lundi 8 septembre 2014
François Hollande viré de l'Elysée en 2017 ?
Devenu le président le plus impopulaire de la Vème République, donné comme battu au second tour de la présidentielle face à tous ses rivaux et même surtout Marine Le Pen, François Hollande pourra-il se représenter en 2017 ?
Clairement non, affirme un sondage Ifop-JDD publié par le Journal du
Dimancheselon lequel 85% des Français ne souhaitent pas que le Président postule à un second mandat. Ce serait la première fois (excepté Georges Pompidou) dans l'histoire de la Ve République qu'un président sortant ne serait pas en position de solliciter une deuxième fois la confiance des électeurs. Même chez les sympathisants socialistes, 65% ne souhaitent pas que François Hollande se représente.
Plus de la moitié des Français (55 %) pensent que le chef de l'Etat ne sera d'ailleurs même pas candidat en 2017 contre 44 % d'un avis contraire et 1 % qui ne se prononcent pas. En première ligne des reproches adressés à François Hollande viennent « les promesses non tenues de sa campagne présidentielle », puis dans l'ordre décroissant "le manque de résultats obtenus sur le plan économique", "la manière dont il exerce la fonction présidentielle", "la progression du nombre de chômeurs" et "l'exposition de sa vie privée".
Que va faire le président face ce qui devient une crise de régime ?
Le climat de la rentrée est calamiteux pour le chef de l'Etat. Croissance en berne, majorité divisée, fracturée même, aucune de ses inititiatives ne parvient à redresser la barre. Mais François Hollande, bien qu'apparu très absent et un peu perdu sur les photos lors du sommet de l'OTAN, a pour lui la force de l'institution présidentielle. Lors de la conférence de presse qu'il a donné vendredi à Newport au pays de Galles, il a réaffirmé qu'il gouvernera jusqu'au bout et n'était qu'à la moitié du mandat que lui a confié le peuple français en mai 2012. Une intervention inédite sur la politique intérieure pour un chef de l'Etat à l'étranger qui lui a fourni l'occasion de répondre aux attaques dont il fait l'objet dans le livre de son ex-compagne (Merci pour ce moment, Valérie Trierweiller, édition des Arènes), qui fait un carton en librairie. Et de se défendre notamment de l'accusation qu'elle insinue selon laquelle lui, le socialiste bourgeois, n'aimerait pas les pauvres, qu'il appellerait les "sans-dents", devenu un hastag vedette sur twitter. "Je ne laisserai pas mettre en cause [...] la relation humaine que j'ai avec les plus fragiles, les plus modestes, les plus humbles, les plus pauvres [...], parce que c'est ma raison d'être." a-t-il proclamé, visiblement ému.
Protégé par les institutions, le président de la République va néanmoins devoir prendre des initiatives politiques rapides pour éviter de sombrer dans la spirale d'impopularité qui le tire actuellement vers des niveaux d'impopularité jamais connu. La conférence de presse semestrielle prévue le 18 septembre sera un moyen pour lui de reprendre l'offensive. De ce point de vue, le sondage Ifop-JDD lui offre quelques pistes intéressantes de réflexion. Ainsi, à propos de l'action politique immédiate, 23 % des personnes interrogées pensent que François Hollande doit « convaincre des personnalités du centre et de la droite de participer au gouvernement » et 12 % seulement estiment qu'il doit « convaincre le Front de Gauche et EELV-Les Verts de participer au gouvernement », 11 % jugent qu'il doit à nouveau« remanier le gouvernement » et 31 % déclarent qu'il ne doit « rien [faire] de tout cela ». La tentation de la dissolution progresse et passe en moins de trois mois de 17 à 23%. Avec sans surprise des pics au FN (46%) et à l'UMP (31%). Mais on est loin des "deux Français sur trois" revendiqués par Marine Le Pen dimanche à l'Université des jeunes du Front national à Fréjus...
La France va-t-elle connaître cet automne une crise de régime avec un président aussi affaibli ? Une étape majeure sera le vote de confiance au gouvernement Valls II mardi 16 septembre. Le secrétaire national du PCF Pierre Laurent et l'ex-dirigeant du Parti de gauche Jean-Luc Mélenchon ont appelé samedi les parlementaires à voter contre la confiance. Si les frondeurs votaient contre, avec la droite donc, ce serait un scénario catastrophe pour le chef de l'Etat. Si la majorité des opposants à la ligne sociale-démocrate s'abstiennent, ce qui le plus probable (208 députés socialistes ont publié un texte de soutien), alors la situation devrait s'apaiser et le gouvernement pourra avancer sur les réformes. Signe de nervosité au sommet de l'Etat, la présentation officielle du budget 2015 a été repoussée d'une semaine, au mercredi 1er octobre. Et pour apaiser les tensions à gauche, le gouvernement a renoncé à son projet de réformer les règles du travail du dimanche par ordonnance.
Il est sans doute trop tôt dire que François Hollande a définitivement perdu toutes ses chances pour se représenter en 2017. Lui même a reconnu que son éventuelle candidature dépendra des résultats qu'il obtiendra ou non, sur la baisse du chômage. Plus que jamais, le choix du pacte de responsabilité et de la politique de l'offre apparaît, pour le président de la République, et donc pour la gauche, comme un pari sans retour en arrière possible. Ca passe ou ça casse, au risque d'emporter avec lui en cas d'échec tout le parti socialiste. Car, même si la gauche se cherche des alternatives, avec Martine Aubry en embuscade à Lille, où elle a annoncé qu'elle proposera prochainement des "inflexions" à la politique économique menée par le gouvernement, avec Arnaud Montebourg qui ne parvient néanmoins pas à devenir le leader des frondeurs malgré son départ fracassant du gouvernement, sans parler de Manuel Valls, entrainé à son tour vers des abîmes d'impopularité par le chef de l'Etat dont il applique et incarne la ligne politique, tous les sondages actuels laissent entendre que la gauche perdrait, sans doute éliminée dés le premier tour, la prochaine élection présidentielle, et ce quel que soit son candidat. "Il faut tenir", a assumé le Premier ministre, Manuel Valls, dans un entretien au JDD, alors que les principaux ténors socialistes ont resserré les rangs autour du président, de Julien Dray a Claude Bartolone en passant par Jean-Christophe Cambadélis, le Premier secrétaire du PS. "Ne rajoutons pas une crise institutionnelle à la crise économique", a soutenu Manuel Valls en Italie, où il a rejoint dimanche le chef du gouvernement italien Matteo Renzi à la "Festa de l'Unita" à Bologne (nord de l'Italie), une rencontre destinée à afficher "l'unité" de la gauche européenne, notamment sur les réformes et la politique budgétaire.
Pour le PS, et toute la gauche de gouvernement, le seul choix qui demeure, finalement, n'est donc autre que la réussite de François Hollande. C'est sur cette conviction et cette réalité que le président de la République peut trouver, dans cette rentrée désastreuse, un peu de réconfort...
"Il faut garder le cap de la réduction des dépenses publiques" (Lagarde)
"Il faut garder le cap de la réduction des dépenses publiques".
Et Christine Lagarde d'ajouter, rejetant un argument avancé par le ministre des Finances:
"Même si l'inflation est plus faible que prévu, elle ne peut pas être utilisée comme un paravent pour reporter les efforts nécessaires sur la dépense".
Le carcan de la réglementation du travail: une priorité
La France devrait par ailleurs accélérer ses réformes, estime la dirigeante du FMI, qui a notamment salué la volonté du gouvernement Valls de légiférer sur les professions réglementées. Christine Lagarde conseille en particulier de s'attaquer, "dans l'ensemble de la zone euro", au "carcan de la réglementation du travail".
Le volet réformes lui paraît d'ailleurs même plus important que celui budgétaire: plutôt que d'un éventuel report en 2017 du retour du déficit sous les 3% du PIB, elle dit s'inquiéter que "les réformes structurelles qui génèrent de la croissance (soient) réellement, rapidement et complètement mises en oeuvre".
"Quand j'apprends que la France envisage d'avancer par voie d'ordonnance pour aller plus vite, je m'en réjouis. Tout ce qui est de nature à accélérer la mise en oeuvre de vraies réformes de fond va dans la bonne direction", a-t-elle ajouté, appelant le gouverment à "passer des paroles aux actes".
Aéronautique et défense : où sont les patrons au féminin ?
Et les femmes dans l'industrie de l'armement ? Pas une seule encore ne s'est assise dans un fauteuil de patron d'un grand groupe de défense français. Ce qui n'est pas le cas aux États-Unis où deux femmes sont actuellement à la tête de deux géants de l'armement : depuis le 1er janvier 2013, Marillyn A. Hewson est PDG du plus grand vendeur d'armes de la planète, Lockheed Martin ; à la même date, l'ancien officier de la CIA, Phebe Novakovic, a pris les mêmes fonctions de PDG chez General Dynamics, sixième plus grand groupe mondial.
En France, à l'exception modeste d'Anne-Marie Perus, PDG d'Alkan (1996-2005), filiale de MBDA, puis d'EADS Sogerma Services (2006-2007), aucune femme n'a pu accéder à la plus haute fonction d'un groupe de défense. Pourtant ce n'est pas faute d'avoir essayé pour Pascale Sourisse (Thales), qui a échoué dans la course à la succession de Denis Ranque, puis de Luc Vigneron pour devenir PDG du groupe d'électronique. Retoquée par les actionnaires de Thales (État et Dassault Aviation). Peut-être trop machistes ? Elle surveille aujourd'hui la succession de Jean-Paul Herteman, PDG de Safran.
Une femme à la tête de la direction générale de l'armement ?
Pour autant, les femmes ne sont pas si nombreuses à pouvoir briguer de hautes fonctions dans ce monde d'hommes. Outre Pascale Sourisse, Monique Legrand-Larroche, la première femme officier général 4 étoiles en France, pourrait quant à elle succéder au délégué général pour l'armement, Laurent Collet-Billon, qui doit quitter son poste en janvier 2016. D'autant que cette passionnée de grosses motos a été nommée en juin directrice des opérations de la Direction générale de l'armement (DGA). Toujours à la DGA, Caroline Laurent pourrait quant à elle très bien se glisser dans le fauteuil de la direction de la stratégie, en charge de la préparation de l'avenir, une direction que pourrait quitter Jean-Pierre Devaux.
D'autres femmes ont réussi à se faire une place au soleil en haut de la pyramide. C'est le cas d'Hélène Moreau-Leroy, PDG d'Hispano-Suiza (groupe Safran) depuis mai 2013. Elle fait partie des « jeunes pousses » pouvant se frayer un chemin jusqu'aux sommets du pouvoir. Veronika Roux (ex-Thales) s'est hissée quant à elle en quatre ans à la tête de Sodexo Défense Services, une activité qui prend de plus en plus d'ampleur grâce à son audace. De son côté, Nathalie Smirnov a quitté les satellites de Thales Alenia Space (TAS) pour prendre la tête de la division services de DCNS, une activité en devenir du groupe naval.
Des femmes vendeurs d'armes
Quelques rares femmes se sont fait une place sur le grand export aux côtés des hommes. C'est le cas d'Anne Tauby, directeur depuis 2010 d'Airbus Group pour la zone Amérique Latine, où le groupe lui doit plusieurs jolis succès à l'exportation (satellites d'observations, hélicoptères...), ou encore de Marie-Laure Bourgeois, en charge de la zone Asie du Sud-Est chez Thales. Et enfin de Laurence Rigolini, chargée des ventes et du support de la gamme d'hélicoptères d'Airbus Helicopters en Russie et dans les pays de la CEI depuis quatre ans. C'est le cas aussi des prometteuses Clarisse Guilmet, directrice régionale Asie de la division Avionics chez Sagem Défense et Sécurité (groupe Safran), et de Clémence Bastien (Airbus Helicopters), qui se bat pour signer des contrats dans les pays de l'ex-URSS.
Enfin, Anne Diaz de Tuesta est responsable du contrôle des exportations et de la conformité du missilier MBDA. À noter aussi Véronique Cham-Meilhac, « Mme Aster » de MBDA, le missile antimissile engagé sur plusieurs fronts à l'export (Turquie, Pologne, Qatar...).
« Retenez-moi, j’arrive ! »
« Retenez-moi, j’arrive ! »
Cette fois, c'est sûr, il revient. Qui ça ? Est-ce bien la peine de préciser son nom , tant son come-back dans l'arène politique est annoncé quasiment tous les mois depuis qu'il l'a quittée, en mai 2012. Mais l'a-t-il vraiment un jour délaissée ? Certains ont pu le croire… D'autant que l'homme ne s'est pas montré avare, à l'époque, en certitudes affirmées haut et fort dans de nombreux médias.
Ainsi, au micro de BFMTV, ce 8 mars 2012, en pleine campagne présidentielle. Question de Jean-Jacques Bourdin : « Si vous n'êtes pas réélu, est ce que vous arrêtez la politique ? ». Réponse de l'intéressé : « Oui ! Vous pouvez me poser la question trois fois : "Oui" ! » Quelques semaines auparavant, Le Monde avait déjà fait état de son désir de mettre fin à sa carrière politique, si toutefois il perdait l'élection : « Je fais de la politique depuis 35 ans, j'ai un métier [avocat, NDLR ] , je changerai complètement de vie. Vous n'entendrez plus parler de moi si je suis battu… »
Mais ça, c'était avant. La suite, tout le monde la connaît : d'indiscrétions savamment distillées dans la presse à la stratégie dite des « cartes postales », cet été, l'annonce prochaine de sa candidature à la présidence de l'UMP ne fait aujourd'hui (presque) plus aucun doute.
Même la barbe de trois jours, si fièrement arborée jusque-là, a été coupée. Le visage glabre, signe assumé d'un retour imminent aux affaires ? N'était-ce pas le même homme qui, il y a quelques années, prétendait déjà « y penser tous les matins en se rasant » ? Qui ça ? Vous l'aurez toutes et tous reconnu !
Une commerçante moderne
Une commerçante moderne
Le hasard existe-t-il en politique ? L’inconscient s’exprime-t-il aussi dans le champ public ? Redoutables questions qui ont connu ce week-end un début de réponse. A l’heure où quelques idées reçues de la gauche volent en éclat, Mme Aubry, commerçante moderne, a recouru au « teasing ». Elle proposera bientôt des « inflexions » à la politique économique du gouvernement. C’est dire que les décisions actuelles ne la satisfont guère. Elle a procédé à cette annonce à la grande braderie de sa ville. Le choix de ce lieu saisit d’effroi. Voulait-elle indiquer ainsi que les principes de son parti étaient aujourd’hui bazardés ? Ou, en un message subliminal, souhaitait-elle marquer que le chef de l’Etat, en très petite forme il est vrai, pouvait être rangé au rayon des vieilleries ?
Pourquoi les militants socialistes sont-ils coupés des réalités économiques ? Éléments d’explications.
Le militant socialiste : entre idéalisme et archaïsme
Bien des gueules de socialos...regardez le drapeau
La schizophrénie politique de Manuel Valls ne relève pas de troubles psychologiques mais des contradictions internes au parti socialiste (PS). Il devrait être considéré comme banal qu’un Premier Ministre déclare devant les représentants patronaux qu’il aime les entreprises. Comment pourrait-on ne pas aimer la structure de production de base de notre société, celle qui assure notre niveau de vie, nos emplois ? Pourtant cette affirmation choque de nombreux militants socialistes. Aussi, lorsqu’il se rend à l’Université d’été du PS, Manuel Valls tient-il un discours tout autre. Pour complaire à son public, il fait applaudir la nouvelle ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem. Les positions de celle-ci dans le domaine sociétal (mariage homosexuel, pénalisation des clients des prostituées) ont la faveur des militants. Il s’agit donc tout simplement de valoriser le sociétal devant les militants mais de réserver l’économique à d’autres cénacles. Ce subterfuge familier des politiques est une nécessité pour le Premier ministre car l’entreprise est encore perçue comme un ennemi par la majorité des adhérents du PS.
Les études du CEVIPOV (Centre d’études de la vie politique française) sur les militants socialistes montrent qu’il s’agit en majorité d’hommes de plus de cinquante ans ayant souvent un niveau de diplôme relativement élevé (diplôme universitaire de deuxième ou troisième cycle ou grande école pour la moitié environ). Le recrutement se fait surtout dans le secteur public, les enseignants représentant encore une base importante (environ 20%) mais les employés ou les cadres de la fonction publique territoriale semblent avoir le vent en poupe dans l’évolution des effectifs. Le clientélisme existe mais il est impossible de le chiffrer. Certains adhérents ne prennent la carte du parti que pour s’assurer un emploi dans une commune, un département ou une région dirigée par les socialistes. Autre caractéristique intéressante : près de 80% des militants ont le sentiment d’appartenir à une classe sociale (la classe moyenne pour la plupart, la classe ouvrière moins fréquemment). La culture du conflit reste ainsi largement dominante au détriment du nécessaire compromis.
Cette rapide esquisse du militant socialiste permet d’estimer la distance sidérale qui sépare ce parti du monde réel en cours de structuration, celui de la globalisation planétaire des savoirs, de la recherche, de la finance, de l’économie, voire même du marché du travail. Puisque l’élaboration du droit reste un monopole des États, les acteurs de la globalisation utilisent habilement la concurrence entre normes juridiques étatiques pour dépasser le cadre trop étroit de l’État-nation. La fameuse « mondialisation » se développe ainsi contre les États, mais les militants socialistes dépendent de l’État et attendent tout de l’État. Ils demandent un renforcement constant de la réglementation étatique qui induit une densification des contrôles et, par suite, des coûts de structure insoutenables. Lorsque le célèbre fantaisiste Arnaud Montebourg évoquait la « démondialisation » au cours de la campagne présidentielle de 2012, il paraissait, comme à son habitude, plutôt ridicule aux yeux des citoyens avisés. Mais il était perçu comme courageux et clairvoyant par les vieux routards du socialisme militant.
Car, bien évidemment, l’humanité s’est fourvoyée lorsqu’elle a entamé le processus de « mondialisation libérale ». Non seulement la pensée socialiste est la bonne, mais ses réalisations dans le cadre franco-français devraient être étendues, sinon à la planète entière, du moins à l’Union européenne. Le « modèle social français », par exemple, étant un des meilleurs du monde (c’est évident), il conviendrait que les Européens s’en inspirent au lieu de s’acharner stupidement à construire une Europe vendue à l’ultra-libéralisme. Ce n’est pas à la France de devenir européenne, mais à l’Europe de devenir française. On peut dès lors comprendre que le pas à franchir pour passer de la gauche au Front national ne nécessite pas d’être un champion du saut en longueur. La doxa socialiste de base est très éloignée de celle de l’élite. Elle n’exclut pas le nationalisme.
Tentons de dresser le portrait du militant socialiste-type. Le noyau dur de l’appareil est constitué d’enseignants socialistes de plus de cinquante ans, professeurs des écoles (ex-instituteurs) ou professeurs de collège ou de lycée. Ils n’ont jamais approché une entreprise mais la perçoivent exclusivement comme un centre de profit. Pour ces socialistes, l’argent honni (« Mon ennemi, c’est la finance ») est le seul véritable objectif du chef d’entreprise. L’emploi public est vertueux car il procède d’une logique de service public ; l’emploi privé est immoral car il émane de la recherche du profit. Toutes les problématiques plus ou moins financières concernant l’entreprise privée – droit des affaires, droit fiscal, normes comptables, contrôle de gestion, etc. – sont totalement ignorées et perçues comme hautement suspectes. L’inculture dans ce domaine est totale, les préjugés omniprésents. De nombreux jeunes députés socialistes provenant du milieu associatif et appartenant au groupe des « frondeurs » représentent à merveille ce socle militant. N’ayant jamais vu un compte de résultat, ils ignorent ou veulent ignorer que le chiffre d’affaires doit se conquérir. Pour eux, il suffit de voter au sein d’une quelconque assemblée pour disposer des ressources.
Mais il faut aller plus loin. Le réel lui-même est perçu comme une entrave. Respecter le réel, c’est déjà trahir. Il s’agit de changer la société en fonction d’une idéologie qui définit l’avenir radieux qui naîtra de la ténacité militante. Être pragmatique face à la complexité de la réalité sociale, c’est être timoré. Dans ces conditions, les déficits publics n’ont évidemment pas à être pris en considération. S’obstiner à bien gérer son pays comme ces besogneux de germaniques, vouloir rembourser ce que l’on a emprunté, voilà bien de la petitesse. Il faut voir loin, il faut voir grand, il s’agit de construire un monde idéal, pas de rembourser ces imbéciles d’épargnants.
On comprend qu’avec cette base sociologique très archaïque, le virage dit « social-libéral » du gouvernement français ait pu constituer un véritable casus belli pour de nombreux militants de gauche. Le Parti socialiste arrive ainsi au terme d’une histoire qui commence en 1905 avec la création de la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière). François Hollande a repris en 2012 le petit jeu mitterrandien de 1981, consubstantiel à la gauche du 20e siècle, qui consiste à présenter le politique comme capable de changer le réel. Erreur historique majeure en ce début du 21e siècle : ce sont les hommes libres qui changent le monde, les chercheurs, les chefs d’entreprises, les grands artistes. Les politiques ont un rôle plus modeste : trouver des compromis pour assurer le vivre ensemble. Il faudra l’expliquer aux militants. Bon courage.
Un pouvoir qui s’agite sans agir
Un pouvoir qui s’agite sans agir
A quoi reconnaît-on un pouvoir qui décroche ? A son impopularité, bien sûr. A son incapacité à convaincre l’opinion et à ses défaites répétées aux élections intermédiaires, évidemment. Sur tous ces points, le quinquennat de François Hollande fait pire que tous les gouvernements précédents.
Mais il y a plus préoccupant : un pouvoir qui décroche est un pouvoir qui ne parvient plus à gouverner. Et c’est ce qui se produit désormais. Non pas (pour l’instant ?) à cause de blocages institutionnels, pas davantage (pour le moment ?) à cause d’une majorité parlementaire hostile, mais parce que le moteur du pouvoir semble progressivement se gripper. Dans les ministères, la mécanique patine. Et l’horlogerie gouvernementale, tout ce processus complexe de la décision, s’enraye.
Les signaux de cette paralysie progressive se multiplient. Pour donner l’illusion de gouverner, ce pouvoir multiplie les annonces – une table ronde par-ci, des assises par-là, un Grenelle pour emballer le tout. Comme à chaque rentrée de septembre depuis qu’il est au pouvoir, François Hollande assure qu’il va « accélérer », mais le bouclage du budget est décalé, les ordonnances sont évacuées. Des réunions avec les partenaires sociaux sont convoquées en urgence pour parler investissement et apprentissage, deux sujets pourtant cruciaux dont la préparation est bâclée. On trouvera toujours un ministre, si ce n’est le président en personne, pour annoncer ensuite un catalogue impressionnant de réformes, affirmant au passage un volontarisme qui s’écrasera rapidement sur le mur de l’inertie.
La réalité, c’est que le pouvoir est asphyxié, inaudible, écrasé entre l’état catastrophique du pays, la décomposition de sa majorité et l’exigence internationale de réformes. Alors il s’agite, pour rien, espérant masquer ainsi l’absence de solution. C’est cela, un pouvoir qui décroche.
Hollande attend Draghi et désespère Merkel
Mario Draghi, le président de la BCE doit, ce jeudi, rendre public les prévisions économiques de la zone euro et préciser un programme d’intervention et de soutien monétaire dont il avait parlé lors de la conférence de Jacksonville, il y a deux semaines. François Hollande l’attend avec impatience, mais il est bien le seul en Europe.
Aucun chef d’État ou de gouvernement en Europe ne se berce d’illusions sur la capacité de la BCE à faire des miracles pour sauver les pays qui sont en difficultés. Et ce, pour deux raisons principales.
La première, c’est que la BCE n’a pas de mandat pour injecter de la monnaie aux pays qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se soigner eux-mêmes. Elle pourrait le faire si la zone euro était organisée comme un vaste état fédéral : les États-Unis d’Europe, le rêve des fondateurs, l’aventure qu’il aurait été opportun d’offrir aux nouvelles générations. Cette ambition est encore à l’état de projet, abimée par les tendances protectionnistes que la crise a réveillé. Enfin, techniquement, la BCE a déjà utilisé beaucoup de moyens pour intervenir, elle en a surtout quatre :
Le premier, c’est le taux directeur, le taux d’intérêt que les banques règlent lorsqu’elles empruntent des liquidités. Ce taux est désormais au plancher de ce que la banque pourrait faire 0,15%. Jamais l’argent n’a coûté aussi peu cher.
Le deuxième, c’est le taux de dépôt. Il s’agit du taux que la BCE applique pour rémunérer les liquidités que les banques lui confient. Plus ce taux est bas, moins les banques ont avantage à stériliser l’argent. Elles sont donc plus enclines à faire des crédits à l’économie. Actuellement ce taux de rémunération est négatif, ça veut dire que les banques doivent payer pour déposer des liquidités. Bref, elles sont pénalisées quand elles ne travaillent pas. La BCE peut difficilement aller plus loin.
Les prêts à long terme. C’est une arme redoutable utilisée par les banques centrales américaine et anglaise. Dans ce cas, la BCE prête à long terme (parfois très long terme) aux banques. Mario Draghi a annoncé qu’il allait ouvrir plusieurs lignes de crédit pour près de 500 milliards d’euros sur 4 ans. C’est la troisième fois que la BCE le ferait depuis le début de la crise. C’est ce programme sur lequel il devrait donner quelques précisions. C’est ce programme que la France attend avec impatience parce que ça permettrait des refinancements encore moins chers qu’actuellement. Ces prêts à très long terme reviennent pour les bénéficiaires à repousser les échéances à plus tard. Certains diraient « aux calanques grecques… «
Enfin, l’assouplissement quantitatif, le quantitative easing . C’est l’arme non conventionnelle de la BCE. Il est à la politique monétaire, ce que sont les gaz chimiques dans la guérilla urbaine. Les américains en sont les champions. Cela revient à brancher la planche à billets, la BCE injecte des liquidités en rachetant des titres et principalement des obligations d’État. En clair, ça revient à écraser les dettes publiques. La BCE est très prudente avec ce système pour une seule raison : il lui faut décider quelles dettes elle peut racheter. Quel État de la zone euro va-t-elle alléger de son fardeau et pourquoi ? Tant que la zone euro ne sera pas organisée en fédération avec un seul budget, une seule fiscalité, une dette commune, les arbitrages politiques seront toujours délicats. Il faut bien se rendre compte que d’écraser des dettes publiques c’est prendre le risque de ruiner ou de léser des créanciers et permettre aux débiteurs de s’exonérer de ses engagements et de ses obligations.
Mario Draghi ne branchera pas, ou alors très peu, la planche à billets en dépit des demandes pressantes de la France et de François Hollande. Ce dernier a, de son coté, la pression d’une grande partie de sa majorité.
Au contraire, Mario Draghi va une fois de plus exhorter les pays de la zone euro à entreprendre des réformes de structures pour retrouver leur compétitivité. Il ne s’agit pas d’ajouter de l’austérité à la rigueur, il s’agit de réformer le droit du travail, l’organisation de la production et surtout de réduire les dépenses publiques de fonctionnement afin d’alléger le poids de la fiscalité.
Pour appuyer son raisonnement, le président de la BCE va rendre publique les prévisions économiques dans la zone euro qui sont très mauvaises : pas d’activité, pas d’emplois, risques sérieux de déflation.
Parallèlement, il va souligner la situation particulière de l’Irlande et de l’Espagne qui affichent des signes forts de redressement avec des taux annuels de croissance supérieurs à 2%. Or l’Espagne et l’Irlande sont les deux pays qui ont appliqué des plans de réformes les plus aboutis. Ces réformes de structures portent leurs fruits aujourd hui. En revanche, la France et l’Italie sont à la traine.
Parallèlement les prévisions de Davos qui viennent de sortir vont dans le même sens. Les pays qui ont commencé à restaurer leur compétitivité s’en sortent mieux que les autres
Ces statistiques expliquent la détermination du gouvernement Valls, Sapin, Macron dans la mise en œuvre d’une politique « sociale libérale » qui tienne compte de la réalité des comptes et leur refus de céder à des facilités monétaires qui, de toute façon, sont impossibles à mettre en œuvre dans le cadre actuel de la zone euro.
Mais les tergiversations de François Hollande, sa visite à Mario Draghi la semaine dernière et la cacophonie du discours politique français agacent profondément la chancelière allemande. Angela Merkel est désespérée par la presse d’outre Rhin. Les journaux allemands rappellent avec moult détails que François Hollande est dans la même situation que Schröder en 2003.« Le chancelier allemand a tout fait pour restaurer la compétitivité de l’économie allemande, il a violé ses amis socialistes, il a obligé les syndicats à trouver des compromis, il a mis son job en jeu, il a risqué sa peau, mais il n’a rien cédé. Aujourd hui le pays lui doit beaucoup. »
La presse allemande cette semaine doute très fortement de la capacité de François Hollande à aller jusqu’au bout de son entreprise de modernisation, même s’il est poussé par son entourage immédiat. Pour les éditorialistes allemands, si la France ne se reforme pas dans les deux ans, la France se retrouvera dans la situation du Japon en 1990 avec des dettes encore plus grandes. Le japon qui est, 20 ans plus tard, a peine sorti de sa dépression. Le spectre japonais plane sur l’hexagone.
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