vendredi 6 janvier 2012
Les règles, c’est capital
Quiconque commet des erreurs doit en subir les conséquences, y compris les banquiers. Depuis le début de la crise, il y a maintenant 5 ans, cette règle fondamentale de l’économie de marché est bafouée, déplore la Zeit. Entre les valeurs morales et la prospérité, les dirigeants politiques doivent pourtant choisir. Extraits.
Ceux qui se donneront la peine de parcourir ces jours-ci les forums Internet consacrés à la crise économique feront une découverte intéressante : ce ne sont pas les sommes absolument faramineuses injectées dans le marché, ni les divers fonds de sauvetage mis en place qui indisposent – mais l’identité des destinataires de cet argent : les banquiers, qui se sont longtemps remplis les poches et sombrent aujourd’hui dans la faillite. Les Etats, qui ont vécu au-dessus de leurs moyens et ne parviennent plus à se procurer d’argent frais. Les propriétaires, qui ont souscrit un trop grand nombre de crédits et ne sont plus en mesure d’assurer le service de leur dette.
Au lieu d’être sanctionnés, ces écarts de conduite sont récompensés – voilà ce à quoi assistent les sociétés occidentales depuis cinq ans. Pour comprendre la lassitude croissante à l’égard des plans de renflouement, il faut prendre en compte non seulement la dimension financière, mais aussi la dimension morale de la crise.
Le renard et les grappes de raisin
Un concept de psychologie peut nous y aider : le phénomène de dissonance cognitive. Il désigne l’écart entre notre façon de voir le monde et le cours réel des événements. Comme dans la fable [d’Esope] mettant en scène un renard affamé et les branches de raisin dépassant du faîte d’un mur. Le renard multiplie les bonds pour essayer d’attraper les grappes, mais sans y parvenir, et cet échec ne cadre pas avec l’image que l’animal a de lui-même, habitué qu’il est à obtenir ce qu’il convoite. Il n’en va guère différemment de l’homme dans les pays industrialisés.Profondément ancré dans la pensée occidentale, le principe de responsabilité propre est au cœur de la notion de justice dans l’ensemble des sociétés individualisées d’Occident : chacun y est responsable de ses actes. L’indissociabilité du risque et de la responsabilité est le fondement du capitalisme. C’est ce qui permet au marché de transformer la recherche individuelle du profit en intérêt général. "Le soin porté aux investissements est fonction de la responsabilité juridique de l’investisseur. Les excès ou écarts de conduite résultent uniquement de l’absence d’une telle responsabilité", écrivait dans les années 1940 l’économiste fribourgeois Walter Eucken, l’un des maîtres à penser de l’économie de marché. Aujourd’hui encore, la plupart des experts souscrivent à cette analyse.
Une solidarité inconditionnelle de tous envers tout le monde causerait en revanche la ruine des dispositifs incitatifs du capitalisme – et donc du capitalisme lui-même. C’est parce que cet impératif de l’économie de marché et la notion de justice prédominant dans la société font bon ménage que l’appel à davantage de responsabilité propre est devenu le leitmotiv de la bande-son des réformes libérales depuis les années 1980. Tout un chacun peut réussir, mais tout un chacun peut aussi échouer.
Justice ou efficacité
Comme souvent, ce sont les Américains qui ont poussé ce raisonnement le plus loin. Lors d’un récent débat public, le présentateur, Wolf Blitzer, a demandé à Ron Paul, candidat républicain à la présidentielle, comment la société devait aborder le cas d’un jeune homme qui n’avait pas jugé nécessaire de prendre une assurance maladie et se trouvait aujourd’hui dans le coma. Il faut qu’il assume ses responsabilités, a répondu Ron Paul. Wolf Blitzer lui a alors demandé si cela signifiait que la société devait le laisser mourir : "Oui !", s’est exclamé le public.Une telle position peut répugner par sa radicalité. Mais, au-delà de la question de la vie et de la mort d’un individu, elle vaut également pour l’Europe : quiconque se met en difficulté en n’engageant que sa responsabilité propre ne peut compter que sur une aide partielle de la communauté. Dès lors, le renflouement des Etats ou des banques est nécessairement vécu comme une violation grossière de cette règle.
Aux appels de plus en plus pressants à davantage de justice, les "renfloueurs" opposent l’impératif d’efficacité. Lorsqu’une banque sombre, elle entraîne les autres dans sa chute, et les petits épargnants à leur tour perdent leurs billes. Lorsqu’un Etat vacille, tous vacillent, et l’ordre public se disloque. Et ce sont les plus défavorisés qui sont les premiers à en souffrir. En un mot : renflouer coûte tout simplement moins cher que faire faillite.
Aider comporte aussi des risques
Distribuer des aides ne va pas non plus sans poser de risques. Quand la Banque centrale européenne (BCE) injecte un demi-milliard d’euros dans les banques, le risque d’inflation est réel si les autorités monétaires ne récupèrent pas leur fonds en temps et en heure. Mais ce qui importe davantage, c’est que si l’opération est couronnée de succès, elle n’aura pas coûté un centime au contribuable et aura permis dans le même temps d’éviter d’importants dégâts. C’est précisément dans ce but que les banques centrales ont été créées jadis.Si l’on constate que les sauvetages se justifient sur un plan financier mais sapent le fondement moral de l’économie de marché, voire de la société, l’Occident se retrouvera dans la situation pénible de devoir choisir entre la prospérité et la justice. En d’autres termes : ou bien nous prenons le risque d’une explosion, ou bien nous nous accommodons, dans une optique globale, de voir des injustices en temps de crise.
Une telle décision ne se prend pas à la légère. Lors de la Grande Dépression des années 1930, les Etats avaient placé les valeurs morales au-dessus de tout. Ils ont refusé les aides et ainsi ruiné l’économie. Aujourd’hui, ils placent l’économie au-dessus de tout au risque de ruiner les valeurs morales. Au bout du compte, il ne reste peut-être plus que la voie choisie par le renard de la fable. Il finit par comprendre qu’il est incapable d’escalader le mur et se dit à lui-même en s’éloignant : "Ils sont trop verts […] et bons pour des goujats".
Opinion
Prêtons moins cher aux Etats !
Les deux auteurs rappellent qu’en 2008, au moment où l’administration Bush débloquait 700 milliards de dollars (540 milliards d'euros) pour sauver les banques américaines,
"la Réserve fédérale a secrètement prêté aux banques en difficulté la somme de 1 200 milliards au taux incroyablement bas de 0,01 %. Au même moment, dans de nombreux pays, les peuples souffrent des plans d'austérité imposés par des gouvernements auxquels les marchés financiers n'acceptent plus de prêter quelques milliards à des taux d'intérêt inférieurs à 6, 7 ou 9 % "Rocard et Larrouturou citent le président Roossevelt – ”Etre gouverné par l'argent organisé est aussi dangereux que par le crime organisé” – et proposent “que la ‘vieille dette’ de nos Etats puisse être refinancée à des taux proches de 0 %’.”
Il n'est pas besoin de modifier les traités européens pour mettre en oeuvre cette idée : certes, la Banque centrale européenne (BCE) n'est pas autorisée à prêter aux Etats membres, mais elle peut prêter sans limite aux organismes publics de crédit (article 21.3 du statut du système européen des banques centrales) et aux organisations internationales (article 23 du même statut). Elle peut donc prêter à 0,01 % à la Banque européenne d'investissement (BEI) ou à la Caisse des dépôts [française], qui, elles, peuvent prêter à 0,02 % aux Etats qui s'endettent pour rembourser leurs vieilles dettes.
« Sarko ou le complexe de Zorro » : Allègre juge son livre « équilibré »
Claude Allègre, l’ancien ministre de l’éducation de Lionel Jospin, publiera le 19 janvier chez Plon un ouvrage d’entretiens avec le journaliste Dominique de Montvalon intitulé Sarko ou le complexe de Zorro, avec en couverture un dessin de Plantu. "Ce n’est pas un livre de Sarkolâtrie, mais c’est un livre où je lui rends justice sur ce qu’il a fait de positif. Je ne parle pas sans cesse du Fouquet’s ou du Paloma", explique au Monde Claude Allègre, qui juge avoir a fait un livre "équilibré".
Il reconnaît rencontrer régulièrement Nicolas Sarkozy, avec lequel il a des relations "confiantes" et "amicales", "malgré le tour de con qu’il m’a fait". Le chef de l'Etat, après avoir proposé deux fois à M. Allègre d’être ministre – se voyant opposer un refus –, l’a proposé une troisième fois. Claude Allègre a finalement accepté, mais M. Sarkozy s’est ravisé dans la foulée des élections européennes de 2009, qui avaient vu une bon score des écologistes. C’est fini. "Je suis un homme libre qui ne vise rien. Je n’ambitionne rien du tout. Je n’occuperai plus de poste ministériel", assure M. Allègre, qui invoque son âge.
L'ancien ministre de l'éducation salue la décision de Nicolas Sarkozy d’avoir limité à deux le mandat du président de la République, d’avoir nommé le socialiste Didier Migaud à la Cour des comptes et "de s’être bougé les fesses pendant la crise". En revanche, il critique la réforme des universités, juge que le Grenelle de l’environnement, "ce n’est rien du tout" et n’est pas en ligne avec la politique d’éducation, sujet qu’il affirme ne jamais avoir abordé avec le chef de l'Etat. "Je n’ai jamais été pour que les proviseurs recrutent leurs professeurs. Je suis un Républicain strict".
Claude Allègre estime que Nicolas Sarkozy n’a pas "le sens d’une équipe". Il se dit partisan d’un gouvernement d’union nationale avec plus de techniciens et moins de politiques, comme en 1958. Mais il refuse, pour l’instant, de désigner son président : celui qui dit s’être abstenu au second tour de la présidentielle de 2007 refuse de dire pour qui il votera en 2012.
Il précise toutefois que dans certaines propositions qu’il fait, il se situe à droite du PS. "Je dis du bien de Jean-Luc Mélenchon et de Montebourg", déclare M. Allègre, ajoutant : "Si Hollande est là où il est, c’est parce que je l’ai fait entrer dans l’équipe Jospin."
La Grèce menacée d'un "défaut incontrôlé" en mars sans accord salarial
Le Premier ministre grec Lucas Papademos a mis en garde mercredi contre un "défaut (de paiement) incontrôlé" auquel la Grèce pourrait faire face en mars si le patronat et les syndicats ne parvenaient pas à un accord sur la réduction des coûts du travail pour stimuler la compétitivité.
"Les partenaires sociaux doivent déployer de grands efforts au cours des négociations pour améliorer la compétitivité de l'économie et stimuler l'emploi", a souligné le Premier ministre.
"Nous ne pouvons pas escompter que d'autres Etats de l'Union européenne et les organisations internationales continuent à soutenir financièrement un pays qui ne s'adapte pas à la réalité et ne traite pas ses problèmes", a relevé M. Papademos.
Les bailleurs publics de la Grèce, Union Européenne et Fonds Monétaire International (FMI), ont demandé au gouvernement de revoir les salaires du privé pour améliorer la compétitivité de son économie.
Le chef du gouvernement a reconnu mercredi qu'ils avaient à nouveau soulevé "une série" de questions liées au marché du travail, dont celle du salaire minimum, à l'approche de négociations cruciales sur le versement de nouveaux fonds à la Grèce.
Ces discussions visent à débloquer le nouveau plan d'aide à la Grèce mis en place par la zone euro fin octobre. Athènes espère un premier versement de prêts d'un montant de 89 milliards d'euros à la fin janvier.
"Si nous ne prenons pas des mesures importantes, si nous ne faisons pas bonne impression, l'évaluation de nos partenaires risque de ne pas être positive", a prévenu M. Papademos. "Nous risquons de nous retrouver sans rien."
Le principal syndicat du secteur privé a toutefois rejeté mercredi toute baisse de salaire et insisté sur le respect des conventions salariales.
"Nous ne sommes pas disposés à céder le moindre pouce sur le salaire garanti des travailleurs pauvres", a déclaré à la presse Yiannis Panagopoulos, le chef du syndicat du secteur privé GSEE.
"Nous avons signé un accord, nous demandons aux employeurs d'honorer leur signature", a-t-il poursuivi après avoir rencontré M. Papademos.
Le salaire minimum légal en Grèce - actuellement juste au dessus de 750 euros -- est fixé par une convention collective signée par les syndicats des salariés.
RTL Group va se retirer du marché grec de la télévision en raison de la crise
Le groupe audiovisuel européen RTL Group va se retirer du marché grec de la télévision en raison de la crise économique qui frappe le pays, en vendant sa part de 70% dans Alpha Media Group, a-t-il annoncé jeudi.
RTL Group va vendre sa part à l'entrepreneur grec Dimitris Contominas, qui possède déjà les 30% restants d'Alpha Media Group, dont fait notamment partie la chaîne nationale Alpha TV, et deviendra de ce fait son propriétaire unique.
La transaction "est sujette à l'approbation de la commission grecque de la concurrence et devrait se conclure au premier trimestre 2012", indique RTL Group dans un communiqué.
RTL Group avait pris 66,6% du capital d'Alpha Media Group pour 125,7 millions d'euros en septembre 2008, tablant sur des perspectives de croissance du marché publicitaire alors prometteuses en Grèce.
Depuis lors, la crise est passée par là et "le marché de la publicité télévisée en Grèce a diminué d'environ 50%", souligne RTL Group.
"Etant donné la crise économique et financière profonde que la Grèce continue de connaître, nous avons finalement décidé de quitter le marché grec", a déclaré le PDG de RTL Group, Gerhard Zeiler, cité dans le communiqué, tout en se réjouissant d'avoir trouvé une solution "qui permet à Alpha de poursuivre sa diffusion".