C’est à y damner son catéchisme de science économique. Est-ce là du dirigo-libéralisme ou du libéral-dirigisme ? La main invisible d’Adam Smith actionnée par John Meynard Keynes ? Dix ans après que Lionel Jospin, premier ministre socialiste, eut désespéré son camp en déclarant, sincèrement et lucidement, que l’Etat ne pouvait pas tout, voilà qu’un président de droite, ami des PDG du Cac 40, suggère que l’Etat, par la voix de son chef, pourrait dicter sa volonté aux entreprises.
En tordant le bras du Medef, Nicolas Sarkozy nous fait donc du Besancenot dans le texte. Mieux partager la plus-value entre la rémunération du capital, l’investissement, et l’intéressement des salariés, qui ne pourrait souscrire à ce principe juste ? Mais que l’Élysée décide de l’imposer par la loi, c’est carrément gonflé !
Dès l’automne 2008, dans son discours de Toulon, le président avait bien appelé de ses vœux d’indispensables correctifs aux appétits mortels d’une ploutocratie gloutonne. Mais cette orientation sociale sombra avec la crise, vite noyée dans les remous des priorités, aussi changeantes que la marée, d’un quinquennat ébouriffé.
A un an des élections, on jette aujourd’hui les discours churchilliens et les angoisses de la dette à la mer ! Sauve qui peut : il faut ranimer la thématique du pouvoir d’achat. Et on le fait immédiatement, avec le savoir-faire de l’excellent sapeur-pompier qu’est le commandant Sarkozy. Vite, un bouche-à-bouche avec les électeurs pour compenser l’hémorragie des intentions de vote !
C’est une surenchère sympathique sur le marché des voix - qui dit mieux, Mesdames, Messieurs ? - et elle a le mérite de poser un débat essentiel : celui, éternellement posé et éternellement laissé en friches, de la participation gaulliste.
Mais cette intervention d’en haut, précipitée, n’est pas sérieuse. La forme primaire choisie par l’Élysée limite d’emblée l’ambition de l’élan. De son montant flottant - adieu les beaux 1 000 euros minimum qu’on avait fait miroiter - à son financement - c’est l’exonération de charges sociales qui la financera en grande partie - ,cette prime flottante sent l’arnaque. Si on comprend bien, c’est donc l’État sans le sou qui, au bout du compte, paiera ?
Un tel sujet contractuel aurait mérité un vrai dialogue social, de longue haleine, en début de mandat. Tous les salariés savent bien qu’une prime aléatoire ne répondra pas à la demande récurrente d’une hausse des salaires, nette et négociée, qui compte, elle, dans le calcul de la retraite.
Ironie de l’histoire : l’inégalité de la mesure, qui ne concernera qu’une minorité de salariés, rappelle celle, dévastatrice, des 35 heures. Sarkozy-Aubry même combat ? A ce rythme de coups, c’est la crédibilité de notre démocratie qu’on met KO.