vendredi 9 septembre 2011
Grèce : Taxis en grève, étudiants dans les rues
Selon la fédération des taxis (Poeiata), cette loi « anéantit le secteur » et sert « les intérêts de grands entrepreneurs » en érigeant la « pierre tombale » de 70.000 familles. Publié au début de la semaine par le ministre des Transports, Yannis Ragoussis, le projet de loi ouvre la voie à l’installation de sociétés de taxis en bonne et due forme et instaure des conditions pour l’achat ou la vente des licences, une transaction jusqu’ici occulte qui favorisait la circulation d’argent noir. Il prévoit également des critères pour l’obtention de ces licences visant à améliorer les services des taxis, renommés pour leur faible qualité.
Les taxis ont annoncé une deuxième grève de 24 heures samedi, jour du discours de rentrée politique et économique du Premier ministre, Georges Papandréou, à Salonique, à l’occasion de l’ouverture de la Foire internationale annuelle.
L’autonomie des universités en question
De leur côté, les étudiants de gauche, dont certains participent à l’occupation de départements universitaires dans plusieurs villes de Grèce, manifestaient à Athènes contre une réforme votée en août au Parlement. Cette réforme, adoptée à l’unanimité par la droite et la gauche, aligne les diplômes sur le système européen, ouvre les facultés sur le marché du travail et aux financements privés et prévoit la fin de la cogestion des universités par des organisations estudiantines. Les recteurs et le syndicat enseignant se sont également dressés contre ces mesures, accusées de compromettre l’autonomie des établissements et de menacer leur caractère gratuit et public.Après avoir été accusé par l’UE et le FMI la semaine dernière de retards dans la mise en œuvre des réformes, le gouvernement s’est engagé mardi à accélérer les privatisations et les réformes structurelles prévues, parmi lesquelles la réduction du secteur public ou la réforme des taxis. Par ailleurs, les syndicats des douaniers et des agents du fisc ainsi que des éboueurs d’Athènes ont annoncé des grèves en début de semaine prochaine.
Pour sa part, la Commission européenne a exclu jeudi une sortie forcée de la Grèce de la zone euro, et a rappelé qu’il n’y avait aucun débat sur le sujet à Bruxelles. « Aucune sortie, ni expulsion de la zone euro n’est possible d’après le traité de Lisbonne. La participation à la zone euro est irrévocable. Il n’y a aucune discussion à ce sujet », a affirmé Amadeu Altafaj, porte-parole du commissaire aux Affaires économiques, Olli Rehn. Pourtant, certains pays n’hésitent plus à appeler Athènes à quitter l’Union monétaire.
Débat sur une sortie grecque de la zone euro
Alors qu'Athènes peine à remplir les objectifs budgétaires attachés à son plan de sauvetage, la colère monte en Allemagne et aux Pays-Bas, où de hauts responsables politiques parlent désormais ouvertement d'une possible sortie de la Grèce de la zone euro.
Les dirigeants de la zone euro avaient jusqu'à présent rejeté tout scénario de sortie d'un membre de la monnaie unique, jugeant que cela serait désastreux pour le pays concerné tout en causant des troubles systémiques pour l'ensemble de la région.
Mais des voix s'élèvent à présent pour évoquer l'impensable, peut-être en vue de pousser Athènes à prendre des mesures plus drastiques de réduction de son déficit budgétaire.
"Je comprends qu'il y ait de la résistance aux mesures d'austérité au sein du peuple grec, mais au final, c'est à la Grèce de savoir si elle peut remplir les conditions qui sont nécessaires pour faire partie des membres de la devise commune", a déclaré jeudi le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, lors d'une interview à la radio allemande.
Le ministre hausse le ton depuis que les inspecteurs de la "troïka" - Union européenne, Fonds monétaire international (FMI) et Banque centrale européenne (BCE)- ont suspendu pour dix jours leurs pourparlers avec la Grèce au sujet du versement de la prochaine tranche d'aide internationale en raison du retard pris par Athènes dans la réduction de son déficit.
Le gouvernement néerlandais a de son côté formulé mercredi une proposition selon laquelle les pays ne respectant pas les règles en matière de déficits puissent être placés sous l'administration d'un "contrôleur" budgétaire européen et aient la possibilité de quitter la zone euro.
"Les pays qui ne sont pas prêts à être placés sous administration doivent pouvoir choisir de quitter la zone euro", a déclaré le Premier ministre néerlandais Mark Rutte au Parlement, précisant que ce projet avait le soutien de l'Allemagne et de la Finlande.
Le porte-parole du gouvernement grec s'est vu contraint jeudi d'assurer qu'il n'y avait aucune menace de sortie de l'euro pour la Grèce, tandis qu'un porte-parole de la Commission européenne a dit qu'il n'y avait "pas du tout de débat à ce sujet".
LA RÉCESSION COMPLIQUE LA RÉDUCTION DU DÉFICIT
La question d'une sortie d'Athènes de la zone euro se pose alors que l'économie grecque en est à sa troisième année de récession.
D'après le service grec des statistiques, le produit intérieur brut (PIB) s'est contracté de 7,3% sur un an au deuxième trimestre.
Le taux de chômage ressort quant à lui à 16%, contre 11,6% en juin 2010, peu après l'obtention par Athènes de son premier plan de sauvetage.
A l'occasion de la publication de ces chiffres, le ministre grec de l'Economie a prévenu que le déficit budgétaire serait plus important que convenu auprès de ses créanciers, en raison de la récession.
Athènes s'était fixé comme objectif un déficit de 7,6% du PIB en 2011 contre 10,5% l'année précédente.
Les inspecteurs de la troïka feront leur retour à Athènes la semaine prochaine, mais leur départ brutal a renforcé le sentiment, déjà largement répandu dans le nord de l'Europe, que le gouvernement grec est au final peu disposé à prendre les mesures budgétaires drastiques déjà requises par le premier plan de sauvetage de 110 milliards d'euros, conclu en mai 2010.
Cette première aide s'étant révélée insuffisante, les dirigeants de la zone euro se sont mis d'accord le 21 juillet dernier sur un deuxième plan de sauvetage du même ordre de grandeur. Mais celui-ci doit encore être ratifié par les parlements nationaux et semble menacé alors que plusieurs pays, Finlande en tête, souhaiteraient voir Athènes fournir des contreparties à leurs prêts.
La Grèce est pressée d'avancer sur ses réformes budgétaires avant le retour des inspecteurs, pour pouvoir continuer à prétendre à sa prochaine tranche d'aide de huit milliards d'euros.
"Au regard des difficultés que rencontre l'actuel programme pour la Grèce - le versement de la prochaine tranche d'aide - un débat autour d'un deuxième programme pour la Grèce est très prématuré", a estimé jeudi Wolfgang Schäuble dans un discours au parlement.
"EFFET DOMINO"
Le Premier ministre finlandais doit rencontrer Angela Merkel et Wolfgang Schäuble mardi prochain à Berlin, apprenait-on jeudi auprès d'une source au fait du dossier.
La chancelière allemande avait exclu lundi toute sortie de la zone euro d'un Etat membre en difficulté, estimant qu'une telle issue produirait un "effet domino" dangereux.
Il n'existe en effet aucun cadre juridique à la sortie d'un pays de la monnaie unique et les coûts d'une telle sortie pourraient bien se révéler plus lourds encore pour la zone euro que l'inconvénient de garder un mauvais élève dans ses rangs.
Selon UBS, les conséquences d'une sortie d'un pays membre en difficulté comprendraient un défaut souverain, un défaut des entreprises sur leurs emprunts, mais aussi l'effondrement du système bancaire et du commerce international.
Au total, UBS estime que le coût de sortie de la zone euro d'un pays en difficulté - tel que la Grèce, l'Irlande ou le Portugal - atteindrait entre 40 à 50% de son produit intérieur brut, soit 9.500 à 11.500 euros par habitant.
Un haut responsable de la zone euro a dit à Reuters qu'une sortie de la zone euro était inconcevable, y compris pour l'Allemagne, en raison des turbulences que provoquerait un tel scénario:
"La zone euro n'est pas un café où vous entrez et sortez. L'interdépendance financière et monétaire est si grande, si forte que le destin d'un seul membre cause des problèmes à tous les autres."