samedi 3 mai 2014
L'accord Alstom-General Electric, un camouflet pour le gouvernement
Les groupes semblent certains de conclure dans un mois. Siemens prépare sa contre-offre.
Que pèse un chef d'État devant le patron d'une des plus puissantes multinationales américaines? Que pèsent un chef de gouvernement et son ministre de l'Économie devant le PDG d'un fleuron industriel tricolore? François Hollande, Manuel Valls etArnaud Montebourg doivent se gratter la tête depuis le double camouflet que leur ont administré Jeff Immelt, le PDG de General Electric, et Patrick Kron, celui du groupe Alstom. Comme l'a révélé lefigaro.fr, le conseil d'administration d'Alstom a approuvé mardi soir, à l'unanimité, l'offre ferme de General Electric de lui racheter ses activités énergie, pour 12,35 milliards d'euros, trésorerie comprise. D'Alstom, il ne restera donc plus que l'activité ferroviaire.
Le mercredi matin, Manuel Valls se réjouissait pourtant, sur France Inter: «Le gouvernement a été entendu. Aucune discussion exclusive avec General Electric n'a été décidée.» Un discours répété, avec moins d'emphase, par Arnaud Montebourg: «Nous avons devant nous plusieurs semaines. Le gouvernement compte utiliser ce temps pour défendre les intérêts industriels de la nation. Le dossier n'est pas plié.»
Les deux ministres ont certes juridiquement raison… Le conseil d'Alstom a commandé une expertise indépendante de l'offre de GE. Pendant un mois, l'américain sera tenu par son offre, et Alstom pourra examiner toute proposition alternative qui lui serait faite. C'est tout à fait conforme aux engagements pris lundi soir devant François Hollande par Martin Bouygues, le PDG du groupe éponyme, qui possède 29 % d'Alstom. C'est «un deal standard», relativise Jeff Immelt.
Après l'envoi d'un communiqué détaillant l'accord, les deux PDG ont entamé mercredi une campagne digne du régime castriste, tout en évitant les symboles trop forts qui auraient braqué définitivement l'exécutif: conférence de presse commune le matin, interview fleuve dans un quotidien l'après-midi et double estocade dans les JT de 20 heures. Patrick Kron, en direct sur TF1, chaîne du groupe Bouygues: «Ma préoccupation, ce sont les salariés, mon métier leur donner un avenir, assure-t-il. Le président de la République a mis l'emploi au cœur de ce dossier, je partage son point de vue.» Au même moment, France 2 diffuse un entretien avec Jeff Immelt, enregistré le matin. Le PDG de GE est ensuite rentré à New York. Une façon de plus de signifier que le dossier est bel et bien «plié».
Siemens semble plus confiant, avec du temps pour transformer en offre ferme sa proposition alternative, dont elle a envoyé une version enrichie mardi après-midi aux administrateurs d'Alstom. En plus du rachat de la branche énergie du groupe (évaluée de 10,5 et 11 milliards, hors trésorerie), le groupe allemand propose désormais de transférer à Alstom l'essentiel de son activité ferroviaire: ses trains à grande vitesse (concurrents du TGV) et ses locomotives, mais aussi ses trains classiques, ses tramways et ses métros. Siemens propose de garder sa rentable activité de signalisation ferroviaire et réclame celle d'Alstom. Mais le groupe allemand est prêt à envisager d'autres options dans ce secteur, y compris une coentreprise regroupant les activités signalisation des deux groupes.
Autre nouveauté, Siemens est prêt à conserver une participation dans le nouvel Alstom, recentré et renforcé sur le transport. Cette participation serait limitée à 19 % à long terme, mais serait plus élevée à court terme. Les dirigeants de Siemens sont prêts à négocier avec ceux d'Alstom, quitte à se passer de la coopération de Patrick Kron…
Après l'offensive réussie du 30 avril, on préférait se dire à la fois «confiant» et «prudent» chez Alstom et General Electric. Et au gouvernement, passé le choc, on continuait de soutenir mordicus le projet franco-allemand proposé par Siemens. Sans exclure toutefois un rachat de la participation de Bouygues dans Alstom par l'État, associé à un groupe industriel français. Un plan C, au cas où le plan B de Siemens déraille courant mai…
Rendez-vous le 15 du mois
Rendez-vous le 15 du mois
Cela fait des années que le 1er-Mai n’est plus ce qu’il était. Certes, le muguet fleurit toujours, mais les militants communistes ne tiennent plus le marché des vendeurs à la sauvette, et les militants syndicaux ne tiennent plus le pavé aussi nombreux qu’autrefois. Déclin des uns, fatigue des autres, résignation de tous.
Il ne faudrait pas pour autant en conclure que la France est désormais prête à ces réformes qu’elle a si longtemps repoussées. Si les Français, à en croire les sondages, comprennent de plus en plus la nécessité de faire des efforts, c’est le plus souvent pour les autres : oui à la maîtrise des dépenses de santé, sauf pour mes propres remboursements… Et si l’opinion publique intègre peu à peu la notion de rigueur, ce n’est évidemment pas au point de trouver désirable ce qui s’annonce douloureux.
On en aura une idée assez précise le 15 mai prochain, jour de grève de toutes les fonctions publiques organisée par tous les syndicats. Beaucoup plus que lors des manifs du 1er-Mai, ce sera l’occasion d’une grand’messe sociale comme savent encore en célébrer les purs, les durs : les camarades fonctionnaires syndiqués. C’est là que se concentre ce qu’il reste de vraie puissance aux syndicats ; c’est là que se trouve la sourde menace sociale.
C’est l’autre défi de Manuel Valls, plus dangereux que le « groupe des 41 », plus imprévisible, plus difficile à gérer : le défi de la rue. On l’a vu en 1995, avec le phénomène spontané des grèves par procuration : ceux du privé qui ne pouvaient pas prendre le risque d’arrêter le travail avaient en quelque sorte confié leur colère aux bons soins des fonctionnaires et agents publics en grève. C’est ce genre de mouvement hautement inflammable qui peut rapidement faire basculer une opinion publique démoralisée, et que le gouvernement doit maintenant surveiller.
La mémoire courte
La mémoire courte
Une chose me fascine particulièrement dans la politique française, c’est la capacité d’oubli. Alain Juppé fut longtemps d’une extrême impopularité après l’une des plus longues grèves de l’histoire de France en décembre 1995 qui a mis la France à genoux quand il était Premier ministre. Depuis quelques mois, il caracole bien loin en tête des personnalités les plus populaires. En appelant à voter Hollande en 2012, François Bayrou porte la responsabilité directe et personnelle de la situation que nous connaissons. Le voilà second de ce même classement! MAM est au devant de la scène politique depuis 25 ans. Ses turpitudes en Tunisie ont sérieusement plombé l’ex majorité mais il n’empêche: la revoici, comme si de rien n’était, tête de liste UMP! Et encore, non satisfaite de son futur salaire à Strasbourg. Par ailleurs, les sondages annoncent une percée du fn au Parlement européen comme si tout était oublié, soudain évaporé, disparu, des provocations monstrueuses de ce mouvement, notamment relatives à la deuxième guerre mondiale. Enfin du côté du PS, tout est passé à la trappe, des révélations sur son créateur, François Mitterrand à Vichy, des multiples condamnations par la justice de ses dirigeants, des calamités nationales engendrées par sa gestion passée. Oublier, vite oublier, passer à autre chose: tel est la pain quotidien de cette lamentable classe politique que la France porte sur son dos comme un fardeau. "Tout peut s’oublier" comme dit je ne sais plus quelle chanson. La mémoire des peuples est courte et cette amnésie générale est l’outil du mépris et de toutes les manipulations. Je l’ai toujours pensé: ouvrir un livre d’histoire, quel qu’il soit, est le premier acte de résistance.
Les rendez-vous de mai
Les rendez-vous de mai
Qui contestera qu'en ce 1 er mai, les tonitruants appels à la mobilisation de Marine Le Pen ont prévalu sur les propos discordants des leaders syndicaux ? Sans doute faut-il voir dans cet accaparement par le FN du rituel déclinant du 1 er mai le signe d'une époque tourmentée. Face à la crise, et à un pouvoir politique qui les déçoit, les syndicats se divisent quand le parti d'extrême droite, à l'inverse, « surfe » sur le mécontentement populaire pour distiller ses idées populistes. Et pendant qu'un sondage Ifop, pour Atlantico.fr, nous apprenait hier que 68 % des Français ne font pas confiance aux syndicats, d'autres sondages placent le FN (avec près de 25 % des suffrages) en tête des partis politiques pour les élections européennes du 25 mai prochain.
Assez curieusement, seuls la CFDT et l'Unsa ont placé leur maigre rassemblement d'hier sous le signe d'une Europe « qui peut être une solution » alors que la CGT, FO, FSU et Solidaires défilaient contre l'austérité. On mesure bien combien se creuse de nouveau le fossé entre syndicats réformistes et syndicats contestataires, seulement réconciliés l'espace d'un quinquennat dans le rejet du sarkozysme.
Pas sûr qu'après ce rendez-vous manqué du 1 er mai, les syndicats retrouvent la cote avec la promesse d'un vrai défilé unitaire le 15 mai pour la défense des fonctionnaires et contre le gel du point d'indice. Certes, dans le secteur public, qui reste leur fonds de commerce, les organisations syndicales disposent de 47 % de taux de confiance. Le mouvement syndical, que n'honore pas en ce moment l'indécent préavis de grève des pilotes d'Air France, demande à se refonder en se détournant du clientélisme.
Comme doivent le faire aussi les partis politiques incapables de porter un discours cohérent avant l'échéance des européennes. Si Marine Le Pen parle net, les autres, minés par les dissensions internes, appellent timidement à voter pour l'Europe tout en lui imputant des manquements qui sont de leur fait. L'Europe est aujourd'hui au milieu du gué. Fera-t-elle, le 25 mai, lors d'un rendez-vous crucial, un pas en arrière ?
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