lundi 18 août 2014
Mobilisation générale
Mobilisation générale
Foutues vacances ! Bien que l'entourage élyséen ait lourdement insisté sur le peu d'appétence du président pour la « pause » estivale, François Hollande aurait sans doute souhaité meilleur climat pour sa rentrée. S'il n'y avait eu cette foutue panne de croissance et cette invalidation partielle du pacte de responsabilité, il se serait volontiers accommodé de la multiplication des cérémonies mémorielles et autres gestes compassionnels. Quoi de plus confortable que de célébrer un passé glorieux quand on manque cruellement de vision sur l'avenir ? Quoi de plus réconfortant que d'exalter « l'unité nationale » quand se généralise la défiance du peuple ?
Seulement voilà. Il y a eu l'avalanche des mauvaises nouvelles économiques. Celles qui affectent les Français dans leur quotidien. Et, aux cordes vibrantes du souvenir ont succédé les roulements de tambour de Manuel Valls pour tenir, enfin, un langage de vérité. Réunis au fort de Brégançon pour une séance de travail, le chef de l'État et le Premier ministre ont médiatisé l'image d'un couple exécutif parfaitement uni, lucide, et déterminé à tenir le cap en rappelant les patrons à l'ordre et l'Europe à l'aide.
Sauf qu'il manque à cela des réformes devenues effectives. 85 % des Français – et une bonne partie de la gauche – ne font plus confiance au chef de l'État pour résoudre la crise. Il est vrai que les solutions ne sont plus faciles à trouver et que le gouvernement est pris en tenaille entre exigences bruxelloises et utopies gauchisantes.
D'où ce scepticisme de l'opinion accentué par l'absence d'alternative crédible à droite. Car il n'est pas sûr qu'un sondage serait plus favorable à une opposition disparate et peu imaginative. Les Français ne sont pas dans le dénigrement du pays. Ils sont dans le désaveu de leurs dirigeants et des pratiques politiciennes ouvrant la voie au FN. La véritable crise est celle de l'offre politique. La situation justifierait pleinement un gouvernement d'union nationale, privilégiant le courage de l'action sur les ambitions personnelles. Mais il ne faut pas rêver, la mobilisation générale n'est pas pour demain.
L’heure de la vérité
L’heure de la vérité
Si Michel Sapin parle aussi clair, s'il délaisse la langue de bois, s'il révise la prévision de croissance de moitié et dit que ni l'an prochain ni l'année suivante, les objectifs de réduction de la dette ne pourront être tenus, c'est qu'à coup sûr la situation est grave. En plein pont du 15 août, il pouvait pourtant, c'est sa spécialité, enrober l'information, noyer le poisson et s'en tenir aux sombres annonces du président et du Premier ministre pour la rentrée. « Il faut maintenant tenir un discours de vérité » dit-il. Est-ce pour autant l'aveu que depuis deux ans les responsables louvoyaient avec l'espoir que la conjoncture générale et la reprise leur donneraient un coup de main ? Ce serait un bien mauvais procès, mais ils découvrent, comme d'autres avant eux, qu'il n'y a plus de gouvernail indolore pour rectifier sur le mauvais cap de l'économie.
L'Europe est incapable de relever les enjeux, les grands pontes de l'économie devisent entre eux en ne parlant que pourcentages, mais plus aucun des leviers habituels n'est opérationnel. Le salut, contrairement à ce que l'on prétend, ne viendra pas de Bruxelles et il n'y a plus d'outils dans la fameuse boîte présidentielle.
Ou alors il faudra se résoudre à la purge façon Espagne ou Irlande ! Ce qui signifie des coupes brutales dans les dépenses de l'État, dans les dépenses sociales. Avec en plus les déréglementations du marché du travail, les pertes de revenus que cela suppose et la diminution de la protection sociale des salariés. Pour le moment, dire que la croissance est faible ou nulle c'est un peu abstrait dans les têtes, mais quand vont tomber les forcément mauvais chiffres du chômage, on va mieux comprendre l'impact de ce zéro pointé sur l'emploi. Les effets politiques aussi vont rapidement être visibles. Déjà François Hollande n'a quasiment plus de majorité à l'intérieur d'un PS très clivé qui voit arriver son heure de vérité.
Jusque-là Nicolas Sarkozy était le meilleur candidat de la droite. Il est désormais aussi le meilleur candidat pour la gauche. Car à moins de son retour et du rejet qu'il pourrait entraîner, y compris à droite, on ne voit pas ce qui pourrait sauver le parti socialiste et ce qui lui restera d'alliés à la prochaine élection présidentielle.
Le déclassement de Shanghai
Le déclassement de Shanghai
En lançant en 2003 leur classement mondial des universités, les deux étudiants de la Jiao-Tong University soupçonnaient-ils le psychodrame qu’ils allaient déclencher dans un petit pays de la lointaine Europe, qui s’appelle la France et qui tient à son statut de grande nation scientifique et intellectuelle ? Devinaient-ils que le « classement de Shanghai » deviendrait ce fer rouge fouaillant les blessures d’amour propre de l’enseignement supérieur hexagonal ? Imaginaient-ils que des ministres français demanderaient à être reçus et que l’un d’eux, Laurent Wauquiez, les supplierait même de refaire tourner leur modèle informatique en y intégrant les universités françaises de ses rêves, telles qu’elles seraient un jour si les réformes Sarkozy aboutissaient ? Pouvaient ils comprendre que, pour un politique français, inverser le « déclassement de Shanghai » allait devenir un devoir sacré ?
Bien sûr que non et ce d’autant moins qu’à l’origine, l’objectif masqué du classement consistait à démontrer au monde entier, mais d’abord au pouvoir chinois, que les deux grandes universités de Pékin, Beijing et Tsinghua, étaient outrageusement favorisées dans la distributions des subventions publiques, au détriment des grands établissements de …Shanghai. Au bout du compte, sans beaucoup innover (l’Iowa classait déjà ses universités en 1925 !), le classement a créé l’équivalent d’une agence de notation très influente qui cote pays et établissements sur le gigantesque et juteux marché mondial (en Grande-Bretagne, il pèse autant que l’industrie pharmaceutique) de l’enseignement supérieur.
Purement quantitatifs – ce qui ne veut pas dire objectifs – les critères de Shanghai sont calibrés pour jauger l’ « université de recherche », le modèle ultradominant dans le monde anglo-saxon, qui combine au même endroit cours et laboratoires : nombre de prix Nobel et de médailles Fields, nombre de chercheurs les plus cités dans leurs disciplines, nombre de publications dans les revues Nature et Science. En revanche, ces indicateurs frustrent la France, un pays qui a créé des Grandes écoles (minuscules à l’échelle mondiale) pour concurrencer l’université et qui a concentré la recherche dans des centres publics comme le CNRS, qui ne sont pas recensés par Jiao-Tong.
La France est sixième : une vingtaine d'établissements parmi les 500 classées, alors que les Etats-Unis raflent plus de la moitié des 100 premières places. Dans l’édition 2014, rendue publique la semaine dernière, c’est la Chine qui perce. Elle place 9 établissements parmi les 200 premiers, contre 77 pour les Etats-Unis, 20 pour la Grande-Bretagne, 13 pour l’Allemagne et 8 pour la France.
Alors ? Au lieu d’osciller sans cesse entre la défense chauvine du « modèle » et l’auto-flagellation, les responsables français feraient bien de se projeter dans le siècle et de s’assurer que ce n’était pas à la France que pensait Androulla Vassiliou, la commissaire européenne en charge de l’Education, quand elle déclarait il y a quelques mois : « Un grand nombre de nos universités continuent à délivrer une formation semblable à ce qui se faisait au XIXe siècle. Cela marchait bien pendant une grande partie du XXe siècle, mais cela ne suffit plus.»
La crise de confiance
La crise de confiance
Un sondage IFOP-JDD révèle que 85% des Français ne font pas confiance à la politique économique du gouvernement. Or, aucun redressement, aucune sortie de crise n’est envisageable sans la confiance. C’est un constat historique, les grands rétablissements de l’histoire ont toujours reposé sur la confiance: Raymond Poincaré en 1922 et 1926, Antoine Pinay en 1952 et 1958 (avec Jacques Rueff), Raymond Barre en 1976. Les entreprises investissent et recrutent quand elles sont portées par une confiance générale dans l’avenir, un climat d’ensemble qui n’est pas seulement économique d’ailleurs, mais lié à la solidité des institutions, la stabilité et l’unité du corps social, la sécurité internationale, un environnement rassurant. Cette confiance, il incombe aux dirigeants politiques non seulement de l’inspirer, mais aussi de l’incarner. Or, les hommes qui représentent aujourd’hui le pouvoir souffrent d’un discrédit qui n’a sans doute pas de précédent historique. Ils se voient confrontés à une contradiction fondamentale: en attente d’une "croissance" que leur seule présence à la tête de l’Etat rend impossible. Pire, aucune alternative ne semble poindre à l’horizon, ni de visage nouveau, ni de programme crédible du côté de l’opposition empétrée dans ses querelles névrotiques. Personnellement, je suis fasciné par la médiocrité de la "relève" qui me paraît tellement insipide, terne, transparente. Une notable exception, celle de Laurent Wauquiez avec lequel j’ai dîné le mois dernier: intègre, gentil, ouvert, lucide… Que demander de plus? Il en faudrait une vingtaine comme lui pour ouvrir une brèche d’espérance.
Le prix de l’agilité
Le prix de l’agilité
Qu’aurait dit un Arnaud Montebourg si Microsoft avait été un groupe français annonçant, comme il vient de le faire aux Etats-Unis, qu’il allait supprimer un emploi sur sept dans l’année ? Qu’aurait dit un Jean-Christophe Cambadélis en apprenant qu’à cette annonce, l’action Microsoft avait grimpé en bourse pour atteindre son niveau le plus élevé depuis 14 ans ? La polémique aurait été immédiate, intense, et aurait à coup sûr débouché sur un texte de loi pour réprimer un peu plus les « licenciements boursiers ». Et on aurait certainement fini par créer une nouvelle taxe sur cette course au profit, honteuse, forcément honteuse. Fiction ? Pas sûr : dans le dossier Alstom, le gouvernement a bien imposé à General Electric de vivre sous la menace d’une énorme amende en cas de… non-création d’emploi ! Sauf que cette fois, l’épicentre du plan social ne se situe pas en France. Microsoft échappera donc à la vindicte gauloise et pourra se concentrer sur l’essentiel : sa transformation, sa relance dans un univers en bouleversement permanent où l’immobilisme signifie la mort. Les Nokia, Kodak, et autres Compaq en savent quelque chose. Et Microsoft a déjà vécu plusieurs vies, frôlant parfois la sortie de route, synonyme d’éviction du marché.
Quant au plan social, il sera d’autant moins dur à absorber que les Etats-Unis sont en situation de plein-emploi. Les derniers chiffres d’inscription au chômage, dévoilés ce jeudi, ont surpris les économistes par leur faible niveau. Et on voit désormais des industriels s’y alarmer des effets du manque de main d’œuvre et de l’accélération du turn-over de beaucoup de salariés, sensibles à la multiplication des offres d’embauches et aux surenchères salariales. Quel dommage qu’aucun de nos gouvernants ne profite de l’été pour aller faire un petit stage au pays du libéralisme et de l’enfer économique.
Le changement, c’est hors de question
Scrogneugneu, c’est ainsi et on n’en démordra pas : il est hors de question que la politique du gouvernement change. Certes, le « changement c’est maintenant », mais maintenant, c’était il y a deux ans. Et maintenant, on ne change plus. C’est pourtant simple à comprendre, non ?
C’est en tout cas sans ambiguïté de la part du premier ministre : dans une interview doublée d’un sondage parus sur le Journal Du Dimanche, Manuel n’y est pas allé par quatre chemins et a bien expliqué à tous et à toutes qu’il était impensable, et même hors de question, qu’on commence à remettre en cause les beaux efforts consentis par l’actuel gouvernement sous l’impulsion vigoureuse d’un président de la République au plus haut de sa forme. Et l’entêtement est logique, voyons, puisqu’il faudra bien un peu de temps à la politique de Maître François pour prendre son envol et produire des résultats :
« Oui, la politique que le président de la République a décidé de mettre en œuvre nécessite du temps pour produire des résultats. Mais il est hors de question d’en changer. Le pacte de responsabilité et ses 40 milliards de baisse de coût du travail vont véritablement entrer en œuvre maintenant »
Voilà, c’est dit, n’en parlons plus. Il y a deux ans, le capitaine du pédalo avait fixé un cap clair, celui du changement. Si certains avaient pu railler une prise de direction aussi courageuse, cela n’avait pas empêché l’exécutif de pédaler se mettre en branle pour aller, d’un jarret vigoureux, dans la direction choisie.
Et du changement, il y en a eu.
Les têtes des administrations qui étaient jugées trop proches de Sarkozy furent changées. Les ministres aussi ont changé. On a changé quelques paquetages sociétaux. On a changé de concubine, plusieurs fois. On a changé, plusieurs fois aussi, de communicants à l’Élysée. On a même changé de lunettes ! Et on a, un peu, changé d’avis sur la crise qui a traversé la France, positionnant le curseur de « blagounette sarkozienne » à « houlala mais en fait non pas du tout c’est du sérieux, Pépère ».
Mais la politique économique, ça, non, on ne touche pas. C’est niet ! Elle a été décidée une fois pour toute, et son problème est que, comme pour un vieux moteur diesel, il faut un temps certain pour que le moteur chauffe et démarre. On en est là, au préchauffage. Hors de question de changer maintenant, alors qu’on est sur le point de démarrer.
Sauf qu’on est en droit de s’interroger tout de même un peu. Parce qu’après tout, cette politique économique qu’il est impensable de remettre en question, il semble bien, à l’analyse, qu’elle ne soit pas aussi figée dans le marbre que ce que laisserait penser la belle détermination d’un Valls volontaire.
Prenez les impôts, par exemple (ce n’est pas une proposition, hein, c’est une contrainte. À payer.) Eh bien dans ces deux années, le moins qu’on puisse dire est qu’il y a eu, sur le sujet, pas mal de changements. Au début, rappelez-vous, il s’agissait de faire casquer les riches, ce qui devait, selon le premier ministre de l’époque, épargner neuf Français sur dix. Las. Une très grosse majorité d’entre eux s’est alors découvert riche (premier changement). À la suite de quoi (et de la grogne déclenchée), il a fallu faire un petit peu de rétropédalage sur un plan d’eau agité. Des réductions d’impôts furent donc consenties pour les plus pauvres (deuxième changement). Avec l’actuelle arrivée des nouvelles déclarations, nouvelle découverte : plusieurs centaines de milliers de Français deviennent des foyers fiscaux. Troisième changement. Quant à la finance, c’était l’ennemi, mais bon, finalement, non. Pour une politique économique fixée sur le long terme, ça fait déjà beaucoup d’ajustements, disons.
Du côté des « réformes », s’il y a eu changements, c’est dans leurs noms, leur nombre et leur portée. Le pacte de compétitivité s’est mué en pacte de responsabilité sans qu’on puisse dire exactement ce qu’il va contenir, le choc de simplification s’est transformé en tsunami de textes et de lois complexifiant encore l’usine à gaz française. Lorsque Hollande faisait paraître son programme présidentiel, il établissait des objectifs (de croissance, de déficits) qui ont eu le bon goût, là encore, de changer au fil du temps (jamais pour le meilleur, zut encore). Quant aux dépenses des administrations publiques, là encore, le changement fut dans le rythme de croissance, peut-être plus modéré que sous Sarkozy… Mais malheureusement toujours positif (et pas qu’un peu).
Décidément, le changement est une chose difficile à cerner. Soit il n’y en a pas officiellement, et toute modification, tout volte-face et tout demi-tour dans la politique économique du gouvernement est alors un ajustement, une adaptation, un petit réglage. Soit il doit absolument y en avoir un gros, et là, on tombe sur de longs discours enflammés, des dispositions de lois amphigouriques et de mystérieuses disparitions en rase campagne.
Ah, et accessoirement, en marge de l’interview, il y avait aussi un sondage dont le résultat ne devrait, en réalité, surprendre personne. Dans une proportion de quatre sur cinq, les Français ne feraient apparemment plus confiance au gouvernement et pour obtenir des résultats en ce qui concerne la réduction des déficits publics (zut alors !), la croissance économique (sapristi !) et la lutte contre le chômage (oh noes !).
Certes, tout comme on ne peut pas avoir « le changement » comme cap, parce que c’est parfaitement ridicule, on ne peut pas non plus gouverner un pays comme une girouette, en changeant sa politique au gré des sondages divers et variés. De là à soutenir mordicus qu’il faille s’entêter alors que les contre-performances s’empilent, évidemment, il y a une certaine marge dans laquelle barbote actuellement le gouvernement en faisant des petits prouts gênés.
En outre, la médiocrité du soutien au gouvernement constitue un record, tant en durée qu’en profondeur. Force est de constater qu’il est détesté de tous les bords, et la dissension se voit même dans les rangs de la majorité parlementaire. Valls a beau faire un peu de rhétorique en prétendant avoir un « discours de vérité », il s’agit surtout d’un discours creux, dans lequel les évidences s’enfilent les unes après les autres, évidences qui montrent que personne n’a d’idée précise de la direction prise par le gouvernement ; tout, dans ce qu’il fait, montre de la précipitation, de la réaction à des événements extérieurs qui n’ont pas été anticipés ni même imaginés. Les entrées d’impôts diminuent alors qu’on en a augmenté l’assiette et la quotité ? C’est totalement imprévu. La construction immobilière s’effondre alors qu’on a pourtant noyé le secteur dans une législation contraignante et des normes folles ? Coup du sort, à l’évidence. En fait, tout est décidé dans l’urgence, pour parer au plus pressé, ce qui est l’exact contraire d’une politique décidée de longue date, planifiée et développée sereinement.
En définitive, difficile de ne pas mettre ces deux informations l’une à côté de l’autre.
D’un côté, le gouvernement applique de façon brouillonne la délicieuse « solution » qu’il nous a concoctée au cours des deux dernières années, brouet indigeste de bricolages, de renoncements, d’air chaud ventilé avec force, de « réformes » faites en dépit du bon sens et avec un résultat que même les plus fervents soutiens au Président des Bisous sont en droit d’appeler échec. Devant ce constat, le premier ministre nous annonce qu’il ne changera pas d’un iota. Bon. OK.
De l’autre, les Français n’ont plus aucune confiance en lui pour remettre le pays d’équerre.
Coïncidence ? Vraiment ?
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