mercredi 3 septembre 2014
Le bla-bla du ministre
C'est sans doute parce que François Rebsamem supporte mal d'être le ministre du chômage, plutôt que celui du travail, qu'il a avancé hier une très imprudente idée. Il entend demander à Pôle Emploi de renforcer ses contrôles pour faire la chasse aux faux chômeurs et, éventuellement, les sanctionner. S'il s'agissait d'ajouter la colère des syndicats à la grogne des frondeurs, François Rebsamem ne pouvait pas mieux s'y prendre. Le sujet est trop grave pour qu'on moque un gouvernement qui, à défaut d'inverser la courbe du chômage, a spectaculairement retourné sa veste sociale. Lorsqu'elle était dans l'opposition, la gauche n'avait pas de mots assez durs pour condamner les velléités d'une droite sarkozyste s'en prenant aux plus faibles.
On pourrait, certes, se féliciter d'un retour du PS au réalisme s'il n'y avait dans la méthode retenue par François Rebsamem cette fâcheuse propension au bavardage intempestif. Pourquoi, à l'approche de rendez-vous décisifs avec les partenaires sociaux sur la réforme du Code du travail et la déréglementation du travail du dimanche, avoir dégoupillé au débotté cette grenade ? Pas étonnant que les syndicats aient dénoncé une stigmatisation. La chasse aux faux chômeurs ne saurait constituer la réponse au vrai chômage.
Tant de maladresses de communication, là ou sur les 35 heures, condamnent le gouvernement à d'incessants rétropédalages et pervertissent le débat pourtant nécessaire. Car il y a bien un problème de fraude au chômage, comme il y a des fraudes sociales, fiscales et autres. Sauf qu'on pourrait attendre de l'État qu'il s'y attaque sans besoin de le claironner.
La dramatique progression du chômage, avec ses incidences financières, ne sera pas résolue par la chasse aux resquilleurs. C'est notre régime d'indemnisation qu'il convient d'aménager. Les conditions d'ouverture des droits, la durée des indemnisations et leur plafonnement favorisant les hautes rémunérations, sont parmi les plus élevés en Europe. François Rebsamem a, hélas, abordé le problème par le petit bout de la lorgnette. Du pur bla-bla !
L’incroyable provoc christianophobe de Benjamin Biolay
Chuuuut ! Surtout ne manifestez pas votre indignation devant le martyre des chrétiens d’Orient. Ne vous dites pas horrifiés par la décapitation filmée de ce malheureux James Foley. Ne parlez pas non plus de ces centaines de Yazidis enterrés vivants par les barbares islamistes de l’EI… Sans quoi, Benjamin Biolay, artiste autoproclamé et grand ami du locataire de l’Elysée, vous dira, comme il l’a fait récemment avec ses abonnés twitter, que « vous êtes juste pathologiquement islamophobes ».
Militant socialiste
Bien sûr, on savait depuis longtemps déjà que l’idole des bobos parisiens était un gauchiste pur jus. Celui qui déclarait au JDD, en décembre 2010, « je serais content que mon fils parle “rebeu” », avait même jugé indispensable de nous expliquer, lors de la primaire socialiste de 2012, pourquoi « en tant que citoyen et militant socialiste », il apportait son soutien à Hollande et voterait pour lui à la présidentielle. Chose dont tout le monde se fichait éperdument… On se souvient bien entendu de son consternant Vol noir, minable plagiat par un caniche du système d’un monument écrit par deux authentiques résistants, mis en ligne au lendemain des dernières élections municipales pour dénoncer la poussée historique du FN. Mais, au fond, tout cela pouvait presque paraître « normal », et même banal, de la part d’un individu désireux de faire carrière dans un show-biz entièrement aux mains de la gauche.
Ce qui l’est moins, en revanche, ce sont les propos intolérables qu’il a tenus fin août sur son compte twitter. Voyant le fameux « noun » apparaître sur plusieurs messages qui lui étaient adressés, Biolay a demandé à ses abonnés ce que signifiait ce symbole de solidarité avec les chrétiens d’Irak. Une fois instruit, le chanteur déclara alors : « C’est juste une mode… Comme le pathétique ice bucket challenge. » Une réponse qui allait, à juste titre, scandaliser ses abonnés, l’un d’entre eux lui répondant même : « “une mode” ? On parle de gens qui se font massacrer, pas d’une mode ou fantaisie. Renseigne-toi un minimum. #inculte. » Allait s’ensuivre un échange animé, au terme duquel Biolay devait publier ce tweet : « La vérité c’est que vous en moquez comme d’une guigne des chrétiens d’Irak. Vous êtes juste pathologiquement islamophobe en autre » (fautes d’orthographe incluses).
Des « islamophobes » partout
« Islamophobie », le fait de dénoncer le massacre systématique des chrétiens d’Irak par des musulmans ? « Islamophobie », celui de s’insurger contre les innombrables abominations commises par les musulmans de l’EI, d’Al-Qaïda et autres Boko Haram ? Evidemment, non. Même s’il serait plus que temps, pour beaucoup, de s’interroger sur la nature profonde de cette religion qui appelle ouvertement à éliminer les infidèles.
Au passage, on appréciera d’ailleurs l’utilisation récurrente du mot « pathologique » par Biolay pour qualifier tous ceux qui ne partagent pas ses vues. Dans son Vol noir déjà, il dénonçait les « pathologiques menteurs professionnels »… Comme le faisait le régime soviétique avec ses opposants, avant de les enfermer dans des hôpitaux psychiatriques.
La vie dans la mort
La vie dans la mort
A scruter chaque jour les nouvelles du monde, on est souvent effaré par ce qu’il est capable d’inventer. Témoin la dernière « mode » en Corée du sud à laquelle ont déjà succombé des dizaines de milliers de Coréens. Là-bas, où l’imagination n’est pas bridée, de fausses funérailles sont organisées pour, parait-il, redonner goût à la vie. Le candidat exprime ses dernières volontés, puis s’allonge dans un cercueil aussitôt cloué et refermé. Il y reste une dizaine de minutes. A la suite de quoi, ayant donc connu l’horreur de la mort, il retrouverait l’amour de la vie. La Corée en tout cas y croit. Au point que des sociétés offrent ces stages particuliers à leurs employés pour mieux les motiver. Afin sans doute de pouvoir dire, comme Manuel Valls, qu’ils aiment l’entreprise !
Sommes-nous revenus sous la IVe République ?
Instabilité gouvernementale, «république des partis», prééminence du Parlement sur l'exécutif... Pour Guillaume Perrault, le paysage politique actuel ressemble de plus en plus à celui de la IVème République.
«Hollande nous fait retourner à la IVe République et à son instabilité gouvernementale!» s'est exclamé Bruno Le Maire lorsque Manuel Valls a obtenu la tête d'Arnaud Montebourg et de Benoît Hamon. À chaque crise politique majeure, le spectre de la IVe République ressurgit. Cette comparaison est-elle fondée en l'espèce? Y a-t-il des analogies entre la situation politique actuelle et la IVe République?
La IVe République a duré moins de douze ans. Institué en octobre 1946, ce régime a sombré lors de la crise de mai 1958. La Constitution de la IVe consacrait la toute-puissance des partis. À l'époque, le gouvernement procède de l'Assemblée, élue à la proportionnelle intégrale, et non du président de la République. Le chef de l'État, désigné par les parlementaires, est cantonné à un rôle de représentation et d'influence.
Dans bien des domaines, en particulier en matière économique et sociale, la IVe République peut être fière de son bilan. Mais, au plan politique, le régime a souffert de plusieurs maux qui ont fini par l'emporter.
En premier lieu, ces institutions n'ont jamais recueilli l'adhésion de tous les Français. Au début de la guerre froide, en octobre 1947, le PCF et le RPF du général de Gaulle, qui condamnent tous deux les institutions de la IVe République, obtiennent respectivement 25 % et 40 % des voix lors des municipales. Confrontés à cette double opposition, les partis dits de «la troisième force» qui soutiennent les institutions - SFIO, Union démocratique et socialiste de la résistance (UDSR) de François Mitterrand, radicaux, démocrates-chrétiens, modérés et Indépendants - sont condamnés à s'entendre au sein de gouvernements de coalition.
Or, les partis de «la troisième force» sont incapables de s'entendre sur de nombreux sujets. Les atermoiements aggravent les problèmes. De la querelle scolaire à la guerre d'Indochine, le président du Conseil ne peut trancher sans être renversé par l'Assemblée. Pour tout arranger, les ministres exagèrent souvent leurs différends pour mobiliser leurs électorats respectifs.
Conséquence: sous la IVe République, les gouvernements sont renversés en moyenne tous les sept mois. Antoine Pinay (Indépendant), président du Conseil en 1952, tombe au bout de dix mois. Pierre Mendès France (radical) doit faire ses valises en février 1955 après avoir passé huit mois seulement à Matignon. Guy Mollet (SFIO), président du Conseil pendant un an et trois mois - de février 1956 à mai 1957 -, détient le record de longévité de la IVe.
Cette instabilité gouvernementale doit toutefois être nuancée. D'une combinaison ministérielle à l'autre, le portefeuille du Travail revient souvent à la SFIO, les finances aux modérés ou aux radicaux, le Quai d'Orsay et la Famille aux démocrates-chrétiens. Et plusieurs poids lourds restent au même poste par-delà les changements de gouvernement. Robert Schuman demeure ainsi ministre des Affaires étrangères sans discontinuer pendant cinq années décisives, de 1948 à 1953. Enfin, la haute fonction publique, considérée et sûre d'elle-même, assure la continuité de l'État.
Retrouve-t-on aujourd'hui certains travers de la IVe République? Il est permis de l'affirmer. Le président, censé être un monarque républicain, affronte un discrédit sans précédent. Trois ministres se sont succédé Rue de Grenelle en deux ans et trois mois. Des poids lourds se sont déchirés en public pendant deux ans sans être révoqués, cas de figure classique sous la IVe. Même la menace d'être renvoyé du gouvernement a perdu de sa force dissuasive. Un ministre qui était député n'a plus à affronter une législative partielle parfois risquée pour reconquérir son siège. Depuis 2008, il récupère automatiquement son mandat. Une telle sécurité ne peut qu'encourager les stratégies personnelles et les manquements à la solidarité gouvernementale.
Certes, la IVe est loin d'avoir étouffé la Ve. Il est douteux que Valls soit renversé par l'Assemblée dans les mois qui viennent. Mais le rapport de force entre l'exécutif et le PS se rééquilibre dangereusement en faveur du second. L'autorité du président sur les siens diminue. Le régime des partis réapparaît. La vie politique est désormais scandée par les états d'âme et les prétentions des élus qui composent la majorité. À l'heure des chaînes d'information en continu, impossible d'échapper au spectacle de ces «partis qui cuisent leur soupe, à petit feu, dans leur petit coin». Une formule du général de Gaulle en… 1947.
Emmanuel Macron à Bercy : faut-il déplorer le retour de la technocratie au gouvernement ?
En charge des dossiers sensibles de l'immigration et de la sécurité à l'Élysée entre 2007 et 2012, Maxime Tandonnet analyse le retour des grands commis de l'État au gouvernement.
La nomination de M. Emmanuel Macron comme ministre de l'Économie dans le gouvernement Valls II a provoqué la première belle polémique de la rentrée 2014. Le successeur à Bercy du tonitruant Arnaud Montebourg présente en effet un profil qui en fait l'archétype du «technocrate» en politique, une figure omniprésente de l'imaginaire politique français. Toutes les conditions sont en effet réunies: issue d'une famille aisée de médecins, très jeune pour le poste - moins de 40 ans -, ancien élève du lycée Henri-IV, de Sciences Po et de l'ENA, inspecteur des finances, salarié de Rothschild, ex-secrétaire général de l'Élysée sous François Hollande, il semble incarner ce qu'on appelle couramment, et parfois complaisamment, «la pensée unique».
Cette nomination a suscité des critiques de deux ordres. Une partie de la gauche et la droite radicale ont fustigé la désignation d'une personnalité reflétant le «tournant libéral» du pouvoir en place. Mais surtout, la classe politique dans son ensemble s'est élevée contre la promotion directe d'un haut fonctionnaire, non élu national, à l'un des portefeuilles ministériels les plus cruciaux. Ainsi, pour Hervé Morin, président du Nouveau Centre, il ne fait aucun doute: «Les fonctionnaires qui passent dans une fonction gouvernementale sont un échec absolu.»
Ce genre de promotion d'un technocrate comme ministre, sans être passé par un mandat de député ou de sénateur, est en vérité extrêmement rare aujourd'hui. Le dernier de cette importance était la nomination de Claude Guéant, secrétaire général de l'Élysée, comme ministre de l'Intérieur de Nicolas Sarkozy en 2011. Il correspond le plus souvent à un passage, voulu par le président de la République, des hautes sphères de l'Élysée à une responsabilité gouvernementale.
Pourtant, dans l'histoire de la toute fin de la IVe et des débuts de la Ve République, il fut une période où les nominations de hauts fonctionnaires comme ministres étaient une pratique courante. Le premier gouvernement du général de Gaulle, nommé en juin 1958, se composait pour l'essentiel de «grands commis de l'État» non élus, en particulier aux postes les plus sensibles: Pierre Guillaumat, polytechnicien, à la Défense, Émile Pelletier, préfet, à l'Intérieur, Couve de Murville, inspecteur des finances, aux Affaires étrangères. Ce «cabinet de Gaulle» fut pourtant l'un de ceux qui ont exercé le rôle de réforme, sinon de révolution, le plus crucial de toute l'histoire de France contemporaine. Ensuite, le deuxième premier ministre de la Ve République en 1962 était un homme qui n'avait strictement aucune expérience électorale: Georges Pompidou, dont la réussite pendant six ans à Matignon a débouché sur une élection triomphale comme chef de l'État en 1969. Cette politique correspondait à une philosophie du Général: désigner les meilleurs, les plus compétents, les plus loyaux, nonobstant leur parcours et leur étiquette.
La nomination d'un ministre a en principe deux sens. Tout d'abord, elle est un message politique, exprimant une orientation, un état d'esprit, reflétant un équilibre majoritaire. Ensuite, elle correspond à la désignation d'un responsable qui aura des choix à faire, des arbitrages à rendre, des décisions à prendre.
Si on privilégie le message politique et les équilibres majoritaires, comme sous la IVe République avant de Gaulle, il est en effet logique de limiter la composition du gouvernement à des députés et à des sénateurs. En revanche, si l'on se donne pour objectif de choisir la compétence, le bon sens, l'expérience, rien n'empêche de choisir aussi des hommes ou femmes en dehors du Parlement, qu'ils soient hauts fonctionnaires ou cadres dirigeants du secteur privé. Le fait d'être élu national n'est pas en soi une garantie de compétence et d'aptitude à exercer une fonction gouvernementale. Se hisser par le jeu des relations dans un cercle qui vous permettra d'obtenir l'investiture d'un parti puis séduire l'électorat nécessite des qualités qui ont toute leur noblesse mais ne prédisposent pas forcément à diriger un ministère et participer au gouvernement du pays. À l'inverse, l'expérience de la direction d'une administration, d'un établissement public, d'une entreprise du secteur privé, même sans mandat électoral, peut être les atouts d'un bon ministre.
Pour revenir à la nomination d'Emmanuel Macron, elle semble être d'une nature particulière, à mi-chemin entre la communication politique - incarnation du «pacte de responsabilité» - et la reconnaissance d'une compétence. Il serait malhonnête d'en tirer des conclusions hâtives et de nier par avance, en raison de sa jeunesse et de son parcours, sa chance de réussite, malgré un contexte économique et politique extraordinairement difficile. Elle a un caractère totalement exceptionnel, isolé. Elle ne marque probablement pas un retour aux années de Gaulle, où l'on choisissait les ministres en fonction, non de leur image, de leur statut (élu, non élu) et étiquette politique, mais sur la base de leur seul caractère, de leur mérite, de leur expérience, de leur intelligence et de leur compétence. Pour cela, il faudrait que la politique reprenne tout son sens: le gouvernement de la cité, où l'action et la quête du bien commun l'emportent sur le culte des apparences, de la communication, des images et des ambitions de carrière. D'un gouvernement à l'autre, nous en sommes loin...
Le bon sens loin de chez eux
Le bon sens loin de chez eux
« A part le bombardement, le contrôle des loyers semble être le moyen le plus efficace de détruire une ville » : cette célèbre citation d’un économiste suédois ne semble malheureusement pas être parvenue jusqu’à ces maires de grandes villes qui, pour « faire gauche », ont exigé et obtenu de Manuel Valls la possibilité de mettre en place un encadrement des loyers. Tant pis pour eux et leur ville : les Lille, les Grenoble et toutes les autres resteront à l’écart de la reprise du logement lorsque celle-ci se produira.
Le mécanisme de destruction est pourtant simple : le blocage des loyers ou leur contrôle administratif décourage les investisseurs d’immobiliser leurs capitaux dans des constructions devenues peu ou pas rentables du tout. Les mises en chantier dégringolent, l’entretien du parc immobilier se relâche, les logements se dégradent ou se raréfient et progressivement les tensions sur les loyers s’aggravent. Exactement l’inverse de l’effet recherché.
Cet enchaînement est limpide. Il est intellectuellement simple, à la portée de tout homme ou femme politique. Mais il est lent : dans un secteur comme l’immobilier, les corrections prennent du temps, la destruction est progressive. Or la satisfaction de l’électeur n’attend pas : son exigence est immédiate, et peu importe que le long terme finisse par se retourner contre ses intérêts.
C’est là toute la différence entre intérêt général et ambition politicienne. Le sens de l’Etat nécessite de la pédagogie et de la durée pour faire comprendre, par exemple, que punir les « proprios » ne fera pas le bonheur des locataires, ou que prendre 75% de ce que gagne quelqu’un décourage les contribuables de rester et assèche la base fiscale. Le sens de l’électeur, lui, se consomme sans délai et se paye longtemps. Comme dirait Emmanuel Macron, « c’est du bon sens ».
La curieuse conception française de la propriété privée
En France, ce qui est à l’État est, définitivement, à l’État, sans discussion. Et ce qui est à vous est négociable. Tous les jours qui passent apportent une preuve flagrante de ce fait simple et un tantinet terrifiant qui règle la vie dans le pays et qui explique pourquoi, petit-à-petit, il court à la catastrophe dans des piscines de guimauve.
Tenez. Prenez par exemple ce brave Manu Macron, l’actuel dépositaire du maroquin anciennement détenu par Nono la Bricole. Toute la presse s’est mise d’accord, tous les journalistes ont acquiescé et toutes les fines études chimiques l’ont prouvé : lorsqu’on plonge un petit échantillon du ministre dans un soluté de sulfite d’Hayek, il se développe rapidement un dépôt caractéristique de capitalisme colloïdal qui prouve de façon certaine que le ministre est à cathode turbolibérale, et anode socialiste. C’est magique.
C’est donc avec cette donnée essentielle qu’on analyserases dernières déclarations au sujet, justement, des entreprises. Pour lui, c’est évident, il n’est pas interdit d’être « de gauche et de bon sens », ce qui est probablement une excellente nouvelle, que dis-je, un soulagement pour tous ceux qui, jusqu’à présent, bien que de gauche, refusaient peureusement de s’exprimer en laissant toute la place aux débris communistes à la Filoche, et pourront, on n’en doute pas, pousser un soupir et enfin prendre la parole dans le pays. Nous attendons le déferlement de leur parole (de bons sens) avec impatience.
En attendant, la parole, c’est Manu Macron qui l’a et qui colporte la bonne nouvelle pro-business à qui veut l’entendre. Et ça donne ceci :
« L’entreprise est le cœur de notre économie, c’est elle qui emploie, exporte, innove. Et la SCOP illustre très bien l’idée que je me fais de l’entreprise : une collectivité humaine qui est aussi la propriété de ceux qui la font. »
Vlan. Emballez, c’est pesé, tout est bien résumé : une entreprise, ce n’est pas le résultat de la prise de risque d’un capitaliste, ce n’est pas la propriété d’une personne ou d’un groupe de personnes qui vont mettre en commun leurs ressources financières, de temps et de compétences, mais c’est aussi la propriété de ceux qui y travaillent tous les jours. L’idée de l’entreprise pour Macron, c’est la SCOP, pas l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limité, la société anonyme ou la SARL. Ce n’est pas l’artisan et son atelier, mais c’est ce grand tout collectif où tout le monde est à la fois salarié et actionnaire et dans lequel tout se termine toujours en chansons.
Pour notre ministre turbo-libéral, qui marquerait à lui seul le coup de barre définitif et violent du gouvernement vers les eaux mouvementées du socialisme de marché avec des bouts de capitalisme dedans, cet aveu ressemble beaucoup soit à un gros bobard sucré pour endormir les plus dogmatiques de ses camarades, soit à une confession de foi navrante sur sa conception du monde du travail, conception qui n’est en réalité pas franchement partagée par le reste des Français…
Car rappelez-vous : ce n’est pas la première fois qu’on parle de SCOP et autres coopératives au niveau des ministres français. Les précédentes tentatives étaient par exemple l’objet des petites agitations médiatiques de nul autre que Benoît Hamon, dont le dogmatisme, pour le coup, cadrait très bien avec l’amour affiché de ce genre de structures. Mais malgré toutes les incitations françaises à utiliser ce mode alternatif de propriété industrielle ou commerciale, les SCOP, en France, ne représentent qu’une extrême minorité des structures en place.
Et s’il est louable et souhaitable que SCOP et COOP existent (après tout, pourquoi pas ?), leur nature parfaitement anecdotique dans le paysage entrepreneurial français devrait indiquer aux ministres qu’aussi parées de vertus soient-elles, ces structures n’intéressent pas les entrepreneurs, les salariés, les industriels ou les commerçants. L’idée que Macron se fait de l’entreprise est donc particulièrement biaisée ou particulièrement bidon. Parce qu’il n’est en poste que depuis une semaine, je vais prudemment écarter l’idée que Macron croirait réellement à ce qu’il raconte, et opter pour un petit pipeau consensuel de sa part, tant le côté baratineur d’un ministre est, quasiment, un prérequis pour le poste. L’avenir nous permettra de trancher. Notez que si le pire n’est pas certain, il n’est pas impossible.
Et ce comportement, qu’on trouve donc au plus haut niveau de l’État pour les entreprises, est répliqué de façon similaire dans d’autres domaines et à d’autres niveaux. Le cas le plus flagrant (et le plus amusant) actuellement est celui des loyers, dont plusieurs maires se sont emparés pour rappeler à tous que là aussi, ce qui est à vous est ouvert à négociation.
On se rappelle en effet que la loi ALUR, navrant dérapage législatif en rase campagne qui s’était terminé par l’attelage ministériel de Duflot retourné dans la glaise fraîche, envisageait très sérieusement un bon gros contrôle des loyers, façon bombardement. Effroi des investisseurs. Contraction des commandes. Réflexe glutéal massif des constructeurs et, par voie de conséquence, du gouvernement qui sent que lorsque le bâtiment ne va pas, ça va moyen moyen pour tout le reste et qu’il vaut mieux détricoter tout ça bien vite. Ce fut donc sans surprise que Valls, armé d’une petite paire de ciseaux (à peine usagée par une réforme territoriale décidée sur le pouce) s’est donc décidé à découper les morceaux les plus croustillants de ce qu’on appellera désormais la Performance Duflot.
Rigolisme et blague pouët-pouët, certains maires, malins comme un fil à couper de l’eau chaude, ont finalement décidé que les petites manoeuvres du premier ministre ne changeraient rien à leur belle détermination à imposer cette lumineuse idée de contrôle des loyers dans leur ville. Paris, qui devait être l’unique ville d’expérimentation de cette thérapie mortifère, est rapidement rejointe par Lille, dont la maire calculatrice sent qu’elle a là l’occasion de se payer une tranche de fun politicien à bon compte électoral, puis par Grenoble, et que Marseille semble sur le point d’en faire autant.
La suite, on peut la deviner : comme toutes les expériences passées de contrôle des loyers, et, plus généralement, tous les précédents contrôles des prix, le résultat sera catastrophique, allant de la pénurie de biens à la déliquescence de ceux qui existent, et une paupérisation galopante des quartiers de centre ville. Ceux qui le pourront vendront aussi vite que possible, les autres subiront une perte douloureuse. Les problèmes de logement ne seront pas résolus, du tout, par cette mesure liberticide et en seront même aggravés. Rassurez-vous, le coupable est déjà connu : ce sera Macron l’ultra-libéralisme sauvage, et l’avidité sans borne des propriétaires privés.
Honteuse propriété privée qui interdit aux plus faibles de se loger ! Il fallait bien que l’État intervienne pour remettre de l’ordre, voyons ! Après tout, cette propriété n’est pas si privée puisque l’état peut influer, décider à la place de ceux qui se sont directement investis dedans (que ce soit l’immobilier ou l’entreprise ou n’importe quoi d’autre), non ? Alors, pourquoi ne pas imposer les SCOP ? Pourquoi, au lieu de ne laisser cette panacée qu’aux grandes villes françaises honteusement favorisées, ne pas réguler tousles loyers, partout en France ?
Allons, continuons à combattre cette odieuse propriété privée ! Tous ensemble, on peut y arriver. À nous les lendemains qui chantent !
Le fascisme se porte mieux que jamais
Pour Jeffrey Tucker, les Américains n’utilisent plus le terme « fasciste » pour qualifier ce qui s’est passé pendant la période du New Deal aux USA parce que ils aiment se féliciter de l’avoir vaincu lors de la seconde guerre mondiale. Mais l’ont-ils vraiment vaincu ?
Le terme de « fascisme » a besoin de faire son retour dans les usages, non pas comme un juron mais comme une description factuelle d’un ensemble d’idées. Cela parce que ces idées sont bien réelles, ont un passif lourd, et infusent un projet politique bien vivace dans le monde d’aujourd’hui.
Malheureusement, quand un mot devient suffisamment impopulaire, il se mue en simple épithète. Et perd de son sens dans le processus.
Malheureusement, quand un mot devient suffisamment impopulaire, il se mue en simple épithète. Et perd de son sens dans le processus.
Perte de la signification du mot « fasciste »
C’est ce qu’il se passe avec le mot « raciste », par exemple. De nos jours ce n’est guère qu’une insulte pour qualifier des gens. C’est facile d’oublier que le racisme est en fait une idéologie, un corpus d’idées fondées sur des certitudes spécifiques sur les gens, l’ordre social, l’organisation politique, et la façon dont tout cela devrait être géré pour atteindre certains buts sociaux précis. Le racisme en tant qu’idéologie a eu un rôle gigantesque dans le déroulement de l’histoire mondiale. Il a engendré des programmes publics d’eugénisme, des campagnes de stérilisation, des lois de discrimination, des guerres, et des tentatives de génocide.
Le fascisme est un autre exemple du genre. Quand avez-vous entendu ce terme utilisé pour quoi que ce soit d’autre que qualifier un « méchant » ? Ce mot a été vidé de son sens, et c’est fort regrettable. Ce terme a été détourné comme simple insulte, sa signification réelle perdue.
Je ne connais de meilleure source pour en comprendre l’origine, les implications et le sens que le livre remarquable de John Thomas Flynn, écrit en 1944 As we go marching. Flynn fournit là un historique rigoureux de la naissance de l’idée fasciste en Italie, et cartographie ses ramifications principales.
Je ne connais de meilleure source pour en comprendre l’origine, les implications et le sens que le livre remarquable de John Thomas Flynn, écrit en 1944 As we go marching. Flynn fournit là un historique rigoureux de la naissance de l’idée fasciste en Italie, et cartographie ses ramifications principales.
Il se tourne ensuite vers la « forme maléfique » du fascisme émergeant en Allemagne. Il couvre sa réalisation en Espagne, en Grèce, au Portugal, en Roumanie, en Pologne, en Slovaquie, en Turquie, et en Amérique latine.
Puis il se penche sur la « forme bénéfique » du fascisme qui a inspiré le New Deal aux USA – et c’est parce qu’il l’a appelé ainsi que ce livre n’est plus guère lu aujourd’hui. Son analyse est riche de détails, et sa documentation des parallèles entre le fascisme européen et le fascisme américain sont renversants.
Nous n’utilisons plus le terme de « fascisme » pour qualifier ce qu’il s’est passé aux USA pendant cette période, simplement parce que nous aimons nous féliciter d’avoir combattu et vaincu le fascisme lors de la seconde guerre mondiale. Mais l’avons-nous vraiment vaincu ? Les chefs de ces systèmes politiques sont morts depuis longtemps, mais les idées qui les ont portés et maintenus au pouvoir sont plus vivantes que jamais.
Le fascisme originel
Le fascisme est une idée politique et économique qui est née dans les années 1920, en Italie, à la fois issue de et en réponse à l’idéologie socialiste. Il a été engendré par le socialisme car il s’opposait aux forces du marché et au laissez-faire en tant que modèle d’ordre social. Il concevait l’état comme seul gestionnaire compétent et unificateur ultime de la société.
Mais il rejetait aussi plusieurs idées clés des marxistes-léninistes, et c’est par opposition à ces derniers qu’il s’est imposé politiquement. De cette manière, c’est une théorie politique spécifiquement non-gauchiste, avec ses propres repères culturels, religieux et économiques. C’est pour cela qu’il est inexact d’appeler « fascisme » la gauche ou la droite. Il tient des deux mais ne correspond vraiment ni à l’un ni à l’autre.
Mais il rejetait aussi plusieurs idées clés des marxistes-léninistes, et c’est par opposition à ces derniers qu’il s’est imposé politiquement. De cette manière, c’est une théorie politique spécifiquement non-gauchiste, avec ses propres repères culturels, religieux et économiques. C’est pour cela qu’il est inexact d’appeler « fascisme » la gauche ou la droite. Il tient des deux mais ne correspond vraiment ni à l’un ni à l’autre.
C’est pour cela que le fascisme – au contraire du socialisme – peut séduire la classe moyenne bourgeoise, et même les grands industriels, et pourquoi il parvient à se faire tolérer des religions et des unions syndicales. A la différence du socialisme marxiste, il préserve en grande partie les choses auxquelles tiennent la plupart des gens mais promet en sus d’améliorer la vie économique, culturelle et sociale à travers ses opérations unificatrices, sous contrôle de l’État.
En termes d’influence politique au XXème siècle, on peut dire qu’il a été bien plus important que le socialisme en Europe, en Amérique latine et aux USA. Le socialisme, malgré toute la rhétorique enragée déployée en sa faveur ou défaveur, n’a probablement jamais été une véritable menace. Le fascisme, en revanche, a été la pire.
Vous pouvez le constater rien qu’en lisant les journaux des années 1930. Le marché libre y était largement déconsidéré et ringardisé en tant qu’idée périmée et faillie. Le socialisme, au moins dans la presse américaine, était vu comme l’ennemi de tout ce qui comptait pour nous.
L’attrait du fascisme
Le fascisme, par contraste, recevait un traitement respectueux et un large écho. Le New York Timesprésentait Benito Mussolini comme le génie de la centralisation planificatrice. Churchill l’acclamait comme l’homme providentiel. Les théoriciens du fascisme écrivaient pour les manuels américains et bénéficiaient d’entrevues complaisantes dans les plus grands journaux. En 1941 encore, Harper’s Magazinelouait la glorieuse « révolution financière allemande »et la magie du système fasciste.
Cette idée était dans l’air du temps parce que le fascisme paraissait une alternative viable à la fois au marché libre, présumé en échec, et à l’idée effrayante et glauque du socialisme marxiste.
Quelle était cette idée ? Il est possible de la résumer sous la formule plus acceptable de « société planifiée ». Elle est fondée sur le principe du leadership et la conviction que l’entreprise industrielle, pour fonctionner, doit être guidée depuis le sommet par des experts recherchant l’optimum de l’efficacité en concordance avec les priorités sociales et politiques.
Quelle était cette idée ? Il est possible de la résumer sous la formule plus acceptable de « société planifiée ». Elle est fondée sur le principe du leadership et la conviction que l’entreprise industrielle, pour fonctionner, doit être guidée depuis le sommet par des experts recherchant l’optimum de l’efficacité en concordance avec les priorités sociales et politiques.
Le fascisme ne cherchait pas tant à nationaliser l’industrie ou détruire le modèle familial ou abolir la religion, comme les socialistes les plus fous fantasmaient de faire. Il préservait ce qui avait de la valeur politique aux yeux de la population, et partant, le fascisme ne rompait pas avec les traditions. Il ne cherchait à révolutionner que la forme plutôt que le fond, à travers une nouvelle façon scientifique d’organiser toute l’existence de la nation.
Le conseiller économique en chef du président Franklin Delano Roosevelt, Rex Tugwell, a résumé cette philosophie toute entière, se faisant ainsi porte-parole de toute une génération d’économistes, de bureaucrates, de politiciens et de sociologues :
De ce que je sais de la nature humaine, je crois que le monde s’apprête à connaître un immense jaillissement d’énergie sitôt que nous aurons retiré la mainmise mortifère de l’entreprise compétitive qui restreint les ambitions publiques et ne dessert que les inclinations les moins efficientes et moins bénéfiques de l’homme. Quand l’industrie est le gouvernement et le gouvernement est l’industrie, le conflit duel au cœur de nos institutions est enfin aboli.
Flynn expliquait que le fascisme était loin d’avoir la clarté du socialisme dans son projet pour la société. Le pragmatisme y était élevé au rang de principe fondateur – l’État ferait tout ce qu’il aurait à faire, quoi qu’il arrive. Mais en observant son fonctionnement historique et le contexte dans lequel il prit son essor, en regard des principes des théoriciens et des militants fascistes, il était arrivé à huit points qu’il considérait comme ses pierres angulaires, une sorte de credo du fascisme.
D’après Flynn, le système fasciste est celui dans lequel :
1) le gouvernement abolit toute restriction à son autorité – totalitarisme
2) ce gouvernement sans restriction est dirigé par un dictateur – autoritarisme
3) ce gouvernement est organisé pour assimiler le système de production capitaliste et l’asservir à une vaste bureaucratie
4) ce gouvernement suit le modèle d’organisation d’un syndicat, en formant des groupes d’intérêt par catégories socio-professionnelles sous supervision de l’État
5) le gouvernement et les organisations syndicales contrôlent le système capitaliste selon des principes de planification et d’autarcie
6) le gouvernement a la responsabilité de fournir à la nation un pouvoir d’achat adéquat par la dépense publique et la dette publique
7) le militarisme constitue un mécanisme conscient de telle dépense publique
8) l’impérialisme découle inévitablement du militarisme et d’autres éléments intrinsèques du fascisme
Flynn conclut: « Partout où se trouve une nation incluant tous ces éléments, se trouve une nation authentiquement fasciste. Plus une nation emploie de ces éléments, plus vous pouvez considérer cette nation comme tendant vers le fascisme. »
C’est ce que Flynn écrivait en 1944, et le titre de son livre a un double sens. Nous marchions droit à la guerre contre le fascisme. Mais en même temps, l’économie et la société américaines tombaient sous contrôle total du gouvernement : contrôle des prix et des salaires, conscription, rationnement administratif, corporatisme, dépenses publiques perpétuelles et dette publique, additionnée de militarisation galopante en pleine guerre. L’ironie de la situation était prégnante, et Flynn la pointait du doigt ouvertement. C’est un miracle que le livre échappa à la censure de guerre.
Aujourd’hui, il mérite une relecture attentive, en particulier si on cherche à étudier la politique de notre gouvernement. Chaque industrie est profondément réglementée. Chaque profession est catégorisée et organisée d’en haut. Chaque bien ou service produit est taxé. L’accumulation sans fin de la dette publique va de soi. « Immense » n’est pas assez fort pour décrire l’étendue de notre bureaucratie. Nous sommes en état perpétuel de mobilisation militaire, avec chaque jour la perspective de guerre ouverte contre un ennemi étranger.
Toutes les institutions de notre gouvernement proviennent d’une idée commune. Cette idée a un nom. Ce n’est pas le socialisme. Ce n’est pas le libéralisme. C’est la fameuse troisième voie qui a connu son heure de gloire dans les années 1930. Que soient rares ceux qui osent utiliser le terme exact pour le nommer, ne change rien à cette réalité.
Traduction originale de « Fascism is Real and Alive » par J. Sedra.
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