vendredi 6 février 2015
Hollande, l'enchanteur
Jeudi, le président a sorti le grand jeu pour tirer au mieux profit des événements tragiques de janvier.
L'occasion était trop belle, et franchement on ne reprochera pas au président de la République de l'avoir saisie. Il aurait été bien sot de ne pas le faire, et il l'a fait avec habileté. C'était son droit et même son devoir. Reste à savoir s'il sera à la hauteur de ses intentions : elles sont excellentes, mais comme à l'habitude démesurées, et elles cachent mal ses intérêts personnels.
Quelle occasion ? On l'aura compris : les événements tragiques de janvier qui ont secoué la France, provoqué le sursaut populaire que l'on sait et rehaussé dans des proportions significatives le crédit défaillant de François Hollande et de son gouvernement. Il en a visiblement retiré une énergie comparable à celle qu'il montrait aux premiers jours de son mandat, et porteuse d'une promesse tout aussi ambitieuse. Effacé le passé, oubliés les déconvenues, les erreurs, les échecs de ces bientôt trois dernières années : le président nouveau est arrivé, revêtu du costume inespéré et flatteur que lui ont taillé les circonstances.
"Ce qui va changer, dit-il, c'est la confiance." Tout le problème est là, en effet. Que sa propre confiance en lui-même soit renforcée par ce coup du sort imprévu, certes. Mais c'est la confiance populaire qui est en cause, la seule qui compte. Elle dépendra des résultats de la politique qu'il s'apprête à mettre en oeuvre. À cet égard, un journaliste a posé la bonne question, lui demandant s'il ne craignait pas que "l'esprit du 11 janvier ne se fracasse sur [sa] politique économique". On n'a pas eu la réponse, pour la simple raison que la politique économique n'a été que subsidiairement évoquée par lui.
LIRE aussi notre article "Les techniques de François Hollande pour éviter de répondre à la presse"
L'objet du long discours de jeudi était en effet ailleurs que sur ce terrain. Il se situait à des hauteurs beaucoup plus élevées : le rang de la France, la restauration de la République, l'unité nationale, la démocratie, bref essentiellement des concepts. Certes, l'évocation de ces valeurs était assortie de propositions concrètes, mais dont le nombre et l'ambition étaient tels qu'on en avait le tournis. Cecatalogue impressionnant d'annonces est plein de bonnes choses, mais dont la plupart ne sont pas nouvelles : l'investissement diplomatique de la France dans les crises mondiales, au premier rang desquelles l'Ukraine, le projet éducatif, le virage écologique, la politique d'intégration, etc. On souscrit volontiers à tous ces projets. Mais c'est trop à la fois, et à quel prix ? Toujours cette confusion entre le possible et le réel, entre les principes et leur application.
Qui n'est pas d'accord avec les principes ? Ceux qui fondent la République, par exemple. Mais que signifient la liberté et l'égalité dont le discours du président était plein, si la dignité des hommes n'est pas assurée dans leur existence quotidienne par les conditions de vie auxquelles ils ont droit ? Que signifient ces valeurs si on ne les appuie pas sur une politique qui favorise le progrès économique et la justice sociale, si l'on n'offre pas une espérance à ceux qui ont peine à vivre ? Or tout au plus a-t-on entendu quelques mots sur le fameux pacte de responsabilité, unique et dérisoire produit de la gestion économique et sociale de la France au cours de ces deux dernières années. Et l'unité nationale ? Quel sens a-t-elle, sinon celui d'un voeu pieux, lorsqu'on la rapporte au contexte actuel, avec quelques millions de chômeurs et une politique contestée par la majorité de l'opinion ? Et la fraternité, leurre entre les leurres, dans un pays déchiré par ses divisions, ses corporatismes, ses conflits d'intérêts ?
Qu'a-t-elle attendu, la gauche au pouvoir, elle qui se veut le défenseur historique de ces valeurs, pour les renforcer au-delà des mots depuis qu'elle est au pouvoir ? Que n'a-t-elle précédé hier l'événement plutôt que de le récupérer aujourd'hui ? Et quelle confiance lui accorder pour demain si l'on sait qu'elle avait les moyens d'ajuster les actes aux intentions et qu'elle a failli à cette mission ?
On peut rêver. Il rêve, lui, l'enchanteur. Mais se fait-il autant d'illusions qu'il y paraît, lui qui une nouvelle fois annonce qu'il ne se représentera pas en 2017 si le chômage en reste là où il est ?
Panique en France : le don du sang pourrait ne plus être gratuit !
Le modèle éthique français du don de sang, que le monde entier nous envie évidemment sans pour autant le copier systématiquement (les fous !), est sans doute en train de vivre ses dernières heures. Depuis le lundi 2 février, le monopole de droit dont jouissait l’Établissement Français du Sang (EFS) est tombé et la vente de plasma issu de la collecte de sang est maintenant ouverte à la concurrence. Immédiatement, tous ceux que la question titille se sont dressés pour imaginer le pire et hurler à la mort.
En effet, avec la disparition du monopole, le modèle économique de l’ESF, établissement public en charge de cette collecte, va être profondément modifié, à commencer probablement par la gratuité des dons de sang, comme en Allemagne, en Chine ou aux États-Unis où les volontaires sont rémunérés, et quand il est collecté, par exemple, par le groupe suisse Octopharma, cela tourne autour de 50 euros.
Bien sûr, d’après l’ensemble des humanistes qui ont bien réfléchi à la question, avec une telle rémunération ressort immédiatement l’hydre hideuse et visqueuse de la marchandisation du corps humain qui – c’est bien connu ! – est aux libéraux ce que le Carlton de Lille est à DSK : un terrain de jeux sordides où l’argent permet de tout acheter, au minimum. Nul doute que cette concurrence, une fois installée, va tout faire pour pomper en lentes succions gargouillées et glaireuses les précieux fluides de pauvres sans le sou, afin de les revendre à prix d’or à de riches citoyens trop heureux de bénéficier d’un système à deux vitesses dont la Sécu entendait pourtant protéger les Français. Ici, insérez l’histoire catastrophique et lacrymogène d’un malheureux qui va donner trente-huit litres de sang (au moins !) en une seule fois pour pouvoir payer son loyer, et vous aurez une vague idée des torrents de tristesse, de malheur et de grincements de dents qui vont s’abattre sur le pays suite à cette funeste décision que nous impose (encore une fois) une Europe turbo-libérale débridée. Sans compter, mes petits amis, qu’avec une rémunération, comment ne pas être tenté de ne pas révéler certaines informations sur son état de santé, et profiter ainsi d’un argent facile à récupérer ?
Dès lors, pas étonnant que les syndicats, les yeux pleins de larmes et conscients de l’immense responsabilité sociale qu’ils ont dans ce changement de paradigme fondamental, se soient emparés de la question et mettent déjà en exergue les inévitables dérives que cette (méchante) concurrence va entraîner : ils ont donc immédiatement déposé un préavis de grève, l’arrêt de toute action étant comme chacun le sait l’alpha et l’oméga de leurs méthodes (efficaces !) de résolution de problèmes. Rassurez-vous, il ne s’agit pas ici de lutter pour un don du sang gratuit (i.e payé par les autres), mais simplement de s’assurer que le changement de modèle économique de l’EFS n’entraîne pas de remise en question des emplois de l’établissement, même si l’apparition de cette concurrence – méchante, méchante concurrence !- devait remettre en cause son efficacité et le pousser à améliorer son service.
Parce que voyez-vous, aussi paradoxal que cela puisse paraître, le fait de rémunérer les fournisseurs de sang et de plasma revient en pratique moins cher que les dons : ces derniers, bien que gratuits, nécessitent à la fois des bénévoles disponibles, des campagnes de communications très coûteuses et une organisation plus souple qui doit en effet aller s’adapter à toutes les contraintes des donneurs, ce qui influe grandement sur le prix d’une poche de plasma. Comparée aux pays où les collectes de sang sont rémunérées, la France est donc effectivement moins compétitive.
Il faut aussi comprendre que si, jusqu’à présent, le sang est un tissu humain qui n’est officiellement pas une marchandise lorsqu’il est produit, qu’il n’en est toujours pas une lorsqu’il est prélevé, il le devient subitement lorsque ceux qui l’ont prélevé le vendent aux établissements hospitaliers avant qu’il soit utilisé. Autrement dit, cela bénéficie à celui qui le reçoit, cela bénéficie à celui qui le prélève, mais cela ne bénéficie en rien à celui qui le produit. Et l’idée même d’une rémunération de ces derniers affole les belles âmes qui seraient les premières, pourtant, à dénoncer une honteuse exploitation capitaliste pour toute autre production consentie mais non rémunérée.
Moyennant quoi, il sera impératif de bien ancrer dans l’esprit de tous que la moindre dérive vers une marchandisation d’un organe ou d’un fluide humain, à commencer par le sang, est une abomination absolue. Cet argument, purement moral et émotionnel et non rationnel et basé sur les faits et l’expérience pourtant menée dans plusieurs pays, permettra à tous ceux qui sont concernés, riches comme pauvres, d’être confrontés à la même pénurie, aux mêmes manques, aux mêmes risques de mourir bêtement par l’insuffisance des stocks, et, pire encore, au même marché noir.
Marché noir qui, pour le coup, favorise explicitement les riches au détriment des pauvres, alimente les réseaux de prélèvements douteux, la nécessité et la rareté faisant alors loi avant la sécurité sanitaire du donneur et du receveur. Du reste, c’est exactement le même problème qu’avec d’autres biens ou services rendus illégaux alors que leurs commerces, bien encadrés, ne fait pas de victime, au contraire. La drogue ou la prostitution viennent immédiatement à l’esprit, où la criminalisation du consommateur et du producteur (dans différentes proportions suivant les biens et les services) aura abouti, dans tous les cas, à de magnifiques résultats qui, en quelques décennies, ont largement prouvé l’efficacité des décisions prises sur ces bases purement morales et émotionnelles.
Autrement dit, grâce à l’imparable argument moral, on assure aux honnêtes gens une égale certitude de mort, et on ne change rien pour ceux qui sont effectivement prêts à tout. Le gain est, on peut le dire, discutable.
Oui, le classement du sang en bien strictement non marchand au niveau des donneurs a l’odeur et la couleur du cynisme, mais c’est surtout très pratique pour calmer les prurits moraux de certains dont la vie, au demeurant, ne dépend qu’assez rarement du bon approvisionnement de ce fluide.
Il a « changé »
Un président régalien. Tel est apparu François Hollande pour sa conférence de presse semestrielle. Et ce n'est pas par hasard, après la séquence tragique de janvier, que le chef de l'État qui fut à la hauteur de l'enjeu apparaisse comme occupant bien l'habit du président de la République. « J'ai changé ! », a-t-il confié, rappelant en cela Jacques Chirac qui avait changé avec la mort de François Mitterrand ou Nicolas Sarkozy qui avait changé avec la crise financière de 2008. Un président qui a d'ailleurs choisi le thème présidentiel par excellence, celui de la politique étrangère pour créer la surprise.
Cette surprise, c'est le voyage à Kiev. Il y a là de multiples sens. D'abord, la France renoue avec son rôle diplomatique se tournant vers un de ses plus anciens alliés, la Russie. Ensuite, François Hollande et la chancelière allemande replacent l'Europe au centre du jeu. Car l'Ukraine et la Russie sont nos plus proches voisins. C'est enfin pour Hollande une manière de confirmer qu'il faut parler avec la Russie et en particulier avec son président, Vladimir Poutine.
Avec le voyage à Kiev, François Hollande relance très fortement le couple franco-allemand qui avait eu un lien relâché au début du quinquennat. Et d'ailleurs, le président a justement rappelé que lorsque la France et l'Allemagne sont unies « ça pèse dans le monde ». D'autres dossiers vont arriver sur la table, au premier chef celui de la dette de la Grèce pour lequel François Hollande veut être un médiateur. Et pour réussir, il aura besoin d'Angela Merkel.
Un président régalien. En rappelant l'esprit du 11 janvier, en se posant en défenseur des valeurs de la République, en plaidant à plusieurs reprises pour l'unité nationale, François Hollande aura joué le registre du président au-dessus des questions d'intendance domestique. Ce n'est certes pas suffisant pour répondre aux attentes du quotidien des Français. Ce n'est pas assez pour se relancer dans le lourd dossier du chômage de masse. Mais c'est important que dans des circonstances exceptionnelles, le président de la République endosse les habits du père de la Nation.
Casqué et sans masque
La confession de François Hollande (« Je n’ai rien à cacher ») constitue une profonde révélation. Elle éclaire d’un jour nouveau un des mystères de son quinquennat. C’était par jeu, assez enfantin d’ailleurs, qu’il se rendait casqué, en scooter, chez sa bonne amie. Des malveillants voulurent voir dans ces équipées nocturnes une volonté de dissimulation et un souci de discrétion. Les sots ! Le Président, qui ne reconnait comme secrets que ceux de l’Etat, n’avait en réalité aucun désir de se dérober à la curiosité publique. Seul le hasard a pu donner l’impression contraire. Il faut donc admettre notre erreur et battre notre coulpe. Même s’il n’est pas certain que l’aveu présidentiel nous en apprenne beaucoup plus : l’authenticité d’un homme tient aussi à ce qu’il masque.
Aux grands mots les petits remèdes
Dans l’état où se trouve la France et après les épreuves qu’elle vient de subir, on attendait du chef de l’Etat une parole forte et des annonces concrètes. La cinquième conférence de presse de François Hollande ne fut pourtant que formules creuses et déclarations d’intentions. Mise à part l’initiative – heureuse – menée avec Angela Merkel pour peser sur le dossier ukrainien, que retenir en effet de cette intervention où les généralités le disputaient aux digressions ? Une promesse de service civique ? Il existe déjà et sera étendu. Une refondation de l’école ? Ce sera la énième, et les modalités proposées n’ont guère plus de chances de succès que les précédents plans. Une Agence nationale pour le développement économique des territoires ? Un machin de plus sans plan de marche ni objectif mesurable. Le tout noyé sous un flot lancinant où l’enflure des mots masquait mal l’absence de solution aux problèmes du pays : économie anémiée, chômage de masse, fragmentation des territoires, échec de l’école.
De bien grands mots pour de petits remèdes : c’est ainsi que, dans la bouche de François Hollande, les valeurs sont forcément « universelles », la réforme est inévitablement « citoyenne », le Français est heureusement « solidaire ». Bien sûr, l’Europe n’est ni de droite ni de gauche, non : « l’Europe, c’est l’Europe ». Quant à la République, elle « reconnaît tous ses enfants », et ça tombe bien puisque « notre richesse principale, elle est dans le peuple français »... C’est ce qui permet au chef de l’Etat de prétendre que « lorsqu’on a un pays qui a cette force-là, on doit le conduire pour aller plus loin ». Evidemment… Mais pour ce qui est de l’avenir du pays, et sans faire injure à « l’esprit du 11 janvier », ce serait bien de revenir dans le concret.
Le gouvernement grec va devoir composer avec les réalités économiques... (et ça ne l'arrange pas vraiment)
Le Premier ministre grec, à l’issue de sa tournée en Europe et de la fermeté de la BCE, a été obligé de revenir sur ses promesses et de reconnaitre qu’il lui faudra reprendre le programme de réformes. Tsipras admet que s’il voulait profiter des avantages de l’euro, il ne pouvait pas s’affranchir de quelques obligations élémentaires.
La journée d’hier a imposé une épreuve douloureuse au Premier ministre grec, Alexis Tsipras, et à son ministre de l’Économie, Yanis Varoufakis. Alors que le Premier ministre était venu à Paris, espérant que François Hollande lui apporte un soutien en espèces, il est reparti les mains vides... ou plutôt non pas vide, pleines de déception.
La France, comme l’ensemble des pays européens, refusent cette procédure d’annulation de dettes que demandent les Grecs. Ils refusent pour des raisons de principes d’abord, mais les principes on pourrait s’assoir dessus. C’est aussi pour des raisons financières, parce que cela risquerait de mettre en difficulté trois grandes banques françaises : la Société Générale, la BNP et le Crédit Agricole qui ont 45 milliards de crédits.
Plus grave, il n’a obtenu un soutien politique que très symbolique. Quand le chef du gouvernement grec a indiqué au Président qu'il comptait sur la France pour relancer la croissance en Europe, beaucoup se sont demandés s’il plaisantait ou pas. Le Président français lui a répondu du bout des lèvres. Et pour cause, la France aurait du mal à donner des leçons de croissance vu que depuis deux ans et demi la gouvernance de François Hollande tourne en rond et s’avère incapable de relancer la croissance en France.
Pendant ce temps-là, le ministre de l’Économie est allé, tel un cow-boy, demander de l’aide à la BCE, où il s’est fait accueillir très fraichement. Pas question, pour Mario Draghi de refinancer les banques grecques avant que le Premier ministre ait négocié un nouveau programme avec la zone euro. En moins d’une heure la rencontre a été pliée.
Au moins, les choses sont claires. Le gouvernement grec a trois semaines pour trouver des financements. C’est-à-dire pour présenter un plan cohérent qui pourra être négocié à Bruxelles et à Francfort. Le ministre de l’Économie a ce plan sous le coude depuis pas mal de temps. Il lui fallait créer un psychodrame en Europe pour faire passer la pilule aux Grecs qui auront du mal à l’avaler. Après cette tournée désastreuse, ils pourront expliquer qu’ils n’ont pas le choix.
Le plan demandera un rééchelonnement, une sorte de dette perpétuelle. Il s’engagera à rembourser sans dire quand précisément. Personne ne sera dupe mais les règles comptables seront respectées. On évite les effets systémiques.
La BCE, comme toutes les banques centrales du monde, va prendre de la mauvaise dette. Dans le droit bancaire cela s’appelle une structure de défaisance. On avait créé une telle structure pour éponger les dettes du Crédit Lyonnais épuisé par la folie des grandeurs de la gouvernance Mitterrand.
Mais il va falloir que la Grèce reprenne son programme de réforme. Beaucoup font mine de découvrir que la Grèce est sous tutelle, mais ce n’est pas nouveau. La Grèce est sous tutelle depuis 2011. Comme n’importe quelle entreprise en difficulté. L’intérêt de tous, c’est que la Grèce puisse se relever afin de sauver le peuple grec de la misère et sauver les créances de la ruine. La procédure de mise en tutelle est plutôt une bonne procédure pour protéger les autres d’un dysfonctionnement.
Cette affaire appelle deux remarques qui peuvent être salutaires pour l’avenir.
1ère remarque, la communauté européenne a assez bien fonctionné contrairement à ce qui s’est passé lors des crises précédentes. La Grèce qui s’était mise dans l’idée de créer la zizanie entre les partenaires, de les mettre en désaccords en espérant en tirer des avantages, n’a pas réussi. Les membres de la zone euro sont restés tous sur la même ligne obligeant le gouvernement grec à amender ses ambitions.
2ème remarque, pour arriver au pouvoir, la gauche radicale a empilé les promessesqui sont irréalisables.
Alexis Tsipras aussi jeune soit-il, aussi énergique soit-il, a totalement nié la réalité. Il vient de dire pour la première fois que la Grèce est potentiellement en faillite depuis dix ans et qu’elle n’a jamais rien fait pour s’en sortir au contraire.
On a menti aux Grecs. La majorité qui gouverne la Grèce a menti au peuple grec pour être élue, alors qu'elle aurait pu lui dire la vérité. Elle le pouvait.
Ça rappelle quand même étrangement l’attitude de François Hollande au moment de la présidentielle. Pas besoin d’expliquer la vérité parce que la croissance reviendra comme par miracle, pensait-il.
Mais en économie comme en politique, les miracles n’existent pas. Les partis extrêmes qui en font commerce en profitent mais ils se déconsidèrent aussi. Quand les électeurs grecs vont s’apercevoir qu’ils ont été trompés, ils vont se détourner de leurs dirigeants. En France, il a fallu moins de six mois pour que la réputation de François Hollande s’effondre.
Si au moins, les grands partis de gouvernement, en profitaient pour présenter des programmes responsables et compatibles avec les réalités, on aurait une chance d’avancer. Si la démocratie permet partout en Europe, à des gouvernants d’arriver au pouvoir en promettant tout et son contraire, on ne donnera pas cher de la démocratie.
Les emprunts toxiques, ça continue. C’est pas grave, c’est le contribuable qui régale
Selon la loi de Murphy, quelque chose qui peut mal tourner finira probablement par mal tourner. Et lorsque l’État, des élus et l’argent du contribuable sont impliqués, cette probabilité se transforme en certitude inévitable au même titre que la mort et les impôts. Il en va ainsi des emprunts complexes qui furent contractés au début des années 2000 par les collectivités territoriales et qui ont largement défrayé la chronique. On pourrait croire qu’à présent, tout le monde étant au courant, les responsables publics se soient assagis. Il n’en est rien.
Tout d’abord, il y a bien sûr le simple fait que, pendant que la mode était à la multiplication de ce genre de cascades financières osées, les collectivités territoriales ne furent pas les seules à en croquer. Au-delà des mairies, communautés de communes et autres regroupements d’agglomérations qui se sont empressés, dès que l’égo des élus enflait, de contracter ces bombes financières à retardement, on trouve aussi des institutions locales à commencer par les hôpitaux publics. Or, si l’on entend assez facilement les couinements ulcérés de maires et des conseillers généraux aux finances exsangues une fois les taux brutalement relevés à la faveur d’un franc suisse toujours plus solide, et ce, d’autant plus facilement que la presse aime se faire l’écho des célébrités politiques locales, on entend en revanche nettement moins parler des directeurs d’établissements hospitaliers publics qui ne sont pourtant pas les derniers à avoir profité de ces montages douteux.
Et c’est au détour de quelques articles dans la presse spécialisée (qu’on pourra lire ici, moyennant abonnement) qu’on découvre que la situation, qui n’est franchement pas rose pour les communes embourbées dans les misères toxiques et les petits arrangements avec la structure de défaisance de Dexia, ne l’est pas plus pour certains hôpitaux. Ainsi, la récente envolée des cours du franc suisse entraînerait une hausse du coût de sortie de ces emprunts improbables d’environ 400 millions d’euros, dont tout indique que ce sera le contribuable qui devra, d’une façon ou d’une autre, les régler.
Il faut en effet comprendre que depuis le plan Hôpital 2007 puis Hôpital 2012, les établissements publics de soins ont été largement encouragés à se débrouiller par eux-mêmes pour trouver des financements, quitte à croquer dans le fruit interdit (et méconnu à l’époque). La Cour des Comptes avait, en avril dernier, évalué à environ 30 milliards d’euros la dette totale de ces établissements, dont 20% (c’est-à-dire 6 milliards tout de même) classés « sensibles » — sans doute pour éviter le mot « toxique ». On comprend que le récent abandon du « peg » euro-franc suisse a jeté comme un petit vent de panique auprès de tous les joyeux souscripteurs de ces emprunts.
Mais là où l’affaire prend une tournure malheureusement trop habituelle, c’est lorsqu’on apprend la mise en place d’un fonds de soutien pour les hôpitaux ayant contracté ces emprunts structurés à risque, fonds abondé par le contribuable et, notamment, tous les établissements de soins, y compris privés, via l’utilisation habile de crédits d’assurance maladie. Autrement dit, ce sont les contribuables et les cliniques qui vont payer pour la gestion hasardeuse des hôpitaux publics. Chose qui ne plaît guère à Lamine Gharbi, le président de la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP), qui déclare :
« Nous refusons catégoriquement que soient financées les erreurs de gestion des hôpitaux publics, on ne peut plus accepter que des erreurs soient payées par la collectivité au détriment des autres secteurs privés et associatifs. »
Et on comprend l’agacement du président de la FHP puisqu’en regard des établissements publics qui ne se sont pas gênés pour risquer ainsi les finances du contribuable dans du carry-trade en francs suisses, aucune clinique n’a contracté d’emprunt toxique. Bizarrement, celles-ci ont sans doute jugé ces emprunts un peu trop louches, ou trop risqués, ou trop beaux pour être vrais et se sont abstenues de mettre leurs finances en péril. De là à conclure que l’engluement dans des bricolages financiers hasardeux est précisément la marque d’un secteur public qui n’a rien à carrer des finances publiques, il n’y a qu’un pas qu’on se gardera de franchir, parce que ce n’est pas le style de la maison.
Pour le franchir, il faudrait vraiment qu’un nouvel exemple d’institution publique, déjà lourdement endettée, s’amuse à se lancer maintenant, là, tout de suite, dans cette période troublée, dans un nouvel emprunt en devise étrangère avec des taux soi-disant bas, avec l’argent du contribuable, et la quasi-certitude d’une catastrophe à moyen ou long terme. Évidemment, un tel cas semblerait à la fois grotesque (tout le monde sait, maintenant, ce qu’est un emprunt toxique, le carry-trade sur une monnaie étrangère et les risques qu’on court) et franchement caricatural (Une institution publique, se lancer dans une telle opération, en pleine période d’austérité ? Vous n’y pensez pas !).
Et voilà que fonce sur le devant de la scène la célèbre CADES, la caisse d’amortissement de la dette sociale, établissement public s’il en est, qui gère donc la dette de tout le bazar d’assurance santé que les Français regroupent sous le vocable « Sécu ». Alors même qu’un nombre inquiétant d’établissements de soins s’agite dans les affres du surendettement et des emprunts toxiques, laCADES fanfaronne dans la presse en annonçant, joyeuse comme seuls les parfaits imbéciles ou les irresponsables savent le faire, avoir réussi pour la première fois et avec brio l’émission en renminbi, « la monnaie du peuple » chinois, un emprunt de 423 millions d’euros (ou 3 milliards de renminbi) à un taux de 3,8% sur deux ans. Le patron de la CADES se réjouit même du montant :
« Aucune autre émission en yuan n’a atteint un tel montant ces deux dernières années. Cela place la CADES parmi les grands émetteurs prestigieux du service public »
Youpi, tralala, on vient de souscrire un emprunt de 3 milliards de renminbi. Tout ira bien : le renmimbi, cette monnaie sous-évaluée que la Banque Centrale Chinoise fait tout pour empêcher de monter depuis des années, ne gagnera pas de valeur, l’euro ne se cassera pas la figure, et on pourra rembourser ce prêt à un taux très raisonnable sans souci puisque il est seulement de 3.8%, mes enfants. Bien sûr, d’ici deux ans, la monnaie chinoise ne s’appréciera pas, même pas un petit peu suite (par exemple) à une décision unilatérale de la Banque Centrale Chinoise de lâcher un peu la bride à sa monnaie — ça n’arrivera jamais, c’est du Suisse jamais vu, c’est impossible, les Chinois sont fourbes mais ne feront jamais ça, voyons. Et puis, ce n’est pas un risque inconsidéré, puisque c’est géré au cordeau par des gens responsables et soucieux des deniers du peuple. Ils l’ont tous largement prouvé.
Franchement, c’est sûr, tout va bien se passer.
Le «vivre ensemble» à l’aune du fiasco fiscal
Comment va le «pacte fiscal» en France ? Comme sa cohésion sociale : mal, de plus en plus mal. Un nouveau rapport du Conseil des prélèvements obligatoires s’en alarme. Sans prôner le grand soir, ses auteurs réclament la refondation d’un système que l’on sait illisible, incohérent, injuste et inefficace. Bien sûr, leurs préconisations – même les plus prudentes – resteront lettre morte. François Hollande a déjà étouffé son engagement d’une fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG, déjà enterré la «mise à plat» défendue par son ancien Premier ministre. Ce n’est pas au moment où il se concentre sur les moyens de prolonger l’«esprit du 11 janvier» que le chef de l’Etat va prendre le risque d’une réforme nécessaire, mais dangereuse. Dommage.
Dommage parce que l’impôt est au cœur de l’emploi, de l’activité, de la confiance. Et donc de ce «vivre ensemble» que le Président cherche tant à restaurer, à réinventer. Il faut dire qu’en deux ans et demi, il a enchaîné les erreurs. Son acharnement sur les plus riches a détérioré l’attractivité du site France. Ses hausses de prélèvements aussi débridées que mal calibrées ont, fait sans précédent, abîmé l’adhésion au modèle social des classes moyennes, au bord de la révolte. Son choix de réduire pour finir le nombre de contribuables redevables de l’impôt sur le revenu a fragilisé encore davantage le contrat républicain ; or les experts recommandent, au nom justement de cette cohésion nationale à réparer, «un impôt pour tous, même symbolique». Résultat, l’obsession de l’égalitarisme par la taxation a prévalu alors que les Français montrent chaque jour, jusque dans la rue, leur désir d’autonomie, de liberté.
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