Ça n'a pas manqué, Nicolas Sarkozy a dit tout le mal qu'il en pensait en deux trois phrases. François Fillon aussi (il a évoqué une "anesthésie nationale", rien de moins). Au-delà des 30 grandes mesures et de la "com'" autour de celles-ci, le document de travail sur lequel les experts du PS ont planché mérite d'être lu. Car c'est en réalité un bien drôle d'objet. Ceux qui y ont contribué ont travaillé. Ils ont aussi alimenté la bête avec toute sorte de choses. Ici, une petite phrase pour tacler Nicolas Sarkozy et sa nuit du Fouquet's. Là, deux paragraphes pour pointer du doigt les ratages diplomatiques de l'hiver. Un peu plus loin, un diagnostic solide et implacable sur la peur du déclassement des classes moyennes. Ailleurs, une analyse bien sentie sur l'impérieuse nécessité de réindustrialiser la France.
Le problème, c'est qu'il manque une chose essentielle pour que cela ressemble à quelque chose qui pourrait s'appeler "une ambition" (le PS a préféré "le changement", c'est le titre de ses propositions). C'est "le" personnage qui va porter ce texte, celui qui va l'incarner, lui donner un souffle, une voix, et donner envie à ceux qui le souhaitent d'y croire vraiment. Luigi Pirandello avait imaginé "six personnages en quête d'auteur". Martine Aubry fait le contraire. Elle a écrit un texte. Mais comme elle n'a pas encore sous la main son personnage, celui qui va habiter le texte, tout cela ne sonne pas juste. Avec ce résultat, comme dans la pièce de Pirandello (sauf que, lui, c'était son intention), le spectateur est laissé de côté. On lui passe un texte, à lui de se débrouiller avec. Tant que le PS n'aura pas son champion, il pourra promettre la lune ou de la sueur et des larmes, ce sera difficile d'y croire.