dimanche 24 novembre 2013
« Nervous breakdown »
« Nervous breakdown »
Voici Lautner et Audiard réunis, laissant derrière eux quelques millions d’orphelins. De flingueurs, les malheureux tontons se retrouvent flingués. Évidemment, nous connaissions la fin, inéluctable. Elle est aussi brutale qu’un alcool indéterminé avalé sur un coin de table de cuisine. Au bout du bout, la Camarde finit toujours par triompher.
Lautner, comme tous les grands faiseurs de films, dynamitait, dispersait, ventilait la morosité. Il va sérieusement nous manquer. Non qu’il n’y ait pas de successeurs. Mais on a rarement connu un tel concentré de bonne humeur. Notre époque riche en « nervous breakdown » aurait bien besoin d’autres élixirs de ce genre pour calmer les tord-boyaux que la crise nous distille.
Le réalisateur et son dialoguiste doivent se marrer sur leur nuage en écoutant les éloges funèbres unanimes à propos de Lautner et de ses « films cultes ». Adieu le message « poujadiste » et « franchouillard » que d’aucuns leur collèrent. On encense les triquards, on sanctifie les politiquement incorrects. Le premier qui pense que « les c… ça ose tout et c’est à ça qu’on les reconnaît » gagne une photo dédicacée de Lulu la Polonaise.
Certes, on sait que ce qu’il y a de curieux chez les politiques (comme chez les marins), « c’est ce besoin de faire des phrases ». Mais à force de manier l’encensoir hier, certains risquent la crampe. On peut même se demander si, aujourd’hui, quelques répliques de Michel Audiard ne lui vaudraient pas d’être cloué au pilori par les bien-pensants. Nos cultureux, toujours à la recherche de « l’anti-accord absolu » que mitonnait l’excellent Claude Rich dans son grenier, en avaleraient leur dernière subvention.
Malgré le noir et blanc, l’absence de trucages, les Français, toutes générations confondues, se marrent comme des baleines depuis cinquante ans. Ça mérite le respect. Même François Hollande s’est inspiré de la saine leçon des « Tontons flingueurs » avec sa boîte à outils. Il s’est rappelé ce conseil crucial : « Si on bricolait plus souvent, on aurait moins la tête aux bêtises. » À moins que, las des mauvais sondages, il ne soupire : « On ne devrait jamais quitter Montauban » ou Tulle.
Mémoire courte
Mémoire courte
En 1675, les Bretons révoltés contre les taxes de Louis XIV portaient des bonnets bleus ou rouges. La répression fut terrible, y compris pour les femmes qui perdirent le droit druidique de choisir leur mari ! Les bonnets rouges d'aujourd'hui ont le pacte d'avenir pour faire de leur colère un atout pour la Bretagne. Ailleurs aussi, dans cette périphérie où tant de décrochés luttent pour survivre, une autre France s'organise. Solidarités de proximité.
Le 6 mai 1968, le général de Gaulle atterrit chez Massu à Baden-Baden. François Hollande a-t-il fui à Tulle-Tulle ? C'est pour bientôt, si l'on en croit ceux, pas seulement Christine Boutin à la télé iranienne, qui prennent leur désir de crise de régime pour la réalité.
Le 27 novembre 1983, la marche pour l'égalité et contre le racisme faisait date. Trente ans plus tard, les lois n'ont pas éradiqué le racisme dans la France de Taubira, malgré Saint-Exupéry : « Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m'enrichis ».
1998, la France est championne du monde de foot, dans une exaltation black-blanc-beur qui a quelque peu tourné court. Le rêve est repassé l'autre soir, dans l'euphorie brésilienne. Impossible n'étant pas français, il n'aura fallu que 90 minutes pour encenser des Bleus promis aux gémonies. Il suffit d'avoir la mémoire courte pour croire que c'était mieux avant.
ARTICLE COMMANDÉ A PARIS MATCH PAR LE POUVOIR : FRANÇOIS HOLLANDE, L'AUTRE HYPERPRÉSIDENT
Malmené par l'actualité française, le président a été accueilli en héros à Tel Aviv.
François Hollande a tendance à n’en faire qu’à sa tête. « Le président est libre de ses décisions, rappelle Aquilino Morelle, son conseiller politique. C’est un métier où il faut apprendre l’humilité. » Dans l’affaire Leonarda, la veille de son intervention à la télévision, lors d’une réunion à l’Elysée, tous le mettent en garde contre les dangers d’une prise de parole. « Mystérieux », il entend mais n’écoute pas. « Hollande décide de tout, tout seul », glisse un ministre. Souvent, sans avertir ses troupes. Hyperprésident, mais dans un autre style que Nicolas Sarkozy. Boulimique de travail, il profite de chaque moment. Dimanche dernier, pendant les quatre heures trente du vol Paris-Tel-Aviv, il remanie les discours prévus, enchaîne les réunions avec son staff et avec six ministres présents à bord. Il multiplie les apartés avec les invités à qui il a promis la veille, par SMS, « on se voit demain dans l’avion ».
Lui qui a toujours aimé centraliser veut tout contrôler « jusqu’au choix des invités et au menu des réceptions ». Une ministre conforme : « Il est comme les mouches, il voit tout, il a une vision panoramique, sur le côté, derrière… » Il ingurgite des notes à n’en plus finir. Répond aux e-mails reçus sur sa boîte privée Yahoo ! qu’il n’a jamais cessé de consulter. Décroche son téléphone – dont le message d’accueil, « Oui, c’est bien moi », n’a pas changé depuis son élection – pour rappeler les journalistes. « Si je ne réponds pas, personne ne répond », se justifie-t-il. Son équipe râle : « Il répond à notre place. » Un député déplore : « François Hollande a organisé les choses pour que personne ne puisse rien faire et qu’il soit le seul communicant. » A Jérusalem, quelques heures après les coups de feu dans le hall du quotidien « Libération », alors qu’il s’apprête à répondre à une interview croisée avec Shimon Peres, c’est la journaliste Ruth Elkrief qui lui déconseille de s’exprimer à ce moment-là en présence du président israélien et lui évite une maladresse.
Au manque de confiance en ses collaborateurs et en ses ministres s’ajoute une incapacité à déléguer. « Il veut faire le travail de tout le monde », constate un proche. Ministre des Finances un jour lors de son passage au JT, préfet le lendemain dans l’affaire Leonarda… Messager de bonnes nouvelles lors de l’évasion de l’otage Francis Collomp, Hollande tient aussi à parler à la mère de Ghislaine Dupont, journaliste de RFI, le lendemain de son assassinat. Une épreuve qu’il accepte mais dont il ne parle pas. Le président est un solitaire. Guetté par l’isolement dans son palais. Il y travaille de plus en plus tard, y compris le samedi soir, qu’il avait veillé jusqu’ici à préserver. Il revient le dimanche. « Il est surmené, décrit un fidèle. Il devrait prendre de la hauteur. »
Les rares moments où il décompresse, il s’échappe de l’Elysée. Il lui était arrivé de déjouer la vigilance de ses officiers de sécurité pour une escapade avec sa compagne, Valérie, qui était passée le prendre en voiture au palais. Au moins deux fois par mois, ils dînent avec le couple Jouyet, chez eux ou dans un petit bistrot parisien. A table, difficile d’échapper aux sujets d’actualité. « On arrive quand même à parler cinéma ou théâtre et surtout foot », glisse Jean-Pierre Jouyet, copain de promo de l’Ena et directeur général de la Caisse des dépôts. Dans la salle de cinéma exiguë de l’Elysée aux murs couverts d’une moquette défraîchie, lui et sa compagne ont vu « Les garçons et Guillaume, à table ! », le film de Guillaume Gallienne, qu’ils ont beaucoup aimé, et « La marche », sur le mouvement des beurs de 1983… Ces moments volés à l’agenda ne doivent pas masquer une réalité : ses dernières vraies vacances remontent à août 2010.
Les rares moments où il décompresse, il s’échappe de l’Elysée. Il lui était arrivé de déjouer la vigilance de ses officiers de sécurité pour une escapade avec sa compagne, Valérie, qui était passée le prendre en voiture au palais. Au moins deux fois par mois, ils dînent avec le couple Jouyet, chez eux ou dans un petit bistrot parisien. A table, difficile d’échapper aux sujets d’actualité. « On arrive quand même à parler cinéma ou théâtre et surtout foot », glisse Jean-Pierre Jouyet, copain de promo de l’Ena et directeur général de la Caisse des dépôts. Dans la salle de cinéma exiguë de l’Elysée aux murs couverts d’une moquette défraîchie, lui et sa compagne ont vu « Les garçons et Guillaume, à table ! », le film de Guillaume Gallienne, qu’ils ont beaucoup aimé, et « La marche », sur le mouvement des beurs de 1983… Ces moments volés à l’agenda ne doivent pas masquer une réalité : ses dernières vraies vacances remontent à août 2010.
Malgré ses efforts, son propre camp ne cache plus son désarroi. Nombre de ministres ont pris l’habitude de solliciter en direct son arbitrage, notamment lorsque leur budget est concerné, court-circuitant au passage Bercy et Matignon. D’autres découvrent ses décisions le jour où il les rend publiques. Au sein de la majorité, les parlementaires grognent. Personne n’est habitué à cette forme d’exercice du pouvoir. Il n’a pas endossé les habits du monarque républicain qu’avait enfilés François Mitterrand. « Il a un côté pragmatique à la scandinave, il ne tape pas du poing sur la table, expose une ministre. Ça peut manquer de panache. » La voie choisie, celle d’une présidence plus démocratique, plus transparente, désarçonne ceux qui étaient habitués à l’autoritarisme. Comme ce député qui confie : « François a toujours su maîtriser une salle, mais maîtriser les Français, c’est différent. Parfois il tourne encore sur un logiciel qui est celui du PS, c’est-à-dire de la synthèse, alors qu’il est président. »
Le chemin est délicat. Ses amis politiques le ménagent : « Je lui pose moins de questions, j’essaie de lui donner des réponses », confie Bruno Le Roux, patron du groupe socialiste à l’Assemblée. « Lorsque François Hollande écoute, la presse parle de reculade », réplique son entourage lorsqu’on évoque la taxe à 75 % ou l’écotaxe. Certains refusent les choix économiques de l’exécutif. Pourtant, François Hollande avait annoncé la couleur dès les primaires, assumant une ligne sociale-démocrate : il ferait du rétablissement des comptes publics sa priorité. « Ces députés doivent faire leur deuil de leur conception du PS », tranche un ministre.
« IL SERA À LA MODE DE TROUVER HOLLANDE BIEN », PRÉDIT UN HAUT RESPONSABLE DU PALAIS
L’Elysée fait le dos rond : « Le cycle finira par se retourner, il sera à la mode de trouver Hollande bien », prédit un haut responsable du palais. Il décrit un président « normal, ni dans la fébrilité ni dans l’excitation ». Qui, un matin, après avoir lu les journaux, lance avec un sourire à son secrétaire général Pierre-René Lemas : « Ah, tiens, t’es pas viré ! » Le chef de l’Etat n’a pas perdu son sens de l’humour. A l’étranger, il ose même plaisanter sur les questions économiques. Lundi matin, lors de la visite de l’église Sainte-Anne de Jérusalem, il répond avec gourmandise à un père blanc qui évoque une possible taxation du site, actuellement exempté de taxe foncière : « La fiscalité est décidément partout présente. »
En France, cela ne le fait plus sourire. Lorsque Pierre Moscovici invente la formule du « ras-le-bol fiscal », François Hollande l’appelle pour le houspiller. Ses colères sont glaciales. « Il est sec, ça se voit au regard, il devient très froid », dit un collaborateur. Personne ne sait ce que pense le président. Ses interlocuteurs ne sortent jamais déçus d’un entretien avec lui. Il a écouté, donné parfois l’impression d’être convaincu. « François Hollande ne sait pas dire non. Mais avec lui il y a deux oui. Le “vrai oui” et le “oui-oui”, qui veut dire non », nous confiait un vieil ami, qui ne plaisantait pas. Lorsqu’il était à la tête du PS, Stéphane Le Foll, alors son directeur de cabinet, était celui qui disait non quand Hollande disait oui. A l’Elysée, son équipe est technique plus que politique. Certains n’osent pas lui tenir tête. Samia, une de ses trois secrétaires, est une des rares à oser quelques remarques.
« Mais au quotidien, il lui manque quelqu’un comme Le Foll », constate un conseiller. Le ministre de l’Agriculture est le seul capable de dire droit dans les yeux au président : « Tu déconnes. » Vendredi dernier, ils se sont vus longuement dans le bureau présidentiel. Parmi les sujets abordés, la nécessité de mieux « expliquer » la politique menée. Car ça « n’imprime » pas. A en croire un membre du cabinet Hollande, sa logique « républicaine » explique en partie les ratés. Pour lui, « la propagande » ne se fait pas dans les palais nationaux. Et l’arrivée de l’ancien présentateur du JT Claude Sérillon n’a rien changé. Pas plus que la récente mise en place d’un point quotidien à 8 h 30 dans le bureau de Morelle autour de responsables presse et communication pour « fluidifier l’info ».
« On est incapables de vendre ce qu’on fait de bien », martèlent élus, ministres et conseillers. Hollande, qui avait fait de la jeunesse son principal thème de campagne, a réussi à réunir le 12 novembre 24 des 28 chefs d’Etat et de gouvernement européens. Et à débloquer une enveloppe de 6 milliards d’euros en faveur des régions les plus touchées par le chômage des jeunes. « Toute l’Europe à l’Elysée ! Avant, on en aurait entendu parler pendant trois mois… », s’emporte un conseiller. « Tout ce que le président dit est équilibré, sage et juste. » Cette déclaration est de Mahmoud Abbas et découle de la position de François Hollande sur le processus de paix israélopalestinien. Dans l’Hexagone, les Français ne sont plus que 20 % à penser la même chose. Cela n’empêche pas ses plus loyaux compagnons de rester confiants. « C’est lorsqu’il est dans les cordes qu’il est le meilleur, dit l’un d’eux. A la fin de son mandat, je suis sûr qu’on retiendra que c’était un grand homme. »
Plantage !
Plantage !
La preuve a été administrée hier que l'on peut être céréalier et se planter ! La manifestation des agriculteurs d'Ile-de-France, endeuillée par la mort accidentelle d'un automobiliste, a fait la quasi-unanimité contre elle. Elle aura eu, assurément, un effet contre-productif pour ses organisateurs avec lesquels la direction nationale de la FNSEA a pris une distance qui valait pratiquement désaveu du mode opératoire prévu. C'est au point que les réactions hostiles aux « gros céréaliers » ont elles-mêmes sombré dans la démesure, donnant lieu accessoirement à une exploitation et une récupération politiques elles aussi déplacées.
Soyons clair : dans son principe, l'action des agriculteurs d'Ile-de-France était inacceptable (comme d'autres du même type), en ce qu'elle prenait en otage les Franciliens se rendant à leur travail. Il n'était pas besoin, au-delà de ce constat, d'instrumentaliser la mort au volant d'un jeune pompier (pourquoi insister sur son métier ?) pour dénoncer une mobilisation « criminelle » ainsi que l'a fait José Bové. Tout aussi indécente a été la réaction du responsable local de la FDSEA parlant de manifestation « réussie ». En semant le désordre, il a récolté la tempête.
Les Bonnets rouges bretons ont, eux aussi, beaucoup nui à la popularité de leur cause en multipliant les actes inciviques. Et voici aujourd'hui les « nantis de l'agriculture » renvoyés à leur vilaine condition de pollueurs avides de subventions. Ils l'ont bien cherché. Le drame est que toutes leurs revendications ne sont pas forcément injustifiées.
Ils ont même peut-être raison de dénoncer l'accumulation de taxes et de réglementations. Peut-être sont-ils fondés à expliquer que leurs revenus varient beaucoup d'une année sur l'autre en fonction des cours et des rendements. Ils ont simplement oublié, dans leur soulèvement égocentrique, toute notion de solidarité avec ceux qui souffrent plus qu'eux. Ce que, précisément, a voulu corriger la nouvelle PAC, notamment pour les éleveurs. Le gouvernement a eu beau jeu de camper sur ses positions. En fait, le blocage d'hier a débouché sur un plantage.
L’Union fera notre force
L’Union fera notre force
L'Union européenne se délite, nous sifflons le président de la République en pleine commémoration du 11 Novembre, l'Allemagne est accusée de tous nos maux, le temps n'est pas loin sans doute où l'on recommencera en France à parler des boches… Alors l'Europe sera morte, emportant avec elle l'espoir d'un Vieux continent à la voix ferme dans le concert des grands du monde. Et tout cela parce que nous nous sommes entêtés à croire que l'Europe n'était que l'axe franco-allemand et que le rapport des forces planétaires était nord-sud. Or nous avons changé d'époque et de civilisation. La confrontation a lieu aujourd'hui entre les continents avec pour enjeu majeur l'Afrique, ce dernier grand marché à conquérir.
Comme si leurs populismes outranciers savaient guérir les pauvretés, ceux qui ne gouvernent pas affirment, péremptoires, qu'il faut sortir de l'Europe et de son euro. Pourtant, malgré ses tatillonnages et ses normes ridicules, l'Union est la seule bouée qui puisse nous empêcher de nous noyer dans le fort courant de nos impuissances et de nos égoïsmes. Encore faut-il que ceux qui en ont la charge changent leur vision de l'Europe et lui inventent un nouveau futur.
Un futur de projets, construit sur des dispositifs économiques et sociaux modernes et adaptés à une vraie relance, des dispositifs appuyés sur une banque centrale véritablement au service de la puissance publique. Une Europe avec un centre de décision efficace, réactif et ramassé pour nous épargner les lenteurs assassines. Un espace ouvert dans lequel chacun garde son identité et où l'harmonisation des fiscalités serait une exigence. Un espace qui ne soit plus dominé par la défiance envers les citoyens. Il faut redonner du sens à l'Europe en retrouvant les accents de ses pères fondateurs et en lui agrégeant pour partenaires essentiels la Russie et feu l'Union pour la Méditerranée.
LES FRANÇAIS DIVISÉS SUR L'EUROPE
Les Français seraient favorables à un "président de l'Europe" élu au suffrage universel ou une armée commune, mais paradoxalement ils entendent exprimer aux élections européennes de mai leur "méfiance" à l'égard de l'Europe telle qu'elle se construit, selon un sondage.
Le sondage Ifop, publié par Sud Ouest Dimanche à six mois du scrutin européen, met en évidence "un rapport paradoxal à la construction européenne", que l'ampleur et la violence de la "crise de l'euro" ont "puissamment contribué à entretenir", selon l'Ifop.
Ainsi, 74% des personnes interrogées disent qu'au moment de voter le 25 mai, elles souhaiteront exprimer "plutôt leur méfiance à l’égard de l’Europe telle qu’elle se construit actuellement", contre 26% désirant plutôt exprimer leur "confiance".
De même, une majorité de Français (58%) souhaiteraient, compte tenu de la crise actuelle, "moins d'intégration européenne, et des politiques économiques et budgétaires propres à chaque Etat", contre 42% seulement souhaitant "une intégration européenne renforcée, avec une politique économique et budgétaire unique".
Paradoxalement, d'éventuelles avancées de la construction européenne rencontrent une forte adhésion: ainsi "la création d'un poste de ministre de l'Economie et des Finances européen" (66% de favorables, 34% défavorables), la "création d'une armée européenne" (65% de favorables) ou "l'élection d'un président de l'Europe au suffrage universel direct" (61% en faveur).
Pour l'Ifop, "la crise très grave que traverse l’Europe a plongé les Français dans une tension paradoxale". L'adhésion à certaines avancées européennes "cohabite avec une propension très forte à jouer la carte du +chacun pour soi+, de façon à ne pas être entraîné dans la chute éventuelle d’Etats comme la Grèce, le Portugal ou l’Espagne".
L’adage "l’union fait la force", l'idée que la France doit coopérer davantage avec ses partenaires et voisins, a pris une "acuité particulière" aux yeux des Français avec la crise depuis 2008; mais dans le même temps, "la crise a également révélé au grand jour les vices de construction de l’édifice européen", analysent les sondeurs.
Le sondage a été réalisé du 13 au 15 novembre via un questionnaire en ligne, sur un échantillon de 1.007 personnes représentatif de la population de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.
UMP : un an après la guerre des chefs, quel bilan pour l’opposition ?
Un an jour pour jour après son vote interne qui devait départager Jean-François Copé et François Fillon pour la présidence du parti, l'UMP est plus divisée que jamais. Et selon une enquête Ifop pour le Journal du dimanche, les Français estiment que le parti ne ferait pas mieux que l'actuel exécutif socialiste.
- Il y a tout juste un an, Jean-François Copé était élu à la présidence de l'UMP dans des circonstances difficiles, sous fond de guerre larvée entre copéistes, fillonistes et les autres. Un an après, où en sont les différentes forces de l'UMP ?
Thomas Guénolé : Sans mauvais jeu de mots à l'égard du maire de Levallois-Perret, l'UMP est aujourd'hui balkanisée. Parce qu'il a conservé de la bataille de l'an passé l'image d'un tricheur, Jean-François Copé dirige le parti sans légitimité, et même les électeurs de droite le rejettent nettement. Parce que le même et François Fillon ont partagé les responsabilités du parti entre leurs affidés respectifs en créant un doublon pour presque chaque poste, l'état-major de l'UMP relève aujourd'hui de l'armée mexicaine. Parce que le vote des adhérents l'an passé aura in fine été annulé par les mêmes duellistes, la confrontation entre, globalement, une ligne Buisson suivie par l'un et une ligne Guaino suivie par l'autre n'a pas débouché sur un choix clair, d'où la confusion actuelle entre lepénisation des idées et réminiscences gaullistes. Parce que le nouveau système des "mouvements" a l'apparence des courants du PS sans en avoir l'impact dans les jeux d'appareil, il a ajouté de la confusion à la confusion, avec une multiplication des courants, plus ou moins consistants, qui confine à l'absurde.
Geoffroy Lejeune : On peut tirer une conclusion de cette année passée depuis le 18 novembre : il valait mieux, malgré les accusations de tricherie, être dans le camp des vainqueurs. Copé à installé son équipe à la tête du parti et depuis le vote du mois de juin - 93% des militants qui validaient son accord avec Filon et lui laissaient la présidence de l'UMP - plus personne ne conteste sa légitimité. Les autres sont en moins grande forme, pour ne pas dire en déroute : Fillon navigue à vue entre ses appels à voter pour "le moins sectaire" et son positionnement, un jour centriste, l'autre très à droite, et ses coups répétés contre Sarkozy. Ses soutiens se font plus distants (Christian Estrosi et Laurent Wauquiez l'ont même carrément lâché)... Quand aux non-alignés, ils poursuivent leur chemin mais avec plus de difficulté. À l'exception de NKM, qui occupe le devant de la scène avec sa campagne à Paris, il est difficile pour Bruno Le Maire, Xavier Bertrand et consorts d'être audibles dans cette période.
Marika Mathieu : Au fond il semble que « les forces » en présence au sein de l’UMP ne contribuent pas au débat politique dont le pays a pourtant besoin. Le parti en est toujours réduit à ses luttes intestines ce qui l’exclut du champ de l’alternative. Son crédit reste presque entièrement à reconstruire, s’il peut encore l’être, sur le plan national. Selon le baromètre de l'Ifop pour le Journal du dimanche, pour 74% des Français, la droite ou le Front national ne feraient pas mieux que la gauche au pouvoir. Seuls les sympathisants UMP (60 %) jugent que leurs représentants feraient mieux que le gouvernement actuel, ce qui confirme un réflexe partisan sans influence réelle.
Qui sont aujourd'hui les gagnants et les perdants de l'UMP ? Fillon, Copé, Juppé, Pécresse, Wauquiez, Peltier ? Ces personnes que l'on voyait partout l'an dernier, où en sont-elles aujourd'hui ?
Thomas Guénolé : Il n'y a eu que des perdants dans la crise de l'UMP : seule l'ampleur des dommages varie d'une personnalité à l'autre. En effet, quand un parti fait tourner le vote de renouvellement de sa présidence à la bataille de chiffonniers, jusqu'à frôler l'explosion, alors sa crédibilité et celle de ses dirigeants pour gouverner le pays sont remises en question. Ayant conservé de cette crise l'image du tricheur, Jean-François Copé est le plus gravement perdant. Cependant François Fillon, en ne parvenant pas à s'imposer dans le rapport de forces et en finissant, comme souvent, par temporiser et négocier, a ressuscité dans les esprits les interrogations sur son aptitude à être un chef. Alain Juppé, en échouant sèchement dans sa tentative de médiation entre les duellistes, s'est enfermé dans le statut de l'aspirant-arbitre dont aucun compétiteur ne demande l'arbitrage. Et ainsi de suite. Le seul gagnant, finalement est celui qui a veillé, en manifestant ce souhait auprès de ses lieutenants, à ce que François Fillon ne soit pas élu président de l'UMP : il s'agit bien sûr de Nicolas Sarkozy.
Geoffroy Lejeune : Outre Copé, je citerai deux gagnants : Nicolas Sarkozy, à qui le drame de novembre 2012 profite le plus, et les responsables de la Droite forte, Guillaume Peltier et Geoffroy Didier. Parce qu'ils ont su s'octroyer la "légitimité militante", les voilà presque incontournables à droite alors qu'ils ne représentaient personne il y a un an. Les perdants, en revanche, sont légion : Wauquiez, Pecresse, Juppé, Baroin... Aucun d'entre eux n'a tiré profit de cette première année d'opposition pour incarner quelque chose aux yeux de leurs militants d'abord, des Français ensuite.
Marika Mathieu : Le gagnant n’est en tous cas pas Jean-François Copé ! Héritier du titre de « personnalité politique la plus agaçante » de 2012 selon une étude Harris du début de l’année, il est aujourd’hui classé au 37e rang (34% d’opinions favorables) du baromètre Ifop-Paris match, loin derrière Juppé (60%), Sarkozy (45%) ou Fillon (47). S’il faut noter la popularité d’Alain Juppé, toutes les personnalités de l’UMP se révèlent à la baisse. Jean-François Copé, auteur en promotion d’un livre sur la bataille de la Marne, semble cela dit vouloir résister à cette accablante impopularité. Comme Joffre, il s’imagine apparemment en maître de la contre-offensive capable de transformer des records de boue et de sang en ors de la victoire. Sans savoir encore qui seront les soldats sacrifiés ou les chefs éclairés, il nous offre une vision assez effrayante de ce que pourrait être la bataille de l’UMP. Espérons qu’il y aura des survivants.
Pourquoi personne n'arrive encore à s'imposer comme le leader unique et naturel du parti ? Cela prouve-t-il que la crise traversée par le parti il y a un an est avant tout une crise identitaire ?
Thomas Guénolé : Il ne faut ni exagérer artificiellement la gravité de la situation de l'UMP, ni jouer à se faire peur. En réalité, il est parfaitement normal qu'un grand parti de gouvernement, sitôt retourné à l'opposition, soit déchiré par les rivalités entre prétendants à l'Elysée, coteries, et en définitive, derrière ces rapports de forces, par des confrontations entre grands courants d'idées. Le PS a vécu cela, très longuement, très durement et très douloureusement, de 2002 à 2011. Les partis ancêtres du RPR, encore auparavant, avaient vécu des crises plus douloureuses encore de 1997 à 2002. Bref, oui, l'UMP est en crise profonde, mais non, ce n'est ni surprenant ni anormal.
Geoffroy Lejeune : Le parti est avant tout confronté à une situation nouvelle qu'aucun parti, à mon sens, n'aurait su gérer : l'existence d'un grand leader dans l'ombre, contraint au silence, et bien décidé à prendre sa revanche. Le poste de leader est bel et bien gelé, voire "congelé", en attendant de savoir si Sarkozy pourra l'occuper à nouveau.
Marika Mathieu : Au delà de la crise de leadership qui bouleverse l’instinct bonapartiste de la droite, c’est en effet une crise profonde de stratégie et de rassemblement sur une base idéologique commune. La colonne vertébrale du parti a disparu dès les premiers mois de la présidence Sarkozyste et s’est confirmée dans le tournant de l’été 2010.
Les termes de « crise identitaire » soulèvent des questions. Un certain jargon politique, exalté en particulier par le courant de la Droite forte, voudrait faire de « l’identité de droite » le cœur d’un projet commun. Cette expression masque sous la revendication d’une essence commune la nécessité de reconstruire au préalable un projet commun, ce qui n’a plus été le cas depuis l’élection de 2007. Cette « identité de droite » renvoie à un système de défense des « valeurs de droite », donc à un prisme culturel, et prête essentiellement le flanc à la jonction des électorats UMP et FN, du moins dans la bouche du flanc droitier de l’UMP. L’expression est devenue la marotte de ceux qui prêchent le durcissement et s’encombrent au final très peu d’en définir les contours politiques. On pourrait au mieux y voir une sorte d’incantation pour un retour aux sources du RPR.
Donc oui, une crise identitaire encombre l’UMP, du fait même de l’agitation d’un prisme culturel en lieu et place d’un programme politique. « L’identité de la droite », si celle-ci existe, ne serait en rien une solution sur le terrain du chômage, des déficits publics ou de la réforme de l’Etat. C’est une incantation, un slogan pour qu’une famille politique se reconnaisse mais qui insinue également que certains pourraient en être exclus, les centristes par exemple. Ce n’est pas un programme ou même une idée politique, c’est bien le problème.
Quel rôle joue Nicolas Sarkozy ? Son ombre a-t-elle une influence sur la manière dont est dirigé le parti ?
Thomas Guénolé : Nicolas Sarkozy n'a pas quitté la vie politique. Simplement, depuis sa défaite de 2012, au lieu de prendre la parole lui-même, il s'exprime par Brice Hortefeux interposé. Pour résumer, sa stratégie d'annonce de candidature est, pour l'heure, visiblement copiée sur la stratégie de parole rare et de négociations en coulisses mise en oeuvre par Dominique Strauss-Kahn avant la catastrophe du Sofitel. Cette stratégie peut être gagnante. Cependant, si c'est bien celle-là qu'il copie, Nicolas Sarkozy doit garder à l'esprit que "DSK" avait aussi pour pièce maîtresse dans son dispositif une véritable bouilloire à idées pour préparer la campagne : feu Olivier Ferrand, qui, au travers de son think-tank Terra Nova, avait tout à la fois préparé sa future stratégie électorale et son programme politique. À l'heure actuelle, on ne constate pas encore de "bouilloire à idées" équivalente au profit de Nicolas Sarkozy. Or, en 2007, beaucoup l'oublient, mais il fut élu en grande partie sur l'excellent ciblage de segments additionnés de l'électorat grâce à son programme électoral.
Geoffroy Lejeune : Bien sûr. Mais les leaders de l'opposition font, à mon sens, une erreur d'analyse concernant Sarkozy. Ils pensent que son aura n'est due qu'au fait qu'il a été président de la République et qu'elle ne s'explique que par la nostalgie des Français à son égard. C'est en partie vrai. Mais j'ajoute que l'envie de retour de Sarkozy est avant tout née de la frustration de ne l'avoir pas vu appliquer la politique qu'il avait promis durant sa campagne en 2012. N'en déplaise aux observateurs autorisés, cette campagne au peuple inspirée par Patrick Buisson à suscité un vrai espoir au sein du peuple de droite et notamment chez certains électeurs des catégories populaires qui aujourd'hui sont orphelins de toute représentation, méprisés et massacrés par la politique de Hollande. Voilà pourquoi je crois que si un des responsables de l'opposition avait assumé d'enfourcher ce cheval de bataille, Sarkozy serait aujourd'hui hors course.
Marika Mathieu : On ne compte plus les cartes postales envoyées par le l’ancien chef de l’Etat dont les intentions de retour sont désormais évidentes. Toujours favori dans les sondages, même si sa côte est en baisse cette semaine, il est toujours au cœur d‘une ligne de fracture entre ses « amis » et les autres. Les municipales ont l’art de renvoyer chacun dans sa chapelle, mais les primaires ouvriront le champ aux grandes manœuvres pour favoriser ou empêcher son retour.
En dehors de cette lutte pour le pouvoir, c’est toujours à l’inventaire de son quinquennat que se refuse l’UMP. C’est un risque important que le parti prendrait en se remettant entre les mains d’un leader adoré dans son camp mais rejeté sur le plan national. Le Sarkozy qui revient n’est pas nouveau et la bataille de 2017 a peu de chances de garder le rythme d’une comédie musicale. C’est d’ailleurs de cette évidence qu’Alain Juppé, l’ancien condamné, pourrait tirer son ticket pour les primaires. Cette fois dans les habits d’un « vieux sage », plus confortables en hiver.
A l'époque, le parti était divisé entre les partisans d'un durcissement de la ligne politique vers la droite et ceux qui souhaitaient que l'UMP recentre son discours. Cette opposition est-elle toujours d'actualité ? Est-ce qu'un camp a une voix qui porte plus que l'autre ?
Thomas Guénolé : Oui, l'opposition entre ligne Buisson et ligne Guaino, autrement dit entre ligne de lepénisation des idées et ligne de résurgence gaulliste, est toujours d'actualité. A l'heure actuelle, incontestablement, c'est la ligne de lepénisation des idées qui a le vent en poupe à l'UMP. C'est une considérable erreur de stratégie, puisque si la ligne Buisson marchait, alors jamais Marine Le Pen n'aurait frôlé 20% des voix au premier tour de 2012. En 2007, Nicolas Sarkozy avait gagné notamment sur la ligne d'homme providentiel gaulliste façon Guaino : sitôt qu'il s'est engagé une fois président sur la ligne Buisson, le centre-droit s'est de plus en plus abstenu et l'extrême centre s'est mis à voter à gauche, rendant la présidentielle de 2012 ingagnable.
Geoffroy Lejeune : Cette opposition est évidemment d'actualité, et elle le sera tant que la question du leadership n'aura pas été tranchée : imaginez quelle serait la différence entre une campagne présidentielle menée par Juppé et une menée par Copé ! On entend bien plus les humanistes ou centristes de l'UMP dont le discours est proche de ce que les médias bien pensants veulent entendre. Mais, dès que l'on franchit le périphérique, la vérité s'inverse. Voilà pourquoi il serait suicidaire de la part de la droite de renoncer à porter ce discours transgressif souhaité non seulement par une majorité de militants UMP, mais surtout par une majorité d'électeurs de droite.
Marika Mathieu : Faut-il parler de voix, ou de gestes ? Quand les députés de droite refusent ou hésitent à se lever pour soutenir une ministre de la République insultée pour sa couleur de peau, quand le député UMP du Vaucluse Julien Aubert se permet de préciser que "Mme Taubira n'est pas à l'AME, donc ne mélangeons pas les sujets" sans que M. Christian Jacob y trouve matière à commentaire, quelle est alors la voix, ou le geste de l’UMP qui porte le plus ? Dans la confusion des bonnets qui défilent, élus UMP et slogans FN se rencontrent et se mêlent dans une marmite de protestations anarchiques. Si la ligne dure du parti n’est pas encore victorieuse, l’irresponsabilité et la désorganisation actuelle du parti en font le lit. Ce que révélait l’ascension de la Droite forte au sein du parti tenait déjà plus à l’affaissement idéologique du parti, à l’absence de « limites », qu’à la nature réelle de ses propositions, pour la plupart intenables.
On parle beaucoup des personnes qui composent le corps dirigeant de l'UMP, plus rarement de son projet. Quel est le projet de l'UMP aujourd'hui ? Quel est l'impact de l'opposition de l'an dernier dans l'évolution idéologique du parti ?
Thomas Guénolé : A l'heure actuelle, l'UMP n'a pas de projet politique. Elle a juste une cacophonie de personnalités et de chapelles qui font des coups médiatiques en exprimant ponctuellement des propositions programmatiques, assez souvent réduites malheureusement à une simple formule-choc vite dissipée dans l'écume des vagues.
Geoffroy Lejeune : Quand on pose cette question à Jean-François Copé - ce que j'ai fait - il répond que cette responsabilité échoit à Hervé Mariton. Mais même si monsieur Mariton est quelqu'un de respectable, de travailleur et de compétent, le projet de l'UMP importe peu à heure actuelle. Les électeurs vont élire des maires puis des députés européens en 2014, des exécutifs régionaux en 2015, etc. Le moment de vérité arrivera après. C'est celui où il faudra trancher la ligne politique du parti dans la perspective de la présidentielle.
Marika Mathieu : La confrontation pour la présidence du parti a laissé libre court à la dérive des courants. C’était l’enseignement du congrès de l’UMP en 2012, et le constat de désunion sur le fond reste patent à l’heure où Jean-François Copé propose justement de s’atteler à un projet d’alternance pour en exposer les grandes lignes d’ici mi-janvier.
Outre le fait que le président de l'UMP est régulièrement accusé de ne pas assez prendre en compte l’avis du parti avant de s’exprimer (notamment sur le code de nationalité), cette idée de reconstruire un programme a suscité une opposition directe. Laurent Wauquiez en a pris la tête sous couvert de trouver le laps de temps trop court pour une réflexion de qualité. Mais toute idée de programme commun est l’otage des rivalités dans une maison-mère transformée en armée de vaisseaux concurrents. Il ne serait pas étonnant que la majorité des cadres cherchent à bloquer l’initiative de Copé. Laurent Wauquiez n’admet toujours pas sa légitimité à la tête du parti et se rapproche d’Alain Juppé qui s’est de son côté déclaré ouvertement contre la « droite décomplexée », c’est-à-dire contre le manifeste programmatique de M.Copé. Les cadres de l’UMP sont concentrés sur leur propre plan d’ascension pour les prochaines échéances électorales. C’est à se demander si l’UMP ne dure encore que parce que personne ne s’y engage vraiment.
L'implosion du parti qui était annoncée il y a un an au moment de l'élection du président de l'UMP n'a pas eu lieu. Mais il est néanmoins confronté à de grandes difficultés. Quelles sont-elles ?
Thomas Guénolé : Si l'on voulait être cruel, l'on dirait pour résumer que l'Union pour un Mouvement Populaire n'est aujourd'hui ni unie, ni en mouvement, ni populaire. Plus sérieusement, le parti est actuellement sans leadership légitime, sans message-clé ni offre programmatique identifiés par l'électorat, sans cohésion de ses personnalités nationales, et sans choix clair entre deux lignes qui ne sont pas compatibles. Cependant le pire reste encore à venir, en particulier si l'UMP connaît une crise d'appareil de l'envergure de celle des régionales de 1998 en cas d'accords passés au niveau local avec le FN dans l'entre-deux tours des municipales.
Geoffroy Lejeune : Il y a la difficulté financière, qui vient surtout de la baisse de dotation publique après les élections en 2012. Mais pour moi, la principale difficulté reste celle de la ligne politique. Depuis sa création, l'UMP se veut la synthèse de sensibilité allant du centre droit à la droite dure, pour parler vite, autant dire une impossible synthèse. Jean-François Copé va demander à des souverainistes comme Henri Guaino de faire la campagne européenne de monsieur Raffarin, qui veut plus d'intégration européenne ! Tout cela ne tient plus.
Marika Mathieu : Les difficultés sont nombreuses ! Le Canard Enchaîné évoque une dette de 108 millions d’euros pour le parti soi-disant sauvé par le « sarkothon ». Les primaires : 2015 ? 2016 ? Sarkozy : ou Juppé ? Fillon : droit d’inventaire ou scène de rupture avec Sarkozy ? La droite: « complexe » de Jean-Pierre Raffarin ? « Décomplexée » du général Copé et de son artillerie lourde (la Droite forte) ? « A venir mais je ne vous en dit pas plus » des quadras Wauquiez, Baroin, Le Maire, Bertrand ou Kosciusko-Morizet ? Municipales : quelles alliances avec le FN ? Et sans alliance officielle, celle des mots est-elle plus acceptable ? Le centre-droit se reconstruit : deux poids, du lourd ?
Et au milieu de toutes ces difficultés, la plus grande : de plus en plus, les batailles se livrent en dehors du champ politique et s’accélèrent sur le terrain sociétal. Cette crise de représentativité va bien au-delà de celle d’un parti incapable de trouver ses marques dans l’opposition. Pour combler les tranchées qui se creusent, la contre-offensive a intérêt à trouver mieux que des plans partisans ou des réflexes populistes.
Ces difficultés auraient-elles existé sans l'élection controversée de Jean-François Copé l'an dernier ?
Thomas Guénolé : Non. Si Jean-François Copé ou François Fillon avait été légitimement élu président de l'UMP l'an dernier, il aurait les mains libres et les coudées franches pour diriger le parti, aussi bien en termes d'incarnation de l'opposition qu'en termes de gestion de l'appareil, de choix entre ligne Buisson et ligne Guaino, et de définition des grandes orientations du projet politique.
Geoffroy Lejeune : Elle existent parce que l'UMP est un parti construit pour gouverner. Dans l'opposition, ses incohérences se montrent telles qu'elles sont: immenses. Mais y remédier voudrait dire, pour ceux qui tiennent aujourd'hui le parti, de renoncer à l'intérêt que représente la puissante machine électorale qu'est l'UMP. Ils n'en ont ni l'envie, ni le courage.
Marika Mathieu : Oui, c’est un échec inhérent à l’incapacité de l’UMP à devenir ce grand parti d’union du centre et de la droite comme le prévoyait ses statuts d’origine. Quand l’Union n’y est pas, le Mouvement non plus, le populaire ne peut plus être qu’une chimère. Un peu comme « la droite forte ».
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