Au quatorzième jour du mouvement de contestation, le colonel Kadhafi, dont les forces qui lui sont restées loyales ne contrôlent plus que Tripoli et sa région, a accusé l'Occident d'abandonner son régime. "Je suis surpris, alors que nous sommes alliés à l'Occident pour combattre Al-Qaida, qu'il nous abandonne maintenant que nous combattons les terroristes", a déclaré le dirigeant libyen à la journaliste vedette d'ABC Christiane Amanpour, dans une interview diffusée lundi 28 février. "Mon peuple m'adore. Ils mourraient pour me protéger", a-t-il affirmé, restant sourd à la contestation populaire.
Le dirigeant a limogé le chef de son service de renseignement
Abdallah Al-Senoussi, considéré comme un acteur-clé dans la répression exercée dans le pays, rapporte le journal libyen
Quryna, nommant à sa place l'un de ses gardes du corps,
Mansour Al-Qahsi.
- L'Union européenne vote des sanctions
Après l'ONU et les Etats-Unis, l'Union européenne a adopté, lundi, un embargo sur les armes contre la Libye ainsi qu'un gel des avoirs et des interdictions de visa contre le colonel Kadhafi et 25 de ses proches. Ces mesures pourraient entrer en vigueur rapidement, selon un diplomate européen. De son côté, Washington a bloqué 30 milliards de dollars (près de 22 milliards d'euros) d'actifs libyens à la suite des sanctions annoncées vendredi par la
Maison Blanche contre le régime de Mouammar Kadhafi, a indiqué un haut responsable du Trésor.
Le premier ministre britannique,
David Cameron, s'est par ailleurs associé à la requête de
Nicolas Sarkozy en faveur de la réunion d'un sommet extraordinaire de l'UE pour décider d'une
"stratégie commune" face à la crise libyenne. Selon une source diplomatique, l'UE réfléchit à la possibilité de convoquer ce sommet
"en fin de semaine".
La secrétaire d'Etat américaine,
Hillary Clinton, a réitéré l'appel des Etats-Unis au départ immédiat de Mouammar Kadhafi du pouvoir, lors d'une réunion du Conseil des droits de l'homme des Nations unies à Genève.
"Nous avons vu les forces de sécurité du colonel Kadhafi ouvrir le feu sur des manifestants pacifiques... Par ces actions, [les dirigeants libyens]
ont perdu la légitimité nécessaire pour gouverner. Et le peuple libyen s'est exprimé clairement : il est temps pour Kadhafi de partir, maintenant, sans autre violence ou retard", a-t-elle déclaré. L'ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU
Susan Rice a, de son côté, estimé que les déclarations de Kadhafi sur l'amour que son peuple éprouve pour lui sont
"délirantes" et montrent qu'il n'est pas qualifié pour gouverner son pays.
Le Pentagone a indiqué que l'armée américaine positionnait des forces navales et aériennes autour de la Libye.
"Nous sommes en train de repositionner des forces en vue d'avoir la flexibilité nécessaire une fois que les décisions auront été prises", a indiqué son porte-parole,
Dave Laplan. Hillary Clinton a, pour sa part, déclaré qu'aucune action militaire impliquant des navires américains n'était prévue dans le pays.
- L'option d'une zone d'interdiction aérienne
Plusieurs responsables de premier plan, dont le premier ministre français,
François Fillon, n'ont pas exclu la possibilité que l'OTAN établisse une zone d'interdiction aérienne sur la Libye pour empêcher le colonel Mouammar Kadhafi d'utiliser avions et hélicoptères contre son propre peuple. L'Italie s'y est déclarée favorable tandis que les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont dit ne pas exclure cette option. La Russie et la Chine pourraient toutefois s'y opposer.
- La situation en Libye à l'étude à la CPI
Conformément aux statuts de la Cour pénale internationale, le procureur
Luis Moreno Ocampo a commencé à examiner la situation en Libye et le mode de fonctionnement de l'armée du pays, estimant que les attaques de militaires contre des civils pourraient constituer des crimes contre l'humanité. Cet examen pourrait déboucher sur l'ouverture officielle d'une enquête. Dans cette dernière hypothèse, les procureurs pourraient demander à une chambre préliminaire de la CPI d'émettre des mandats d'arrêt ou des citations à comparaître à l'encontre les principaux responsables des crimes présumés.
- L'opposition assoit son pouvoir
L'opposition revendique le contrôle de plusieurs villes autour de la capitale et dans l'Ouest, dont Nalout (230 kilomètres au sud-ouest de Tripoli) et Zaouïa (50 kilomètres à l'ouest de la capitale). Les villes stratégiques de Misrata (200 kilomètres à l'est de Tripoli), et Gharian, au sud, semblent aussi sous son contrôle. Des postes de contrôle ont été mis en place à Tripoli et autour de la ville par les militants pro-Kadhafi, et le pain et l'essence y étaient rationnés, selon un habitant. Selon des témoins, les forces de Tripoli préparent ou lancent des raids. A Misrata, des fidèles à Mouammar Kadhafi ont ainsi tiré, lundi soir, sur des passants, faisant au moins deux morts et un blessé grave.
L'Occident se prépare à aider les opposants, qui ont créé un
"conseil national indépendant" chargé de représenter
"les villes libérées". Cet organe sera
"le visage de la Libye pendant la période de transition", a déclaré son porte-parole
Abdelhafez Ghoqa alors que l'UE a indiqué être en train d'
"établir des contacts" avec les autorités de transition. Le gouvernement libyen tente également de dialoguer avec l'opposition. Le vice-ministre des affaires étrangères,
Khaled Kaïm, a annoncé que des émissaires seraient envoyé dans l'est de la Libye pour tenter d'établir un dialogue avec les villes aux mains des insurgés avant de recourir à la force.
Selon le commissaire à l'énergie européen,
Gunther Oettinger, les principaux champs de pétrole libyens sont désormais
"sous le contrôle de tribus et de forces provisoires, qui ont repris le pouvoir". L'opposition a annoncé la reprise imminente des exportations de pétrole en provenance de l'est du pays, qu'elle contrôle, avec le départ d'un bateau à destination de la Chine.
Les estimations de morts en Libye du fait de la répression menée par Mouammar Kadhafi varient entre des centaines et des milliers tandis que plus de 100 000 personnes ont fui vers l'Egypte et la Tunisie, a indiqué lundi
Valerie Amos, sous-secrétaire générale pour les affaires humanitaires à l'ONU. Plus de 61 000 personnes ont fui vers l'Egype et jusqu'à 40 000 vers la Tunisie, a-t-elle ajouté. Un millier d'autres sont entrées au Niger.
Les Etats-Unis se préparent à envoyer deux équipes humanitaires aux frontières de la Libye avec la Tunisie et l'Egypte, a-t-elle annoncé alors que la Croix-Rouge internationale a exigé un accès immédiat à l'ouest de la Libye. La France s'apprête à envoyer deux avions à Benghazi pour apporter de l'aide humanitaire, et le Programme alimentaire mondial a annoncé l'expédition de 80 tonnes de biscuits énergétiques.
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