Qui doit payer pour l'Internet du futur ? A l'heure où l'explosion du volume de données échangées sur le réseau menace de faire imploser le Net, la nécessité d'investir massivement dans de nouvelles infrastructures ne fait plus guère de doute. Si l'on veut éviter les bouchons, il va falloir rajouter des routes et des bretelles d'accès sur l'autoroute de l'information du XXI e siècle. Est-ce aux opérateurs de télécommunications, au client final ou aux services comme Google et YouTube, portés par l'essor du Web, de régler la note ?
Ce débat qui aurait dû n'être que technique et financier est devenu quasi idéologique. Défendant la « neutralité du Net » comme on s'opposerait à une dictature, les pionniers du «.com » tentent de nous faire croire que les géants des télécoms sont de nouveaux tortionnaires cherchant à étouffer la liberté. En voulant faire payer ceux qui vivent du Web, ils brideraient l'innovation.
La critique est facile mais manque de fond. Conçu au départ comme un réseau des réseaux, le Net est basé sur le principe de l'échange, du troc de données. Ce système pouvait fonctionner tant que les échanges étaient symétriques. Ils ne le sont plus. Certains émettent de plus en plus sans assumer le coût économique de cette diffusion de masse. Il semble normal, moral même, que ceux qui utilisent le plus ces routes numériques en assument au moins partiellement les conséquences financières. Il ne s'agit pas d'instituer un quelconque « racket », mais plutôt une sorte de droit de passage raisonnable. Sur autoroute, les poids lourds et les motos ne payent pas le même prix et les tarifs peuvent varier aux heures de pointe. Dans le monde « digital », les start-up qui ouvrent leur porte-monnaie pour leur électricité ou leurs bureaux peuvent bien payer pour le Net. Et les géants riches à milliards ne peuvent-ils contribuer un peu plus à la facture ?
Mais s'il est légitime que les opérateurs différencient entre les « gros » et les « petits », il convient évidemment d'éviter qu'ils sombrent dans la discrimination pure et simple. Pas question, en clair, qu'ils fassent payer un YouTube, par exemple, mais pas un service de diffusion vidéo dont ils seraient propriétaires. Il faut également qu'ils restent soumis au jeu de la concurrence afin qu'ils ne cèdent pas à la tentation de faire payer peu au départ mais à terme beaucoup aux acteurs du Net.
Le consommateur ne doit en tous les cas pas être le seul à assumer la modernisation du Net. On lui propose déjà de passer de la classe « éco » à la classe « affaires » en passant de l'ADSL à la fibre. On peut difficilement lui en demander plus.
DAVID BARROUX