INTERVIEW DE LA SEMAINE - Xavier Bertrand a reçu leJDD.fr cette semaine, dans le cadre de notre série de grands entretiens hebdomadaires. Proposition de François Hollande de taxer les millionnaires à 75%, sauvegarde du site de Florange, climat de la campagne électorale… le ministre du Travail commente l'actualité du moment. "Hollande mise sur la croissance comme on mise au casino", dénonce-t-il notamment. Quant à son propre rôle - que certains jugent effacé - auprès du candidat UMP, le porte-parole de la campagne de 2007 estime "être à fond", et précise qu'il fera partie d'un "comité politique" mis en place par Nicolas Sarkozy.
Que pensez-vous de la proposition de François Hollande de mettre en place une taxation à 75% des revenus annuels supérieurs à un million d'euros?Ou quand Hollande fait du Mélenchon pour faire diversion… C'est une opération de communication pour faire oublier qu'il y a dans son programme une augmentation d'impôt généralisée, non pour les plus riches mais pour tous les Français. Donc pour faire passer la pilule d’un nouvel impôt pour la dépendance, il essaye de faire croire que seuls les plus riches paieront.
C'est le sens de cette dernière proposition…
(Il coupe)… qui a été annoncée dans la plus totale improvisation! La preuve, Jérôme Cahuzac, responsable de la fiscalité de François Hollande, n'était même pas au courant. C'était simplement un coup médiatique, qui montre que cette campagne et ce candidat ne sont pas préparés.
Taxer les plus riches n'est donc pas une solution? Dans Le Parisien, lundi, vous disiez être choqué par certains hauts revenus…Cela fait longtemps que je dis que certains revenus sont indécents, c'est vrai. Mais la proposition de François Hollande d’augmenter la tranche marginale rapporterait à peine 300 millions d'euros. François Hollande dit aux Français : "Je ne vous demande aucun effort, je vais faire payer les plus riches, et cela suffira". Le problème c’est qu’avec François Hollande, on est riche très vite! Je vous rappelle que selon lui, un couple gagnant 4.000 euros est riche…
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«Certaines rémunérations sont indécentes, c'est un fait»
Nicolas Sarkozy a promis, comme en 2007, de mettre fin aux parachutes dorés. Pourquoi ne pas l'avoir fait avant?Certaines rémunérations sont indécentes, c'est un fait. Et quelques grands patrons ont eu des comportements intolérables. Ils nous ont répondu qu'ils allaient mettre en place une "soft law". Ce code de bonne conduite est respecté par la quasi totalité, mais pour les quelques-uns qui ont des comportements de rapaces, cette "soft law" ne suffit plus, donc il faut une loi.
Le chômage a encore augmenté en janvier…On a évité l'explosion du chômage, maintenant on ralentit sa progression, mais ce n'est pas suffisant. Ce que l'on veut, c'est faire reculer le chômage. C'est le sens du dispositif "zéro charge pour les jeunes", des accords compétitivité-emploi ou du recours à l’activité partielle.
Le contrat de génération de François Hollande ne permettrait-il pas de faire baisser le chômage?Qui a dit "moi j'ai essayé, ça ne marche pas, c'est un formidable effet d'aubaine pour les entreprises"? Martine Aubry! Personne ne sera jamais aussi sévère qu'elle sur ce sujet. Ce contrat, cela revient à un contrat d'apprentissage avec un jeune et un maître de stage, mais au rabais car sans diplôme à la fin. Et cela existe déjà, les entreprises n'ont pas attendu François Hollande pour faire du tutorat : il y a entre 100.000 et 150.000 tuteurs aujourd'hui, auxquels s’ajoutent 300.000 maitres d’apprentissage. Si le contrat de génération était vraiment une solution, il en parlerait matin, midi et soir.
Nicolas Sarkozy a assuré qu'il était possible de sauver Florange, comme il avait aussi promis de sauver Gandrange en 2008…Il a tenu parole : tous les reclassements promis ont été obtenus! Le Président de la République a annoncé
qu’Arcelor Mittal allait investir dès à présent 17 millions d’euros pour permettre la réouverture des hauts fourneaux au second semestre, et pour développer des nouvelles installations et produits.
Les salariés de Florange ne semblent pas convaincus par cette annonce…
Ils estiment que tant que les hauts fourneaux ne rouvrent pas, ils doivent continuer leur mouvement. Ils savent ce que je viens de vous expliquer, mais ils sont comme Saint-Thomas.
«Quand des journaux sont financés par des millionnaires de gauche, quelqu'un trouve-t-il quelque chose à redire?»
François Hollande a pointé "l'inélégance" de Nicolas Sarkozy pour avoir stigmatisé sa compagne Valérie Trierweiler. Le comprenez-vous?Quand on voit les déclarations des lieutenants de Hollande, cela me fait doucement sourire… J'ai été attaqué personnellement par Najat Vallaud-Belkacem, et je ne l'ai entendu ni démentir ni condamner. Il ne faut pas qu'il y ait deux poids deux mesures.
Vous êtes un homme politique et un ministre en fonction, Valérie Trierweiler n'est "que" la compagne de François Hollande…Nicolas Sarkozy a été attaqué sans cesse pendant cinq ans. Le PS veut le faire passer pour l'ami des riches, mais rappelez-moi qui a financé le loyer de la permanence de campagne de madame Royal? (Pierre Bergé, copropriétaire du
Monde, Ndlr) Quand des journaux sont financés par des millionnaires de gauche, quelqu'un trouve-t-il quelque chose à redire?
Vous pensez donc que Le Monde roule pour François Hollande?
Avez-vous vu certaines Unes de Libération, du Monde! C'est leur droit de faire ça, mais c'est aussi le nôtre de dire que l'on n'est pas dupe. Pourquoi Hollande se cache et n'assume pas ses amitiés?
Nicolas Sarkozy, en tant que chef d'Etat, n'aurait-il pas dû éviter ce genre de phrase?
Mais les socialistes sont dans une escalade verbale depuis cinq ans! Eux auraient le droit de s'en prendre à lui matin, midi et soir, et lui n'aurait pas le droit de s'exprimer?
«Hollande aurait aimé avancer masqué»
Le match s'annonce donc musclé…
Une élection présidentielle, c'est une confrontation! Et nous nous souhaitons qu’elle se fasse sur les idées. Tout a changé depuis l'entrée en campagne de Nicolas Sarkozy, l'esprit change, la dynamique change, et elle est de son côté. Les socialistes, eux, sont sous pression, et Hollande a horreur de ça. Il aurait aimé avancer masqué, sans dire les choses, mais ce n'est pas ce que les Français attendent.
L'entourage de Nicolas Sarkozy espérait que les courbes se croiseraient en février, et ce n'est pas le cas. Cela vous inquiète-t-il?Pas du tout, car cela se jouera dans les 15 derniers jours. Les idées sont chez Nicolas Sarkozy. François Hollande est en campagne depuis des mois, et je cherche toujours une vraie idée dans son programme. Quel est son projet de société? L’antisarkozysme ne suffira pas.
Qu'est-ce qui a changé par rapport à la campagne de 2007?
La crise nous a obligés à changer notre façon de faire de la politique. Les Français ont conscience que si on veut garder notre modèle social, il faut des réformes importantes dans le domaine économique. Il faut davantage de compétitivité. François Hollande pense, lui, que le statu quo est possible.
François Hollande compte sur un regain de croissance sur le moyen terme...
Il mise sur la croissance, comme on mise au casino. Mais la présidentielle n'est pas un jeu. La croissance ne se décrète pas, il faut la favoriser. Nous nous voulons réduire la dépense publique et favoriser la compétitivité et l'emploi. François Hollande fait tout le contraire. Les socialistes français sont parmi ceux, en Europe, qui présentent les recettes les plus démodées, les plus décalées. Ils ont quinze ans de retard.
«Nicolas Sarkozy tient un discours de vérité»
Qu'avez vous pensé du mea culpa de Nicolas Sarkozy, mercredi 22 février au JT de France 2, quand il a évoqué les "erreurs" de son début de mandat?Le journaliste (David Pujadas, Ndlr) lui a posé une question et le président y a répondu en toute sincérité. Même si les questions des priorités des médias ne reflètent pas toujours les questions et les attentes populaires. Nicolas Sarkozy tient un discours de vérité : il dit les choses. C'est là la différence fondamentale avec l'ambiguïté de François Hollande.
Nicolas Sarkozy reste toutefois le président le plus impopulaire en terme de cote de popularité…
Comme tous les dirigeants dans le monde qui sont aux responsabilités au moment de la crise la plus grave depuis 1929. Mais Nicolas Sarkozy nous a évité une nouvelle crise de 1929! Est-ce qu'il y aurait eu un meilleur capitaine que notre président dans la tempête? Tout le monde s'accorde à reconnaître que non.
«Les Français détestent ceux qui s'autoproclament d'avance»
Les ministres semblent très peu impliqués dans la campagne. Le regrettez-vous?Quatre meetings par semaine, plusieurs interviews dans les médias et les questions au gouvernement et en permanence sur le terrain…. Moi comme les autres sommes à fond dans cette campagne. De plus, Nicolas Sarkozy réunit un comité politique à partir de cette semaine, dont plusieurs membres du gouvernement vont faire partie. C'est la preuve que tout le monde est associé.
Comment voyez-vous votre avenir après la présidentielle?
Un escalier se monte marche par marche. Je ne vais pas tomber dans le piège qui consiste à s'arroger des postes, des prérogatives avant la fin du combat. Je laisse cette indécence aux socialistes.
Certains cadres de l'UMP nourrissent pourtant des ambitions en vue de la présidentielle de 2017…
Je veux bien commenter l'actualité, le projet socialiste, les idées que nous défendons. Pour le reste… Les Français détestent ceux qui s'autoproclament d'avance. Ceux qui font ça, certains socialistes notamment, ont juste oublié une chose : ce sont les Français qui décident.