François Hollande avance de biais
Lors d’un déplacement, mardi matin, dans un centre de soins
palliatifs animé par des religieuses protestantes, le président de la
République a donné pour cadre symbolique à l’ouverture d’une nouvelle
« réflexion » sur l’euthanasie un lieu qui répond à la souffrance de
ceux qui pourraient être tentés de vouloir leur propre mort, en la
soulageant.
D’ailleurs François Hollande n’a pas prononcé le mot « euthanasie », car comme avec l’IVG,
c’est l’euphémisme qui permet de faire passer les légalisations des
gestes mortels : il a appelé cela « un acte médical assumé », dans « les
cas exceptionnels où l’abstention thérapeutique ne suffit pas à
soulager les patients aux prises avec une douleur irréversible ».
Que de bizarreries dans cette phrase ! Depuis quand l’« abstention
thérapeutique » permettrait-elle de soulager la douleur ? Qu’est-ce
qu’une « douleur irréversible » ? Un processus peut l’être. Mais avoir
mal ?
Il faut, me semble-t-il, comprendre cette phrase dans le véritable
contexte de la loi Leonetti qu’il est donc question de remettre en
discussion. La loi Leonetti, contrairement à ce que l’on prétend, n’est
pas une loi contre l’euthanasie, même si elle pose correctement de
nombreux points, permettant aux patients de récuser des soins qui font
plus de mal que de bien, et faisant une juste distinction quant aux
gestes médicaux qui peuvent, pour soulager le patient qui souffre, hâter
la mort sans comporter l’intention de la donner, et les actes qui ont
pour but de provoquer la mort qui, eux, sont apparemment proscrits.
Apparemment parce que la loi Leonetti permet aussi, même chez des
personnes dont la mort n’est pas imminente et qui ne souffrent pas de
recevoir une alimentation « artificielle », même chez des personnes qui
ne sont pas en phase terminale, de cesser cette alimentation, ce qui a
pour effet et pour but de causer la mort au terme d’un délai plus ou
moins long.
En ce sens l’abstention thérapeutique visée par Hollande pourrait
bien être le retrait de ces soins ordinaires qui sont pourtant dus au
malade sous peine de l’euthanasier « par omission », dans tous les cas
où l’alimentation ne fait pas plus de mal que de bien et ne cause pas de
souffrances indues.
Ce genre de cas a provoqué la mobilisation du lobby de l’euthanasie
qui a pointé les souffrances inhumaines, pour le malade « désintubé » et
son entourage qui assiste à des agonies dures et prolongées, que peut
causer l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation, et qui en a tiré
argument pour demander une révision de la loi Leonetti. L’euthanasie
permettant d’aller vite serait bien plus humaine : voilà le refrain.
En insistant sur les soins palliatifs, en tournant autour de
l’euthanasie avec une précaution de crabe, François Hollande ouvre
consciemment un peu plus la place à la « mort choisie ». Il s’entoure de
mille précautions, allant jusqu’à saluer les préoccupations
« spirituelles » sur la valeur de la vie ; il a même reçu le cardinal
Vingt-Trois à la veille de sa visite au centre Notre-Dame du Lac, à
Rueil-Malmaison, pour lâcher ce qui demeure une bombe, fût-elle munie
d’un silencieux.
Leonetti lui-même attend l’ouverture d’un « large débat public »…
pour mieux faire connaître sa propre loi ; Jean-Luc Romero, président de
l’Association pour le droit de mourir dans la dignité et ancien
Monsieur-Droits LGBT de l’UMP,
préférerait un référendum pour ne pas enterrer la question dans une
commission (une euthanasie lente ?) et dénonce la nomination du
Pr Didier Sicard pour mener cette « mission sur la fin de vie ». Voici
l’ancien président du Comité consultatif national d’éthique, qui a
ouvert la porte à tant de transgressions, bombardé « proche de la
théologie morale catholique ».
Celui-ci n’a pourtant pas brandi un drapeau pro-vie, ni même des principes clairs. « Je
suis médecin, mais je plaide pour que le débat soit plus sociétal que
médical. Il faut aller à la rencontre de ceux qui ne parlent jamais, et
non reconstituer un puzzle avec ceux que l’on connaît déjà », dit-il : « Je vais chercher à tout prix à me tourner vers les citoyens, comprendre ce que les cadres, les ouvriers, les paysans pensent », il est soucieux « d‘éviter une discussion figée par les positions pro ou anti-euthanasie ». « Je
ne viens pas avec un armement idéologique, religieux ou médical et je
m’interroge, comme l’ensemble des Français (…). Il faut aller chercher
les naïvetés sur la question, plus que les jugements abrupts. »
S’il voulait discréditer le principe du respect de la vie : tu ne tueras pas, il ne s’exprimerait pas autrement. Et d’ailleurs il avoue :
« Certains jours, je trouve inacceptable que quelqu’un disant souhaiter en finir n’obtienne pas de réponse. »
Il ne faudra pas se laisser duper par les entourloupes et autres embrouillaminis qui laissent prévoir un « débat » pipé…