samedi 21 février 2015
L’indépendance paye
L’Égypte nous aurait-elle acheté le Rafale si nous avions dû demander une autorisation pour les vendre ?
Valeurs actuelles, qui a toujours défendu les capacités militaires de la France, s’en serait voulu de ne pas rendre hommage comme il convient à l’action personnelle menée, depuis 2012, par Jean-Yves Le Drian pour maintenir celles-ci envers et contre tout : dans le contexte économique actuel, bien sûr, mais aussi et peut-être surtout face à ses propres amis, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils entretiennent un rapport compliqué avec la chose militaire…
Mais quels que soient ses qualités et son patriotisme, l’actuel ministre de la Défense aurait-il pu convaincre l’Égypte d’acheter le meilleur avion du monde qu’est le Rafale sans l’héritage de la “France aux mains libres” légué par le général de Gaulle ? Lisez le dossier que nous consacrons à la fois à la personnalité de Jean-Yves Le Drian et à cette vente, qui constitue un tournant géopolitique majeur : vous découvrirez que l’élément déclencheur de cette réussite française tient à la rencontre de deux volontés d’indépendance. Celle de l’Égypte, lasse de demander aux États-Unis l’autorisation de se défendre contre l’islamisme — en l’espèce, le droit d’armer ses F-16, comme naguère le Royaume-Uni, hors d’état de disposer de ses missiles nucléaires Polaris sans la “double clé” américaine ; et celle de la France dont l’industrie de défense n’a jamais confondu coopération et sujétion. Cette réussite à la fois technique et politique méritait un coup de chapeau. Le voici.
Ils ne se quittent plus…
Depuis trois semaines, Angela Merkel et François Hollande se sont téléphoné presque tous les jours, tous deux convaincus qu’il fallait aboutir, et vite, à un règlement politique en Ukraine (Angela est allée dire à Obama qu’il ne devait surtout pas livrer d’armes).
Les attentats de Paris ont renforcé leurs liens : elle a été la première à lui téléphoner après la fusillade de Charlie Hebdo. On l’a vue, la tête tendrement posée sur l’épaule du président, à l’issue de la grande manifestation parisienne du 11 janvier. Sans doute l’émotion la submergeait-elle, on ne l’imaginait pas si câline. La photo a été qualifiée d’“historique” par plusieurs journaux allemands. Et ils se sont trouvés “raccord” sur le dossier grec lors de leur dîner à Strasbourg.
L’entente parfaite ! Angela Merkel a même déclaré au Bundestag : « Nous avons conscience que dans notre monde globalisé les destins de l’Allemagne et de la France sont indissociablement liés. » Une phrase qui faisait écho à celle de François Hollande : « Quand nous sommes ensemble, nous avons la capacité de la puissance. » Si vous ajoutez les dix-sept heures de négociations non-stop à Minsk pour arracher les accords de cessez-le-feu, dont ils sont sortis physiquement éprouvés, l’un et l’autre s’en souviendront, ce qui renforce les liens. Vendredi, la chancelière vient déjeuner à l’Élysée avant d’aller à Rome.
Cette flamme merkelienne est évidemment plus politique que sentimentale. Elle a besoin de François Hollande. Elle est très satisfaite lorsqu’il est en première ligne au Mali ou à l’offensive dans la guerre contreDae’ch en Irak, bref lorsqu’il assume des responsabilités dont elle ne veut pas. La France, faible politiquement sur le terrain diplomatique, l’obligerait à prendre un leadership pour lequel elle n’est pas candidate. Seule, elle aurait pesé moins lourd à Minsk, elle le sait. Le monde bouge, des mouvements anti-islam s’organisent en Allemagne. Comment combattre le terrorisme ? Aucun débat n’a été organisé au Bundestag. L’Allemagne serait le troisième exportateur d’armes : 5,85 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2013. Mais l’opinion allemande ne veut pas entendre parler de participation à la guerre.
Nicolas Sarkozy avait eu cette formule : « Sans la France, l’Allemagne fait peur, sans l’Allemagne, la France fait rire. » On comprend mieux pourquoi François Hollande a parachevé son changement de posture en “chef d’État, chef de guerre” et non plus “président, ministre des Finances” qui promettait, avec le succès que l’on sait, l’inversion de la courbe du chômage. Il s’est recentré sur ses domaines de crédibilité : la sécurité et l’international. Car sur le front économique, l’écart s’est encore creusé avec l’Allemagne.
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