La Grèce a fait ce qu'elle devait et ce à quoi elle
s'était engagée", martèle le Premier ministre Grec. Pourtant, l'Europe
et le FMI n'ont pas encore débloqué l'aide financière, mettant le pays
en risque de défaut de paiement.
Athènes a sommé mercredi UE et FMI de surmonter leurs divisions face
au risque de défaut de paiement qui pèse sur elle et de déstabilisation
de la zone euro. Le Premier ministre Antonis Samaras,
qui a assumé ces dernières semaines des décisions difficiles face à son
opinion publique, a nettement haussé le ton après l'échec des ministres des Finances de la zone euro et du FMI à s'entendre à Bruxelles sur les modalités de la reprise de l'aide financière à la Grèce, gelée depuis juin.
"Nos partenaires et le FMI ont le devoir de faire ce
qu'ils ont assumé, ce n'est pas seulement l'avenir de notre pays mais la
stabilité de toute la zone euro qui dépend du succès de la conclusion
de cet effort ces prochains jours", a-t-il déclaré, alors que le pays
est au bord de la cessation de paiement. La zone euro,
la Banque centrale européenne et le FMI, réunis depuis 2010 au chevet de
la Grèce au sein d'une "troïka" de prêteurs, ont renvoyé leur décision
sur la reprise des prêts et un règlement du surendettement du pays à une
nouvelle réunion lundi.
Les excuses techniques ne tiennent pas
"Les éventuelles difficultés techniques (...) n'excusent aucun retard
ni insuffisance", alors que la Grèce a de son côté "fait ce qu'elle
devait et à quoi elle s'était engagée", a insisté le Premier ministre.
Il a dans la foulée annoncé qu'il ajournait une visite prévue au Qatar
pour y chercher des investisseurs. Confrontée à une
forte grogne sociale et politique, le gouvernement grec de coalition
"s'attendait au moins à une décision politique en vue du décaissement"
des tranches de prêts gelées depuis juin, a estimé pour l'AFP Costas
Melas, professeur en finance internationale à l'université Pantios
d'Athènes. "Au final, il est fort probable qu'une
solution soit trouvée lundi, permettant à tout le monde de gagner du
temps jusqu'aux élections allemandes, mais cette valse-hésitation
alimente la défiance envers l'UE et laisse les marchés reprendre
l'initiative", a-t-il déploré.
Le principal
allié gouvernemental de M. Samaras, le socialiste Evangélos Vénizélos a
également montré sa frustration. "La zone euro ne peut pas se servir de
la Grèce comme alibi pour justifier son incapacité à gérer la crise
d'une manière déterminée, définitive et visionnaire" a-t-il jugé.
D'ici lundi, le sommet européen, qui réunit les chefs de
gouvernement pourrait bien se retrouver pollué une nouvelle fois par le
dossier grec, estiment les observateurs. Pour débloquer
des tranches de prêts pouvant aller jusqu'à 44 milliards d'euros, les
bailleurs de fonds veulent trouver les moyens de réduire la dette
insoutenable du pays, et de financer la prorogation de deux ans,
jusqu'en 2016, du plan de rigueur et de redressement suivi par Athènes.
Plusieurs solutions à l'étude
De nombreuses solutions sont à l'étude. Outre un abaissement des
taux d'intérêt des prêts déjà consentis à la Grèce, les ministres
examinent la possibilité d'un allongement des durées de remboursement ou
un rachat par le pays d'une partie de sa dette à prix cassé.
Selon M. Melas, l'Allemagne proposerait aussi une nouvelle mise à
contribution des prêteurs privés, qui détiennent encore quelque 62
milliards d'euros de dette grecque après avoir accepté en mars d'en
effacer 107 milliards au prix de lourdes pertes. "Cela
pourrait être un coup de bluff, mais il est certain que Berlin ne
reculera pas" sur son refus d'un effacement des créances grecques par
les prêteurs publics, a-t-il estimé.
Athènes
avait déjà prévenu la semaine dernière que les acrobaties financières
auxquelles elle a dû recourir pour éviter jusque là le défaut avaient
leurs limites. Le pays a ainsi dû lever le 16 novembre
quelque 5 milliards d'euros à très court terme, pour honorer le
remboursement d'une obligation arrivant à maturité. En décembre, il doit
faire face à de nouvelles échéances de quelque 7 milliards d'euros.
Sur l'année 2013, le pays doit rembourser 30,4 milliards
et 25,1 milliards en 2014, indiquait mardi l'agence de presse grecque
ANA.
mercredi 21 novembre 2012
La Grèce craint d'être abandonnée par la zone euro et le FMI
Crédibilité sur les marchés ? Ces taux bas qui enchantent Najat Vallaud Belkacem mais qui s’expliquent surtout par la violence fiscale que la France impose à ses classes moyennes
La ratonne illuminée |
A comme avertissement…
Pas de Moody blues
Les maires au régime Hollande
François Hollande respecte les élus locaux et se garde de les désigner comme des fauteurs de déficits. Cette tonalité, assez nouvelle dans l'enceinte du congrès des maires, aide à concilier l'inconciliable. Surtout quand on y ajoute la promesse d'un statut de l'élu et le respect de la liberté de conscience du maire, s'agissant de la célébration du mariage pour tous. D'un côté, les collectivités locales devront bien réaliser 2,25 milliards d'économies en trois ans, sans doute davantage. Mais François Hollande donne des gages pour que l'effort n'apparaisse pas comme une injonction brutale.
L'État corrigera les effets pervers de la taxe professionnelle réformée par Nicolas Sarkozy. Il réduira les délais d'instruction. Il combattra les normes et les doublons administratifs qui compliquent et renchérissent les projets. Il fera évoluer la solidarité financière au profit des collectivités les plus pauvres.
Il promet, par exemple, d'aider les communes les plus fragiles à s'adapter aux nouveaux rythmes scolaires, qui coûtent en transports, en personnel municipal. Il encourage la création d'une agence de financement qui permettra de se regrouper pour mieux négocier des marchés. Il annonce la mobilisation de 20 milliards pour financer, via la future banque des collectivités, les projets à très long terme.
Un effort collectif mais négocié
Le souci est toujours le même : maîtriser la dépense publique en nuisant le moins possible à l'investissement, si utile à la croissance, sans négliger la dépense sociale, amortisseur de la crise. La méthode aussi : un effort collectif, important, mais négocié, étalé et fondé sur la justice.
Réaliste sur le fond et douce sur la forme, cette méthode sera-t-elle suffisante ? Sous l'oeil impitoyable d'agences de notation qui ne croient pas aux perspectives de croissance retenues par le gouvernement, il semble que non. Sans l'exagérer, le risque subsiste que certains emprunts coûtent demain plus cher.
Face à des collectivités aux abois, est-ce assez ? La récente grève de la faim du maire de Sevran est venue rappeler que l'une des plus grandes injustices, en France, concerne l'inégalité des richesses fiscales. Moins une commune a de recettes et plus elle a de besoins, notamment sociaux. Les vases communicants de la solidarité ¯ la fameuse péréquation ¯ corrigent insuffisamment ces disparités.
Face à des élus confrontés aux revendications locales, est-ce tenable ? Loin du choc des discours entre l'UMP et le PS, on entend, chez les élus locaux de tous bords, un refus largement partagé de passer de la rigueur à l'austérité. Ou le regret de découvrir que la hausse de la TVA, destinée à renflouer les caisses de l'État, accroît la dépense des communes !
Les maires sont des palpeurs de l'opinion. Ils se souviennent aussi de tant d'incantations présidentielles sans effets. À dix-huit mois des municipales, François Hollande joue fin... et gros.
Le PS ne mérite pas non plus le AAA démocratique
Hervé Gattegno souligne que, pendant que les regards étaient fixés sur
le psychodrame de l'UMP, Hollande a discrètement achevé le nouvel
organigramme du PS.
L'attention s'est focalisée depuis dimanche sur l'UMP, où l'élection de Jean-François Copé
continue de faire des vagues. Vous voulez en profiter pour observer
l'autre grand parti, avec un regard non moins critique. Votre parti pris
: le PS ne mérite pas non plus le AAA démocratique... Pourquoi donc ?
Est-ce que ce n'est pas un grand classique de la Ve République, que le parti du président fasse preuve d'une certaine soumission ?
Bien sûr. Simplement, ça ne dispose pas spécialement les socialistes à ricaner des procédés (certes douteux) qui ont cours à l'UMP. Ce que veut François Hollande, c'est contrôler l'appareil pour éviter toute contestation de ses choix politiques au sein du PS. On passe de la logique majoritaire à une logique utilitaire. Ses fidèles (et ceux de Manuel Valls et de Vincent Peillon) occupent les fonctions stratégiques. L'aile gauche du parti (13 % au congrès) est écartée de la direction - Copé n'en fera pas autant à l'UMP. Et l'ex-attachée de presse de François Hollande est bombardée porte-parole du PS - ni Mitterrand ni Sarkozy n'avaient osé !
Est-ce que ça suffira à faire taire les critiques à l'intérieur du PS ? Sur l'objectif des 3 % de déficit, sur le cumul des mandats, on a déjà entendu des protestations...
Il y a des réticences, des résistances même. Sur trois fronts : l'aile gauche peste contre le rapport Gallois et le virage social-libéral ; les sénateurs PS sont en rébellion contre le projet d'interdiction du cumul des mandats ; les grands élus de province veulent résister aux économies que le gouvernement leur impose pour réduire les déficits - François Hollande leur a lâché du lest hier sur la réforme des rythmes scolaires, qui sera étalée pour coûter moins cher aux communes. Ce n'est pas la "fracture politique et morale" que dénonce François Fillon à l'UMP, mais pas la douce harmonie non plus.
En tout cas, si on ajoute les tensions répétées avec les Verts et le Front de gauche, tout cela ne fait pas une majorité très unie...
Certes non, mais François Hollande a prévenu, dans sa conférence de presse de la semaine dernière, qu'il pourrait se passer d'alliés pour gouverner. Ce n'est pas tout à fait vrai, parce que le PS n'a pas, à lui seul, la majorité au Sénat (on l'a vu plusieurs fois ces derniers jours). Et ça ne veut pas dire que, à l'avenir, il ne réfléchira pas à des accords avec les centristes. Mais ça ne fait que renforcer sa volonté de contrôler le PS. Martine Aubry a laissé un parti à peu près en ordre. François Hollande aimerait mieux un parti aux ordres.
Quelques bienfaits de la mondialisation
Faut-il avoir peur de la mondialisation ? Non car elle est bénéfique pour tous les peuples, y compris pour les Français.
La mondialisation, qui est en vérité accélération de l’histoire,
raccourcissement des distances, affaiblissement des frontières et
victoire sur le populisme, a sorti de la misère un milliard d’êtres
humains en une seule génération. Et pourtant, nos concitoyens ont peur
des nouvelles dispositions de l’échiquier mondial, ne se font pas
suffisamment confiance, ne sont pas assez mobiles et attendent de l’État
de les protéger.
Certains hommes politiques jouent sur ces peurs et proposent aux
Français de sortir de la mondialisation, ou encore de « voter pour la
démondialisation » [1], comme si une telle option était faisable et envisageable. D’autres encore osent parler de la décroissance [2] dans un contexte de chômage structurel où seule une croissance durable serait capable de créer des emplois supplémentaires.
La mondialisation est surtout irréversible et les frontières ne pourront plus jamais être hermétiquement fermées pour « protéger » les économies nationales. Tant mieux, car les pays les plus prospères sont ceux qui ont le plus libéralisé leur économie [4]. Le monde est tel qu’il est et non tel que nous voudrions qu’il soit ; il faut accepter ces changements et vivre dans son temps, à moins d’accepter d’être déclassé.
Les crises cycliques sont naturelles dans le capitalisme car la « création destructrice », expliquée par Joseph Schumpeter, fait que toute innovation remplace les secteurs peu performants et désuets. Ainsi, les ordinateurs ont remplacé les machines à écrire et les emplois des anciennes secrétaires se sont modernisés et bonifiés, à tel point qu’elles sont promues en assistantes et perçoivent un bien meilleur salaire. À mesure que le progrès technologique avance, plus d’emplois sont créés dans les secteurs de services qui se situent en haut de la pyramide de Maslow car les nouveaux besoins sont continuellement créés.
La libéralisation de la finance a permis la circulation des capitaux et facilité le commerce international. L’innovation financière a permis une immense création de richesse et démocratisé les services financiers autrefois réservés aux plus aisés. Aujourd’hui, grâce à certains produits dérivés, on peut couvrir les risques de fluctuation des taux de change ou des prix des matières premières, ou encore du non remboursement d’une créance quelconque. Une entreprise peut fixer le prix des matières premières à une échéance en souscrivant « les contrats à terme », simplifier sa comptabilité et éviter les problèmes de trésorerie.
L’objectif principal de la création des titres hypothécaires (i.e. les « subprimes ») a été le partage et la diminution du risque, mais les commerciaux trop optimistes ont surestimé la capacité de remboursement des emprunteurs américains et il y a eu un crash immobilier. Les emprunteurs, quant à eux, pas suffisamment informés ou conseillés, n’ont pas eu l’idée de renégocier leur prêt et passer à un taux fixe, ou encore de sous-louer une chambre de leur maison pour pouvoir rembourser leurs mensualités. Toujours bénéfique, chaque innovation peut parfois entraîner les accidents de parcours ; Thomas Edison a effectué plus de neuf mille expérimentations avant de produire une ampoule qui marchait. La prochaine fois, nous ferons mieux, mais le principe de l’innovation financière ne sera pas abandonné.
Et pourtant, la finance est aujourd’hui diabolisée, contestée par les mouvements tels que les Indignés ou Occupy Wall Street et devenue un sujet des campagnes électorales. La finance est le cœur de l’économie et son rôle est de faire vivre les entreprises, permettre les échanges et sécuriser les dépôts. À moins de revenir au troc, les banques sont indispensables dans la société moderne. C’est pour cette raison que les gouvernements les ont aidées lors de la crise des subprimes, afin de protéger l’économie. Mais cette aide ponctuelle apportée aux banques n’est pas responsable de l’aggravation de la dette souveraine française : en seulement quelques mois, toutes les banques françaises ont remboursé l’État avec intérêts [5].
Faut-il avoir peur de la mondialisation ? Certes, elle dilue les identités ethniques et rend difficile la survie des théories nationalistes reposant sur les inégalités – reconnues par l’État-nation – entre les minorités et les privilégiés de naissance par la « bonne » appartenance ethnique ou raciale. Cela fait parti de ses avantages. Mais elle n’est pas une menace pour la langue française, car l’apprentissage des langues étrangères ne diminue en rien la capacité de parler la sienne. Dans tous les pays du nord de l’Europe, les citoyens parlent anglais car ils regardent les films en version originale sous-titrée. Chez nous, le Conseil supérieur d’audiovisuel explique sur son site que sa mission est de « veiller à la défense et à l’illustration de la langue française » dans la communication audiovisuelle. Et si nos PME n’arrivaient pas à exporter car ses commerciaux ne parlent pas bien anglais ?
Les technologies de l’information et l’Internet participatif ont apporté la démocratie au monde entier, à tel point que le nombre de dictatures décroît chaque année. Ils ont également mis les savoirs à la portée de tous, entre les bibliothèques en ligne et les cours gratuits proposés par les fondations comme Khan Academy pour la plupart des matières. Il existe même une fondation qui offre les ordinateurs portables à 100$ aux enfants des pays en développement, One Laptop per Child (OLPC).
La France a beaucoup d’atouts et pourrait devenir très concurrentielle sur l’échiquier mondial. Mais notre grand défaut, c’est le manque d’autonomie et de confiance en soi, car nous attendons que l’État s’occupe de nos besoins comme si nous étions mineurs. Nous le laissons gérer notre santé, notre éducation, ou encore nos entreprises les plus stratégiques. Bientôt nous demanderons à l’État de nous trouver un conjoint, nous irons déposer un dossier comme pour un logement social et attendrons notre tour.
Nous devons sortir de cette torpeur et redevenir optimistes, autonomes et adultes. Nous devons cesser de répéter que nous sommes pauvres, c’est indécent – les vrais pauvres, eux, vivent avec 1$ par jour. Nous devons saisir la chance que nous offre la mondialisation, en n’oubliant jamais à quel point nous sommes bénis.
Notes :
- Arnaud Montebourg, Votez pour la démondialisation !, Flammarion, Paris, 2011. Jacques Sapir, La Démondialisation, Paris, Le Seuil, 2011. ↩
- Serge Latouche, Le Pari de la décroissance, Fayard, 2006. Paul Ariès, Décroissance & gratuité, Golias, 2010. ↩
- Matt Ridley, 17 reasons to be cheerful. ↩
- The Heritage Foundation, 2012 Index of Economic Freedom. ↩
- Julie de la Brosse, « L'aide de l’État aux banques a été gagnant-gagnant pour tout le monde », L’Expansion, 14 octobre 2009. ↩
Les élites refusent de voir la réalité en face
Accusée de se voiler la face depuis le début de la crise, la
France vient d’être dégradée par Moody’s et devient ainsi le nouveau
malade préoccupant l’Europe. Mais les élites politiques parisiennes
persistent à fermer les yeux, affirme un écrivain berlinois dans les
colonnes du quotidien conservateur die Welt.
En attendant, au vu de la compétitivité constamment en berne et de la dette publique astronomique de la France (qui se monte désormais à 90% de son PIB), une question se pose : avons-nous ici affaire à un aveuglement naïf généralisé – ou à ce qui est peut-être la dernière victoire à la Pyrrhus d’un art bien français qui consiste à créer des écrans de fumée ?
Comment se fait-il que personne n’y ait regardé de plus près ? Louis Gallois, ancien président d’EADS, en a involontairement donné voilà deux semaines une explication indirecte, en délivrant un jugement impitoyable sur l’économie française et en appelant à des réformes draconiennes. Un "choc de confiance" est de mise, a poétisé l’homme qui fit jadis carrière à la faveur de lucratifs contrats publics. Ses trémolos sur la crise sonnaient une fois de plus comme un mélange de bolchévisme et d’élégance toc, ce qui est exactement le rayon d’Arnaud Montebourg, pourfendeur déclaré de la mondialisation et "ministre du Redressement productif" de son état.
Microcosme parisien
"Le style, c’est l’homme", écrivit un jour Madame de Staël. La société française donne l’impression d’être resté bloquée en mode "babillage". Le couple de Nicolas Sarkozy intéressait davantage, pendant les cinq années de son mandat, que son mépris sans fard à l’endroit de la répartition démocratique des pouvoirs, ou que le détournement scandaleux des services secrets pour surveiller les derniers journalistes critiques du pays (en France, les médias Web et papier sont subventionnés à coups de millions – d’où certains tabous prévisibles).Mais un article, fût-il réalisé par des membres du microcosme parisien, doit respecter des frontières clairement tracées. S’il en avait été autrement, on aurait peut-être pu faire remarquer que, malgré le chômage de masse, Monsieur Montebourg* était avant toute chose soucieux d’installer sa ravissante épouse dans le fauteuil de directrice des Inrocks, le légendaire magazine musical. En outre, on aurait pu rappeler à Laurent Fabius, l’actuel ministre des Affaires étrangères, son passé de Premier ministre de François Mitterrand : à l’époque, trois mille Français se sont vu injecter du sang contaminé en toute connaissance de cause dans les centres de transfusion sanguine ; si Laurent Fabius et ses ministres ont été blanchis par la suite par une justice qui n’était indépendante qu’en partie, de très nombreuses victimes sont mortes depuis.
Nul besoin d’être un anglo-saxon* honnissant l’Etat (l’insulte est plus grave dans la France d’aujourd’hui que l’épithète "boche" autrefois réservée aux Allemands) pour voir le potentiel explosif de ce refoulement conjugué du présent et du passé et pour voir dans la persistance de dirigeants aussi élitistes qu’incompétents un facteur déterminant de la crise.
Les vraies options ne sont pas légion. Il n’y a en France ni social-démocratie, ni démocratie chrétienne, si bien que la gauche et la droite sont unies surtout par leur goût de l’étatisme, par leur minimisation des initiatives privées de la classe moyenne et par un protectionnisme prôné de tous bords, qui s’appuie sans vergogne sur le discours anticapitaliste de "l’égalité toujours*". Pendant ce temps, les exportations françaises reculent, le chômage explose, l’antisémitisme des musulmans fait des ravages en banlieue, la sécurité sociale est au bord du gouffre et l’Etat est menacé de faillite.
Une place en béton dans l'administration
Où se cachent les essayistes français censés régler leurs comptes avec la dérive quasi-communiste de leur pays ? Où sont les politologues censés nous renvoyer à la séparation des pouvoirs chère à Montesquieu, et examiner en profondeur les tissus de relations nouées entre les institutions ?Il faut que ce soit précisément le pays qui a connu l’année 1968 la plus troublée qui soit, de toutes les sociétés d’Europe occidentales, restée la plus autoritaire. Encore aujourd’hui, l’immense majorité des jeunes disent vouloir devenir "fonctionnaires*", une place en béton dans un appareil administratif qu’ils haïssent autant qu’ils chérissent ! Pendant ce temps, les cinémas continuent de donner des comédies sentimentales tout à fait dans l’esprit du grand succès que fut Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain : le retour rêvé à l’hortus conclusus, au paradis gaulois où le beaujolais est toujours fameux et où la baguette* elle-même est subventionnée…
* en français dans le texte