Les coupes sociales prévues par le plan d'austérité déclenchent une fronde contre le gouvernement Merkel qui aimerait convaincre électeurs et voisins européens du bien-fondé de la rigueur. La gauche et les syndicats appellent à des manifestations samedi. Mais certains conservateurs sont aussi mécontents.
« Nous sommes tous des Grecs ! » sera sans doute le slogan le plus populaire des deux grandes manifestations qui vont se dérouler samedi, à Berlin et à Stuttgart pour protester contre le plan d'austérité présenté lundi par la chancelière Angela Merkel. A l'appel du syndicat des services Verdi, du parti de gauche Die Linke ainsi que de l'association altermondialiste Attac Deutschland, plusieurs dizaines de milliers d'Allemands mécontents vont ainsi défiler, histoire de montrer à leur chancelière mais aussi à l'Europe, que toute l'Allemagne ne soutient pas la politique du gouvernement allemand actuel. Les Grecs, à plusieurs reprises, parfois très violemment, les fonctionnaires espagnols, plus récemment, ont déjà exprimé dans la rue leur hostilité à la rigueur.
Forte grogne contre un plan « antisocial »
Ces manifestations ne sont qu'une goutte d'eau dans la vague de protestations déclenchée par le plan Merkel, jugé « antisocial » et dangereux pour la reprise économique. Le plan présenté par Angela Merkel à l'issue de deux jours de « séminaire gouvernemental », prévoit que l'Etat fédéral fera environ 80 milliards d'euros d'économies d'ici à 2014. Sur cette somme pas moins de 30 milliards seront prélevés sur les seuls budgets sociaux et l'aide aux chômeurs.
Au parti social démocrate, qui a annoncé une « résistance massive » au Parlement, on juge à l'instar de Andrea Nahles, secrétaire générale du SPD, que ces mesures sont « particulièrement lâches puisqu'elles épargnent les responsables de la crise et rasent les plus démunis ». Les syndicats, eux, menacent de se lancer sur le sentier de la guerre. Michael Sommer, président de la Confédération des syndicats allemands (DGB), a regretté ce « document sans perspectives » et a annoncé que les syndicats membres de sa fédération porteraient la contestation dans les entreprises et le service public.
Les conservateurs s'y mettent aussi
A droite, les critiques vont également bon train. Une partie du camp conservateur estime lui aussi que la contribution prélevée sur les chômeurs est trop lourde. Au point que Norbert Lammert, président conservateur du Bundestag a ouvert le débat à droite, ne craigant pas de briser le tabou imposé par le FDP, le parti libéral, qui ne veut pas entendre parler de hausse d'impôts, en évoquant le recours à l'impôt sur les hauts revenus : « J'aurais souhaité que l'on demande aux hauts revenus d'apporter une contribution particulière, ceci afin de souligner que c'est toute notre société qui doit fournir un large effort ».
Dans le camp conservateur, il n'est pas isolé. Christian Baümler, vice président de la Commission des Affaires sociales de la CDU, accuse le parti libéral de clientélisme : « Ceux qui sont touchés, sont ceux qui n'ont pas de lobby pour les défendre », en évoquant le monde de la finance dont la contribution, via une taxe qui reste encore à inventer, devrait s'élever à 6 milliards d'euros sur 3 ans. D'aucuns évoquent aussi le risque politique que contient tout plan d'austérité. Helmut Kohl comme Gerhard Schröder, ont perdu les élections deux ans après avoir lancé de tels programmes.
Redevenir un modèle pour l'Europe
« L'Allemagne ne peut pas imposer des principes dans l'Union européenne, si elle ne les applique pas chez elle », se défend Angela Merkel qui considère que la stabilité budgétaire est « la meilleure forme de prévention » contre les crises, tout en précisant que les budgets de l'éducation et de la recherche, domaines qui conditionnent l'avenir du pays, ont été épargnés. Wolfgang Schaüble a pour sa part rappelé que le plan était surtout « inévitable » pour que l'Allemagne respecte l'obligation qu'elle a inscrite dans sa constitution de retrouver l'équilibre budgétaire en 2016.
« Le programme d'économies s'étale sur plusieurs années. Le volume annuel de consolidation ne dépasse en fait pas 0,5 % du PIB par an. Cela ne devrait pas freiner la conjoncture de manière sensible », estime Jörg Krämer, chef économiste de la Commerzbank qui rappelle ainsi le plan d'austérité de Mme Merkel, rapporté au PIB, n'est en définitive pas si « historique » que cela. Dans les années 80, le gouvernement d'Helmut Kohl avait en effet adopté un plan de rigueur d'un volume équivalent à 3 % du PIB allemand de l'époque.
Un plan d'austérité peut en cacher un autre
Dans les milieux économiques, les avis sont partagés. Globalement, on pense que le plan d'austérité est plutôt une bonne chose et ne viendra pas étouffer une croissance qui s'annonce plus robuste que prévu. Hans Werner Sinn, le très écouté patron de l'Institut de recherches IFO, accorde ainsi son satisfecit à la chancelière mais fait remarquer, comme bien d'autres, que ce plan ne suffira pas à combler le déficit budgétaire allemand d'ici à 2016. Et donc qu'il en faudra d'autres. Il propose par exemple d'appliquer le péage poids lourds par satellite aux automobiles.
Pour Karl Heinz Däke, le président de l'influente association des contribuables allemands, en revanche, il y a tromperie sur la marchandise puisque une partie des économies annoncées proviendront de l'introduction de nouvelles taxes, par exemple sur le combustible nucléaire, le trafic aérien ou l'activité bancaire, et pas d'une vraie réduction des dépenses publiques. Dans les coulisses du pouvoir, des discussions houleuses ont déjà démarré pour savoir à quoi ressembleront les prochaines mesures d'économies...