mercredi 20 août 2014
Le prix de la confiance
Le prix de la confiance
Les Français sont devenus de tristes écureuils. La Banque de France nous apprend qu’ils épargnent 16 % de leurs revenus, un niveau très élevé, jamais vu depuis cinq ans. Les entreprises de l’Hexagone, elles, ont rarement distribué autant de dividendes : 40,7 milliards de dollars au 2e trimestre, selon la société de gestion d’actifs Henderson. Si les Français épargnent, c’est qu’ils consomment peu ; si les entreprises rémunèrent mieux leurs actionnaires, c’est qu’elles ont arrêté d’investir. Ces deux pannes, dramatiques pour la croissance, ont une même explication : l’absence de confiance. Les consommateurs, comme les entrepreneurs, n’attendent rien de bon de l’avenir.
On les comprend. On chercherait en vain dans l’interview de rentrée du président de la République, publiée dans Le Monde du 21 août, de quoi leur redonner l’envie de dépenser. La vraie-fausse baisse des impôts consiste à donner d’une main une fraction de ce qu’on reprend de l’autre. La relance du bâtiment équivaut à reconstruire péniblement ce que la loi Duflot a détruit en début d’année. Les invocations à investir plus méconnaissent les réalités de l’entreprise, François Hollande soulignant lui-même que les marges de l’industrie sont au plus bas depuis trente ans. Quant à sa volonté affichée d’accélérer les réformes, elle ne demande qu’à être traduite dans les faits. Depuis 2012, les Français se sont vu promettre l’inversion de la courbe du chômage, la reprise économique et la maîtrise des déficits publics ; leur scepticisme est fondé. La crédibilité de la parole présidentielle est l’une des principales victimes de la première partie du quinquennat. « La confiance ne se décrète pas, elle se mérite, elle se vit » a écrit Charles de Gaulle. Et son absence a un prix.
Arnaud Montebourg devrait s’occuper de trompettes
Arnaud Montebourg devrait s’occuper de trompettes
Pour Arnaud le Frétillant, ce n’est pas tous les jours simple de s’occuper à la fois des économies de la France et de son redressement productif. D’abord, des économies, le pays n’en a pas ce qui oblige son copain Michel, le Rameur des Finances, à ramer encore plus fort. Ensuite, pour ce qui est du Redressement, le pauvre Arnaud n’a pas franchement fait preuve, ces derniers temps, de beaucoup de vigueur. Cela ne se redresse pas des masses, dirait-on. Mais tout espoir n’est pas perdu !
Eh oui, Arnaud, mon petit Arnaud, j’ai une bonne nouvelle pour toi ! On a trouvé un dossier parfaitement adapté à tes compétences, et tu vas enfin pouvoir exhiber un exemple taillé sur mesure d’entreprise sauvé par tes bons soins. En plus, le cas est vraiment très simple et ne méritera pas d’y passer des heures de ton emploi du temps qu’on sait déjà fort chargé, notamment sur le pilotage discret mais précis et ô combien efficace de toutes ces entités administratives d’investissement qui, tous les jours, redressent le cap de la France à grands coups de pelle dans la nuque volants nerveux.
En plus, cette entreprise est un fleuron de l’entreprise artisanale proche de ses clients, à mi-chemin entre la grosse entreprise qui tutoie les plus grands services de l’État, et la gentille boutique de quartier qui sait fournir un service après-vente irréprochable, du conseil à la clientèle, le tout patiné par l’âge, l’expérience et cette proximité qui sent bon le vivrensemble républicain. De cette entreprise, pourtant en difficulté, on sait à la fois pourquoi elle n’arrive plus à boucler ses fins de mois, et à la fois comment résoudre ses problèmes.
Cette entreprise, c’est Cuivres et Bois. C’est un magasin spécialisé dans les instruments de musique et en particulier, comme son nom l’indique, dans les cuivres et les bois. Fondé par d’anciens élèves de conservatoires et des musiciens sans cesse à la recherche d’instruments de musique de qualité, ce commerce est dirigé par des gens conscients que seule une manufacture artisanale répond à une haute qualité de fabrication, et la fiabilité, l’originalité et l’élégance qui permettent au musicien de ne faire qu’un avec son instrument. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est eux-mêmes, et on est prêt à les croire, d’autant plus qu’ils n’ont pas hésité, pour le prouver, à passer moult contrats avec l’armée française.
Eh oui : en plus d’armes sophistiquées (comme des Mirages par exemple), l’armée française entretient aux frais du contribuable une troupe de fins musiciens qui se chargent d’emporter les troupes sous les flonflons rythmés de nos hymnes les plus chaloupés. Et pour ces musiciens, il faut, bien sûr, le meilleur, qu’on trouve – notamment – dans cette charmante boutique, qui livre depuis quatre ans de nombreux instruments (400) au ministère de la Défense. Sur les trois dernières années, ce sont de multiples trompettes de Cuivres et Bois qui sont allés retrouver les troupes tintinnabulantes de France.
Mais voilà, il y a un hic : les dettes s’accumulent. Selon le dirigeant de l’entreprise musicale, l’État lui devrait 381 000 euros. Entre les contentieux divers et variés et les délais de paiements qui s’allongent dangereusement, l’entreprise est maintenant au bord de la faillite pure et simple.
L’armée aura beau jeu d’exhiber quelques cas, forts suspects, de livraisons incomplètes — l’article de Médiapart relate ainsi le cas d’un lot de trois trompettes, à 2500€ pièce, dont le poids n’a pas varié entre son départ et sa livraison acceptée à Bordeaux-Mérignac, mais dont l’armée déclare pourtant qu’il ne contenait que deux éléments sur les trois attendus. Pour Pierre Vicogne, le commerçant, il y a clairement de l’abus de la part de l’armée :
« Le client doit vérifier la quantité reçue le jour de la livraison, puis a un délai de sept jours pour signaler un problème sur la qualité du matériel. Ces délais-là, l’armée ne les respecte jamais. »
Réclamant le retour de l’étui déclaré vide, Vicogne attend depuis deux ans, en vain. Des litiges s’amoncellent ainsi entre lui et l’armée à hauteur de 50.000 euros. Pire : à chaque contentieux, l’armée refuse de payer le moindre euro de la commande, impose un délai et une nouvelle facturation. C’est cette accumulation de problèmes qui aboutit à la coquette somme de 370.000 euros d’impayés par l’armée. Et avec ces impayés grandissant, les créanciers de la petite entreprise se montrent de plus en plus intraitables. Au point, bien sûr, que Bercy s’en mêle et menace d’un contrôle fiscal le commerçant fragilisé.
Et voilà, Arnaud, le moment précis et subtil où tu peux entrer en scène, drapé de ta cape bleu, blanc, rouge, de ta marinière et de ta frétillance communicative. Parce qu’après tout, Bercy, c’est ton domaine, non ? Il ne devrait pas être hors de tes cordes de recontacter ton copain Michel et de lui demander de faire un petit geste pour cette entreprise, par exemple en lui épargnant un contrôle fiscal qui ne manquera pas de l’envoyer directement au casse-pipe, non ?
Et puis, c’est aussi de ton ressort de sauver les entreprises en difficultés, celles qui manquent de trésorerie, qui représentent un vrai savoir-faire national et ont de bonnes perspectives d’avenir. Après tout, Arnaud, c’est bien toi qui fanfaronne sur les ondes que tu as sauvé des milliers d’emplois, non ? Eh bien voilà pour toi l’occasion d’en sauver encore tout un paquet ! D’autant que le problème est simple : il s’agit d’un unique mauvais payeur. Là encore, on sent que c’est dans tes cordes, et que ta capacité de concentration sur le dossier ne sera pas trop mise à l’épreuve. Mieux, le créancier, tu le connais comme le fond de ta poche, c’est l’État ! Et mieux encore, c’est un socialiste, comme toi, Jean-Yves Le Drian, qui dirige le ministère incriminé, celui de la Défense. Nul doute que tu vas pouvoir le recontacter très vite (il doit y avoir des lignes directes de ton bureau au sien, j’en suis sûr). Allez, Arnaud, toi le ministre de choc : sois chic, fais un chèque !
Et puis tant que tu y es, regarde un peu le compte des autres commerçants en contrat avec l’État en général et l’armée en particulier. Il semblerait que ce soit un peu la panique actuellement, du côté des paiements, et le nombre des entreprises qui sont en contentieux avec l’État n’est pas mince : d’après Anne Grommerch, député de Moselle, dans un rapport à l’Assemblée Nationale de juin 2013, près de 3600 PME auraient constaté des retards de paiements.
Et comme on sait bien que, si le fournisseur carafe, le client peut discrètement garder son chèque, qu’il y a plusieurs milliers de fournisseurs pour l’armée et que cette dernière n’est actuellement pas très en fonds, on se demande si tout ceci ne serait pas une tactique délibérée pour éviter de payer les factures, et tant pis pour l’emploi. Rooh. Ce serait très mal, ça. Voilà qui ne serait absolument pas compatible avec ton Redressement Productif, mon brave Arnaud.
Alors, Arnaud, c’est le moment d’agir. Les contribuables et des milliers de salariés et d’employeurs français comptent sur toi.
Nadine à la plage
Nadine à la plage
Sans doute s'ennuyait-elle dans la torpeur estivale et devant l'endormissement idéologique de son parti. Alors, Nadine Morano, la Madame Sans- Gêne sarkozyste, s'est fendue, à sa manière, d'une carte postale vacancière. Sur ses comptes Twitter et Facebook, elle a livré un billet d'humeur, accompagnant la photo d'une femme voilée restant sur une plage pendant que son compagnon en maillot de bain allait se baigner. Nadine Morano, dont on ne savait pas la fibre féministe aussi développée, s'est indignée devant « cette défiance envers la femme » et cette atteinte à notre culture de l'égalité homme-femme, invitant ceux qui ne la respectent pas à « aller ailleurs ». Effet garanti
L'incorrigible pipelette a soulevé, de la façon la plus désinvolte et sommaire, une question (intégration ou assimilation) méritant d'être abordée beaucoup plus sérieusement. Que savait-elle en effet de ce couple ? S'agissait-il, pour elle, de défendre les droits de la femme ou de condamner une religion ? Était-il bien opportun, en ces temps troubles, d'agiter, par amalgame, le voile d'un islamisme radical ?
Avec ses gros sabots, Nadine Morano a engendré le trouble, au point d'obtenir le soutien paradoxal d'Harlem Désir et de provoquer le « lâchage » de Valérie Pécresse. Et l'on ne parle pas du silence gêné de la triplette dirigeante de l'UMP. Alors que la loi française n'interdit aucunement à une femme, au visage non dissimulé, de porter le voile sur une plage, Nadine Morano a relancé de façon malsaine la polémique. Ce n'est pas ainsi que doit être conduit le débat.
Car on ne niera pas qu'existe une surenchère de revendications de groupes islamistes. S'y ajoute une banalisation du port du voile, même s'il ne répond pas toujours à des motifs religieux. Certaines femmes le portent par conviction. D'autres par soumission, mode, convention ou provocation. À cela, il convient de répondre par l'éducation et non la stigmatisation. Mais aussi, au-delà de toute récupération politique, par un arsenal législatif garantissant à notre laïcité d'être bien plus qu'un fragile château de sable.
Rentrée sinistrée
Rentrée sinistrée
?Le professeur Hollande appréhende beaucoup cette rentrée politico-sociale, dont la date se rapproche inexorablement et où il craint d’être fortement chahuté. Y compris dans son propre camp. Voici venu le temps des échéances, et celles-ci sont lourdes. Et plus question d’entourloupes verbales pour faire passer la pilule. Même les électeurs de gauche ne croient plus au discours du président de la République et à son sempiternel : « Ça ira mieux demain ! » L’hypnotiseur a perdu son fluide : il n’endort plus personne. Les lendemains hollandais ne chantent plus : ils crissent, grincent et gémissent ! L’inverseur de la courbe du chômage a pris celle-ci, tel un ressort trop tendu, en pleine figure. Le « réenchanteur » proclamé du « rêve français » a transformé celui-ci en cauchemar.
Chômage, fiscalité, professions réglementées, réforme territoriale, rythmes scolaires, autant de dossiers hautement inflammables. Sans oublier celui de la GPA. La Manif pour tous, comme le savent nos lecteurs, appelle à la mobilisation le 5 octobre prochain. De son côté, l’extrême gauche va sans doute appeler à descendre dans la rue, avec l’espoir d’amalgamer les mécontentements. Mais, pour l’instant, la GPA divise le PS. Jacques Delors, Jospin et son épouse, Sylviane Agacinski, soutenus par une soixantaine de personnalités du PS, « enjoignent » à François Hollande « de s’opposer publiquement à l’admission par le droit des contrats de mères porteuses », afin de « ne pas voir se constituer un marché des bébés ». Quitte à s’opposer frontalement à la Cour européenne des droits de l’homme… Qu’ils rejoignent donc la Manif pour tous !
Duflot, Montebourg, Aubry…
Dans ce contexte tempétueux, Le Monde identifiait mardi trois personnalités du PS « susceptibles » de mener une guérilla interne et de surfer, à l’intérieur de la gauche, sur ces vagues de mécontentement s’apprêtant à déferler : Cécile Duflot, Arnaud Montebourg et Martine Aubry.
Duflot ? L’ex-ministre démissionnaire sortira lundi prochain, aux éditions Fayard, un livre sur son expérience gouvernementale : Voyage au pays de la désillusion. Mais n’est-elle pas elle-même une grosse désillusion pour les adhérents et électeurs d’EE-LV ? Son passage au ministère du Logement constitue un tel ratage – elle apparaît aujourd’hui comme une sorte d’Attila de l’immobilier – que son discrédit l’empêchera de jouer un rôle de leader dans une contestation anti-Hollande au sein de l’actuelle majorité. Très peu probable de voir, à côté des bonnets rouges, émerger un mouvement de bonnets verts avec Cécile Duflot comme égérie.
Montebourg ? Son sondage à 10% du début août semble lui avoir – momentanément ? – cassé la voix. Et douché quelque peu ses ambitions…
Aubry ? Les sarcasmes qu’elle a lancés ces dernières semaines contre la politique du gouvernement ressemblent à des galops d’essai. Et puis, pas question pour elle de laisser sans réagir sa région du Nord-Pas-de-Calais fusionner avec la Picardie. « C’est une aberration économique et sociale. On est en train de faire du Monopoly, de jouer à Sim City sans demander l’avis des élus concernés. » Et surtout, Martine Aubry voit dans la fusion de ces deux régions l’ombre menaçante du Front national. Celui-ci, lors des européennes de juin dernier, est arrivé à 35% dans le Nord-Pas-de-Calais, et il a rassemblé plus de 38% en Picardie. En cas de mariage des deux régions, le parti de Marine Le Pen serait en position, l’année prochaine, d’emporter cette méga-région. Martine Aubry en a des sueurs froides… Si, à la faveur d’une contestation à gauche de la réforme territoriale en chantier, elle prenait la tête des frondeurs, elle pourrait certainement, dans ce climat de grandes turbulences, entraîner derrière elle des déçus de Hollandisme et des anti-Valls. Cela fait pas mal de monde. Mais pour aller où ? Pêcher à la ligne au bord du Rubicon qu’elle n’aura sans doute jamais l’audace de franchir ?
Il y a un quatrième larron, que Le Monde ne cite pas et qui pourtant existe, et même un plus que les autres puisqu’il détient sur eux l’avantage de diriger le PS : Jean-Christophe Cambadélis.
A la conquête du pouvoir
L’ancien agitateur trotskiste (du courant lambertiste, le plus dur), spécialiste en intrigues politiques de tous genres, pourrait bien être tenté, en cas de tourmente, de jouer les premiers rôles. « Conquérir le pouvoir, c’est ce qu’il sait faire de mieux. » A 63 ans, si l’occasion se présente, Cambadélis ne manquera pas de la saisir, elle qui lui permettra de prendre sa revanche sur ses déboires passés : ses ennuis judiciaires (emplois fictifs de la MNEF) l’ont empêché, en 1997, d’être nommé à la tête du PS. Et si, en 2011, Strauss-Kahn n’avait pas trébuché sur la moquette du Sofitel new yorkais, l’actuel premier secrétaire du PS aurait eu de bonnes chances d’être son Premier ministre. Il peut de nouveau, en cas de grand chambardement, entrevoir Matignon… Cette fois dans le sillage d’un autre strauss-kahnien : Manuel Valls, si celui-ci parvenait à l’Elysée. Ce serait la revanche de DSK. L’objectif est, certes, loin d’être atteint, mais rien n’empêche les deux compères d’y travailler. C’est ce que redoute François Hollande.
Pour ce dernier, il s’agit en quelque sorte, lors de cette reprise de la vie politique, de réussir ce que les footballeurs appellent : une rentrée en touche. Sauf que François Hollande ne sait plus très bien dans quelle direction et vers qui envoyer le ballon…
Inscription à :
Articles (Atom)