La possibilité d'une faillite de la Grèce serait désormais envisagée par la zone euro. Athènes pourrait alors abandonner la monnaie européenne pour revenir au drachme, misant sur sa dévaluation pour sortir de la crise.
Économiste chez Natixis, Patrick Artus a ainsi décrypté ce scénario dans une analyse publiée lundi dernier. En prenant en compte les niveaux de la dette, des déficits public et extérieur de la Grèce, il estime qu'Athènes devrait déprécier sa monnaie de 55% pour équilibrer ses comptes. Dans l'immédiat, le pays essuierait une forte récession «pour les 18 mois suivants». Celle-ci se caractériserait par une chute de croissance et d'«une forte dégradation du pouvoir d'achat» due à l'inflation, conséquence de la dévaluation («avec une flambée des prix à l'importation d'environ 30%») et de la monétisation des dettes publiques tant que le déficit extérieur persiste. Dans la même veine, la banque UBS évoquait dans une note publiée début septembre un coût de 9500 à 11.500 euros par personne la première année d'une sortie de la monnaie européenne.
Un scénario «imaginable» et «supportable»
D'après Patrick Artus, cette mauvaise passe devrait alors s'achever au bout de « deux ou trois ans », avec une reprise de la croissance. Mais pour l'Europe, la facture serait salée, puisqu'en sortant de l'euro, la Grèce devrait convertir sa dette publique dans sa nouvelle monnaie. Ce qui coûterait aux banques et investisseurs institutionnels de la zone euro quelques 166 milliards d'euros, selon la dévaluation retenue par Natixis.Une sortie de l'euro d'Athènes demeure «imaginable» et «supportable», avance Patrick Artus. Toutefois, «[il] ne tenterait pas le coup», insiste-t-il, de peur que les marchés se mettent en tête que d'autres pays en difficulté ne quittent à leur tour la monnaie unique. Avec en ligne en mire, l'Italie et l'Espagne (sous perfusion de la BCE via un programme d'achat d'obligation), dont la sortie de l'euro n'est, cette fois-ci, «pas du tout imaginable», étant donné la taille de leurs économies.
Dépenses publiques ou austérité budgétaire ?
Pour l'économiste, seule une politique de relance de la croissance en Grèce permettrait de sortir la tête de l'eau. «Il faut arrêter cet acharnement envers Athènes concernant la réduction de son déficit, s'emporte-t-il. On est en train de tuer le pays. Au lieu de lui donner trois ans pour réduire son déficit, qu'on lui en donne six, et qu'on aide ses entreprises à retrouver le chemin de la croissance et de la compétitivité.»Un point de vue que partage l'économiste Nouriel Roubini, qui préconise de réactiver le levier des dépenses publiques sous peine de sombrer dans une «Grande dépression». Mais que tance Jürgen Stark, l'ex-économiste en chef de la BCE, pour qui «un stimulus budgétaire ne ferait qu'accroître le niveau de la dette et ne ferait donc qu'accroître encore ces risques». Quoi que décide la zone euro, elle devra dans tous les cas agir vite pour éviter que les «tabous» ne se transforment en scénarii catastrophes. Comme l'a déjà été la contagion de la crise à Rome et Madrid.