TOUT EST DIT

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mercredi 12 octobre 2011

Grèce : Vers un abandon de 50% de la dette

Pour une solution européenne à la crise de la zone euro

La crise de l'euro doit être réglée, et vite. Les mesures prises à ce jour sont insuffisantes et venues trop tard, et elles suscitent des turbulences financières mondiales. L'euro est loin d'être une construction parfaite, comme cette crise l'a révélé. Mais la solution consiste à éliminer ses défauts, et non pas à laisser l'euro ébranler, voire détruire, le système financier mondial.
Européens partageant un même sentiment d'urgence, nous appelons les gouvernements de la zone euro à reconnaître ensemble la nécessité d'un nouvel accord juridiquement contraignant. Celui-ci devrait établir un Trésor commun pouvant lever des fonds pour la zone euro dans son ensemble et assurer le respect de la discipline fiscale par les états membres ; renforcer la supervision et la réglementation commune du secteur financier, y compris par la garantie commune des dépôts dans la zone euro ; assurer la mise en place d'une stratégie pour la croissance et la convergence économique, car le problème de la dette ne peut être résolu sans croissance.

Pendant la période de négociation et de ratification d'un tel accord, les gouvernements de la zone euro doivent habiliter le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et la Banque centrale européenne (BCE) à coopérer afin de juguler la crise. Ces institutions pourraient alors garantir et, à terme, recapitaliser le système bancaire. Elles permettraient aux pays subissant les effets d'une grave perte de confiance des marchés le refinancement de leur dette à très bas taux, ceci dans des limites convenues ensemble, en émettant des bons du Trésor pouvant être réescomptés par la BCE.
Nous appelons les législateurs des pays de la zone euro à reconnaître que l'euro a besoin d'une solution européenne. La recherche de solutions nationales ne peut que conduire à la désintégration.

Asger Aamund (Danemark) ; Martti Ahtisaari (Finlande) ; Anders Aslund (Suède) ; Gordon Bajnai (Hongrie) ; Mario Baldassarri (Italie) ; Ulrich Beck (Allemagne) ; Peter Bofinger (Allemagne) ; Svetoslav Bojilov (Bulgarie) ; Emma Bonino (Italie) ; Elmar Brok (Allemagne) ; Maria Cattaui (Grèce/Suisse) ; Daniel Cohn-Bendit (Allemagne) ; Bertrand Collomb (France) ; Massimo D'Alema (Italie) ; Daniel Daianu (Roumanie) ; George David (Chypre/Grèce) ; Howard Davies (Royaume-Uni) ; Jean-Luc Dehaene (Belgique) ; Ales Debeljak (Slovénie) ; Gianfranco Dell'Alba (Italie) ; Pavol Demes (Slovaquie) ; Kemal Dervis (Turquie) ; Tibor Dessewffy (Hongrie) ; Andrew Duff (Royaume-Uni) ; Hans Eichel (Allemagne) ; Joschka Fischer (Allemagne) ; Timothy Garton Ash (Royaume-Uni) ; Anthony Giddens (Royaume-Uni) ; Charles Goodhart (Royaume-Uni) ; Heather Grabbe (Royaume-Uni) ; Charles Grant (Royaume-Uni) ; Jean-Marie Guéhenno (France) ; Alfred Gusenbauer (Autriche) ; Hans Hækkerup (Danemark) ; David Hannay (Royaume-Uni) ; Chris Haskins (Royaume-Uni/Irlande) ; Pierre Hassner (France) ; Steven Heinz (Autriche) ; Francois Heisbourg (France) ; Diego Hidalgo (Espagne) ; Michiel van Hulten (Pays-Bas) ; Jaakko Iloniemi (Finlande) ; Wolfgang Ischinger (Allemagne) ; Minna Jarvenpaa (Finlande/Etats-Unis) ; Mary Kaldor (Royaume-Uni) ; Glenys Kinnock (Royaume-Uni) ; Gerald Knaus (Autriche) ; Rem Koolhaas (Pays-Bas) ; Fiorella Kostoris (Italie) ; Bernard Kouchner (France) ; Ivan Krastev (Bulgarie) ; Armin Laschet (Allemagne) ; Mark Leonard (Royaume-Uni) ; Gerard Lyons (Royaume-Uni) ; George Magnus (Royaume-Uni) ; Emma Marcegaglia (Italie) ; Tadeusz Mazowiecki (Pologne) ; Dominique Moisi (France) ; Hildegard Müller (Allemagne) ; Kalypso Nicolaidis (Grèce/France) ; Christine Ockrent (Belgique) ; Dick Oosting (Pays-Bas) ; Mabel van Oranje (Pays-Bas) ; Ana Palacio (Espagne) ; Jose Pérez Fernandes (Espagne) ; Julian Priestly (Royaume-Uni) ; Andrew Puddephatt (Royaume-Uni) ; Hélène Rey (France) ; George Robertson (Royaume-Uni) ; Albert Rohan (Autriche) ; Dariusz Rosati (Pologne) ; Adam D. Rotfeld (Pologne) ; Olivier Roy (France) ; Daniel Sachs (Suède) ; Marietje Schaake (Pays-Bas) ; Giuseppe Scognamiglio (Italie) ; Narcís Serra (Espagne) ; David Simon (Royaume-Uni) ; Aleksander Smolar (Pologne) ; Javier Solana (Espagne) ; Pedro Solbes (Espagne) ; Carlos Solchago (Espagne) ; George Soros (Hongrie/Etats-Unis) ; Pär Stenbäck (Finlande) ; Ion Sturza (Roumanie) ; Pawel Swieboda (Pologne) ; Loukas Tsoukalis (Grèce) ; George Vassiliou (Chypre) ; Guy Verhofstadt (Belgique) ; Vaira Vike-Freiberga (Lettonie) ; David Vines (Royaume-Uni) ; Antonio Vitorino (Portugal) ; Norbert Walter (Allemagne) ; Stephen Wall (Royaume-Uni) ; Carlos Alonso Zaldívar (Espagne) ; Stelios Zavvos (Grèce).

Le contresens volontaire de Nicolas Sarkozy

Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", intervient sur les ondes de RMC du lundi au vendredi à 8 h 20 pour sa chronique politique "Le parti pris".

 

Nicolas Sarkozy a critiqué mardi la primaire socialiste, en estimant que "la Ve République ne peut être l'otage des partis politiques". Pour vous, le chef de l'État commet un contresens qui en dit long. Pourquoi dites-vous cela ?
Je crois que l'analyse de Nicolas Sarkozy est doublement fausse - institutionnellement mais aussi politiquement. Suggérer, comme l'a fait Nicolas Sarkozy, que la primaire socialiste porterait atteinte aux principes de la Ve République, ça revient à confondre un indéniable progrès démocratique avec un bouleversement institutionnel. Dans cette réaction, il y a l'expression d'une crispation, sans doute même d'une inquiétude. Non pas pour la menace que représenteraient les primaires pour l'orthodoxie gaullienne, mais plutôt pour la modernité qu'elles apportent à notre système politique.
Mais est-ce que Nicolas Sarkozy a tort de penser que de Gaulle aurait été hostile aux primaires ?
C'est vrai que de Gaulle a conçu la Ve République contre ce qu'il appelait "le régime des partis" et que l'élection présidentielle suppose "la rencontre d'un homme (ou d'une femme) avec le peuple", selon le cliché habituel, qui n'est pas tout à fait faux. Mais c'est une erreur d'en déduire que les primaires seraient une hérésie. De Gaulle a inventé l'élection présidentielle par le peuple pour donner au président une légitimité supérieure. C'est le raisonnement qu'ont suivi les socialistes pour instaurer un processus de sélection qui donne à leur candidat une légitimité populaire. Je ne vois pas en quoi on combattrait mieux le régime des partis si le candidat était choisi par l'appareil ou par les militants... Au passage, rappelons que la primaire (interne) est inscrite dans les statuts de l'UMP !
Est-ce que l'attaque de Nicolas Sarkozy n'est pas surtout destinée à empêcher la tentation des primaires de gagner son propre camp ?
Évidemment. C'est pourquoi il ne faut pas prendre l'argument de Nicolas Sarkozy au pied de la lettre. Il s'agit pour lui de remettre de l'ordre dans ses rangs, où l'on a senti comme une sorte de jalousie, de frustration, face au succès des primaires - et à l'attention qu'elles ont suscitée, quand on se souvient du bide du débat de l'UMP sur l'islam et la laïcité... L'autre objectif, c'est d'attaquer le PS sans se mettre lui-même en position de candidat : donc en se drapant dans la toge du défenseur des institutions, en continuateur du gaullisme éternel. Le problème, c'est que, sans lui faire injure, la pratique sarkoziste du pouvoir que les Français connaissent ne se conforme qu'assez peu aux canons gaulliens... Si Nicolas Sarkozy a un général pour modèle, c'est sans doute plutôt Bonaparte...
Est-ce que la sortie du chef de l'État peut se retourner contre lui ?
N'exagérons rien. Tout le monde va la juger pour ce qu'elle est : une demi-habileté politicienne et l'expression d'une inquiétude de Nicolas Sarkozy pour lui-même. Ça ne le rendra pas plus impopulaire qu'il ne l'est. Ce qui frappe, c'est que la contamination progressive des dirigeants de l'UMP par l'effet des primaires confirme qu'à droite même beaucoup se situent presque déjà dans l'après-Sarkozy. Et que la majorité envisage à voix haute la succession de son chef avant la fin de son premier mandat, ça, pour le coup, ce n'est pas le fonctionnement classique de la Ve République...

La Grèce et l'Union européenne, un mariage de déraison

 A la fin des années 1970, un jeune diplomate membre du cabinet du président de la Commission européenne, le Français François-Xavier Ortoli, reçoit un appel dans son bureau bruxellois.
A l'autre bout du fil, le président français de l'époque, Valéry Giscard d'Estaing. Ce dernier a appris que l'exécutif européen s'apprête à présenter un avis sur la demande d'adhésion de la Grèce à la Communauté européenne qui, comme chaque année, renvoie diplomatiquement Athènes à un avenir lointain.
A "VGE", qui s'en inquiète, le diplomate sert les arguments classiques: la Grèce, dont la compétitivité est très faible, n'est pas prête à intégrer la CEE et une adhésion prématurée aurait des effets ravageurs pour son économie.
"Monsieur, on ne fait pas jouer Platon en deuxième division", répond Valéry Giscard d'Estaing en raccrochant.
La messe était dite et la Grèce adhérera en 1981 pour des raisons essentiellement politiques, sept ans après le retour de la démocratie consécutive à la chute du régime des colonels.
L'Europe des Neuf était d'autant moins en mesure de s'opposer au rouleau compresseur français que des arguments valables venaient étayer l'adhésion grecque, à savoir l'ancrage au bloc européen d'une démocratie fragile membre de l'Otan.
Le mariage entre la Grèce et l'Union européenne avait commencé pour, trente ans plus tard, se transformer en une situation de couple dramatique, entre plan de sauvetage et risques de faillite, dans laquelle les deux parties ont autant de responsabilités l'une que l'autre.
Et avec la France encore à la manoeuvre pour tenter de sauver un pays qui risque d'entraîner la zone euro dans sa chute.
"RIEN NE FONCTIONNE"
L'analyse de la Commission selon laquelle l'adhésion grecque était prématurée allait rapidement se révéler juste.
Dans les quatre premières années de l'adhésion, l'exécutif européen a ouvert 108 procédures d'infraction contre la Grèce pour violation des règles européennes.
Dès 1982, la Grèce estime qu'elle ne trouve pas son compte dans la CEE et que ses partenaires ne l'aident pas suffisamment à développer son économie, dont des pans entiers disparaissent sous les coups de boutoir de la concurrence européenne.
En 1985, elle obtient les "Programmes intégrés méditerranéens" (PMI), précurseurs des "fonds structurels", des aides régionales qui allaient se déverser par milliards sur les pays pauvres de l'UE à partir de 1989.
C'était le prix exigé par la Grèce - et plus tard par des pays comme l'Espagne et le Portugal - pour accepter la création du grand marché unique européen qui devait être complété pour la fin de 1992 sous l'impulsion du président de la Commission européenne, Jacques Delors, et du couple franco-allemand.
Depuis 1989, la Grèce a reçu 35 milliards d'euros d'aides régionales européennes qui ont, certes, servi à construire routes, métro et aéroports, mais n'ont pas permis à la Grèce d'en tirer le meilleur parti, notamment à cause d'une mauvaise gestion reconnue par le gouvernement grec lui-même.
L'ancien ministre grec des Finances Georges Papaconstantinou, toujours membre du gouvernement, a dit comprendre dans Libération que les jeunes grecs diplômés "ne veulent plus vivre dans un pays où rien ne fonctionne, où les institutions ne marchent pas, où le système d'imposition est injuste (...), où le système politique est corrompu".
CLIENTÉLISME
Le vice-Premier ministre grec Théodoros Pangalos, qui a fait partie de nombreux gouvernements socialistes depuis deux décennies, reconnaît les errements grecs en matière de gestion des fonds publics, générateurs de déficits.
"Le clientélisme grec était surtout basé sur des dépenses étatiques qui ont permis de recruter des fonctionnaires qui n'étaient pas indispensables", a-t-il dit cette semaine à Paris. "Ceux qui ont tiré la sonnette d'alarme ont été écrasés."
La fraude fiscale est un sport national, avec 600.000 agriculteurs qui ne paient pas d'impôts et des professions libérales qui acquittent des sommes ridicules à l'Etat grâce à la multitude des corporatismes qui empêchent tout mouvement.
Et de citer une anecdote personnelle: membre "honoraire" du barreau depuis qu'il a pris sa retraite d'avocat, il avait dénoncé à la télévision la "honte" que constitue selon lui la fiction qui permet aux avocats grecs d'afficher un revenu moyen d'à peine 1.500 euros par mois et des impôts en proportion.
"Le barreau m'a puni en me retirant le titre d'avocat honoraire", a-t-il déclaré.
CHANTAGE CHYPRIOTE
Le bilan diplomatique de l'adhésion d'Athènes n'est pas non plus jugé brillant par les responsables européens.
La Grèce n'a eu de cesse de promouvoir l'élargissement de l'Union européenne à Chypre, sans succès dans un premier temps.
Pour la France, il était irresponsable d'"importer" dans l'UE une île amputée de sa partie Nord-Est occupée par 30.000 soldats turcs depuis 1974 et où des casques bleus de l'Onu font régner une fragile paix armée depuis plus de vingt ans.
"Chypre a vocation à être dans l'Union européenne, mais l'Union européenne n'a pas vocation à prendre un morceau de Chypre et à prendre des problèmes qui ne sont pas les siens", déclarait ainsi en 1998 le président Jacques Chirac.
Mais la Grèce a menacé de bloquer l'adhésion des neuf autres pays qui devaient faire leur entrée dans l'UE en 2004 si son poulain chypriote était rejeté.
Le "chantage" a fonctionné. Les responsables européens se consolèrent en affirmant que l'adhésion de Chypre à l'UE faciliterait la conclusion d'un accord de paix. Six ans plus tard, les négociations sont toujours dans l'impasse.
L'adhésion de la Grèce à l'euro relève du même processus: une décision politique, et non économique. Mais si l'entrée dans l'Union européenne pouvait être justifiée par des arguments géopolitiques, l'adoption de l'euro aurait dû répondre à une pure logique économique, qui n'a pas été respectée.
En 2001, Athènes s'est qualifiée en satisfaisant à la surprise générale aux critères de Maastricht, notamment un déficit public inférieur à 3% du produit intérieur brut.
Trois ans plus tard, le 15 novembre 2004, la vérité éclate: le ministre grec des Finances, George Alogoskoufis, confirme devant ses pairs de l'Eurogroupe l'ampleur du maquillage des chiffres par les autorités athéniennes.
"Il a été prouvé que le déficit n'était pas retombé sous les 3% une seule année depuis 1999", reconnaît-il, un mois après avoir soutenu mordicus le contraire.
UNE GÉNÉRATION POUR REDRESSER LE PAYS ?
En fait, la Grèce avait été, et de loin, constamment au-dessus des 3% de 1997 à 2003, comme venait de le découvrir en septembre 2004 une mission d'Eurostat, l'Office statistique de l'UE, qui n'avait donc pas fait son travail avant 2001.
Mais les partenaires de la Grèce n'ont pas souhaité enfoncer le pays, d'autant plus que c'étaient les socialistes, et non le gouvernement conservateur de 2004, qui étaient aux affaires pendant toutes les années qui posent problème.
Et les feux d'artifice des Jeux olympiques de 2004, qui ont encore contribué à creuser le déficit, ont un temps fait oublier l'ampleur des problèmes structurels du pays.
En 2009, quand éclate la crise de la dette grecque, l'histoire se répète: le Premier ministre George Papandreou, qui vient de remporter les élections, découvre que le déficit n'est pas de 6% du PIB, mais plus du double.
C'est la fin du "rêve grec" et le début d'une descente aux enfers pour un pays qui détient désormais une dette de 160% de son PIB sans être capable de la rembourser, pour sa population contrainte à une cure d'austérité sans précédent et pour la zone euro, menacée dans son existence par la contagion.
Les gouvernements grecs successifs ont une part de responsabilité dans cette situation et reconnaissent volontiers que les milliards d'euros déversés par l'Europe ont été - au minimum - mal utilisés en raison d'une gouvernance défaillante et de la corruption administrative.
Mais les autorités européennes, Commission en tête, n'ont pas joué le rôle de vigie qui leur était dévolu.
Elles auraient par exemple dû surveiller les comptes publics grecs pour éviter des maquillages qui menacent désormais toute la zone euro par effet de contagion.
La leçon semble avoir été apprise et ce pays au nationalisme ombrageux se retrouve obligé de quémander l'aide de l'Union européenne et du Fonds monétaire international.
Il est de facto placé sous tutelle internationale et sa souveraineté est réduite à bien peu de choses.
Horst Reichenbach, qui a été durant six ans vice-président de la Berd (Banque européenne de reconstruction et de développement), a ainsi été nommé à la tête d'une "task force" d'une cinquantaine de personnes qui, à Athènes et à Bruxelles, gèrera - sans le dire - l'économie du pays sous couvert d'aide.
Il raconte être parfois surnommé "Reich" en Grèce, les premières lettres de son nom, en référence à l'occupation nazie particulièrement dure dans la péninsule hellénique.
Un haut responsable du gouvernement allemand, qui a lui aussi envoyé des équipes en Grèce pour mettre sur pied un cadastre et tirer un meilleur parti du tourisme, reconnaît que la Grèce ressemble ces jours-ci à un "protectorat".
"Ils perdent de plus en plus de leur autonomie. Il faudra une génération et un changement de mentalités pour que la Grèce recouvre sa souveraineté."

Nicolas Sarkozy connaît Charles de Gaulle

Nicolas Sarkozy ne nous avait pas habitués à citer de Gaulle. On aurait même pu se demander s'il savait bien d'où venait le nom du porte-avions qu'il va flatter de la paume à Toulon à chaque occasion. Il a rassuré des membres de sa majorité hier et a dit deux mots d'Histoire. Non seulement il connaît bien son lointain prédécesseur mais il est capable de le citer dans le texte. Le mot d'hier selon lequel la Ve République ne saurait être l'otage des partis politiques est bien gaulliste. Mais la ficelle est un peu grosse. Après s'être montré moins gaulliste que Jacques Chirac - qui pourtant n'a pas été un modèle du genre - après avoir réintégré l'OTAN et assumé l'atlantisme, voilà que le président va chercher de Gaulle pour balayer la primaire socialiste. Au bon temps de l'ORTF, on aurait tout simplement occulté du champ de l'information cette organisation de la rue de Solférino. Pas mieux mais plus efficace ! Pour autant, ce n'est pas en citant de Gaulle qu'on devient gaulliste. Aller citer un président fondateur qu'on a si peu suivi jusqu'ici relève d'une posture de circonstance. Et François Fillon a eu beau saluer le « processus moderne » de la primaire, on sait aussi qu'il a abandonné le gaullisme en acceptant la privatisation d'EDF. Quelle mouche a donc piqué le président en allant citer de Gaulle dans cette galère ? Le général aurait eu un sens tranchant de la formule pour qualifier la primaire, n'en doutons pas. Mais se référer à sa stature pour dénigrer une consultation inscrite elle aussi dans les statuts de l'UMP est simplement burlesque.

Malgré la division

Personne ne pouvait croire sérieusement, dans un contexte de chômage massif, que la journée de contestation et de manifestations de ce 11 octobre allait déboucher sur un rebond de mobilisation important. Le service syndical minimal était affiché en gare, où la CGT a dû renoncer ces derniers mois à ses leviers de mobilisation mécanique, comme dans le privé, où les organisations représentatives ne parviennent pas à s'implanter significativement.

Les syndicats n'ont pas fini de payer la note de leur long combat perdu contre la réforme des retraites en 2010. Autant que le prix de leur incapacité à peser durablement sur les décisions du gouvernement et à emmagasiner des résultats tangibles dans les entreprises.

Privés d'une cible de contestation aussi emblématique que les retraites, les syndicats ont renoué depuis la rentrée avec les vieux démons, sinon de la division, du moins d'une unité limitée et de façade. Le ciment anti-austérité, qui agglomère dans l'action CGT, CFDT, FSU, Solidaires et Unsa, est aussi fragile que leurs convictions et leurs intérêts sont divergents. Il n'est que défensif. Enfin, la période d'une élection politique majeure est traditionnellement propice à l'arrêt des hostilités conflictuelles, ou plutôt au transfert des frustrations et des revendications sociales sur le terrain directement politique.

Mieux que le minimum syndical

Et pourtant, on doit reconnaître que les nombreuses manifestations de terrain d'hier ont assuré sensiblement mieux que le minimum syndical, pour plusieurs raisons. La raison d'opportunité, illustrée par les perturbations de la fonction publique et surtout du transport, est celle des élections professionnelles (elles s'achèvent le 20 octobre) qui concernent actuellement pas moins de 3,5 millions de fonctionnaires. L'enjeu s'annonce déterminant pour les grandes confédérations - CGT, CFDT -, qui jouent leur leadership. Mais aussi pour les petits syndicats (CFTC, CFE-CGC...) qui jouent leur peau dans le cadre des nouvelles règles de représentativité. D'où une surenchère classique de combativité.

Plus globalement, le relatif succès local de cette journée d'action symbolique s'appuie à la fois sur la braise de conflits de proximité enracinés dans l'industrie (Marseille, Gandrange, Vénissieux) et, surtout, sur un climat de refus grandissant de la politique de rigueur. Le gouvernement devrait légitimement s'en inquiéter. Les sondages n'indiquent pas seulement un rejet un peu vague de l'austérité. Ils constatent que la contestation plonge ses racines dans la réalité vécue et les mesures concrètes annoncées.

À cet égard, le gouvernement s'est lourdement trompé en croyant qu'il pouvait taxer, une nouvelle fois, les complémentaires santé sans autre forme de procès ou de discussion. Il n'a pas mesuré que, dans le contexte d'un accès à la santé de plus en plus cher et inégalitaire, c'était le signal de trop d'une politique discriminatoire. Peut-être ne mesure-t-il pas mieux, aujourd'hui, les effets à moyen terme de la mise en panne délibérée de la démocratie sociale. Même la présidente du Medef, Laurence Parisot, s'en désole, c'est dire...

Ce soir, débat ou pugilat ?

La primaire “citoyenne”, belle avancée démocratique, profite-t-elle au PS ? La mauvaise foi mise par les fantassins de l’UMP pour en diminuer les mérites semble indiquer que oui. À moins que le débat du second tour, ce soir, ne tourne au pugilat. En coulisse, déjà, les petites phrases assassines fusent. D’allusions perfides en “manœuvres obliques”, les deux finalistes s’échauffent. L’une, parce que fille de Jacques Delors, se fait traiter “d’héritière”. L’autre, Corrézien bonhomme, se voit renvoyé dans les pâles bataillons de la “gauche molle”.

À ce rythme, le duel télévisé pourrait tourner au concours de vacheries. Une pluie de flèches empoisonnées ! M. Sarkozy, le moment venu, n’aura plus qu’à les récupérer pour garnir son carquois de campagne.

François Hollande et Martine Aubry marchent sur des œufs, “éléphants” lâchés dans un magasin de porcelaine. Ils ne l’ignorent pas, bien sûr, mais l’exercice demeure périlleux. Savoir jusqu’où ne pas pousser trop loin la dispute…

Séduire Montebourg, qui pèse 17 %, sans se renier ni promettre la lune… Tel est le savant dosage que nécessite la bataille interne. Un excès de modération mène à l’insipide. Un excès de passion conduit à l’irréparable, rendant incertain le futur rassemblement.

D’autant que le vainqueur, dimanche, gagnera sans doute d’une courte tête. La primaire, censée lui apporter un élan dynamique, risque alors de devenir un handicap. En face, sous la houlette élyséenne, la droite parlera (presque) d’une seule voix…

Jalousie primaire

En politique aussi, la jalousie est mauvaise conseillère. Mais quelle mouche a-t-elle piqué Nicolas Sarkozy pour qu’il se laisse aller à manifester son agacement contre les primaires de la gauche? Le président de la République joue perdant-perdant dans cette affaire... qui ne le concernait pas. Il donne l’impression d’être mauvais joueur et il s’abaisse à descendre sur le terrain de la politique intérieure qu’il se faisait fort, pourtant, de dédaigner: n’était-il pas résolu à rester sur les hauteurs, moins périlleuses pour son image, des grands enjeux internationaux?

Gardien de la constitution, le chef de l’État s’est senti obligé d’en faire une interprétation toute personnelle afin de disqualifier le double rendez-vous électoral de la gauche qui, selon lui, détournerait l’esprit de la V e République. Un postulat plus inspiré par le ressentiment politique que par une analyse rigoureuse du droit constitutionnel.

En quoi ces primaires qui consultent le peuple directement et sans exclusive seraient-elles incompatibles avec l’esprit d’un scrutin vu par le Général comme la rencontre d’un homme (d’une femme) avec le pays ?

Le reproche présidentiel est d’autant plus singulier que si Nicolas Sarkozy avait conquis l’UMP en 2005, c’était pour s’imposer comme le candidat incontestable du grand parti de la majorité ! Un chemin électoral logique soigneusement balisé et une approche parfaitement légitime, certes, mais pas une démarche particulièrement gaulliste...

Circonstance aggravante, le futur prétendant à sa propre succession joue perso et marque contre son camp. A quoi bon critiquer un processus que son propre Premier ministre et de nombreuses personnalités UMP ont jugé «moderne» et d’avenir, pour la droite comme pour la gauche?

Voilà le chef de l’État surpris en plein agacement anachronique au moment même où il pourrait profiter des tensions inévitables du PS. Quand Arnaud Montebourg, allié objectif de l’Élysée, sème un désordre inespéré chez l’adversaire socialiste, il a gâché une formidable occasion de se taire. Aurait-il oublié que son silence est d’or? Que ses chances de réélection tiennent, pour partie, à sa capacité à garder sang-froid, à résister à son tempérament colérique - son pire ennemi- et à apparaître comme un rassembleur serein des siens? Seule explication rationnelle, l’attente d’une naissance imminente a peut-être fini par lui porter sur les nerfs.

Les dirigeants de l’UMP qui pleurnichent, avec une mesquinerie infantile, sur le temps consacré par les médias à la compétition à gauche n’ont même pas cette excuse. Comme si la télé avait encore un pouvoir magique sur les électeurs quand elle ne peut prétendre qu’à rendre fous les états-majors politiques.

Grèce : Les quinze commandements de la "troïka"

Grèce, Correspondance - Le ministère des finances a envoyé, dimanche 18 septembre, dans un courriel à tous les ministères, une liste de quinze mesures à mettre en oeuvre d'urgence, sur l'insistance de la "troïka", les représentants du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque centrale européenne (BCE) et de la Commission européenne. Certaines ont été intégrées dans le nouveau plan de rigueur présenté, le 21 septembre. D'autres pourraient figurer dans le projet de budget 2012, en cours de préparation.

Voici ce que la presse grecque a baptisé les "quinze commandements de la troïka" :

  1. Coupes dans les effectifs – saisonniers ou fixes – dans toutes les administrations, y compris les enseignants.
  2. Etendre le chômage technique à l'ensemble du secteur public et application immédiate du système.
  3. Egalisation de la taxe sur le fuel domestique sur celle du gas-oil.
  4. Permettre la retenue sur salaire de l'impôt de solidarité destiné à financer les caisses de chômage.
  5. Baisse des retraites pour les marins et les anciens employés de l'opérateur téléphonique OTE.
  6. Suppression des subventions à la Poste pour la distribution de la presse.
  7. Nouveau cadre juridique dans le secteur public pour réduire les indemnités de départ et les heures supplémentaires.
  8. Gel des retraites primaires et complémentaires jusqu'en 2015.
  9. Augmentation des amendes pour les constructions illégales.
  10. Fusion ou fermeture de 35 agences d'Etat.
  11. Fusion ou fermeture de 10 autres structures: agence nationale de la jeunesse, organisme de télévision publique, société de l'immobilier public, société des biens immobiliers touristique, etc.
  12. Recensement des biens mobiliers et immobiliers sous le contrôle de l'Etat.
  13. Recenser tous les avantages sociaux et prestations de santé; signature de négociations collectives dans 16 hôpitaux privés ; signature de contrats entre hôpitaux privés et publics pour la locations de lits.
  14. Nouvelle loi pour réduire les retraites agricoles.
  15. Réduire les prix des médicaments en passant des accords avec les laboratoires pharmaceutiques

La Slovaquie rejette l'élargissement du FESF

Le Parlement slovaque était le dernier à se prononcer sur le renforcement du fonds de secours européen. Un autre vote pourrait avoir lieu cette semaine. L'opposition se ralliera si des élections sont organisées.

En Slovaquie, la cacophonie aura duré toute la journée. Et les huit heures et demie de débat n'auront pas suffi. Ce mardi soir, les députés slovaques ont rejeté le renforcement du Fonds de secours financier de la zone euro (FESF). Une décision qui risque d'aggraver la crise de la dette en zone euro. De fait, l'unanimité des pays est indispensable pour valider l'accord trouvé par les chefs d'État le 21 juillet dernier.
Ni les exhortations de la Commission européenne demandant à Bratislava d'entériner l'élargissement du fonds, ni les appels de Jean-Claude Trichet parlant d'une crise «systémique» qu'il est nécessaire de «combattre avec la plus grande détermination» n'y auront donc rien changé. Pas plus que les assurances de la chancelière allemande, Angela Merkel, en voyage au Vietnam, selon qui la zone euro a la «volonté politique de surmonter la crise».
Iveta Radicova, premier ministre slovaque, avait pourtant mis la pression, en faisant du vote sur le fonds de secours européen une question de confiance ; cela n'a finalement qu'ajouté de l'huile sur le feu. Un parti membre de la coalition gouvernementale, le mouvement Liberté et Solidarité (12,1 % des voix), qui refuse depuis le début de soutenir le FESF, a d'entrée de jeu réagi en annonçant qu'il ne participerait tout simplement pas au scrutin. Depuis des semaines, il ne cesse de répéter que la Slovaquie est un pays trop pauvre pour payer pour les erreurs des autres et débourser 7,7 milliards d'euros. D'ailleurs, sur l'ensemble des 124 députés présents, 55 élus ont voté pour, 9 contre et 60 n'ont pas voté.

Élections anticipées

Reste qu'un second vote pourrait intervenir rapidement, comme la Constitution le permet, a-t-on indiqué à Bratislava. La coalition au pouvoir n'ayant pas la majorité au Parlement, le gouvernement n'aurait donc pas d'autres moyens que de se tourner vers l'opposition. Le parti social-démocrate a bien compris l'intérêt qu'il pouvait tirer de la situation: dès cette nuit, le Smer-SD annonçait qu'il était prêt à soutenir le renforcement du FESF, à condition que des élections anticipées soient organisées. «Si les pourparlers commencent, je crois que le vote peut intervenir cette semaine», a indiqué le porte-parole de ce parti.
Bref, à seulement quelques jours du sommet des gouvernements européens prévu le 23 octobre prochain, le sauvetage de l'euro reste un dossier qui n'en finit pas de diviser.
Il en ferait presque oublier une nouvelle qui a dû rassurer le premier ministre grec, Georges Papandréou. La troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) a donné son feu vert ce mardi au déblocage «probablement début novembre», de la nouvelle tranche de 8 milliards d'euros promise à la Grèce dans le cadre du prêt qui lui a été accordé l'an dernier.
Les équipes de la troïka, qui avaient suspendu, début septembre, leur mission sur place parce que le gouvernement n'allait pas assez vite dans ses réformes, jugent que les mesures supplémentaires de rigueur prises depuis la mi-septembre « devraient être suffisantes » pour redresser la situation du pays et parvenir à contenir le déficit à 14,9 milliards d'euros l'an prochain.
Certes, elles reconnaissent que les revenus des privatisations seront «sensiblement inférieurs» aux 5 milliards d'euros qui avaient été prévus pour cette année. De même, elles prennent acte de la révision à la hausse du déficit public à 8,5 % du PIB (produit intérieur brut) au lieu de 7,4 % pour 2011. Mais elles maintiennent leurs espoirs de voir les ventes des entreprises d'État rapporter tout de même 35 milliards à Athènes fin 2014.

Agonie d’un quotidien


La fin de France-Soir se profile. Toute la presse papier va mal et des journaux disparaissent. Actuellement placé sous procédure de sauvegarde depuis août dernier par le tribunal de commerce de Paris, le quotidien envisage de supprimer prochainement son édition papier pour conserver uniquement son site Web. L’abandon du papier devrait s’accompagner d’un plan social. Et de la suppression de 80 postes sur 120. Les salariés du journal ont aussitôt voté la grève.

Le quotidien avait été racheté en 2009 par l’homme d’affaires milliardaire Alexander Pugatchev, fils d’oligarque russe. Propriétaire et président de France-Soir, il avait fait couler beaucoup d’encre dans la presse de gauche en déclarant en février dernier dans Libération : « Les idées de Marine Le Pen me plaisent. »

Les journalistes de la rédaction du journal fondé par Pierre Lazareff avaient vu rouge. Eux qui craignaient que le journal ne devienne l’organe de presse de Sarkozy… La rédaction avait alors publié un communiqué réaffirmant qu’elle veillerait scrupuleusement à son indépendance éditoriale. Tandis que le syndicat SGJ-Force Ouvrière de France-Soir annonçait qu’il guetterait tout dérapage. Façon Pravda.

Finalement Pugatchev et sa rédaction risquent de ne pas voir la présidentielle 2012. Après une perte d’exploitation de 31 millions d’euros l’an passé, les résultats sont restés dans le rouge, France-Soir accusant une perte de 12,8 millions d’euros fin juin.

La relance du titre en début d’année, à grands frais (60 millions d’euros) et grand renfort de promotion, n’a pas permis d’enrayer la baisse inexorable des ventes qui se sont établies à 59 102 exemplaires de diffusion sur les huit premiers mois de l’année, contre près de 64 000 exemplaires un an plus tôt. L’objectif visé était de franchir la barre des 200 000 exemplaires.

Le titre célèbre qui a connu ses heures de gloire dans les années cinquante (à l’époque France-Soir s’écoulait à 1,5 million d’exemplaires chaque matin !) a accumulé des pertes abyssales.

Sur l’impulsion de son nouveau patron russe, l’équipe aux commandes a pris des risques comme l’augmentation du prix de vente de 60 centimes tout en tentant de séduire un lectorat plus jeune et plus féminin. Total : c’est la réduction drastique du cahier hippique, qui fidélisait une base de lecteurs fidèles, qui a été la plus préjudiciable aux ventes du titre. Comme quoi, il ne faut jamais renier ce que l’on est.

Présent qui n’a jamais renié ce qu’il est (transition facile) ni renoncé à son cahier hippique, n’a ni milliardaire russe dans sa poche, ni 60 millions à mettre dans sa promotion. Et pourtant il tourne. Modestement, sur le fil du rasoir chaque jour, mais survivre c’est encore vivre. Au mois de janvier 2012, Présent aura 30 ans. Pas mal pour un journal que beaucoup jugeaient mort-né avant qu’il ne naisse. Souvenez-vous que nous n’avons que vous.