut à lancer un appel à l’union « devant un drame qui nous frappe tous ». Romney, de son côté, eut le bon goût de ne pas en profiter pour politiser la catastrophe. Bien malin le politologue qui pourrait donner le nom du bénéficiaire de vents ayant soufflé à plus de 150 kilomètres à l’heure. Une fois évanouies, les rafales caribéennes laissèrent très vite la place aux attaques verbales qui reprirent leurs droits. Obama réutilisa ses deux « boulets rouges » favoris : sur ses 20 millions de dollars d’investissements, Romney n’a payé que 14 % d’impôts, moins qu’un salarié qui gagne 50 000 dollars par an. Et sur les 330 millions d’Américains, Romney estime que « 47 % ne l’intéressent pas » puisque, étant tous assistés, ils votent systématiquement pour le pouvoir en place. Deux tirs qui ont dû faire mal au républicain dont la riposte ne passe pas non plus pour inédite : « Obama est le candidat du statu quo. Ce qu’il a fait pendant quatre ans, c’est ce qu’il compte faire encore pendant quatre ans. En pire. Est-ce vraiment ce que vous voulez ? »
L’équipe d’Obama craint que l’impact des trois débats perdus par son champion ne réduise à néant l’image négative de Romney (un affairiste cynique méprisant la classe moyenne) construite à coups de publicité au début de l’été. Elle redoute également que le flou des solutions, les rancœurs partisanes et le chaos de la lutte n’incitent les électeurs à choisir finalement un homme neuf dans un Washington qui aurait bien besoin de changement.
Trois scénarios se dessinent pour le 6 novembre. A l’issue du premier, Obama reste à la Maison-Blanche en raflant l’Ohio et le Colorado. A l’issue du second, c’est Romney qui entre à la Maison-Blanche en empochant l’Ohio, la Floride et la Virginie. A l’issue du troisième scénario, les deux adversaires sont ex æquo avec 269 Grands Electeurs chacun – un de moins qu’il n’en faut pour vaincre. Dans ce cas, Obama et Romney seraient les perdants de la solution de secours : un retour au régime d’assemblée avec un vote de la Chambre des représentants pour désigner l’un des siens comme président. Celui-ci serait forcément républicain puisque la Chambre a une majorité républicaine. Mais, au-delà de ces mises en perspective et de ces schémas en filigrane, deux réflexions s’imposent à quelques heures du vote. D’abord, une question. Pourquoi Romney n’a-t-il pas été capable de profiter davantage du bilan désastreux de son adversaire ? Comment se fait-il qu’il n’ait pu transformer les 16 trillions de dollars de dette, le 1,2 trillion de dollars de déficit, les 23 millions de chômeurs, les 47 millions de bénéficiaires de coupons d’alimentation en autant de tremplins vers la position indéracinable du meneur de la course ? Ensuite, une constatation. Cette élection qui ressemble à beaucoup de celles qui l’ont précédée par la démesure, l’outrance, la brutalité, est en réalité une épreuve sans précédent. Pendant quatre ans, Obama fut moins un président qu’un fossoyeur. Le fossoyeur d’une certaine Amérique, celle de l’initiative individuelle, des libertés fédérées, du risque novateur. Obama a voulu remplacer ces valeurs fondatrices par un étatisme paralysant, une bureaucratie tatillonne, une mentalité d’assistés. Cette élection s’inscrit moins dans une alternance de régime que dans une tentative de changement de système.

Les télécoms et l'attaque Caliméro

Sonnette d'alarme, cote d'alerte, constat accablant ou effrayant, vision sombre ... C'est, réellement, à une situation cataclysmique à laquelle on a à faire ici. Guerre au Moyen-Orient ? Révolution arabe ? Bain de sang dans un pays arriéré ? Massacre religieux ? Non. Télécoms, en France.

Et à lire les articles (cités plus haut), on se demande exactement comment l'industrie des télécoms en France parvient encore à fournir le moindre service. À en croire le rapport commandé par la Fédération Française des Télécoms au cabinet Arthur D. Little, la situation est véritablement catastrophique.
Bon. Il est vrai, si l'on regarde les chiffres, que les opérateurs ne sont pas exactement bondissants de joie dernièrement en Europe : là où, dans le monde, le secteur des télécoms a gentiment bénéficié d'une croissance de près de 50% entre 2006 et 2011, les pauvres européens, eux, dans leur coin, n'ont observé une augmentation que de 7%. C'est franchement tristounet, cette micro-croissance européenne.
D'un autre côté, dans un continent en crise et alors que le monde traverse une phase particulièrement délicate avec un risque de partage en slip bien tangible, réaliser tout de même 7% de croissance, ce n'est pas si mal. D'ailleurs, on devrait mettre les opérateurs en relation avec les grandes industries du secteur automobile, cela redonnerait un peu le moral aux premiers (et achèverait à coup de cafards mous les seconds). Et puis, pour faire bonne mesure, on pourrait utiliser Montebourg comme entremetteur, je suis sûr qu'il aurait des histoires de voitures intéressantes à faire connaître aux opérateurs mobiles, mais bon, je divague.

Bref : au contraire du frétillant Arnaud dont on se doute que la déconnexion avec le réel joue beaucoup dans sa bonne mine d'innocent, les opérateurs tirent la tronche.
À l'exception, en France, de Free, mais on pouvait s'en douter.
D'ailleurs, l'analyse du rapport Little, dans ses pistes pour expliquer cette morosité des opérateurs, évoque justement la concurrence : celle-ci, féroce et sans merci, permettrait de comprendre pourquoi les pauvres acteurs du marché sont actuellement si malmenés. Pif, paf, pouf, ils se sont filés de méchants coups, finis les marges de gorets potelés depuis que Free a débarqué. Bon, évidemment, cette explication laisse un brin songeur lorsqu'on se rappelle que dans le reste du monde, la concurrence n'est pas spécialement plus tendre qu'en France (loin s'en faut même) et que pourtant, comme précisé dès le début de l'étude, ils parviennent tout de même à engranger 50% de croissance, eux.
La concurrence n'étant pas une raison réellement satisfaisante, on découvre une autre explication. Et c'est là que ça va devenir un peu plus rigolo puisque les fins analystes s'accordent alors à dire que les faibles progressions des opérateurs seraient aussi dues à la généreuse baston fiscale dont ils sont les victimes, d'une part, et -- surtout -- la non-baston fiscale dont sont bénéficiaires les (salauds d') étrangers. Apparemment, certains pays comme le Luxembourg avec une TVA faible et l'Irlande avec un modeste impôt sur les revenus des sociétés favorisent honteusement l'implantation des grosses entreprises de télécoms chez eux au lieu de les caillasser copieusement comme il est de bon ton chez nous.

Et à la suite de cette constatation qui révolte la fibre fiscaliste française, immédiatement, trois axes d'action sont proposés, paf, comme ça, sans réfléchir attendre :
  • Pour aider directement le secteur dans ses gros investissements bien lourds, l’État pourrait par exemple inciter les foyers à se jeter sur la fibre optique en ménageant une niche fiscale, ou une incitation, ou un abattement, ou n'importe quoi de fiscalement rigolo qui pousse les gens à s'équiper. Bon, il semble que ce manque à gagner fiscal devra être compensé ailleurs (par une tabassothérapie fiscale en règle, mais baste, il faut ce qu'il faut).
  • Comme une partie des soucis des opérateurs nationaux provient directement du fait que les opérateurs étrangers sont hors de portée de la volée de bois vert fiscale française, il serait de bon ton que l’État régule un peu tout ça en ponctionnant les gênants géants de l'Internet qui, après tout, n'avaient pas à être aussi bons. Et cogner un peu Free aussi, si possible. (Faites nous un package, on discutera des modalités plus tard.)
  • Et pour envelopper ces petites interventions de l’État, rien de tel qu'un saupoudrage d'interventionnisme d’État dans la création de "pôles numériques organisés autour des opérateurs télécoms et intégrant des PME innovantes" le tout légèrement aidé par l’État avec, vous l'aurez deviné, cet argent magique qu'il trouve sous le sabot d'un cheval, ou qu'il ponctionné dans une poche, ailleurs, loin, avec ou sans raclée fiscale (ou alors si, mais différente, mieux, plus douce, plus discrète, tout ça, quoi).
Bien sûr, il ne vient pas à l'esprit de toute la clique de réclamer, vertement, par voie de presse s'il le faut, en HURLANT de tous ses petits poumons, les mêmes taxes modestes, les mêmes impôts réduits qui font partout ailleurs le succès des industries en question. Très probablement, les opérateurs savent que c'est peine perdue : quand on voit la brochette de Big Jims thermomoulés qu'on a chopé comme ministres, on comprend que faire appel à leur intelligence est une perte de temps sidérale.
Je résume.
Les opérateurs franchouilles se plaignent et tentent donc une petite attaque Caliméro pour que le gouvernement sauve l'emploi, protège les marges et les belles rentrées fiscales des opérateurs : eh oui, mon brave monsieur, avec la concurrence et les méchantes ponctions fiscales, les opérateurs télécoms ont bien du mal à tenir la route. Et que proposent nos impétrants pour se sauver du marasme ? Que l’État intervienne un bon coup (de plus), avec quelques ponctions supplémentaires à la clefs, ponctions qui viendront encore accroître le bonheur sirupeux dans lequel nagent déjà nos Caliméros de fête foraine.
Pas de doute : Dieu est un viandard. Car si un bon rire vaut autant qu'un steak, et si, comme le dit Bossuet, "Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes", alors une chose est certaine : en créant les Français, Dieu se tape un steak bien dodu tous les jours.

Oui, il faut permettre à Bricorama, et à tous les autres, d'ouvrir le dimanche

Les bénéfices économiques de l’ouverture généralisée des commerces le dimanche seraient indiscutables, quand bien même cela n'est pas intuitif de prime abord.
La question du travail dominical rebondit avec la récente décision de la cour d’appel de Versailles d’interdire à la chaîne Bricorama d’ouvrir le dimanche autour de Paris. Passons sur le caractère injustement discriminatoire de la loi ici invoquée par le tribunal : les concurrents de Bricorama, la plupart détenus par de grands groupes de distribution, peuvent rester ouverts parce qu’ils sont implantés dans des "PUCE", "Périmètres d’Usages de Consommation Exceptionnelle" (Seule la bureaucratie française pouvait créer un tel chef d’œuvre d’ "art administratif"), alors que l’indépendant Bricorama a choisi de répartir des magasins plus petits selon un maillage plus fin, mais hors zones privilégiées par l’administration.
Pour sortir de cette situation injuste, certains commentateurs estiment que la loi "devrait rajouter le bricolage" parmi les exceptions à l’obligation de fermeture dominicale des commerces, au même titre que le jardinage. Mais cette façon de procéder ne fait que... bricoler des lois mal faites en leur ajoutant des exceptions bancales. Allons au-delà du cas Bricorama : ce sont tous les magasins qui devraient être autorisés à ouvrir le dimanche, selon les souhaits de leurs propriétaires. Ce n'est pas à  l'état de décider qui a le droit ou pas le droit d'ouvrir selon des critères abscons et pour le moins peu transparents. Analysons plus en détail les implications de l'ouverture dominicale des commerces.
Les bénéfices de l'ouverture dominicale
Les bénéfices économiques de l’ouverture généralisée des commerces le dimanche seraient indiscutables, quand bien même cela n'est pas intuitif de prime abord. Les sceptiques affirment que l’extension des plages d’ouverture ne créera pas de demande supplémentaire, et que le chiffre d’affaires des magasins, réparti sur plus de jours, fragilisera les petits commerces, incapables de rémunérer plus de force de vente pour un volume d’affaires identique.
C’est oublier que la valeur ajoutée des commerces réside autant dans les produits qu’ils vendent que dans leur capacité à les mettre à la disposition des acheteurs. Autrement dit, la mise à disposition elle-même crée une valeur à laquelle les consommateurs sont sensibles. Sans quoi, pourquoi ne pas ouvrir les magasins seulement sur trois ou quatre jours, puisque le chiffre d’affaires serait soi-disant insensible à la durée d’ouverture des magasins ?
Le surcroît de valeur créée par l’ouverture dominicale présente l’intérêt de ne pas requérir d’investissement complémentaire en surfaces de ventes : de même qu’une usine tournant en trois-huit rentabilise mieux ses équipements qu’une autre qui ne fonctionne que huit heures par jour, rentabiliser une installation commerciale sur 7 jours au lieu de 6 permet de réduire certains coûts fixes liés à l’acte de vente. Il en résulte que les commerçants concernés, sous réserve que leur offre trouve preneur, peuvent distribuer plus de revenus soit à leurs salariés existants sous forme d’heures supplémentaires, soit à de nouveaux salariés intéressés par le travail en week-end, tels que les étudiants, par exemple, qui voient là autant d’opportunités d’améliorer leur pouvoir d’achat, lequel ira à son tour irriguer l’économie.
Des acheteurs en meilleure position vis-à-vis des vendeurs
Si gagner 16% de temps d’ouverture passera pour un gain "faible" du point de vue des vendeurs, l’ouverture dominicale constitue en revanche un gain bien plus important pour les acheteurs. Du point de vue d'une personne travaillant du lundi au vendredi, et disposant donc d'un temps théorique de 2h par jour de semaine, et de 12 heures le samedi, pour effectuer ses achats, soit 22 au total, le fait d'ajouter une plage d'ouverture de 12 heures le dimanche augmente son temps "de chalandise" de plus de 50% (34 heures au lieu de 22). Pour nombre de ménages, voilà qui crée une sérieuse opportunité pour pouvoir optimiser les achats en fonction des goûts et du budget. Si le terme n'avait été réduit à sa connotation financière, on pourrait parler "d'augmentation du pouvoir d'achat", au sens de "pouvoir mieux acheter".
Comme dans tout processus de réallocation de ressources, les ménages profitant de l'aubaine achèteront mieux, détournant une part de leur budget de consommation vers des producteurs plus efficaces, et les ressources qu'ils économiseront de ce fait pourront leur permettre d'envisager des achats ou de l'épargne qu'ils n'auraient pu espérer sinon. L’ouverture dominicale, du point de vue des consommateurs que nous sommes tous, est indiscutablement un choix gagnant.

Ceci dit, il convient de mettre en face de ces gains les objections courantes qui sont opposées à l’ouverture dominicale.
"Cela va tuer le petit commerce"
Affirmer que le petit commerce souffrira de sa moindre capacité à s’adapter contre les grandes surfaces est abusif : les petits commerces qui ont survécu aux grandes surfaces sont ceux qui ont su démarquer leur offre de celles des hypers. Beaucoup de ces petits commerces ont d’ailleurs migré dans les allées des galeries commerciales de ces grandes surfaces, offrant à nombre de salariés des opportunités d’emploi qui n’auraient pas été possibles sans cela : ces commerces-là ont tout intérêt à l’ouverture dominicale.
Certains affirment que les commerces de centre-ville pâtiront de cette concurrence des grandes galeries périphériques : c’est déjà le cas dans de nombreuses villes, et il faut sans doute en chercher les causes dans l’affligeante stagnation des revenus disponibles après taxes que connaît notre pays, ou dans les politiques autophobes menées par nombre de municipalités – No parking, no business… Ainsi, à Paris, l'économiste Rémy Prud'homme a publié des travaux montrant les conséquences des politiques autophobes de l'équipe Delanoë sur la vitalité de l'économie locale (PDF). Accuser systématiquement la concurrence des grandes surfaces d’être le seul problème que vit le petit commerce est un moyen pour les politiciens de détourner l’attention de leurs choix politiques les plus discutables (un autre exemple plus anecdotique chez H16).
Bien au contraire, de nombreux économistes (comme Cahuc et Zylberberg, cités ici) ont montré que le petit commerce tire mieux son épingle du jeu dans les zones où la concurrence entre grandes surfaces fait baisser les prix, puisque les ménages ont plus d’argent à consacrer au "commerce de niche". Malheureusement, les lois Raffarin et Galland de la fin des années 90, s’ajoutant aux lois Royer des années 70, ont cassé cette dynamique, augmentant les marges des distributeurs établis, empêchant les nouveaux entrants de s’installer, et par conséquent, réduisant la part du budget des familles pour les achats moins "standardisés". Une réouverture de la concurrence entre grandes surfaces redonnerait donc largement au petit commerce le bol d’air qui lui permettrait de négocier le virage de l’ouverture dominicale avec sérénité.
"Cela va faire monter les prix"
Il existe un risque que certains commerces soient enclins à augmenter leurs prix, tout simplement parce que leurs coûts variables augmenteraient plus vite que leurs coûts fixes, ces derniers ne diminuant pas du fait de l'allongement des durées d'utilisation des locaux : il faut bien payer le personnel qui travaille le dimanche ! De fait, le travail dominical, dans certains pays (Canada, Suède, Pays Bas), s'est révélé légèrement inflationniste au début, avant que la nouvelle concurrence générée par la redistribution des cartes ne force les choses à revenir dans l'ordre.
Dans ce cas, il conviendra pour les magasins de savoir si leurs clients sont prêts à payer plus cher pour pouvoir faire leurs achats à un moment qui leur convient plutôt mieux, et de moduler leurs horaires en fonction de leurs analyses. Puis la concurrence, si elle existe, les forcera à trouver les moyens de ne pas faire supporter la facture à leurs clients, en augmentant leur productivité. Toutefois, les limitations actuelles de cette concurrence (cf. Plus haut) pourraient réduire cet avantage à néant. L’ouverture dominicale sera d’autant plus efficace qu’elle s’inscrira dans un cadre concurrentiel amélioré.
"Cela va transformer les employés des commerces en esclaves"
Ceci dit, les arguments de nature sociale de certains opposants au texte ne sont pas à négliger. Il est évident que même en intégrant des garde-fous à un éventuel texte de loi, une partie des salariés travaillant le dimanche le fera contrainte et forcée par la peur d’être mal vue de sa hiérarchie et d’en souffrir professionnellement, quand elle ne subira pas "d’amicales pressions" pour accepter des horaires très flexibles.
Mais ces comportements d’employeurs peu respectueux des contraintes de leurs salariés existent déjà en semaine. Le risque de voir ces comportements étendus au dimanche doit-il servir de prétexte à empêcher le travail dominical sur une base volontaire ? Les peurs des uns doivent-elles brider les opportunités des milliers d’autres qui seraient heureux de trouver un job de fin de semaine ? Certainement pas.
Le meilleur moyen de lutte contre les quelques employeurs aux tendances esclavagistes est de créer les conditions d’un marché du travail dynamique, dans lequel les salariés s’estimant mal traités ont l’opportunité de voter avec leurs pieds en changeant facilement d’emploi.
Malgré leurs difficultés actuelles, les économies anglo-saxonnes ont su plus que la nôtre développer une culture du respect mutuel entre employeurs et salariés, parce qu’il est plus difficile pour un mauvais patron de conserver ses employés. L’ouverture dominicale, à elle seule, ne saurait suffire à créer une telle dynamique. Mais en augmentant le besoin de main d’œuvre dans les commerces, elle participera au développement de nouvelles opportunités d’emplois qui permettront d’améliorer la position des salariés par rapport à leurs employeurs.
"Et mon jour de foot ? Et mon jour du seigneur ?"
Enfin, certains arguent que l'ouverture dominicale sonnerait le glas de nombreuses activités familiales actuellement fortement concentrées sur le dimanche. Outre que cela ne devrait pas être perçu comme un problème si cela résulte de libres choix des familles – mais nos élus sont tellement habitués à vouloir faire notre bonheur malgré nous que l'on ne s'étonne plus d'une telle rhétorique -- l'argument est d'une insigne faiblesse : en étendant la plage accessible aux ménages pour le shopping, l'ouverture dominicale permet aux ménages qui le souhaitent de redistribuer sur d'autres jours de la semaine des activités actuellement plus concentrées sur le dimanche. La liberté crée des opportunités, elle n'en supprime pas.
La question du culte relève clairement de cette logique. Rien n'empêcherait une église de s'adapter aux évolutions des populations et de répartir ses activités sur d'autres plages. Si le poids de la tradition religieuse l'empêche d'accomplir une telle réforme, tant pis pour elle. L'immense majorité de non pratiquants que compte le pays n'a pas à supporter des contraintes législatives imposées par quelque groupe religieux que ce soit, et ce débat dépasse très largement le cadre du seul travail dominical !
"Et ailleurs ?"
D'une façon générale, le gain économique du travail dominical est réel mais pas spectaculaire. C'est plutôt un petit pas dans une bonne direction. Mais un petit pas statistique n'en reste pas moins une grande bouffée d'oxygène pour ceux qui peuvent améliorer leurs revenus ou leur condition salariale de cette façon.
Les études exhaustives du phénomène en Europe sont relativement difficiles à trouver. Citons deux exemples.
En 1996, les Pays-Bas ont laissé les municipalités décider d'autoriser ou non l'ouverture du dimanche. La mesure, analysée 10 ans après par le ministère néerlandais de l'économie (Dijgraf Gradus, 2005), a été jugée favorable à la croissance, et aucune cannibalisation réellement significative des commerces des zones fermées par les zones ouvertes n'a été observée.
Une étude allemande portant sur les disparités réglementaires géographiques et dans le temps (Kirchner – Painter, 1999) montre qu'économiquement parlant les meilleurs résultats sont atteints lorsque commerçants et salariés sont libres de négocier l'ouverture dominicale sur des bases contractuelles individualisées. Toutefois, lorsque politiquement, une telle liberté est difficile à faire voter, la décentralisation au niveau des aires communales de la réglementation de l'ouverture dominicale donne tout de même de bons résultats, car la souplesse permise alors permet aux communes de s'adapter aux évolutions de leur électorat, et d’évaluer la pertinence de leurs décisions à l'aune des performances des collectivités voisines ou plus lointaines.
Et si l'on décentralisait ce type de décisions ?
Ces deux exemples du nord de l'Europe nous montrent qu'à défaut d'unicité territoriale de la loi, de bons résultats peuvent être obtenus en laissant chaque collectivité locale décider démocratiquement ce qui lui conviendra le mieux.
Même si une libéralisation générale du droit de l'ouverture dominicale serait la meilleure solution, car  plus respectueuse des libertés de travailler et d'entreprendre, un pis-aller, en cas d'opposition politique incontournable de notre parlement, consisterait à mettre en concurrence les collectivités et de leur laisser décider localement de la réglementation applicable, pour que les bonnes expériences puissent à la longue s'imposer.
Une telle méthode dans la réforme est évidemment contraire à notre tradition jacobine ultra-centralisatrice. Pourtant, cela serait une bonne occasion de jeter les bases d'une décentralisation bien plus importante des décisions de politique économique et sociale, ce qui constituerait sans doute un moyen de faire sauter bien des blocages qui minent encore la société française, faute de pouvoir faire accepter nationalement une évolution très libérale de notre cadre législatif.
La question du travail dominical aurait été un excellent thème pour expérimenter une véritable concrétisation du mouvement de décentralisation commencé en 1982 avec de bons principes mais  hélas bien mal réalisé dans les faits.

Jean-Marc Ayrault et son discours