« Mariage » gay : le gouvernement se radicalise
Les grands mots sont de sortie. A l’heure du débat au sénat sur la loi Taubira, le monde politico-médiatique dégaine ses plus grands mensonges, ses plus belles invectives, exaspéré par tant de ténacité et de motivation… Toutes les attaques sont permises : elles fourmillent. Il faut dire que les anti ne lâchent rien. Et sont partout. Dans le jardin du Luxembourg, au Sénat, sur le trajet du Marathon, en province, sur tous les lieux de passage de nos ministres qui annulent successivement leurs déplacements… Le bouchon n’avait jamais été poussé aussi loin. Et ça les agace.
Alors, ils se saisissent de tout. Et dans un joli chœur d’indignation toute hessélienne, dénoncent à tout-va, prenant à témoin la République et ses idéaux – mais pas les frasques de Cahuzac. Jamais, hormis le 21 avril 2002, ne s’était autant étalée, à tous les regards, la symbiose de la presse et de la politique, un show-biz bien établi qui, alors qu’éclatent quelques affaires mal placées, risque de leur causer du tort. Mais la colère les aveugle – ce qui est une bonne chose.
Le petit collage de dimanche matin ? Une dégradation infamante, digne des « provocations » de « 1934 ». Je cite le maire du 4e arrondissement, Christophe Gerard ! Il s’est juste passé qu’une trentaine de personnes sont allées au cœur du Marais, sans arme et sans violence, recouvrir une partie de la façade de l’espace des Blancs-Manteaux, où se tenait ce week-end le « Printemps » des associations lesbiennes, gays, bi et trans, avec des affiches du Printemps français et de La Manif pour Tous. Opération qu’a brièvement applaudie Béatrice Bourges sur Twitter.
C’est tout ? Oui, c’est tout. Et pourtant. Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls et la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem ont condamné dans un communiqué commun « des dégradations scandaleuses ». Le maire a annoncé qu’il porterait plainte contre cette « action à caractère discriminatoire » et cette « entrave à la liberté d’expression ». Anne Hidalgo, candidate PS à la mairie de Paris, a condamné sur Twitter des « agissements homophobes ». C’est désormais certain, et le conseiller PCF de Paris Ian Brossat le constate : « Faute d’arguments valables, les opposants au mariage pour tous sont prêts aux pires outrances » « L’innommable succède à l’immonde », clame Le Nouvel Obs.
On regrettera seulement que La Manif Pour Tous se soit empressée de se désolidariser du petit événement au retentissement si intéressant. Elle a dénoncé « un acte de vandalisme » et une « nouvelle tentative de l’assimiler à des actions qu’elle ne cautionne pas », envisageant de porter plainte après une « utilisation abusive et répétée par des groupuscules » de ses supports de communication et de son logo… Tout en soulignant heureusement – mais est-ce suffisant ? – « que le climat social actuel et l’exaspération montante sont de la responsabilité du président de la République et du gouvernement qui refusent d’entendre le peuple français ».
Cela semble pourtant évident. Et ils le savent bien, ces sbires de la démocratie-qui-n’est-valable-que-pour-eux. Il suffit de jeter un œil au Luxembourg pour voir ces pauvres porteurs de sweat de La Manif Pour Tous, ces pauvres joggeurs mal vêtus, traînés au poste de police le plus proche et verbalisés illico presto pour « organisation d’une manifestation ludique sans autorisation » !
Il faut les comprendre : ils sont victimes de « harcèlement ». Vendredi encore, plus de 150 personnes se sont retrouvées à Besançon à l’inauguration de la Cité des arts pour accueillir les ministres M. Pierre Moscovici et Mme Aurélie Filipetti. Samedi, place Carnot à Lyon, les anti manifestaient aussi leur opposition. Mais plus grave, ils sont allés accueillir le rapporteur de la loi lui-même, Ewann Binet, qui devait animer une conférence sur le « mariage pour tous » à la Faculté de droit de Saint-Étienne. Se retrouvant dans la salle avec une majorité de personnes défavorables au projet et chahuteuses, ce dernier s’est tout simplement débiné et a même annulé sa participation à un débat à Grenoble prévu lundi, ainsi qu’à deux autres conférences prévues en région parisienne. Le plus drôle est qu’il a invoqué des « raisons de sécurité ». (Nouvelle fausse note d’ailleurs de La Manif Pour Tous qui s’est trop publiquement désolidarisée de l’affaire)
Tellement harcelés, les pauvres, qu’ils en viennent à voir des anti partout… surtout lorsqu’ils retrouvent leur voiture emboutie dans la rue, à l’instar de la sénatrice écologiste Esther Benbassa. Elle a accusé d’office les opposants à la loi Taubira et ni une ni deux, l’information a été relayée comme telle dans toute la presse… Affolée ? Pas autant que ce cher Hollande qui, à défaut de maintenir sa visite en Ardèche à la fin de la semaine, a fait un aller-retour en Corrèze samedi et fut contraint d’entrer dans la préfecture de sa ville par une porte dérobée à l’arrière de la bâtisse, à cause du nombre de manifestants mécontents.
Jolie ambiance ! Alors oui, ils sortent les grands mots. Les gros mots. Ils parlent de « terrorisme », de « djihad antirépublicain », de « monstre hideux ». Parce qu’une opinion n’a pas le droit de braver leur démocratie et qu’ils ne sont guère habitués à tant de ténacité. Leur aveuglement idéologique ouvrira-t-il a contrario « les yeux grand fermés » des Français ?