vendredi 7 septembre 2012
La Grèce se meurt, la Grèce est morte ?
« Les
forces vives du monde entier s’éveillent d’un long sommeil. La Grèce
est au centre de cette violence d’un monde à créer, appelée à supplanter
la violence absurde d’un monde fasciné par le progrès de son
autodestruction. » Raoul VANEIGEM
« La Grèce a fait de moi un homme libre et entier » Henry Miller
« Les empires ne retiennent pas les leçons de l’histoire » Noam Chomsky
Timeo Danaos (Prenez garde aux grecs)
« La Grèce a fait de moi un homme libre et entier » Henry Miller
« Les empires ne retiennent pas les leçons de l’histoire » Noam Chomsky
Timeo Danaos (Prenez garde aux grecs)
Dehors, la troïka ! |
Oui, la Grèce est en train de mourir – dans l’indifférence la plus totale de tous les pays d’Europe (bonjour la solidarité que nous avait promise Maastricht !) ou, pire, au milieu d’attaques en règles bien orchestrées par les médias contre cette contrée de feignants, de tricheurs, de voleurs qui savent rien que noyer leur chagrin dans du Ricard frelaté pendant que le bateau coule, et si leur incurie entraîne toute la zone euro dans sa chute et qu’on est tous dans la merde ça sera bien leur faute, on n’avait pas besoin d’eux après tout (résumé concis des conversations matinales chez ma boulangère les jours, rares, où un J.T. rompt le silence en tirant la sonnette d’alarme).
Eh bien si, justement, on avait besoin d’eux ! Tout le monde (enfin le monde politique) savait comment fonctionnait l’économie grecque, et que son entrée dans une monnaie communautaire ne serait pas viable à long terme. Mais vous imaginez la déesse Europa amputée de la patrie des pères fondateurs de la démocratie ? C’était pas crédible … Et tant pis pour les risques encourus, fallait la faire, cette sacré U.E. flanquée de l’inflexible B.C.E. - quant aux dégâts collatéraux on aurait bien le temps de voir plus tard !
Et voilà : on voit !
On voit les misères multiples provoquées par le piège de l’austérité carabinée, un « mordorandum » qui atteint son niveau de tolérance maximum ; des retraités sans retraites, le salaire des fonctionnaires divisés par deux, et les suicides multipliés d’autant.
Athènes en perdition transformé en champ de ruines sociales ; les commerces en faillite, les hôpitaux en souffrance, les grévistes en combat héroïque ; les jeunes diplômés sans futur grimpant sans retour dans des charters australiens.
Des manifestations qui tournent à l’émeute, des policiers désemparés, des arrestations violentes d’immigrés clandestins.
Des SDF par milliers qui finissent par trouver refuge, sous des cartons, dans des théâtres antiques, puissant symbole d’un monde qui naufrage.
Des enfants affamés qui tapent sur des casseroles pour occuper leurs nuits d’angoisse.
On voit des magasins sans marchandises, des écoles sans cahiers, des malades sans soins ; des musées sans gardiens, des trésors oubliés, une mémoire pillée.
La lutte quotidienne est épicière et les lendemains, parfois, se trouvent au fond des poubelles.
On voit la place Syntagma écartelée entre symbole politique du pouvoir et contestation en longs défilés rageurs ; Exarcheia survolté, Plaka dévasté et Omonia transformé en ghetto de pauvreté ; les îles boudées par les touristes, les potagers salvateurs qui fleurissent et les poulaillers comme ultime recours à la disette.
On voit trop de souffrances et trop de larmes.
La litanie des sept douleurs à la puissance dix millions..
On voit un peuple entier guillotiné sous le joug d’un mépris délétère et des rêves évaporés ; une destruction totale massive passant par la remise en cause de tous les fondements culturels et par la démolition programmée d’un art de vivre ancestral.
Je préfèrerais ô combien que l’anaphore s’arrête là, mais elle ne semble pas près de mettre une sourdine à son triste lamento…
Laissons la parole aux murs, ils affichent mieux l’indicible qu’un long discours explicatif :
« Feu au temple de la consommation » « Je souffre »
« La junte ne s’est pas arrêtée en 73 »
« Ne vivons plus comme des esclaves »
« Maman, je vais être en retard, on est en guerre »
« Nous ne pouvons pas, nous ne voulons pas, nous ne paierons pas »
« Te suicider, ce n’est pas ce que tu as fait toute ta vie ? »
« Ne nous habituons pas à la mort »
« Troïka, assassins »
« Il n’y a pas d’étrangers, il n’y a pas de grecs, il n’y a que des prolétaires en colère »
« Liberté pour la Grèce »
Il semble que les grecs n’attendent plus qu’une chose : que tout pète, que tout se casse la gueule, que vienne le grand Chaos. Et qu’ils puissent retourner à la case départ du super Monopoly sans passer par les banques et sans toucher des milliards.
Seule petite note positive : l’étymologie du mot « crise ». Du grec « krisis », décision importante, choix, jugement, renvoyant à l’idée du moment-clé où tout doit se décider. Dans la pensée ancienne, cette notion sous-entendait le libre-arbitre de l’être et la souveraineté de son jugement critique, c’est-à-dire une opportunité plus qu’une malédiction. C’est une remise en question de soi-même (qui suis-je, que vais-je faire de ma vie ?), un ensemble de contractions débouchant sur une re-naissance salvatrice, un entre-deux fécond qui relance la créativité et devient la source de nombreux possibles. (En même temps, allez dire ça à quelqu’un qui n’a rien mangé depuis trois jours ?)
Et question cruciale qui divise les débats : va sortir de l’euro, va pas sortir ? La presse, malhonnête ou bâillonnée, est unanime : NON, bien sûr ! Hypothèse aussi impossible qu’improbable, dormez tranquilles braves gens, pendant que les athéniens crèvent dans les rues… S’ensuivent de longues et savantes démonstrations économiques pour expliquer qu’il n’y a rien à craindre, que ça va s’arranger et que l’euro, quand même, est plus fort que le dollar, alors vous voyez… On ne lit ni n’entend jamais cette simple contre-vérité évidente : ON N’EN SAIT RIEN, la machine infernale est lancée, personne ne peut dire où elle va aller Est-ce si difficile à admettre, que l’économie n’est pas une science exacte, que l’histoire est une gamine capricieuse et redondante, que personne n’avait prévu le Jeudi Noir, et qu’on fonce dans le brouillard – ou dans le mur – en criant bien fort « on va gagner » ?
Pendant ce temps-là, des gens souffrent en silence alors qu’on leur avait promis le paradis de la croissance. D’accord, c’était une erreur que d’y croire, la croissance obligatoire n’a jamais apporté à la longue que du malheur, mais comment résister aux chants des sirènes du libéralisme lorsque l’on a égaré dans la tempête d’un bonheur consumériste annoncé les boules Quiès de la sagesse odysséenne ?
J’emprunte à Giraudoux (oui, je sais, il ne fut pas très clair pendant l’occupation, mais c’est pas une raison pour jeter l’œuvre avec le dramaturge…) une conclusion en forme d’espoir fugace et de petite lueur entr’aperçue au fond d’un tunnel de ténèbres :
« Comment cela s’appelle-t-il quand tout est gâché, que tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire, et qu’on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s’entretuent, mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève ? – Cela a un très beau nom, Femme Narsès, cela s’appelle l’Aurore… » (Electre – 1937)
Encore bien pâle l’aurore, et bien fragile l’espérance ?
Attendons de voir…
Pour l’instant, ce sont nos racines que l’on assassine.
Présentéisme : l'autre visage (inquiétant) de l'absentéisme
Faut-il se réjouir du recul de l'absentéisme relevé par l'étude du
cabinet Alma Consulting Group ? Ces bons scores traduisent en filigrane
un phénomène apparu depuis quelques années qui inquiètent les
psychologues du travail : le présentéisme ou "démission intérieure".
Présent mais...totalement absent. Voilà le paradoxe que traduit
le présentéisme. Envers de l'absentéisme, il illustre à bas bruit
souvent une situation de « burn out » ou de démission intérieure. Le
salarié est présent physiquement mais psychiquement absent. Certains
s'efforcent même de donner l'impression qu'ils travaillent alors qu'en
réalité ils en font le moins possible. Une présence qui traduit plus un
désengagement qu'une réelle motivation. Le taux d'absentéisme n'est donc
plus un indicateur très fiable de la motivation des troupes en ces
temps chahutés. D'ailleurs, la barre des 3 millions de chômeurs franchit
depuis quelques jours risque fort d'amplifier ce phénomène. Crainte de
perdre son emploi, angoisse de la précarité, difficulté à boucler les
fins de mois, pression galopante au bureau, fermeture de sites, fusions
et restructurations, tout concourt aujourd'hui à considérer son travail
plus pour sa feuille de paye que pour une satisfaction personnelle. Et
l'on craint désormais plus de se faire remarquer par son absence et de
perdre le fil de l'information interne qui permettra en cas de coup dur
de se repositionner. En clair : perdre du terrain. D'autant que nombre
de consultants en ressources humaines conseillent aujourd'hui aux
salariés de soigner leur « visibilité ».
Facteur de risque pour la santé au travail
D'où la sonnette d'alarme tirée par les médecins du travail qui
voient dans le présentéisme un facteur de risque pour la santé des
salariés. Travailler même quand on ne se sent pas bien ou qu'on est très
fatigué, au bout du rouleau, ce n'est en effet pas sans risques. Au
même titre qu'un sportif de haut niveau peut se retrouver sur le banc de
touche pour avoir trop forcé, un salarié qui dépasse trop ses limites
verra ses symptômes s'aggraver. Sans compter qu'il y a une forte
adéquation entre l'état psychologique d'une personne et son état
physiologique : une personne souffrant de fatigue émotionnelle aura une
santé plus fragile. Enfin le présentéisme a un effet non négligeable
sur la productivité : n'étant pas au mieux de leur forme ceux qui jouent
la carte du présentéisme ne sont guère rentables. Mieux vaut donc qu'un
salarié s'absente deux jours pour se reposer que six mois pour
dépression, fait valoir le corps médical. Des études américaines ont
ainsi montré que le présentéisme peut coûter cher aux organisations :
on impute environ 60% des coûts du stress au présentéisme et 40% à
l'absentéisme. En Europe le présentéisme coûterait en moyenne 20
milliards d'euros par an. Et une enquête de l'Université de Fribourg
estime à près de 15% le taux d'employés en « démission intérieure ». Une
moyenne plus faible dans les PME mais supérieure dans les
administrations, les banques, et les compagnies d'assurance.
Mal typiquement français
La France reste encore la championne toute catégorie de ce phénomène.
En Allemagne, en Suisse ou aux Etats-Unis, celui qui reste au bureau
tard le soir est soupçonné de surfer sur Internet ou au pire d'être très
mal organisé. A l'inverse, chez nous, celui qui part à 18 heures se
verra apostrophé en blaguant d'un « bon week end ». Contredisant la
croyance patronale qui voudrait qu'au moindre petit bobo un salarié
s'absente, une étude menée au Canada par la chaire en gestion de la
santé et de la sécurité au travail de l'Université de Laval a d'ailleurs
montré que le présentéisme se nourrissait essentiellement à la source
de la loyauté et du professionnalisme: ne pas laisser tomber les
collègues, assurer sa charge de travail. L'étude souligne ainsi que la
plupart se présente au travail même lorsque leur santé est défaillante.
Quand on sait combien le sens de l'honneur et du travail bien fait
dominent largement les affects des salariés français, on comprend aussi
mieux pourquoi le présentéisme marque des points dans l'Hexagone.
Ceux-ci attendront que leur productivité s'érode pendant plusieurs
semaines voire plusieurs mois, avant de se retrouver contraints et
forcés à prendre...un congé maladie. Si l'on s'en tient au bon vieil
adage "mieux vaut prévenir que guérir", diminuer l'absentéisme comme le
présentéisme reviendrait donc à améliorer l'hygiène de travail, son
organisation et son ambiance. La clef restant la qualité des relations,
des réunions d'équipe et de la gestion.
Mal typiquement français
Pernod-Ricard innove plus que Google et Apple
Au palmarès des entreprises les plus innovantes dressé par le
magazine Forbes, Pernod-Ricard dépasse Google mais aussi Apple,
Starbucks, Danone...
Le petit jaune peut voir la vie en rose... Le groupe français
Pernod-Ricard peut en effet se targuer d'être considéré comme plus
innovant que... Google et même Apple. Dans le top 100 des entreprises les plus innovantes du monde établit par le magazine Forbes, Pernod-Ricard est 15e.
Le géant du web, lui est "seulement" 24e et la firme à la Pomme 26e.
C'est la dégringolade pour les deux compagnies: Google a perdu 17 places
par rapport au classement de 2011 et Apple 21. Pour établir ce
classement, Forbes prend en compte les gains espérés par chaque
entreprise sur la valeur de leurs actions grâce à leurs investissements
en innovation (nouveaux produits, services et marchés).
Danone plus innovante qu'Apple
D'autres grandes entreprises sont également moins bien placées que le groupe de vins et spiritueux, comme la chaîne de café Starbucks 21e qui multiplie pourtant les initatives en développant, par exemple, le paiement sans contact. Pernod-Ricard est par ailleurs considérée comme la plus innovante des entreprises françaises, devant le géant Danone (25e). Ce dernier est d'ailleurs, lui aussi, classé devant Apple.
Amazon perd du terrain
Sur le podium figurent tout de même trois entreprises américaines: le producteurs de logiciels et d'applications Salesforce, qui conserve sa place de numéro un, le groupe pharmaceutique Alexion Pharmaceuticals et le géant de la librairie en ligne, Amazon, doublé par le précédent.
Danone plus innovante qu'Apple
D'autres grandes entreprises sont également moins bien placées que le groupe de vins et spiritueux, comme la chaîne de café Starbucks 21e qui multiplie pourtant les initatives en développant, par exemple, le paiement sans contact. Pernod-Ricard est par ailleurs considérée comme la plus innovante des entreprises françaises, devant le géant Danone (25e). Ce dernier est d'ailleurs, lui aussi, classé devant Apple.
Amazon perd du terrain
Sur le podium figurent tout de même trois entreprises américaines: le producteurs de logiciels et d'applications Salesforce, qui conserve sa place de numéro un, le groupe pharmaceutique Alexion Pharmaceuticals et le géant de la librairie en ligne, Amazon, doublé par le précédent.
Un petit pas
Ce n’est pas la panacée qui balaiera la crise de l’euro. Pas non plus
une « révolution » dans la gestion à l’européenne des dettes publiques.
Mais l’annonce faite par Mario Draghi signifie un pas en avant, même si
cette avancée est plus idéologique que réelle. Car l’intervention de la
BCE sur le marché secondaire des emprunts d’Etat, bien qu’« illimitée »
en quantité, reste, en fait, limitée en soumettant les solliciteurs aux
conditions draconiennes à établir par les Fonds de secours européens,
peut-être aussi par le FMI. Le tout sous le manteau du « pacte
budgétaire », le fameux traité « Merkel-Sarkozy » que la France doit
encore adopter…
Très révélatrice hier était la double présence du
chef de l’Eurogroupe Juncker et du commissaire de l’UE Rehn à la
conférence de la BCE. L’Europe institutionnelle et la zone euro
approuvent les décisions prises, également le Parlement européen par la
voix de son président Martin Schulz. Des décisions qui ne plaisent guère
en Allemagne, surtout pas à la Bundesbank, premier bailleur de fonds de
l’Euroland, d’ailleurs ouvertement opposée à ces mesures. Des
protestations se font déjà entendre au gouvernement de Berlin et au sein
de la majorité parlementaire d’Angela Merkel qui, elle, reste très
prudente. Outre-Rhin, on craint la planche à billets. On s’interroge
aussi sur le curieux mécanisme, genre « chaises musicales », que
mettrait en œuvre la BCE pour racheter des dettes d’Etat en empruntant
aux banques, pour ne pas financer directement, ce qui serait contraire à
ses statuts !
À la limite, peu importe. La BCE est « technicienne
». La vraie impulsion pour mettre fin à la crise ne peut venir que des
Etats, forcément par compromis entre les grandes économies :
l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne. Sans oublier les
Pays-Bas, de plus en plus eurosceptiques, qui le 12 septembre éliront un
nouveau gouvernement. Le même jour où la Cour constitutionnelle de
Karlsruhe se prononcera sur le Mécanisme européen de stabilité. Un rejet
– guère envisagé, il est vrai – serait catastrophique. Mais remettre,
comme l’attendent les opposants allemands, toutes les décisions
concernant l’euro au vote du Bundestag, et au cas par cas, serait
irréaliste.
Et il y a encore un autre obstacle de taille :
l’avenir de la Grèce… L’automne en Europe, n’en doutons pas, sera
entièrement consacré à l’euro et à la crise. Sous des perspectives guère
encourageantes, peut-être susceptibles de créer un effet de choc :
selon l’OCDE, la récession menacera partout en 2013. Y compris en
Allemagne.
Le défi asiatique
En 1966, Jean-Jacques Servan-Schreiber utilisait l'Amérique pour réveiller l'Europe. Son célèbre essai Le défi américain aurait pu tout aussi bien s'intituler Le défi européen.
En 2012, voici Le défi asiatique. Derrière la Chine et
l'Inde, ce continent joue, pour le monde occidental, le rôle que
l'Amérique joua, hier, pour l'Europe. Il constitue un appel à l'effort
et au renouveau. Ces dernières années, le monde occidental a vécu très
au-dessus de ses moyens matériels, et très en dessous de ses moyens
intellectuels, spirituels sinon éthiques. La crise qu'il traverse
aujourd'hui lui donne l'occasion inespérée de se ressaisir, ne serait-ce
que pour stopper la contagion, inévitable dans l'univers de la
mondialisation, qui affecte les pays émergents.
L'Europe, en particulier, est devenue « l'homme malade de la planète
». Mais comme tout le monde occidental, elle possède ces anticorps
institutionnels que sont la démocratie et l'état de droit. Elle peut
donc se révéler plus résistante à la crise que ne le sont les pays
émergents, plus vulnérables encore à la baisse de leurs taux de
croissance que ne le sont des pays démocratiques face à l'absence même
de croissance.
L'industrie du luxe, experte en matière de mondialisation et de
gestions des risques, a bien compris cette évolution. Pendant plus de
vingt ans, elle a fait le choix de l'Asie et des pays émergents en
général. Aujourd'hui, pour ne pas « mettre tous ses oeufs dans le même
panier », elle réinvestit dans le monde occidental et plus
particulièrement en Europe. En pleine crise grecque, Louis Vuitton a
ouvert une boutique à Mykonos.
Alors que la presse ne parle que de la chute de l'euro et de la fin
du monde occidental, la réalité est infiniment plus complexe. Hier,
l'Europe constituait pour les pays émergents un miroir reflétant leur
réussite. Ils pouvaient y comparer leurs taux de croissance aux nôtres
et se conforter dans leur sentiment de supériorité : la croissance était
à « l'est », les dettes à « l'ouest ». Aujourd'hui, à l'inverse, ils
s'inquiètent d'une crise européenne qui agit comme un révélateur et un
accélérateur de leurs faiblesses structurelles : corruption, inégalités
sociales...
Accepter le changement du monde, en comprendre les ressorts,
s'ajuster à cette évolution : les défis auxquels le monde occidental est
confronté sont redoutables. Mais avec un juste mélange de modestie, par
rapport à l'autre, et d'ambition, par rapport à soi, ils peuvent être
surmontés.
Les cartes de l'Amérique et de l'Europe sont loin d'être identiques.
Elles représentent une réalité de plus en plus éclatée. Cette réalité
inclut désormais sans doute, en termes d'émotions et de valeurs, un pays
comme le Japon, de ce point de vue plus « occidental » qu'asiatique.
Mais les cartes du monde occidental, et de l'Europe en particulier, sont
bien réelles avec cette combinaison unique d'unité et de diversité,
source de créativité.
« Les caisses sont vides, il est temps de se mettre à penser »,
disait, en 1922, le prix Nobel de chimie Sir Ernst Rutherford. Le temps
de la pensée et celui de l'action commencent maintenant. C'est une
question de volonté et d'intelligence politique. Il s'agit de concilier
effort, justice et compétitivité. L'exercice est difficile, mais pas
impossible. Il suppose de privilégier la pédagogie sur la démagogie.
Rêves
Un Noir entrait il y a quatre ans à la Maison Blanche en
affirmant : « Yes, we can » – oui, nous pouvons. Une formulation
nouvelle du vieux rêve américain, de cette obsession de la frontière à
conquérir, plus loin et plus haut, à l’Ouest ou sur la lune. Et cette
nuit, après quatre ans de pouvoir, Barack Obama devait réveiller le
vieux rêve, comme l’avait fait quelques jours auparavant son adversaire
Mitt Romney. C’est toute la différence entre les Etats-Unis et la France
: souvenez-vous des ricanements devant le rêve français François
Hollande. Nous n’osons plus rêver, accablés par une crise sans fin,
plombés par une démographie qui fait de la retraite l’emploi d’avenir le
plus répandu. Alors, bien sûr, nous moquerons la naïveté des
Américains, la violence de leur société, leur insistance à mettre Dieu
partout, et jusque dans leurs programmes politiques… Mais quelle force,
dans un peuple qui rêve.
Taxe à 75% : la reculade du gouvernement en trois actes
L'Elysée se défend de tout recul. Et pourtant, la taxe à
75% sur les très hauts revenus devrait être sérieusement édulcorée,
selon Le Figaro et Les Echos, par
rapport aux engagements de François Hollande durant la campagne
présidentielle. FTVi revient en trois actes sur cette mesure symbolique.
Acte 1 : une annonce improvisée
Benet premier dans le vide.... |
Quelques minutes plus tard, dans l'émission "Mots croisés", en direct sur France 2, Jérôme Cahuzac, alors responsable des questions budgétaires dans l'équipe Hollande (devenu depuis ministre délégué au Budget), avait semblé apprendre en direct la déclaration, refusant même de la commenter.
Si cette proposition surprise du candidat socialiste avait été brocardée par ses adversaires, elle avait en revanche été perçue comme une bonne opération stratégique pour François Hollande. Il avait ainsi réussi à monopoliser l'attention médiatique plusieurs jours, reléguant au second plan les annonces de Nicolas Sarkozy sur l'éducation.
Dans le détail, cette taxe de 75% devait s'appliquer à tous les revenus supérieurs à un million d'euro par an et par part fiscale. A l'époque, FTVi avait calculé l'impôt supplémentaire que les personnes à très hauts revenus auraient dû payer si cette taxe avait été appliquée telle quelle.
Acte 2 : sportifs et artistes se rebiffent
Immédiatement
après l'annonce de François Hollande plusieurs catégories de
contribuables se sont offusquées de cette proposition. A commencer par le monde du football. Car la mesure aurait potentiellement pu concerner une bonne cinquantaine de joueurs de Ligue 1. "Cela freinerait l'arrivée sur notre territoire de joueurs en provenance d'autres pays",
affirmait alors le président de l'Union nationale des footballeurs
professionnels, Philippe Piat. Des craintes exprimées aussi par des
présidents de club.Les artistes français n'étaient pas restés silencieux. "C'est de la confiscation", avait protesté Patrick Bruel sur RTL, tandis que Françoise Hardy craignait de se retrouver "à la rue" en cas d'élection de François Hollande. Dans une interview à Paris-Match, elle envisageait même d'aller se réfugier à Londres ou à New York.
Acte 3 : le gouvernement détricote la promesse
Par
petites touches, et sans jamais communiquer tout à fait officiellement,
le gouvernement Ayrault laisse filtrer des informations qui vont dans
le sens d'un assouplissement de cette mesure phare de la campagne de
François Hollande. "Il faut que cette taxe soit intelligente. Nous
ne souhaitons pas qu'elle entraîne un exode des cadres et des chefs
d'entreprise", affirmait ainsi le ministre de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici, le 29 août dans Les Echos.Mais les informations publiées par Les Echos et Le Figaro vont plus loin. Dans la mouture du texte qu'envisage de présenter le gouvernement, les revenus des artistes et des sportifs, considérés comme exceptionnels, ne seraient plus concernés.
Le seuil d'un million d'euros de revenus serait maintenu, mais seulement pour les célibataires. Pour les couples, le seuil au-delà duquel la taxe de 75% serait appliqué serait revu à 2 millions d'euros.
Autre retouche importante : les revenus du capital (intérêts, dividendes, plus-values) seraient exonérés de cette taxe. Seuls les revenus d'activité, "ceux qui ne réservent aucun aléa et n'impliquent aucune prise de risque" seraient pris en compte, affirment Les Echos.
Limitée dans le temps, cette taxe de 75% ne sera pas une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu, mais une surtaxe qui comprendrait la CSG (7,5%) et la CRDS (0,5%) dont les Français s'acquittent déjà. Le taux effectif de cette nouvelle taxe ne serait donc que de 67%.
Discrimination : le mot qui tue
Prenant tout le monde de court, Jean-Marc Ayrault a annoncé à la
sortie du premier Conseil des ministres de la rentrée, le 22 août, que
le projet de loi visant à légaliser le « mariage » et l’adoption allait
être déposé dès la fin du mois d’octobre. Une contre-proposition, par
laquelle les Verts cherchent à s’imposer dans le débat en prenant à leur
tour les socialistes de court, a été déposée sur le bureau du Sénat le
27 août (voir notre numéro de mardi). L’histoire s’accélère. Il ne reste
au mieux qu’une cinquantaine de jours avant que la machinerie lourde du
projet gouvernemental, assuré – a priori – de la majorité absolue au Parlement, soit mise en mouvement.
La mobilisation contre le « mariage » ouvert aux couples de même
sexe, c’est ici et maintenant. Par tous les moyens. Tout ce qui ira
contre, tout ce qui voudra empêcher cette loi folle, sera bon à prendre
et à saluer.
Il faudra se méfier des mots. Le débat, tel qu’il doit se tenir, tel
qu’il faudra l’exiger afin que l’on puisse parler en toute vérité d’une
question que les gros médias, à la remorque de l’agitation mondiale en
faveur de la reconnaissance des unions des couples de même sexe, ont
réussi à confisquer, se jouera sur une notion clef : celle de la
discrimination.
Et c’est une notion pipée, faussée, dangereuse à manier.
La non-discrimination est aujourd’hui, au cœur de la « morale
laïque », une « valeur » qui ne se discute pas, qui s’est médiatiquement
imposée, qui est à ce point chargée d’émotion et de bons sentiments que
nul ou presque n’ose dire que la discrimination n’est pas toujours un
mal. Qu’elle peut être un bien, une nécessité, une prudence.
Avec le refus de la « discrimination à raison de l’orientation
sexuelle », aujourd’hui inscrite dans la loi française et aussi, de
manière plus agressive encore, dans la Charte européenne des droits
fondamentaux, un pas décisif a été accompli pour fausser et confisquer
le débat. Celui-ci exige de clarifier d’abord les termes. Je vois avec
inquiétude des initiatives et des déclarations contre le « mariage » gay
qui s’empressent d’emblée d’affirmer qu’il faut combattre toute
discrimination à l’égard des personnes en raison de son orientation
sexuelle. Non pas par mauvaise volonté : c’est une manière, bien
entendu, de dire que l’on ne veut pas de mal aux homosexuels que nous
respectons et que nous devons aimer en tant que personnes, et approcher
avec bienveillance, en voulant leur bien. Mais par une sorte
d’automatisme imposé par le langage ambiant : il a fait perdre le sens
des mots.
Qu’est-ce que la discrimination ? Littré l’appelait « la faculté de
discerner, de distinguer ». Et fait la citation d’un psychologue qui la
décrit comme « le fondement de notre intelligence ». Une définition
moderne, celle du Larousse, rend compte du glissement de sens actuel :
« Fait de distinguer et de traiter différemment (le plus souvent plus
mal), quelqu’un ou un groupe par rapport au reste de la collectivité ou
par rapport à une autre personne. »
Le fait de s’interdire toute « discrimination », supposée mauvaise
parce qu’elle traduit une différence de traitement, à l’égard des
homosexuels, c’est déjà accepter de débattre selon les termes imposés,
non par « les homosexuels », mais par le lobby qui veut ouvrir l’accès
au mariage aux couples de même sexe. C’est le mythe égalitariste. Il a
très bien fonctionné en Argentine, par exemple, où, contre la volonté
d’une population largement attachée au mariage naturel, traditionnel,
normal, le « mariage » gay a été imposé comme le « mariage égalitaire »,
accessible à tous au nom de la non-discrimination. C’est une logique de
plus en plus acceptée dans le domaine juridique. Une notion dangereuse
aux conséquences parfois insoupçonnées.
Peut-il être juste de discriminer à l’égard de personnes, de groupes
de personnes, d’une religion ? Bien sûr que oui ! Une religion qui
prône la mise à mort des apostats peut et doit être discutée ; une secte
qui repose sur l’extorsion de fonds et les abus sexuels mérite d’être
interdite ; le fait de réserver les postes de fonctionnaires ou de
militaires aux nationaux d’un pays est légitime ; interdire l’embauche
d’un pédophile condamné pour certains emplois est une mesure de
prudence ; refuser l’ordination aux femmes est un droit de l’Eglise
catholique ; Tant que cela durera, évidemment. Préférer ne pas engager
un homosexuel comme assistante maternelle est une liberté – mais à
condition de ne pas le dire ainsi, car cela tombe déjà sous le coup de
la loi sur la discrimination à l’embauche.
Une discrimination est toujours un choix, et ce choix peut être
injuste, méchant, arbitraire. Mais elle est une opération normale et
nécessaire de l’intelligence. La nouvelle loi « antiraciste » chilienne,
par exemple, moins extrémiste que la nôtre, pénalise les
« discriminations injustifiées ».
L’expérience de plusieurs pays plus avancés que la France sur le
chemin de l’égalitarisme forcené devrait nous inciter à réfléchir.
Au Royaume-Uni, un couple de chrétiens propriétaires d’une pension
de famille qui est aussi son domicile a été condamné pour avoir refusé
une chambre à un couple d’homosexuels. Aux Etats-Unis, des procédures
s’ouvrent contre des établissements louant des salles pour des mariages
qui les ont refusées pour des « mariages » gays. Au Brésil, la loi
antiraciste en cours de discussion veut punir de deux ans de prison
toute réaction négative à une manifestation d’affectivité d’un couple
homosexuel dans tout lieu « ouvert au public » (une église, c’est ouvert
au public). Dans les pays scandinaves, en Espagne, des procès ont été
intentés contre des prêtres ou des pasteurs qui ont condamné l’acte
homosexuel comme moralement mauvais. En France, en application de la
loi, il est possible d’être condamné si l’on refuse de louer un
appartement à un couple homosexuel en raison de son orientation
sexuelle.
Accepter le discours sur la discrimination, c’est se soumettre
d’emblée à la dictature du relativisme. C’est ouvrir la porte, demain, à
la persécution des religions qui ont un discours moral traditionnel sur
le comportement homosexuel.
C’est un danger qu’il ne faut pas minimiser.
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