La méthode, le contenu, jusqu'au pseudonyme utilisé : tout, ou presque, rappelle l'affaire dite du "climategate". Ce mardi, un nouveau dossier contenant des e-mails présumés de la Climatic Research Unit (CRU), un département de l'université d'East Anglia, en Grande-Bretagne, a été publiés sur Internet. Le fichier a depuis été supprimé.
Une personne se faisant
appeler "foia", en référence au Freedom Of Information Act, qui permet aux citoyens du Royaume-Uni de
demander l'accès à tout document du service public, a transmis à un blog un lien vers un fichier contenant 5 000 e-mails, auxquels s'ajoute un dossier encrypté contenant, selon "foia", 220 000 messages supplémentaires.
Dans un bref communiqué, l'université d'East Anglia a reconnu que les 5 000 messages pourraient
être authentiquement des courriels échangés par ses chercheurs. Selon l'université, aucune faille de sécurité récente n'a été détectée dans son infrastructure informatique ; elle laisse
entendre que les messages pourraient
provenir de l'ensemble des documents présumés piratés en 2009.
TEMPÊTE POLITIQUE
Cette année-là, un certain "foia" avait transmis à des blogs de climatosceptiques un premier lot de messages échangés par les chercheurs de la CRU. Elle affirmait qu'ils contenaient la preuve que certains scientifiques avaient délibérément occulté ou modifié des données pour
accréditer leur démonstration de l'importance du réchauffement climatique.
La publication des documents avait coïncidé avec la tenue d'un important sommet international sur le réchauffement climatique à Copenhague. La CRU, une partie importante
de la communauté scientifique et des hommes et femmes politiques avaient alors dénoncé une tentative de manipulation visant à
faire échouer le sommet. Certains pays, dont l'Arabie saoudite, avaient effectivement profité de la publication des documents pour
remettre en question la réalité du réchauffement climatique.
Mais les chercheurs de la CRU avaient été rapidement
blanchis par une enquête parlementaire, qui concluait que leurs recherches étaient conformes aux pratiques en vigueur. Ce "climategate" avait toutefois rouvert le débat sur l'accès aux données scientifiques. La CRU se refusait notamment à
rendre publics certains relevés de températures, expliquant qu'ils étaient le fruit d'une collaboration internationale entre plusieurs équipes de chercheurs et qu'ils ne pouvaient donc pas
prendre seuls l'initiative de les
publier. L'enquête parlementaire avait également montré que certains e-mails avaient été effacés par le directeur de la CRU pour
éviter qu'ils puissent
tomber sous le coup d'une demande de Freedom Of
Information Act.
ENQUÊTE AU POINT MORT
Après la publication des documents, l'université avait porté plainte contre X, s'estimant victime d'un piratage informatique. Mais l'enquête, toujours ouverte deux ans après les faits présumés, est toujours au point mort.
Dans un point d'étape sur l'enquête, publié par la police après une demande basée sur le… Freedom Of Information Act (
PDF), la police du Norfolk expliquait en mai dernier que l'enquête était toujours en cours.
"Les investigations se poursuivent et plusieurs enquêteurs continuent de travailler avec des organisations spécialisées pour faire aboutir cette enquête. Il serait prématuré de nous prononcer davantage à ce stade de l'enquête."
Plusieurs éléments tendraient à
montrer que les messages auraient pu
être hébergés sur un serveur mal sécurisé. L'hypothèse d'un piratage politique, exécuté par des pirates russes, a été défendue par certaines organisations écologistes et scientifiques, mais aucune preuve n'a pour l'instant été apportée de l'implication de pirates étrangers. Certains climatosceptiques ont également évoqué la piste d'une fuite d'origine interne, là non plus sans qu'aucune preuve soit apportée.
UN ÉTRANGE MESSAGE DE REVENDICATION
Principale différence avec la publication précédente, "foia" a, cette fois, inclus un message de revendication dans le dossier publié. Il y explique
avoir sélectionné les 5 000 messages après des recherches dans l'ensemble de la base de données, auxquels il a ajouté ses propres remarques.
Surtout, dans une sorte de mini-manifeste, "foia" explique que
"plus de 2,5 milliards de personnes vivent avec moins de deux dollars par jour. Chaque jour, près de 16 000 enfants meurent de faim et des maladies liées à la malnutrition. Si un dollar peut sauver une vie, l'inverse est nécessairement vrai. La pauvreté est une sentence de mort. Les états doivent investir 37 trilliards de dollars dans les technologies de l'énergie d'ici à 2030 pour stabiliser leurs émissions de gaz à effets de serre. Les décisions que nous prenons aujourd'hui devraient être basées sur l'ensemble des informations à notre disposition, et non en cachant le déclin", faisant vraisemblablement allusion par ce dernier terme aux émissions de gaz à effet de serre, l'auteur semblant
considérer que des informations accréditant les thèses climatosceptiques figurent dans les documents.
Pour l'université d'East Anglia, la publication des documents serait plutôt
"une tentative, minutieusement préparée, pour relancer une controverse sur le changement climatique dont la recherche scientifique a démontré qu'elle était sans fondement dans trois études séparées et indépendantes".