mercredi 18 décembre 2013
La réforme fiscale ou comment s'en débarrasser
Le premier ministre a assuré mardi depuis Oran que le dossier n'était pas « enterré ». Beaucoup, dans la majorité, estiment cependant que la remise à plat sera réduite à la portion congrue.
«La réforme fiscale? Elle est quasiment terminée. On la boucle cet après-midi!» Mardi, un conseiller de Bercy, hilare, lâchait cette phrase assassine. Il n'est pas mécontent de voir se dégonfler le projet de remise à plat de la fiscalité annoncé le 19 novembre par Jean-Marc Ayrault, sans consultation préalable des ministres concernés. Plus les jours passent, plus elle semble amputée et reportée aux calendes grecques. En l'espace de quatre semaines,François Hollande l'a grandement circonscrit, appuyant à dessein sur la pédale de frein.
En novembre, Ayrault visait 2015 quand Hollande jugeait que la réforme «prendra le temps nécessaire, c'est-à-dire le temps du quinquennat». La semaine dernière, au cours de son déplacement au Brésil et en Guyane, Hollande a restreint le champ de la réforme. «Tout ce qu'on a fait depuis 2012 est sanctuarisé. On ne va pas défaire ou refaire tout ce qu'on a fait», a-t-il expliqué. Pas touche, donc, au crédit d'impôt compétitivité et au crédit d'impôt recherche. Pas touche non plus aux modifications apportées à l'impôt sur le revenu, à l'impôt sur la fortune et aux successions, etc. Ayrault voudrait accélérer. Hollande temporise.
Certains y voient autant des crispations entre les deux têtes de l'exécutif. «Il y a des frottements, c'est sûr», confie un pilier du groupe PS de l'Assemblée en évoquant «un combat de coqs.Mais la question la plus importante est: Est-ce que cela peut avoir des conséquences politiques lourdes?» Le député PS de Seine-Saint-Denis Daniel Goldberg tempère. «J'invite tout le monde à relire la Constitution, dit-il. Le président préside et le chef du gouvernement gouverne.» Depuis Oran (Algérie), où il était mardi en déplacement, Jean-Marc Ayrault a tenté de balayer les rumeurs de mésentente avec Hollande. Ses rapports avec le président sont «normaux», a-t-il assuré. «Nos relations sont bonnes, fluides, permanentes», a précisé le premier ministre. «Vous essayez toujours de trouver un petit fil de différence (avec M. Hollande) qui n'existe pas», a-t-il également reproché à la presse.
Concernant la réforme fiscale, Ayrault s'est efforcé de mettre les points sur les «i». «Désolée, elle n'est pas enterrée», a-t-il assuré. Mais peut-il dire le contraire? Soucieux de ne pas perdre la face malgré le scepticisme ambiant, le chef du gouvernement réunira jeudi le comité de pilotage ministériel qu'il rencontrera ensuite chaque mois. Des groupes de travail thématiques vont être créés. C'est le branle-bas de combat. Bercy, qui n'a jamais caché ses doutes sur la faisabilité de la réforme, travaille actuellement à la finalisation des documents qui serviront de base de réflexion aux groupes de travail.
Cette suractivité autour de la réforme fait sourire certains. «Bien sûr qu'il y aura une réforme fiscale puisqu'elle sera présentée comme cela dans quelques mois, grince un député PS. Mais on sait déjà les mesures qu'elle comportera: une baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, et un ou deux trucs en plus.»
De fait, les marges de manœuvre du premier ministre sont très minces. Contraint par les engagements de la France en matière de réduction des déficits et de la dette, il avait annoncé une réforme «à prélèvements constants». Mais, fait nouveau qui complique encore sa tâche, certains dans la majorité estiment désormais que conduire une réforme fiscale sans baisse des impôts serait suicidaire. «J'ai deux idées simples dans cette matière fiscale très compliquée: la première, c'est que la bonne réforme fiscale, c'est celle qui permettra notamment un allégement des impôts. Deuxième idée, pour obtenir un allégement des impôts, il faut alléger aussi les dépenses, fermez le ban», a lancé le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius sur Europe 1. Le porte-parole du groupe PS à l'Assemblée, Thierry Mandon, est sur la même ligne. «Il faut mettre de l'argent sur cette réforme. Si on ne commence pas par diminuer la dépense publique, il est difficile de toucher aux impôts», confie-t-il.
Le billet de Michel Schifres
Un bon report
Qu’un tiers des Français envisage d’acheter ses cadeaux de Noël en janvier témoigne de la persistance de la crise. Devant une situation aussi dramatique, il convient d’agir d’urgence. Il est curieux que le gouvernement n’ait pas encore pris la seule mesure qui s’impose : reporter Noël d’un mois. Lui qui, de la pause fiscale à l’écotaxe, enterre plus vite que n’importe quel fossoyeur, doit faire preuve d’audace. D’autant que retarder est sa marque de fabrique. Personne ne serait donc surpris de son choix et chacun y gagnerait. Nous tous qui bénéficierons des soldes du début d’année. Jean-Marc Ayrault qui, à nouveau, prouverait son autorité sur ses ministres et son esprit de décision vis-à-vis de François Hollande. Et même le Père Noël : pour une fois, il pourrait réveillonner.
L’opposition à la reconquête de sa crédibilité
L’opposition à la reconquête de sa crédibilité
L’exercice du pouvoir est chose difficile, on le sait. Etre dans l’opposition n’est pas simple non plus, on le voit avec le début de programme élaboré par l’UMP. La tentation est forte, en effet, de répondre à chaque proposition nouvelle par deux questions, simples et cinglantes. L’une pour le passé : pourquoi ne l’avez-vous pas fait auparavant ? Et l’autre pour l’avenir : comment croire que vous le feriez cette fois ?
C’est le principal obstacle que doit surmonter aujourd’hui l’opposition : reconquérir sa crédibilité, et le faire sur un programme de rupture. Répondre à tous ceux qui mettent dans le même sac l’échec de la droite Sarkozy et la débâcle du pouvoir Hollande, les convaincre que la période antérieure est révolue, que le pouvoir se conquiert par l’audace des propositions et se conserve par la fidélité à ses promesses.
La France, si elle veut se redresser et recoller aux meilleurs de ses concurrents et partenaires, doit se concentrer sur deux priorités absolues. D’abord rechercher un nouvel équilibre entre la place du privé et l’emprise du public, ce qui passe inexorablement par une forte réduction des dépenses publiques et par une nette décrue des impôts. Mais aussi rechercher un nouvel équilibre entre la place du travail et le statut du chômage, ce qui passe inévitablement par une révolution sociale pour redonner à l’emploi souplesse et attractivité, et par une révision courageuse de l’assurance-chômage pour remettre au plus vite les sans-emploi sur le chemin du travail.
Toutes les réformes dont la France a besoin ne sont pas réductibles à ces deux piliers. Mais aucune ne pourra se faire sans le redressement économique et social qui en dépend. L’UMP semble tentée par ce scénario. Si elle s’y tient, tant mieux : c’est toujours plus prometteur que la sempiternelle guerre des chefs.
Dans la cour des Invalides, Hollande, ostensiblement seul...
Dans la cour des Invalides, Hollande, ostensiblement seul...
Ce lundi 16 décembre, dans la cour froide et impressionnante des Invalides, François Hollande, au nom de la nation, rend hommage à "Antoine et Nicolas", comme il dit, ces deux jeunes soldats tombés sous les balles à Bangui (Centrafrique) au tout début de l'intervention française. L'émotion est palpable. Les familles sont là, dignes, bouleversées. Au terme de la cérémonie, elles accompagneront à pied les deux cercueils recouverts du drapeau tricolore et portés par des parachutistes. Quelques pas derrière les familles, François Hollande suivra, seul. Dans l'assistance, plusieurs ministres (dont Cécile Duflot, Christiane Taubira, Najat Vallaud-Belkacem). Présents aussi, côte-à-côte: les deux anciens Premiers ministres François Fillon et Michel Rocard. Deux fois, La Marseillaise retentira et, bien sûr, la poignante sonnerie "Aux morts".
A la tribune, le président, d'un ton grave, salue le sacrifice des deux jeunes gens, pourfend le "déchaînement" en Centrafrique des "passions religieuses", assure que la France sera fidèle à ses "valeurs" et dit -avec force- tout ce que les Français doivent à leurs "forces armées": "Une nouvelle fois, le monde s'est tourné vers l'armée française...". Les deux caporaux sont ensuite faits chevaliers de la Légion d'honneur.
Dix neuf mois après son accession à l'Elysée, François Hollande -en ce triste matin- assume, certes, ses responsabilités de président de la République. Mais, au-delà, lui qu'on suspecte de ne savoir ni décider ni trancher, il les assume, peut-on dire, dans la radicalité de la Vème République pure et dure. Ostensiblement et volontairement seul. Etranger aux couplets anti-militaristes d'une fraction de ses troupes. Ignorant les suppliques intéressées de tel ou tel qui, à l'extrême-gauche ou chez les écologistes, rêvent à voix haute d'un retour à la IVème République et à ses délices. Et désireux, ce matin-là comme les autres, de faire comprendre à tous, y compris à gauche, que sa part de pouvoir, même dans les heures lugubres, il ne la partagera pas. La vraie nature d'un homme autoritaire et personnel.
Champ de ruines
Champ de ruines
Hier nous avons appris que la Chine venait d’envoyer un satellite sur la lune, troisième pays au monde à réussir cet exploit technologique après les Etats-Unis et l’URSS, préparant désormais la conquête de Mars. Pendant ce temps, la "vieille Europe" se meurt, rongée par ses divisions et ses complexes. On n’imagine pas un instant notre continent accomplir aujourd’hui les exploits qui lui ont permis de lancer Airbus et Ariane plus de quatre décennies auparavant. L’Europe meurt étouffée par sa bureaucratie bruxelloise, sa démesure géographique, ses gouvernements impuissants, ses pensées morbides et décadentes, sa mauvaise conscience suicidaire, ses haines viscérales, son obsession à détruire les piliers de son histoire, sa culture, ses nations, à renoncer à sa civilisation au profit du communautarisme. L’Europe – en tant que civilisation – ne sait plus et ne veut plus se gouverner, c’est-à-dire choisir un avenir. A-t-elle seulement envie d’exister, de continuer à vivre? La vie politique de ses nations est désormais parasitée par la folie narcissique de politiciens à l’esprit étroit, d’une envergure intellectuelle ou humaine limitée, obnubilés par la vanité carriériste. L’émergence dans toute l’Europe de forces extrémistes, criardes et démagogiques, n’est que la dernière expression du déclin de la vie publique. S’il reste à l’Europe une petite chance de survie dans le monde de demain, face aux géants qui s’apprêtent à le dominer, elle est dans l’émergence de nouvelles forces vives assez lucides et volontaires pour comprendre que l’avenir du continent passe par de profondes révolutions intellectuelles, un renouveau de l’esprit de gouvernement et de la volonté collective. L’Europe ne s’en sortira jamais par la destruction de son patrimoine, en particulier de ses nations, mais au contraire par le renouveau de ces dernières, l’osmose entre des volontés nationales, un élan vital, une synergie, la quête d’un destin commun, et surtout, l’envie de se gouverner. (Petite lueur: une rencontre récente qui m’a fait plaisir avec M. Laurent Wauquiez, un homme politique dont j’ai apprécié la lucidité et la hauteur de vue).
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