mardi 11 décembre 2012
Patrick Buisson : "nous sommes dans un scénario inédit, c'est un scandale énorme"
La classe politique regrette l'exil de Depardieu en Belgique
La classe politique française a regretté lundi le choix de Gérard
Depardieu d'élire domicile en Belgique, dans la commune frontalière de
Nechin, réputée pour accueillir des fortunes françaises à la recherche
de cieux fiscaux cléments.
La ministre de l'Écologie Delphine Batho a indiqué que la décision de
l'acteur français ne remettait pas en cause les choix gouvernementaux en
matière d'imposition des plus grandes fortunes, notamment la taxe de
75% sur la tranche des revenus supérieurs à un million d'euros par an.
"Je préfère l'acteur à l'exilé fiscal", a-t-elle dit sur France Inter.
"Quand on a les moyens de bien vivre, je pense qu'on doit contribuer au
redressement des finances publiques."
La Belgique n'impose ni la fortune, ni les plus-values sur la patrimoine
privé, ce qui en fait un havre fiscal pour certains contribuables
français, même si l'imposition des revenus du travail y est beaucoup
plus élevée qu'en France.
Lors du point presse du Parti socialiste, sa porte-parole, Frédérique
Espagnac, a lancé un appel à l'acteur. "J'ai envie de dire à Gérard :
'reviens vite !'", a-t-elle dit.
Le porte-parole du Parti communiste français, Olivier Dartigolles, a de
son côté dit voir dans le départ de Gérard Depardieu, qualifié
d'"insupportable", le syndrome d'une "inquiétante épidémie".
Son annonce fait suite à la décision de la première fortune de France,
le PDG de LVMH Bernard Arnault, de demander la nationalité belge en
septembre. Il avait toutefois précisé à l'époque qu'il resterait
domicilié fiscalement en France.
SYSTÈME FISCAL "DÉCONNECTÉ"
"Sa carrière, n'en déplaise à son talent, il la doit aussi à ses
compatriotes", écrit Olivier Dartigolles dans un communiqué. "En
refusant de payer ses impôts, de participer à la solidarité nationale,
le très oubliable soutien de Nicolas Sarkozy durant la dernière campagne
électorale, entache durablement son image auprès des Français".
Gilbert Collard, député apparenté Front national, a dit que cette décision le "choquait".
"Quand on gagne son argent en France, je crois que c'est quand même
patriotique de rester en France", a-t-il dit sur France 2. "Surtout
venant d'un talent si Français."
Pour l'opposition de droite, la décision de Gérard Depardieu est directement liée à la politique fiscale du gouvernement.
"La France est aujourd'hui finalement le seul grand pays européen qui
observe, par son système fiscal, des délocalisations de fortunes. C'est
regrettable", a dit lors d'un point presse le président proclamé de
l'UMP, Jean-François Copé.
"Je suis pour que l'impôt soit progressif, que plus on gagne d'argent
plus on paye plus d'impôts, c'est tout à fait normal", a-t-il ajouté.
"Mais en même temps, je regrette que nous ayons un système fiscal aussi
déconnecté de ce qu'il est dans des pays comme l'Allemagne, l'Italie ou
la Belgique."
Le bourgmestre (maire) d'Estaimpuis, dont dépend le village de Néchin,
où vivent 2.800 Français, a confirmé dimanche que Gérard Depardieu avait
acquis une maison dans cette petite commune frontalière.
Daniel Senesael a dit à la presse ne pas être "naïf" quant aux
motivations possibles de l'acteur mais a assuré que ce dernier avait eu
"un coup de foudre pour l'aspect paysager de notre entité, sa
convivialité et son bien vivre".
Les idées d’abord
Les patrons de presse français sont-ils tous mauvais ?
La presse française est sous perfusion de l’État, mais certains ne veulent pas voir que c'est là que se trouve la cause de sa déchéance.
Jean Stern, journaliste français auteur d'un livre intitulé Les patrons de la presse nationale tous mauvais était interviewé hier matin sur la RTS (Radio publique suisse).
Stern, qui a étudié son sujet, reconnait que le système de cogestion
entre État-Patrons-Syndicats qui régit la presse en France depuis la
libération est à bout de souffle. Mais savez-vous quel est son
diagnostic ? Ce qui ne va pas c'est qu'on ferme trop de kiosques, et que
les patrons préfèrent investir dans leurs autres activités plutôt que
dans le développement des médias dont ils sont actionnaires. Ainsi la
crise de la presse française, selon Jean Stern, "c'est l'échec du
capitalisme". On croit rêver.
On aurait aimé que les journalistes de l'émission Médialogues
(Thierry Fischer et Mathieu Chevrier) soient moins complaisants, et
signalent au journaliste français que la presse romande se porte bien
mieux que la française. Il y a pas loin d'une dizaine de quotidiens en
Suisse Romande pour seulement un million et demi d'habitants !
Des deux côtés de la frontière, la presse subit la concurrence
d'internet. Alors, pourquoi la presse est-elle dans ce triste état en
France, et va-t-elle mieux en Suisse ?
Une Presse étatisée
La première différence qui saute aux yeux, c'est que la presse
française est sous perfusion de l’État. Et si c'était là la cause de sa
déchéance ?
Pour s'attirer les bonnes grâces des journaux, les gouvernements français successifs accumulent depuis 1945 les aides directes ou indirectes.
Les subventions et autres fonds de soutien représentent au total plus
de 10% du chiffre d'affaires des médias, soit plus d'un milliard d'euros
par an. Sans compter la très controversée niche fiscale
des journalistes, qui peuvent déduire 7.650 euros de leur revenu
imposable. Un tel niveau d'ingérence étatique dans la presse est unique
dans le monde occidental.
Droguée à l'argent public, cette presse n'est plus une industrie
normale, capitaliste. Moins elle vend, plus elle touche de subventions.
Dans une telle situation, ses dirigeants ont davantage intérêt à
consacrer leur énergie à copiner avec les politiques qu'à imaginer les
médias de demain. Les Français, sans connaître nécessairement les
chiffres, savent confusément que le Pouvoir achète la presse. Ils voient
également les relations incestueuses qui existent entre certain(e)s
journalistes et des hommes politiques, et au final se méfient des
journalistes.
De plus, comme l'interviewé de la RTS le soulignait, la presse
française n'est pas tellement intéressée par les faits, et peu capable
de faire des enquêtes sérieuses. C'est surtout une presse d'opinion. Le
problème, c'est que son opinion est uniforme : au-delà des étiquettes de
gauche et de droite, elle est à peu près unanime pour défendre le
système, et particulièrement l’État-Providence qui la nourrit.
Uniformité idéologique
Une presse perçue comme faisant partie du système, dépendante et non
indépendante, qui se limite trop souvent à commenter les dépêches AFP
dans une morne uniformité idéologique : comment voulez-vous que les
lecteurs ne s'en détournent pas ?
Il y a heureusement quelques exceptions, des journalistes libres, de
nouveaux médias fiers de refuser les subventions, parmi lesquels Mediapart ou Contrepoints.
Internet libère la parole et les initiatives. L'influence des
blogueurs, ces journalistes sans carte de presse, ne fait que croître.
Pour que la presse française redresse la barre, il faudrait qu'elle
réapprenne à faire son boulot. Se libérer de la tutelle de l’État.
Rechercher et diffuser de véritables infos, même et surtout quand elles
dérangent. S'affranchir de la pensée unique, et des nombreux tabous qui
vont avec, ces sujets dont on ne doit pas parler ou alors à mots
couverts. Respecter davantage la pluralité des opinions. Innover. Il
faudrait aussi s'inspirer de ce qui marche hors des frontières de
l'hexagone...
La presse de Suisse romande, avec ses petits moyens, est diverse et plutôt innovante. La qualité du Temps tient la comparaison avec celle du Monde, et cet excellent journal genevois a l'avantage d'être moins orienté politiquement. Je lis aussi volontiers la Tribune de Genève, et l'Agefi, un excellent journal économique, libéral (un gros mot en France dans le milieu journalistique). Un journal populaire comme Le Matin
est capable de produire le week-end un contenu d'une richesse
absolument remarquable, dans le format du quotidien et non dans un
format magazine. C'est un régal le week-end.
À bien y réfléchir, il n'y a pas de raison de penser
que les patrons de presse et les journalistes français sont plus
mauvais que les autres.