TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

lundi 7 mars 2011

Marine Le Pen : les sondeurs ont-ils les bonnes méthodes d'évaluation ?

C'est un sondage qui fait du bruit, à en croire l'écho médiatique qu'il suscite : l'étude Harris Interactive publiée dans Le Parisien samedi 5 mars donne Marine Le Pen en tête du premier tour de la présidentielle, avec 23 % d'intentions de vote si le scrutin avait lieu aujourd'hui. Si ce sondage génère autant de réactions, c'est parce qu'il suggère qu'un nouveau "21 avril" n'est pas exclu, mais aussi parce que sa méthode est critiquée. D'abord, bien sûr, parce qu'il ne teste qu'une hypothèse de candidat socialiste, Martine Aubry, oubliant notamment Dominique Strauss-Kahn, mieux placé dans les sondages de premier tour précédents (d'ailleurs, mardi sera publiée une nouvelle étude, avec François Hollande et "DSK").

Ce sondage pose la question des méthodes d'évaluation du vote pour le Front national. Connu pour son style direct, Jean-Luc Mélenchon a par exemple dénoncé une étude faite "sans qu'on sache davantage quels bidouillages, coefficient multiplicateur, redressement, et autres salades pourries sont à l'œuvre dans la fabrication de cet 'événement'". Les "méthodes de redressement", ces fameuses techniques que chaque institut développe pour corriger les chiffres bruts, sont particulièrement discutées. Interrogés par Le Monde.fr avant la publication de l'étude du Parisien, les sondeurs de quatre  instituts (Sofres, BVA, Harris Interactive et IFOP) reconnaissent que le vote Front national reste un peu à part dans les études d'opinion. Car pour un sondé, "avouer" qu'on voterait ou qu'on a voté pour le FN reste souvent difficile à assumer. Edouard Le Cerf, de la Sofres, précise : "Les taux de redressement sont un peu plus forts pour le FN que pour d'autres partis. Et il y a eu un choc traumatique le 21 avril 2002..." Les sondeurs savent bien qu'on les a accusés de ne pas avoir vu venir l'accession de Jean-Maris Le Pen au second tour. L'enjeu de la correction des chiffres est d'autant plus grand...
Aujourd'hui, avec l'arrivée de Marine Le Pen, à qui on prête une stratégie de "dédiabolisation", l'image du vote FN semble plus acceptable pour certains. Les sondeurs sont donc confrontés à un nouveau problème : certains estiment qu'il faudrait adapter les critères de redressement, de peur de la surestimer. Interrogé lundi, alors que ses méthodes sont dénoncées notamment par un confrère, Jean-Daniel Lévy, de Harris Interactive, nuance : "Nous avons des techniques de redressement similaires mais nous les appliquons de façon moins ferme pour Marine Le Pen que pour son père." Pourtant, d'une manière générale, s'ils reconnaissent qu'il y a une part d'appréciation, dans ce domaine sensible, les sondeurs interrogés défendent leurs méthodes, les jugeant toujours adaptées.
La reconstitution de vote : le souvenir du vote Jean-Marie Le Pen. La "reconstitution" des votes antérieurs reste le principal mécanisme de redressement des sondages, qu'il s'agisse de Marine Le Pen ou de son père, ou d'un autre candidat. L'idée est de corriger le fait que les sondés, quand on leur demande aujourd'hui ce qu'ils ont voté à la dernière élection, donnent des réponses décalées par rapport aux résultats réels du scrutin. C'est particulièrement vrai pour le vote FN. La reconstitution de vote reste pertinente, pour Marine Le Pen comme pour Jean-Marie Le Pen, explique Edouard Lecerf, de la Sofres. "Certains des sondés ont oublié leur vote, d'autres le dissimulent. Le vote Front national est plutôt moins bien ‘reconstitué' que les autres. C'est pour cela qu'on applique un correctif : si on obtient 8 % de réponses et que le score réel de l'élection pour ce candidat était 12 %, on accorde un poids plus important à ces individus dans les calculs, pour rétablir l'équilibre." Pour que l'échantillon reflète mieux l'électorat, l'intention de vote exprimée par ceux qui disent avoir à l'époque voté pour le candidat FN pèse alors un peu plus, qu'elle soit favorable à Marine Le Pen ou à un autre candidat, poursuit le sondeur, qui précise que le correctif ne s'applique donc pas directement sur les intentions de vote.
Eric Bonnet, de BVA, indique que le "taux de reconstitution" du vote Le Pen, certes assez bas, est le même aujourd'hui qu'en 2007 : à l'époque, lors de la dernière présidentielle, 50 % de ceux qui avaient voté Jean-Marie Le Pen en 2002 le déclaraient dans les sondages, selon lui. A la fin de l'année 2010, 5 % environ des sondés disaient avoir voté pour le candidat du FN à la présidentielle de 2007, précise-t-il. Or, Jean-Marie Le Pen a obtenu un score deux fois plus important : 10,4 % des voix au premier tour.
La sûreté de choix : un électorat moins "intense politiquement" ? "L'arrivée de Marine Le Pen en remplacement de son père pose toutefois une question : celle de la dicibilité de ce vote ", estime Stéphane Rozès, ancien directeur de l'institut d'études CSA. La "dicibilité" est la facilité à dire qu'on a voté pour un candidat, et il n'est pas impossible que celle-ci soit plus grande pour Marine Le Pen que pour Jean-Marie Le Pen, car celle-ci "a renoncé à utiliser certains éléments provocants comme les références à la seconde guerre mondiale ", rappelle le politologue.
S'il avait à faire des sondages aujourd'hui, Stéphane Rozès envisagerait de "redresser un peu moins à la hausse pour Marine Le Pen que pour son père". Comment ? "Par exemple, à partir du critère de sûreté de choix du vote." Ce critère est un des deux autres paramètres utilisés pour redresser les votes : on demande aux électeurs s'ils sont sûrs de leur choix et s'ils sont sûrs d'aller voter. "Le principe serait que la sûreté du choix permet d'évaluer le caractère difficilement dicible du vote : le vote Jean-Marie Le Pen était réputé plus restreint, par rapport aux intentions de vote actuelles de Marine, et plus intense politiquement." L'hypothèse faite par le politologue est que les électeurs de Jean-Marie Le Pen seraient moins nombreux et plus convaincus que ceux attirés aujourd'hui par sa fille. Pour les sondeurs interrogés, les outils actuels restent pourtant adaptés, même si l'un d'entre eux, Jean-Daniel Lévy, de Harris Interactive, affirment que la "ligne de conduite" pour les appliquer a changé.
L'équilibre des critères : un redressement moins "ferme" ? Interrogé lundi, après la polémique suscitée par le sondage du week-end, Jean-Daniel Lévy précise : "Nous avons des techniques de redressement similaires mais nous les appliquons de façon moins ferme pour Marine Le Pen que pour son père. Nous sommes prudents." Concrètement, cet infléchissement est "plus complexe" qu'une simple baisse du coefficient tiré de la reconstitution de vote, ajoute le sondeur qui dit s'aider de questions parallèles. Ces questions, que le sondeur n'entend pas révéler, montreraient notamment la "porosité" des idées du FN dans l'opinion, aujourd'hui et à l'époque de Jean-Marie Le Pen. Et justifieraient en partie un redressement plus faible pour Marine Le Pen que pour son père.
Dans le monde très concurrentiel des sondages, les critères d'évaluation du vote Front national ont déjà donné lieu à des polémiques. Une des plus connues concerne CSA, qui s'était distingué car il donnait, pour Jean-Marie Le Pen, des intentions de vote supérieures à celle des autres instituts de sondages. Une particularité qui, en 2007, lui avait valu une "mise au point" de la commission des sondages, un fait rare. L'institut employait à l'époque Jean-Daniel Lévy, mais aussi Stéphane Rozès, qui se rappelle ce choix de méthode : "Nous avions deux questions en plus de celles utilisées par les autres instituts : 'pourriez-vous voter FN ?' Et 'vous sentez-vous proches des idées du FN ?', explique-t-il. Cela fonctionnait bien en 2002, moins bien en 2007." Jean-Daniel Lévy précise que les questions utilisées aujourd'hui sont différentes car elles ne sont pas regroupées en un "indice",  comme à l'époque.
Tous les sondeurs reconnaissent qu'il y a une marge d'appréciation dans l'application des critères de redressement : cela fait à la fois la force des sondeurs, qui se conçoivent comme des spécialistes de l'opinion, mais aussi leur faiblesse, car on peut les taxer d'arbitraire : c'est ce que fait Jérôme Sainte-Marie, de CSA, en s'en prenant lundi à Jean-Daniel Lévy, auteur du sondage controversé pour Harris Interactive. Il l'accuse dans Libération d'avoir gonflé les chiffres de cette étude pour faire un coup médiatique. Un argument repris notamment par Martine Aubry, du PS. Et un reproche régulièrement adressé aux sondeurs en général. Tout cela n'est-il donc fait qu'au "pif" ? Jean-Daniel Lévy réfute : "Si c'était le cas, la commission des sondages ne laisserait pas passer." Elle n'a d'ailleurs pas trouvé à redire au sondage du week-end, selon Le Monde. Au-delà des querelles entre concurrents sur l'évaluation du vote FN, "l'esprit reste le même", estimait Jérôme Fourquet, de l'IFOP, dont l'institut avait estimé les intentions de vote pour Marine Le Pen entre 19 et 20 %, les 16-17 février. Cet avis est partagé par Eric Bonnet, de BVA, et Edouard Lecerf, de la Sofres, qui précise toutefois que le redressement reste un "sujet constant de préoccupation".
L'élection de référence : la présidentielle et les régionales. Pour défendre leur méthode, les sondeurs pointent aussi les cas d'élections passées. Car avoir des points de comparaison est un des défis auxquels ils ont à faire face. Dans le cas de Marine Le Pen, il n'existe pas de précédent pour la présidentielle. "Nous utilisons comme référence la présidentielle 2007, car c'est l'élection la plus similaire, et les régionales 2010, car c'est l'élection la plus récente", explique Eric Bonnet, de BVA. Selon Jérôme Fourquet, l'IFOP a la "chance" d'avoir fait des sondages dans le Nord, le fief de Marine Le Pen, à l'occasion des européennes, des municipales et des régionales. Les résultats étaient jugés plutôt réalistes. "Jusqu'à présent, les évaluations du vote FN, lors des dernières régionales, notamment, alors que Marine Le Pen était présente dans le Pas-de-Calais, et médiatisée, n'ont pas posé de réel problème : il n'y avait pas eu de surévaluation", estime Jean-Daniel Lévy. Les cantonales, fin mars, vont permettre de comparer l'écart éventuel entre les scores réels et les intentions de vote mesurées, ajoute-t-il. "Nous pourrons voir si l'écart éventuel est dû à des dynamiques de campagne – auquel cas les scores de la plupart des candidats sont concernés – ou lié à un problème de mesure – si un seul candidat, par exemple celui du Front national, était touché."
Les tendances et les transferts : une porosité avec la droite classique. "On peut éventuellement discuter les niveaux exacts des intentions de vote, moins les tendances", relativise Stéphane Rozès, politologue. Et la progression de Marine Le Pen semble claire aux sondeurs : "Nous voyons une hausse dans les chiffres bruts", précise Jérôme Fourquet, de l'IFOP. Eric Bonnet, de BVA, juge aussi plutôt "rassurant", pour les méthodes des sondeurs, que Marine Le Pen ait progressé sans qu'il y ait eu de changement de technique d'évaluation.
"On voit une dynamique nouvelle et une grande porosité avec une partie de l'électorat de droite, des déçus du sarkozysme qui écoutent de façon bienveillante Marine Le Pen : en octobre, parmi ceux qui disent avoir voté Sarkozy en 2007, 3 à 4 % envisageaient de voter Marine Le Pen. En janvier, ils étaient 11 % et dans la dernière étude, 18 %", décrit Jérôme Fourquet, de l'IFOP. Ramené au score de Sarkozy au premier tour de 2007, 31 %, ces transfuges pèseraient 5 à 6 % de l'électorat.
"Une question qui se pose maintenant est : le fait que Marine Le Pen soit montée très haut très vite est-il lié à l'utilisation, pendant une période, de thèmes chers au FN par Nicolas Sarkozy ? Si c'est le cas, la tendance pourrait retomber. Ou sommes-nous au début de quelque chose de plus durable ?", demande Gaël Sliman, de BVA. "Dans le passé, on sait que le vote Front national a été instrumentalisé par des gens n'approuvant pas forcément les idées du FN, pour faire passer des messages aux politiques", rappelle Stéphane Rozès.
DÈS QU'UN SONDAGE NE CONVIENT PAS AUX MEDIAS, LES SONDEURS SONT EN FAUTE !
QU'EST CE QUE CETTE MEDIACRATIE POURRIE ?

Libye: un deuxième raid aérien vise Ras Lanouf

La crise libyenne entre dans sa 21e journée. Suivez les événements de ce lundi, sur le terrain et sur le plan diplomatique, en direct.

15h27 Des spécialistes s'expliquent à l'AFP: "Une guerre civile est déjà en cours", estime Arshin Adib-Moghaddam, un spécialiste de la Libye à l'Ecole des études orientales et africaines à Londres. "Aucune des deux parties ne recule, donc la probabilité d'une guerre d'usure prolongée est grande", ajoute-t-il.

"L'opposition est sous-équipée en terme de puissance de feu mais combat avec détermination. Il y a des signes que l'opposition adopte désormais des tactiques de guérilla et de harcèlement", précise Arshin Adib-Moghaddam.


Selon les experts, le conflit pourrait durer d'autant plus longtemps que ni la géographie du pays ni l'état de l'armée et de l'insurrection ne permettent de grandes offensives et avancées. "Aucun camp n'est capable de prendre un territoire et de le tenir. Quand vous prenez un territoire, il faut pouvoir consolider ses positions, le tenir durablement", rappelle Fred Wehrey, un spécialiste de la Libye à la RAND Corporation, un centre de recherche américain spécialisé en stratégie militaire.

15h18 Le gouvernement britannique est contraint de s'expliquer sur un nouveau couac dans sa gestion de la crise libyenne, après le retentissant fiasco d'une mission "diplomatique" secrète, encadrée par des militaires, auprès de l'opposition libyenne.

La Grande-Bretagne avait envoyé la semaine dernière "une petite équipe diplomatique", selon les termes officiels, à Benghazi, ville de l'est de la Libye et fief de l'insurrection contre le colonel Mouammar Kadhafi. Mais l'équipe, arrivée en hélicoptère de nuit, a été rapidement arrêtée par des agriculteurs, parce qu'elle était venue sans accord préalable, a expliqué l'opposition libyenne. Des rumeurs de débarquement de mercenaires ou de troupes étrangères allaient bon train à ce moment là.

Ce fiasco ne semble cependant pas avoir calmé les ardeurs de Londres, qui multiplie les faux pas depuis le début de la crise en Libye, notamment en tardant à rapatrier les centaines de Britanniques bloqués dans ce pays. "Nous avons l'intention d'envoyer une nouvelle équipe, le moment venu", a affirmé lundi le porte-parole du Premier ministre David Cameron.

14h51 L'Otan considère que "les attaques contre les civils sont de possibles crimes contre l'humanité."

"Si Kadhafi et ses militaires continuent à attaquer la population libyenne de manière systématique, je ne peux imaginer que la communauté internationale et l'ONU restent passives", précise le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen. Mais, répète-t-il à plusieurs reprises, "l'Otan n'a pas l'intention d'intervenir" sans mandat de l'ONU, même si les responsables militaires de l'alliance atlantique ont reçu consigne de se préparer à toute éventualité.

13h46 Plus d'informations sur la situation à Misrata: 21 personnes, dont un enfant, ont été tuées et des dizaines blessées ce dimanche, dans cette ville tenue par les insurgés, à 150 km à l'est de Tripoli, dans des affrontements et des bombardements, apprend-on de source médicale.

Selon Abdel Basset Abu Zouriq, porte-parole de l'opposition libyenne et interrogé par Al Jazira, la ville de Misrata serait encore sous contrôle des insurgés.

13h20 La Ligue arabe soutient le projet d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye, a affirmé le Quai d'Orsay, évoquant des assurances données en ce sens par son secrétaire général Amr Moussa au ministre des Affaires étrangères Alain Juppé.  
12h55 La situation serait critique à Misrata, sur le plan médical. La BBC cite une source selon laquelle les combats auraient duré 8 heures, dimanche. "Trois des sept chars pro-Kadhafi se sont frayé un chemin vers le centre où ils ont été piégés sur une place. Des combats très durs ont alors été engagés. Ce fut un carnage." Dimanche soir, l'ONU avait précisément demandé un accès d'urgence aux victimes "blessées et mourantes" dans cette ville. 
12h15 Au moins 12 personnes sont mortes et plus de 50 ont été blessées dans les combats entre pro et anti-Kadhafi dans la localité côtière de Ben Jawad, dans l'Est libyen, selon un nouveau bilan fourni ce lundi de source hospitalière. Un précédent bilan de source médicale faisait état de sept morts.

12h06 L'ONU lance un appel de fonds de 160 millions de dollars pour fournir une aide humanitaire aux victimes du conflit en Libye. 
12h03 Un deuxième raid aérien vise Ras Lanouf, ville tenue par les rebelles à l'est du pays, rapporte l'AFP. 
11h42 La chaine Al Jazira rapporte que les insurgés ont attaqué ce dimanche les forces pro-Kadhafi, à Az Zintan, ville située à 160 km au sud de Tripoli. Ils auraient arrêté dix fidèles du colonel, dont le chef d'une brigade, qui a été transféré dans un hôpital local, à Moussa Zwaeeb, en raison de blessures graves. 
11h28 L'ex-président tchèque Vaclav Havel appelle à une opération militaire des pays occidentaux en Libye, en cas de poursuite de la guerre civile dans ce pays, dans une interview publiée par le quotidien tchéque Hospodarske noviny. Une telle opération "peut avoir différentes formes: aide aux insurgés, blocus de l'espace aérien, ou attaques ciblées contre les endroits où Kadhafi se cache", a-t-il précisé. 
11h15 La situation à Misrata?Global Voices a compilé des tweets et des vidéos sur la situation dans la troisième ville du pays, au fil des combats de dimanche. La chaine Euronews publie quant à elle un reportage sur Youtube, retraçant les évènements de dimanche à Misrata. 
11h05 L'ONU désigne un représentant spécial pour traiter avec le régime libyen de Mouammar Kadhafi, dont le ministre des Affaires étrangères a accepté la venue à Tripoli d'une équipe "d'évaluation" humanitaire. Abdelilah al-Khatib, ancien ministre jordanien des Affaires étrangères, doit entamer des "consultations urgentes" avec le gouvernement.

10h50 Contacts diplomatiques avec l'insurrection? Rome fait "mieux" que Londres L'Italie affirme avoir établi des contacts "discrets" avec le Conseil national libyen formé par les insurgés à Benghazi afin d'aider à la recherche d'une solution à la crise. "Nous avons des contacts meilleurs que les autres" en Libye, ex-colonie italienne, explique le chef de la diplomatie italienne, Franco Frattini.

Une référence à peine voilée au fiasco britannique de ce week-end... Une "petite équipe diplomatique" envoyée à Benghazi "pour établir des contacts avec l'opposition" a "rencontré des problèmes", a reconnu le Foreign Office. En fait, selon l'opposition libyenne, le groupe a été arrêté après son arrivée parce qu'il était venu de manière non officielle et sans aucun accord préalable.

"La mésaventure des SAS", dans le Financial Times, devient "farce" dans les colonnes du Daily Mail et du Guardian. Londres est "rouge de confusion", titre The Times, tandis que le Daily Telegraph déplore cette "humiliation" qui a "permis à Kadhafi de faire un coup de propagande" en assurant à la télévision libyenne que les insurgés étaient alliés avec les gouvernements occidentaux.

10h00 Un raid aérien vise Ras Lanouf. Une explosion suivie d'un nuage de fumée a été vue à environ deux kilomètres à l'est de la ville, dans le désert. Des combattants ripostent en faisant usage de l'artillerie anti-aérienne. Ce port pétrolier stratégique a déjà été visé par deux frappes aériennes dimanche.
8h30 Le bilan s'alourdit à Ben Jaouad. Au moins sept personnes sont mortes et plus de 50 ont été blessées dans les combats entre pro et anti-Kadhafi survenus dimanche dans cette localité côtière, selon un nouveau bilan de source hospitalière. Dimanche, les insurgés espéraient avancer vers l'ouest jusqu'à Syrte mais ont du se retirer de Ben Jaouad et se replier vers l'est contrôlé par la rébellion.

7h15 Pour le colonel Kadhafi, la révolte, c'est la faute d'Al-Qaïda et de la France.

Sur France 24, interrogé sur le soutien de Paris au Conseil national libyen formé par les insurgés à Benghazi, il s'est exclamé: "Ca fait rire, cette ingérence dans les affaires intérieures. Et si nous, nous nous ingérions dans les affaires de la Corse, de la Sardaigne."

Il a ajouté qu'un "complot" était en cours en Libye, évoquant la présence d'"extrémistes armés", de "groupuscules" et "de cellules dormantes" d'Al-Qaïda "qui ont pris les armes contre la police, l'armée". Un argument souvent avancé lors de ses interventions récentes.

Retour sur la journée de dimanche

Bombardements et recul de l'opposition dans l'est, manifestation de "victoire" orchestrée par les pro-Kadhafi à Tripoli: la régime libyen tentait dimanche de reprendre la main. Le point sur les villes disputées.

Marine Le Pen, un projet farfelu

Longtemps libéral, le FN est devenu très interventionniste avec Marine Le Pen. Son projet économique est nationaliste et se présente comme socialiste. Il mord à droite sur certains sujets, et cherche à mordre à gauche. Et il repose sur des idées fausses.Un sondage place Marine Le Pen en tête du premier tour de l’élection présidentielle, à 23%, devant Martine Aubry et Nicolas Sarkozy. L’occasion d’analyser son programme économique. Pour être brutal, disons qu’il est assez farfelu, mais on a l’avantage de le savoir déjà. Le projet du PS est encore vague, celui de Nicolas Sarkozy n’est pas connu, mais on connaît déjà à peu près celui du Front national. J’hésite à écrire « farfelu » parce que c’est tomber dans le piège du FN qui se sert des critiques pour affirmer que l’establischment, les partis, les médias, sont contre lui.

Mais on sait un certain nombre de choses du projet économique, même si ce n’est pas la première des raisons pour lesquelles le FN séduit des électeurs. Ce qui est intéressant est que Marine Le Pen a donné un virage à ce projet, même un virage étatiste étonnant. Longtemps libéral avec Jean-Marie Le Pen, le FN est devenu très interventionniste. Dans son discours de Tours en janvier, Marine Le Pen a utilisé le mot Etat 46 fois. Ce projet est nationaliste et se présente comme socialiste. Il mord à droite sur certains sujets, et cherche à mordre à gauche.

Que propose-t-elle ? Il faut aller dans le concret. Le scénario économique est le suivant. La France sort de l’Union européenne et de l’euro. Le franc est réimprimé, avec une valeur de 1 franc = 1 euro. Il est fortement dévalué pour relancer la croissance. L’inflation importée (pétrole) revient du coup au galop et elle est même provoquée parce que la Banque de France crée de la monnaie pour rembourser la dette publique. Pour contrôler cela, la surveillance administrative des prix est rétablie. Comme les prix augmentent quand même, on baisse les impôts. Et l’Etat se finance en recentrant les aides sociales sur les seuls nationaux français. La boucle est bouclée.

Tout cela repose sur des idées fausses. La Grande-Bretagne, qui n’a pas l’euro, a été touchée par la crise. Marine Le Pen veut quitter l’euro avec l’Irlande, le Portugal, l’Espagne. Mais aucun pays ne le veut, et pas les Irlandais, qui ont pourtant renversé leur gouvernement. Croire qu’il suffit de bloquer les produits chinois à la frontière pour que tout aille mieux est court – même s’il y a des marges de manœuvre. Après avoir défendu la retraite à 65 ans, le projet reparle des 60 ans. Tout cela est électoraliste. Le FN dit que des économistes hauts placés sont d’accord, mais qu’on nous les montre.

Ces arguments rationnels ont peu de chance d’être entendu parce que le FN, en économie, prospère sur plusieurs terrains. D’abord sur l’absence totale de consensus apparent entre l’UMP et le PS, qui sont extrêmement durs l’un sur l’autre. Et qui, par ailleurs, pour garder ou accéder au pouvoir, usent et abusent de déclinisme sur l’état de la France. Le pessimisme nourrit les extrêmes. La réalité n’est pas rose, inutile de la peindre en noir.
Ensuite, le projet du FN s’oppose par sa simplicité apparente par rapport aux solutions des partis traditionnels qui sont toujours complexes. Il y a un raz le bol, une fatigue, de la complexité.

Enfin, le FN surfe aussi sur tous les ressentis, des PME contre les grandes entreprises, des artisans, des commerçants contre la finance, des salariés précaires contre la situation, etc. Tout cela montre que considérer que la crise est terminée est une grande erreur. Elle ne peut pas être passée par pertes et profits.

En Libye, des habitants fuient Ras Lanouf par crainte d'une attaque des pro-Kadhafi

La télévision d'État a affirmé dimanche que le pouvoir avait repris la ville, ce que les insurgés et des journalistes sur place ont contesté.

Deux raids aériens ont visé lundi le port stratégique de Ras Lanouf, tenu par les opposants au régime du colonel Muammar Kadhafi, qui ont répondu en faisant usage de l'artillerie antiaérienne. Le journaliste de l'AFP se trouvant à la périphérie est de la ville côtière a entendu un avion de chasse passer à basse altitude dans un bruit assourdissant et vu un gros panache de fumée à environ 400 mètres du point de contrôle des rebelles et à une cinquantaine de mètres de la principale route du désert.
Les avions libyens avaient déjà mené dimanche deux raids sur Ras Lanouf, sans faire de victimes.
Barrage de contrôle
Les habitants quittaient lundi matin la ville par crainte d'attaques des pro-Kadhafi. En moins d'un quart d'heure, une dizaine de voitures ont été vues par des journalistes de l'AFP se dirigeant vers Brega, plus à l'est, contrôlée par les insurgés depuis la semaine dernière. "Nous avons entendu dire qu'ils arrêtaient et enlevaient des gens, et nous devons partir maintenant", a expliqué un père de famille, ses deux enfants installés à l'arrière de la voiture.
Au principal barrage de contrôle de la ville, une quinzaine de combattants équipés de deux armes de défense antiaérienne étaient postés. Le seul hôtel de la ville, occupé principalement par des journalistes, a été évacué, le personnel venant frapper aux portes et criant "urgence, urgence, vous devez partir". Certains habitants tentaient de partir vers l'ouest au-delà de Ben Jawad, une localité reprise samedi par les forces loyales à Muammar Kadhafi, en dépit des mises en garde des rebelles.
12 morts à Ben Jawad
Dans cette localité côtière, au moins 12 personnes sont mortes et plus de 50 ont été blessées dans les combats entre partisans et opposants à Kadhafi, selon un nouveau bilan fourni lundi de source hospitalière.
Les insurgés étaient arrivés samedi à Ben Jawad, d'où ils avaient espéré avancer jusqu'à Syrte, ville natale et fief du colonel Kadhafi, à une centaine de kilomètres plus à l'ouest. Mais des combats ont éclaté dimanche, forçant les insurgés à se retirer de la bourgade.

La vraie fausse percée de Marine Le Pen




Sarkozy et Villepin ont pris leur petit-déjeuner à l'Elysée

Dix jours après leurs "retrouvailles", Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin ont pris lundi matin leur petit-déjeuner à l'Elysée pour discuter, officiellement, du sommet européen prévu en fin de semaine à Bruxelles sur la situation en Libye.

Déposé à 8h30 pile au pied du perron de l'Elysée qu'il a gravi à grandes enjambées, l'ancien Premier ministre en est ressorti en voiture vers 9h45 sans faire de déclaration, a constaté un journaliste de l'AFP.

Après des années de brouille, ce deuxième entretien en moins de deux semaines a été sollicité par le chef de l'Etat afin de "discuter un certain nombre de sujets importants pour l'avenir de l'Europe et de la France", a assuré dimanche M. de Villepin.

Selon le fondateur du mouvement République solidaire, le rendez-vous devait d'abord porter sur le sommet extraordinaire qui doit réunir à la fin de la semaine les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne (UE) pour faire le point sur la situation en Libye.

Dominique de Villepin a indiqué qu'il comptait en profiter pour évoquer avec Nicolas Sarkozy les questions de politique intérieure, et notamment le débat controversé sur la laïcité et l'islam lancé par l'UMP auquel il s'oppose.

Cet entretien intervient deux jours après la publication d'un sondage détonant qui place la présidente du Front national Marine Le Pen en tête des intentions de vote au premier tour de la présidentielle de 2012, devant Nicolas Sarkozy et la patronne du PS Martine Aubry.

MM. Sarkozy et de Villepin se sont revus à l'Elysée le 24 février dernier pour la première fois depuis près de trois ans.

Alain Madelin : " Saurons-nous profiter de l'hypercroissance ? "

Alain Madelin en est persuadé. Dans une dizaine d'années, l'économie connaîtra une très forte croissance. Mais l'ancien ministre se demande si la France saura en tirer profit ?

Et si l'on abandonnait un temps notre quotidien économique morose pour une brève excursion dans un futur somme toute très proche, disons une dizaine d'années, en observant de plus près les tendances lourdes qui, aujourd'hui, dessinent un nouveau monde ? De ce voyage dans le temps et l'espace, on ne peut revenir qu'avec une bonne nouvelle ! C'est une très forte croissance - sinon même une hypercroissance - qui s'annonce. Propulsée par deux puissants turboréacteurs. Le premier, c'est celui de la mondialisation ; celui d'une croissance que nous qualifierons de « ricardienne » en référence au grand économiste britannique du début du XIXe siècle, David Ricardo, et à sa « théorie de l'avantage comparatif ». Sous une forme plus moderne, elle explique une croissance tirée par l'optimisation de l'emploi de talents toujours plus nombreux à l'échelle de la planète.


Le second propulseur, c'est l'innovation. C'est là une croissance « schumpeterienne » en référence au grand économiste autrichien du début du XXe siècle, Joseph Schumpeter, et à ses théories sur l'importance de l'innovation et de la « destruction créative ».

La croissance « ricardienne » d'abord. Elle est à l'oeuvre depuis la chute du mur de Berlin avec l'arrivée, dans les circuits du libre-échange mondial, de plusieurs milliards d'hommes ayant acquis les libertés de produire, d'acheter et de vendre. Alors que la mondialisation semblait laisser l'Afrique à l'écart et buter sur un monde arabo-musulman soi-disant hostile au progrès et à l'ouverture, voici que l'Afrique trouve le chemin de la croissance et que le monde arabo-musulman bascule, donnant un nouvel élan à notre croissance « ricardienne ». Certes, tous nos nouveaux malthusiens expliqueront que nous n'aurons jamais assez d'énergie, de matières premières, de nourriture pour supporter une telle croissance. Et qu'au surplus celle-ci menace la survie même de notre planète au travers du réchauffement climatique. Mais, une fois encore, n'en doutons pas, les sombres prévisions malthusiennes seront déjouées comme elles l'ont toujours été dans le passé par le progrès et l'innovation. D'autant qu'une vague de croissance innovatrice sans précédent s'annonce.

La croissance « schumpeterienne » ensuite. Dans les laboratoires de recherche des universités ou des entreprises, dans les cartons des ingénieurs, de fabuleux projets se préparent. Nous sommes au pied d'un Himalaya de progrès scientifiques et techniques et nous n'avons encore grimpé que de quelques mètres.

Après la civilisation rurale et la civilisation industrielle, voici la troisième grande vague de l'histoire de l'humanité, celle de la civilisation ouverte du savoir numérique. Avec, devant nous, l'augmentation faramineuse des puissances de calcul, de la capacité des mémoires, l'extrême miniaturisation des processeurs, l'extension de la connexion des personnes et celle aussi des objets et des machines.

Devant nous aussi, la « robolution », celle des usines (et la « robocalisation »), celle aussi de notre vie quotidienne. Les nanotechnologies qui dessinent de nouveaux matériaux et de nouvelles formes de vie atome par atome. La révolution des nouvelles énergies, celle de l'énergie solaire, des piles à combustible, de la production de « pétrole bleu » à partir d'énergie solaire de phytoplancton et de gaz carbonique...

Devant nous encore, l'exploration par la science des frontières du vivant avec la nouvelle chimie, la biologie synthétique permettant de créer des micro-organismes génétiquement modifiés pour produire carburants ou médicaments. Les neurosciences encore qui nous apprennent à mieux connaître notre cerveau, à mieux l'utiliser, ou le remplir. À le réparer aussi.

Devant nous toujours, les progrès de la génétique. De la médecine prédictive à la médecine moléculaire, de la thérapie génique à la reconstruction réparatrice de l'homme. Avec tous les défis de l'allongement de la vie et les questions éthiques que poseront les manipulations génétiques qui prétendront à l'amélioration de l'espèce humaine elle-même. Voilà qui donne le vertige.

D'autant que ces inventions - et bien d'autres encore que l'on ne saurait imaginer aujourd'hui - commenceront à se croiser et à se fertiliser mutuellement dans la décennie 2020-2030. Une décennie fabuleuse et déjà si proche.

Mais qui dit croissance « schumpeterienne » signifie qu'à côté de ce processus de création existe un processus de destruction des activités dépassées par le progrès. Car l'invention de l'un (le photocopieur) est la ruine de l'autre (le papier carbone).

Or, nous savons que sur le marché politique de nos vieux États providence, les forces du passé savent se faire entendre. Que le coût de l'argent artificiellement bas freine la nécessaire destruction des vieilles activités moins compétitives pour transférer vers d'autres secteurs plus prometteurs le capital et les talents.

Dans le climat frileux et anxiogène de la France d'aujourd'hui, la tendance est forte à protéger le passé par rapport au futur, à favoriser les rentes et à pénaliser les talents. Notre classe politique, toutes tendances confondues, a les yeux de Chimène pour les politiques malthusiennes et keynésiennes. Nous restons le pays de Méline, de Maginot et du principe de précaution, à l'antipode des croissances « ricardienne » et « schumpeterienne ». Si nous avons d'indiscutables atouts, il nous faudra encore une vraie révolution culturelle et politique pour que nous puissions tirer parti de l'hypercroissance du nouveau monde.

Un défi prénommé Marine

Le sondage donnant Marine Le Pen en tête au premier tour de la présidentielle secoue la classe politique. Une réédition du 21 avril 2002 — le candidat du FN en deuxième position, éliminant le socialiste — était présentée jusque-là comme l’hypothèse honteuse par excellence. Mais l’enquête Harris Interactive pour « Le Parisien » montre qu’en 2012 Marine Le Pen pourrait faire mieux que son père, en arrivant en tête !

Les chiffres — en raison des marges d’erreur — ne disent pas qui, de Nicolas Sarkozy ou de Martine Aubry, resterait sur le carreau, mais le coup de semonce vaut pour tous, même si le choix des 1618 personnes interrogées appelle trois réserves : près de quatorze mois nous séparent du scrutin présidentiel et rien n’est figé ; les sondages sont parfois démentis par la réalité parce qu’ils mesurent l’humeur d’un moment et non la réflexion du citoyen face au choix réel ; enfin, le questionnaire ne comporte pas l’hypothèse d’une candidature de Dominique Strauss-Kahn.

Sans donc surévaluer l’enquête, celle-ci montre, pour le moins, que Marine Le Pen a réussi son entrée sur le ring politique.

Ce fait crée aux autres acteurs le casse-tête de parer cette percée, qui se surajoute à la traditionnelle confrontation droite-gauche. Or, cette parade n’est pas simple. Pour l’opposition, Nicolas Sarkozy est coupable d’avoir banalisé les idées du FN à coup d’initiatives sur l’immigration, l’identité, la laïcité. Pour la majorité, l’erreur serait d’abandonner à l’extrême droite des thèmes qui préoccupent les Français.

De son côté, Marine Le Pen prend habilement le vent, en prônant une surtaxation des profits pétroliers et une action contre la spéculation sur les produits énergétiques et alimentaires. Une façon de lustrer une image sociale et de dégonfler la fixation sur l’immigration.

Tout cela constitue un défi pour les autres forces politiques, qui doit être relevé avec intelligence et dans le respect des Français. L’imitation du Front national, autant que la posture dédaigneuse à l’égard de son propos, risquent d’être improductives. Il y faudra plutôt de la réfutation constructive et plus d’exemplarité éthique.

L'ONU et Washington accentuent la pression sur Kadhafi

L'Organisations des Nations unies a demandé, dimanche, un "accès urgent" aux victimes des bombardements menés par le régime du colonel Mouammar Kadhafi dans la ville de Misrata, 150 km à l'est de Tripoli. Dans un communiqué, Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU, "observe que les civils subissent l'essentiel des violences, et appelle à un arrêt immédiat de l'usage disproportionné de la force et des attaques aveugles contre des cibles civiles de la part du gouvernement". Ban Ki-moon "souligne que les auteurs de violation du droit humanitaire international ou de crimes graves devront répondre de leurs actes".

"Les organisations humanitaires ont besoin d'un accès urgent maintenant", a déclaré la sous-secrétaire générale de l'ONU pour les affaires humanitaires, Valerie Amos, dans un communiqué. "Des gens sont blessés et mourants et ont besoin immédiatement d'aide. J'appelle les autorités à permettre l'accès sans délai pour permettre aux travailleurs humanitaires de sauver des vies", affirme Mme Amos.
Le Croissant-Rouge à Benghazi rapporte que Misrata "est attaquée par les forces gouvernementales et que le Croissant-Rouge libyen tente d'y envoyer des ambulances depuis Tripoli pour récupérer les morts et les blessés", selon un communiqué du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA). A Misrata, troisième ville du pays, un habitant et un insurgé ont déclaré par téléphone à l'AFP que la ville était contrôlée par l'insurrection, malgré une offensive gouvernementale à l'arme lourde. "Les chars tirent des obus sur le centre-ville", a expliqué cet habitant.
MISSION DIPLOMATIQUE
Dans son communiqué, Mme Amos se dit "très inquiète de ce qui se passe actuellement dans l'ouest de la Libye". Actuellement en visite à la frontière entre la Tunisie et la Libye, confrontée à un afflux massif de réfugiés, elle a par ailleurs remercié les autorités tunisiennes pour avoir permis à plus de 100 000 personnes de fuir la Libye et de passer en Tunisie, où un pont aérien a été mis en place depuis jeudi pour les rapatrier vers leur pays. L'afflux de réfugiés à la frontière s'est réduit à quelques centaines par jour, contre ving mille la semaine passée.
Le secrétaire général de l'ONU a confié à Abdelilah Al-Khatib, ancien chef de la diplomatie jordanienne, la tâche d'"engager des consultations urgentes avec les autorités de Tripoli et de la région sur la sitation humanitaire". Ban Ki-moon s'est entretenu dans la journée avec le ministre des affaires étrangères libyen, Moussa Koussa, enjoignant aux autorités de Tripoli d'"assumer la responsabilité qui est la leur de protéger les citoyens de leur pays et de tenir compte des aspirations légitimes du peuple libyen à vivre dans la dignité et la paix".
DÉBATS À WASHINGTON
A Washington, les appels en faveur d'un soutien militaire aux rebelles libyens opposés au régime de Mouammar Kadhafi se multiplient. A ce stade, l'administration Obama se montre prudente, examinant "toutes les options", y compris militaires, et réitérant ses appels au départ du colonel Kadhafi. Mais la secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, a reconnu cette semaine que les Etats-Unis étaient encore "loin d'une décision" sur l'opportunité d'instaurer une zone d'exclusion aérienne en Libye.
Dimanche, la pression est montée d'un cran sur le président Barack Obama. A l'instar de l'influent sénateur républicain John McCain, pour qui une zone d'exclusion aérienne permettrait d'"envoyer un signal" de fermeté au dirigeant libyen, le sénateur démocrate John Kerry a estimé qu'une telle zone devait être décrétée pour empêcher l'aviation libyenne de s'en prendre aux rebelles et à la population civile. "La dernière chose que nous voulons est une intervention militaire, mais je ne considère pas que la zone d'exclusion en constitue une", a affirmé sur CNN M. Kerry, président de la commission des affaires étrangères du Sénat. "Nous ne voulons pas de troupes sur le terrain, ils ne veulent pas de [nos] troupes sur le terrain", a-t-il convenu, tout en précisant qu'il y avait d'autres moyens de montrer la puissance américaine pour faire plier Mouammar Kadhafi.
Quatre avions de transport C-130 états-uniens évacuent des Egyptiens réfugiés à la frontière tunisienne, et deux navires militaires se trouvent en Méditerranée avec 1 200 marines à leur bord. Les forces de Kadhafi "ne vont pas cesser de retourner la question dans leur tête, 'que peuvent-ils faire d'autre'" que d'apporter de l'aide humanitaire, a estimé le sénateur Kerry. "Je suppose que de nombreuses armes vont trouver leur chemin [vers la Libye] d'une manière ou d'une autre au cours des prochaines semaines", a-t-il ajouté, sans plus de précision. L'ancien gouverneur démocrate du Nouveau-Mexique et proche de l'administration Clinton, Bill Richardson, s'est montré plus direct en soutenant dimanche qu'il était temps d'"armer secrètement les rebelles". Tout comme l'ancien conseiller à la sécurité nationale de George W. Bush, Stephen Hadley, pour qui Washington doit s'impliquer plus avant, y compris en armant les insurgés, qui ont cédé du terrain dimanche face à une contre-offensive et des raids aériens des forces loyales au colonel Kadhafi.

Le sceau des Kadhafi, c'est l'insolence


La Libye des Kadhafi rend le suivi de l'actualité tellement compliqué qu'on en viendrait vite à décrocher. Les médias sont tentés de battre en retraite, de crainte de lasser le public. Pourtant les révolutions démocratiques ne peuvent nous laisser de marbre. À cause de cette phrase du « Guide » Muammar Kadhafi à des journalistes français : « C'est moi ou Al Qaida » ( le JDD du 6 mars). Il résume ainsi toute l'ambiguïté des relations entre l'Occident et les pays arabes présumés stables. Son voisin égyptien aurait pu en dire autant. Mais il n'avait pas l'impertinence du maître de la Libye - qu'il dirige depuis 1969, il avait alors 27 ans ! Les jeux de dupes, ça le connaît. L'insolence, c'est le sceau du colonel. Ainsi différencie-t-il la Libye de ses voisins de Tunisie et d'Égypte : « Je n'ai pas de pouvoir comme en avaient Ben Ali ou Moubarak (...) C'est le peuple qui décide. » Dans le même temps, leurs mercenaires et/ou l'armée bombardent les opposants qui tentent de contrôler des villes. Les intentions internationales se dévoilent peu à peu. Les États-Unis ne sont plus dirigés par George W. Bush l'antiterroriste, mais leur armée est sur le pied de guerre. L'odeur du pétrole ou celle de Ben Laden ? Le ministre italien de l'intérieur a déclaré : « Nous devons nous assurer que la Libye ne devienne pas un nouvel Afghanistan, mais il faudrait que les Américains se calment ». Autrement dit : l'Europe doit se charger de la montée du fondamentalisme islamiste à sa porte. C'est de toute façon elle qui accueillera les flots de réfugiés. Mais en a-t-elle seulement les moyens ? Au Caire hier, Alain Juppé, notre ministre des Affaires étrangères, s'est opposé à une intervention militaire. Il préférera soutenir le nouveau conseil national libyen. La voie politique est-elle plus sage, plus naïve, plus efficace que le choix des armes ?


Un tsunami de pacotille

Evidemment, c’est un petit tsunami mais, franchement, on l’avait vu venir.

Le sondage qui a placé Marine Le Pen en tête des intentions de vote pour le 1 er tour de la présidentielle est le fruit mûr d’un climat à la fois anxiogène et exaspéré, entretenu par la crise économique, les bouleversements historiques en Afrique du Nord, les affaires, les vacances de MAM, les scandales du PS dans les Bouches-du-Rhône et le discours politique inquiétant décliné par l’Elysée depuis de longs mois.

La crainte de l’insécurité, complaisamment scénarisée par le pouvoir, le rejet des Roms, désignés à la vindicte populaire au cœur de l’été, l’appréhension d’une vague d’immigration venue du sud de la Méditerranée, la stigmatisation de l’islam, qui mettrait en péril l’identité nationale: quand on fait, en permanence, la promotion des idées et des produits du Front national, il ne faut pas s’étonner que l’opération profite au final à sa représentante la plus authentique.

«On préfère toujours l’original à la copie», a toujours raillé Jean-Marie Le Pen. Sa fille ramasse d’autant mieux la mise qu’elle a du talent, ne fait pas peur et, contrairement à son géniteur, contrôle ses pires dérapages.

Quoique... hier elle ait failli glisser vers l’outrance paternelle en faisant le rapprochement entre les dirigeants usés du Maghreb et ceux de la France.

Les 23% de la nouvelle présidente du Front comptabilisent le double échec moral et stratégique du chef de l’Etat. On pourrait faire, cruellement, un cinglant bilan churchillien du jeu de Nicolas Sarkozy. Non seulement il a reperdu toutes les voix d’extrême droite qu’il avait siphonnées en 2007, mais c’est son propre électorat qui est à son tour happé par les pompes aspirantes du FN.

Le phénomène était prévisible et annoncé, pourtant. La compromission idéologique se retourne presque toujours contre celui qui l’initie.

Paniquée -on le serait à moins- la majorité UMP peut quand même relativiser l’importance de ce coup de semonce. 14 mois c’est encore loin, effectivement, et Nicolas Sarkozy va forcément réagir.

Ce premier sondage lui-même, qui ne prend en compte que l’hypothèse la plus défavorable à l’UMP et au PS (pas de DSK à gauche et un Villepin handicapant à droite), est sujet à caution. S’il a atteint son objectif -créer un énorme buzz- il appartient à cette catégorie d’enquêtes bas de gamme et aux résultats éphémères qui inondent les médias.

La campagne promet d’être exaspérante si elle est polluée, à raison d’une vingtaine par semaine, par ces «tests» sensationnels, pas toujours honnêtes et parfois contradictoires, qui manipulent l’actualité et dévoient le débat.

Votée à l’unanimité par le Sénat, la proposition de loi qui doit faire le ménage dans le cirque sondagier est sur le bureau du président de l’Assemblée nationale. Trop tard...

Résistance à l'oppression, un droit méconnu

Aspiration à la liberté et à l'expression, revendication d'égalité réelle, ras-le-bol de la corruption et du népotisme : l'essentiel a été dit, ici même, sur les racines du soulèvement dans le monde arabe. Émus, inquiets aussi, nous cherchons à comprendre le formidable mouvement qui secoue ces pays.

Nous prêtons moins attention à un droit que ces peuples ont exercé, sans le clamer haut et fort, mais avec une inébranlable résolution : le droit de résistance à l'oppression. Autrement dit, le droit que des citoyens ou une nation se reconnaissent d'entrer en dissidence contre un pouvoir politique qui trahit sa mission. Ce droit concerne tout régime, y compris démocratique.

Déjà, la Déclaration des droits de l'homme de 1789 l'énonçait dans son article 2 et le classait, avec la liberté, la propriété et la sûreté, parmi les « droits naturels et imprescriptibles de l'homme ». Sans aller aussi loin, la Déclaration universelle de 1949 a veillé, dès son Préambule, à ce que « les droits de l'homme soient protégés... pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression ». C'est exactement la situation actuelle où un seuil critique a été atteint. Dès lors, l'indignation longtemps contenue est devenue déferlante protestataire.

Ainsi naissent les révolutions, au nom de principes et valeurs tenus pour supérieurs aux États, c'est-à-dire à la volonté des gouvernements. Comme le disait Clermont-Tonnerre, député de la noblesse qui avait voté l'abolition des privilèges en 1789, le droit de résistance confronte les droits naturels, qu'on éprouve de manière évidente, et la loi en vigueur à un moment donné.

Mais ce lien peut être dangereux ! Au point que beaucoup de juristes refuseront d'y voir un vrai droit : le droit de subversion n'en est pas un. Léon Duguit, grand penseur de l'État, avait montré cet embarras. Il commence par déclarer, en 1903, qu'« un gouvernement tyrannique est une force brutale ; toute force qui s'élève contre lui, dans le but d'assurer le respect du droit, est parfaitement légitime ». Mais quelques années plus tard, devant des auditeurs égyptiens ¯ coïncidence ! ¯ il recule : « Il n'est pas permis au juriste de formuler comme principe le droit à l'insurrection contre un gouvernement oppresseur. »

Et pourquoi ? Tout simplement parce que ce droit peut être un ferment d'anarchie. Souvenons-nous des commandos anti-IVG qui, il y a une vingtaine d'années, s'en réclamaient pour bloquer l'application de la loi Veil de 1975. Et aujourd'hui, les « désobéissants » organisés en mouvement l'invoquent pour justifier l'objection opposée à tel ou tel texte. José Bové a théorisé son combat anti-OGM dans son livre Pour la désobéissance civique (La Découverte). On parle aussi de « résistance éthique ».

Le droit de résistance fonde l'acte rebelle (1). Mais à partir d'où et de quand devient-il légitime ? Là est la question, sans réponse certaine. Mais quand le doute n'est pas permis ¯ c'est le cas, bien sûr, au Caire et à Tripoli ¯ ce droit est formidablement libérateur.

(1) Lire l'excellent livre de Jérôme Cordelier, Rebelles de Dieu, chez Flammarion.


Une certaine “indulgence française”

Au RPR et à la Ville de Paris, en ce temps-là, le “numéro un” semblait frappé d’une éternelle immunité. Sur le champ judiciaire, il a vu tomber ses proches sans jamais être inquiété. Alain Juppé, à Nanterre, paya cher — et seul — pour la première affaire d’emplois fictifs. Puis Michel Roussin, autre bon soldat, sera condamné en 2000 dans “les marchés truqués” des lycées d’Ile-de-France.

Le procureur Henri Génin, à l’époque, philosophait autour d’une chaise vide. Non sans humour, d’ailleurs : “On aurait pu y mettre une étiquette, un nom, comme sur les prie-Dieu des églises où les paroissiens les plus illustres ne sont pas les plus assidus aux offices”.

Cette fois, enfin, le siège de Jacques Chirac se trouve avancé. Mais des menaces pèsent encore sur l’audience, à cause d’une énième banderille procédurale. La défense, au dernier moment, pose au tribunal une “question prioritaire de constitutionnalité” relative à d’éventuelles prescriptions. Avec l’espoir que sa requête, transmise à la Cour de cassation, repousse un peu plus l’échéance judiciaire. De quoi provoquer l’indignation du peuple ? Pas vraiment.

Tout se passe comme si l’opinion, la nostalgie aidant, avait déjà tout pardonné à l’ex-chef de l’État. Parce que l’usage détourné de fonds publics, pourvu qu’il n’y ait pas d’enrichissement personnel, bénéficie chez nous d’une rare tolérance. Le procès d’une certaine “indulgence française” vis-à-vis de la corruption politique reste à faire…

Le commentaire politique de Christophe Barbier



Olivier Huart

Le directeur général de Télédiffusion de France, qui s'apprête à piloter cette nuit le passage de l'analogique au numérique en région parisienne, a lui-même vécu une reconversion. Pur produit de l'X et de l'Ecole nationale supérieure des télécommunications, cet ingénieur a dû se muer en expert de la dérégulation et du marketing pour mener carrière chez France Télécom et Cegetel aux grandes heures de l'ouverture du marché des télécommunications. Après quatre années comme président de British Telecom France, il a pris les rênes de SFR il y a un juste un an, avec pour lettre de mission d'instaurer une culture de rentabilité dans l'ancien monopole public. Le quadragénaire aux cheveux coupés ras, qui effectua son service dans la marine, n'a pas trop de son autorité de médaillé de la Défense nationale pour mettre la maison en ordre de bataille, sur fond de réduction des effectifs. Le défi réclame du souffle à ce natif du Pas-de-Calais élevé à Béthune, surtout depuis que le report du projet de télévision mobile personnelle a privé l'entreprise d'un gisement de croissance prometteur. L'amateur de gadgets électroniques à la haute taille et à la carrure athlétique a il est vrai du répondant, lui qui obtint un 20 sur 20 aux épreuves physiques d'entrée à Polytechnique. Outre sa passion pour la mer, il apprécie notamment les randonnées à vélo avec ses quatre fils, même si ce n'est pas pour autant que le « DF » inscrit sur son tee-shirt signifie « Tour de France ».

La BCE sous influence allemande ?

Une décision majeure a été annoncée en fin de semaine dernière. Avec un problème lui aussi majeur : elle semble sans raison. Sauf catastrophe, l'argent coûtera plus cher en Europe à partir du 7 avril prochain. Ce jour-là, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) devrait relever son taux d'intérêt directeur de 1 à 1,25 %. Le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, a employé jeudi dernier le mot de code habituel pour annoncer la hausse -« strong vigilance », forte vigilance. Cette hausse annoncée est une décision grave car elle va affecter le prix de la ressource de base des banques encore convalescentes, même si beaucoup d'entre elles ont affiché de beaux résultats l'an dernier. La Banque d'Angleterre n'a pas osé la prendre alors que la hausse des prix atteint 4 % en un an au Royaume-Uni contre 2,4 % dans la zone euro.

Pour faire un tel choix, il faut avoir une excellente raison. Et pour la BCE, il n'y a qu'une seule bonne raison : une menace sur la stabilité de la monnaie et donc des prix. Elle a précisé cet objectif gravé dans le marbre du traité européen : les anticipations d'inflation doivent être un peu au-dessous de 2 % l'an. Cet objectif est-il menacé ? Rien ne l'indique dans les deux piliers auscultés par la BCE pour évaluer le risque. Ses experts prévoient une hausse des prix de 2,3 % cette année, suivie d'un retour au-dessous de 2 % dès l'an prochain. Ils constatent aussi une lente progression de la masse monétaire (l'agrégat M3 n'a augmenté que de 1,5 % en un an). Le seul risque est celui d'un « effet de second tour », où les produits alimentaires et l'énergie plus chers provoquent des revendications salariales débouchant sur une flambée des feuilles de paie, qui se retrouverait ensuite dans les prix. Un scénario peu probable dans une zone euro où un actif sur dix est au chômage.

La BCE a donc d'autres motifs. Le durcissement de sa politique pourrait refléter les tensions au sein de son Conseil, fragilisé par l'incertitude sur la succession Trichet. Il peut aussi être interprété comme une injonction donnée aux gouvernants d'agir plus fermement pour réduire les déficits publics. Il peut enfin venir d'une analyse inspirée davantage du contexte allemand que de la zone euro. L'Allemagne est en effet le pays où l'enclenchement de la spirale inflationniste est le moins improbable. La BCE agirait alors sous l'influence de sa voisine la Bundesbank, distante d'à peine quatre kilomètres. Aucune de ces raisons n'est valable. Si la BCE relève son taux directeur, elle devra impérativement justifier ce choix.

Etats-Unis : la grande bataille contre le syndicalisme

Les Américains n'ont pas l'habitude de descendre dans la rue. Et pourtant, depuis plus de deux semaines, les banderoles flottent autour du capitole de Madison (Wisconsin), qui a été occupé par des centaines de syndicalistes. Samedi, le réalisateur Michael Moore est venu s'adresser aux dizaines de milliers de manifestants rassemblés. Voilà huit jours, à Colombus, Ohio, près de 8.000 personnes faisaient le siège du parlement local. Les élus démocrates du Wisconsin et de l'Indiana ont fui leurs Etats respectifs pour se réfugier dans l'Illinois voisin. Ils veulent empêcher d'atteindre le quorum dans leurs assemblées législatives, où sont présentés des textes anti« unions ». C'est leur façon de résister à l'incroyable offensive engagée par les républicains contre les syndicats du secteur public, qui se voient réclamer des sacrifices financiers, l'abandon du droit de négociation collective, quand ce n'est pas la suppression du droit de grève.

Depuis 1981, date à laquelle Ronald Reagan a licencié 11.000 contrôleurs aériens d'un seul geste, il n'y avait pas eu d'attaque aussi frontale contre le syndicalisme aux Etats-Unis. Cette résurgence a plusieurs explications et sert des objectifs multiples, économiques comme politiques.

Quelques-uns des nouveaux gouverneurs républicains, élus lors du dernier scrutin de novembre, ont en effet saisi le prétexte de la crise fiscale qui les accable pour s'en prendre à ces acteurs trop protégés à leur goût. Les 50 Etats - qui ont l'obligation d'équilibrer leurs finances -doivent combler un trou qui représente un total de 125 milliards de dollars cette année. Ayant promis un retour à l'orthodoxie budgétaire, la droite veut que les syndicats participent à l'effort. Les républicains ont trouvé une première justification évidente : le manque de financement des fonds de retraites des employés du secteur public est estimé entre 1.000 et 3.000 milliards de dollars, et il appartiendra aux Etats de trouver l'argent.

A l'heure où le chômage est encore à 8,9 %, les avantages des fonctionnaires locaux (une certaine sécurité de l'emploi, retraites assurées et assurance-santé) leur collent une image de nantis. Newt Gingrich, un candidat potentiel du Parti républicain pour l'élection présidentielle de 2012, définit les « unions » comme une élite repliée sur ses privilèges. Leur puissance -36,2 % des salariés du secteur public sont syndiqués, contre 6,9 % dans le privé -agace souvent. A New York, Michael Bloomberg menace de licencier 4.600 professeurs si leur syndicat n'accepte pas une réforme conditionnant les départs à la performance et non à l'ancienneté.

Pour obtenir des concessions, les gouverneurs profitent du fait que les relations avec les syndicats publics se régulent Etat par Etat, contrairement à celles avec les syndicats du secteur privé qui sont régis par une loi fédérale, le Wagner Act (1935). Leurs demandes vont très loin. Afin de réduire le déficit budgétaire du Wisconsin, qui s'élève à 3,6 milliards de dollars, le gouverneur républicain Scott Walker est prêt à supprimer 21.000 emplois publics. Dans la foulée, il veut obtenir que les syndicats soient « recertifiés » chaque année, que les syndiqués paient davantage pour leurs retraites et leur assurance-santé et que le champ de la négociation collective soit circonscrit aux seuls salaires. Dans l'Ohio, où le déficit est double, le gouverneur, John Kasich, veut imposer des mesures identiques mais cherche aussi à obtenir la suppression du droit de grève. S'il obtient gain de cause, une infraction sera punie d'une amende de 1.000 dollars et de trente jours de prison. Enfin, dans l'Indiana, les législateurs veulent passer un texte qui interdirait l'obligation d'adhérer et de cotiser à un syndicat. Il s'agit là d'un des particularismes du syndicalisme américain. Dans certains Etats, on parle d'« union shop », c'est-à-dire qu'un nouveau salarié devient automatiquement membre du syndicat local, auquel il versera une contribution annuelle. C'est ce qui a fait la force des camionneurs ou des ouvriers de l'automobile dans le Midwest, par exemple.

En partant en guerre contre les « union shops », les républicains cherchent aussi à assécher les finances des syndicats. Non seulement ces derniers ne vont plus avoir les ressources nécessaires pour fonctionner, mais ils vont devoir diminuer leurs dons. Or ils sont les principaux bailleurs de fonds du Parti démocrate. Ils ont déboursé plus de 600 millions de dollars lors des élections de 2008 et de 2010. Une campagne contre les syndicats peut grandement affaiblir le parti de Barack Obama à la veille de la présidentielle de 2012. Et ce alors qu'une décision de la Cour suprême des Etats-Unis autorise les entreprises, au titre du premier amendement, à financer sans limite les candidats de leur choix.

A l'instar de Scott Walker, les nouveaux gouverneurs républicains ont d'ailleurs profité des largesses de groupes privés pendant leur campagne. Comme celui des frères Koch, des milliardaires qui ont fait leur fortune dans le pétrole au Kansas, et qui financent le Tea Party. Leur objectif : privatiser ce qui peut l'être, en conquérant des services jusque-là publics, et imposer le « right to work » dans les Etats (c'est-à-dire refuser le syndicalisme). Paul Krugman, le prix Nobel d'économie, et l'ensemble de la gauche avec lui voient dans ces manoeuvres « une tentative d'utiliser la crise fiscale pour détruire le dernier contrepoids au pouvoir politique des entreprises et des plus riches ».

Les plus optimistes y voient à l'inverse une occasion historique de revitaliser le syndicalisme en Amérique. L'opinion publique n'est pas contre eux. Un récent sondage « New York Times » - CBS News montre que 60 % des Américains refusent qu'on affaiblisse le pouvoir de négociation collective et que, à 56 %, ils sont contre une baisse des salaires ou des avantages des salariés du public pour réduire les déficits. Sur le terrain, les syndicalistes sont galvanisés. Devant le State Capitole de Columbus, dans l'Ohio, une pancarte « Walk Like an Egyptian » illustre bien ce nouvel état d'esprit.

L'Arabie saoudite peut-elle se réformer ?


Si vous avez du pétrole, vous pouvez acheter la tranquillité de votre peuple. Si votre légitimité est d'ordre dynastique, vous êtes moins vulnérables que si tel n'est pas le cas. » Au fil des semaines qui passent, de telles hypothèses considérées hier comme allant presque de soi semblent avoir perdu de leur autorité. La Libye pas plus que le Bahrein et même dernièrement le Sultanat d'Oman n'échappent à la vague de contestation. Le pétrole n'est pas seulement une « malédiction » pour les pays producteurs - à l'exception notable de la Norvège -dans le sens où sa possession encourage toutes les formes de corruption sinon de paresse. L'argent du pétrole ne suffit pas non plus à garantir la stabilité politique de pays dont les habitants veulent être traités comme des citoyens et pas comme des serfs, sans avenir et sans espoir.


Les leçons de la Libye et de Bahrein sont particulièrement importantes pour un pays clef de la région, l'Arabie saoudite. Les frustrations économiques et sociales renvoient à des revendications proprement politiques. « L'homme ne vit pas que de pain. » Les milliards mis de côté par le roi d'Arabie saoudite pour « acheter » au prix fort la paix sociale et politique ne peuvent suffire. Pour des pays aussi divers que l'Arabie saoudite ou le Maroc, la clef de la survie de la monarchie passe par une réforme politique profonde. Le « système Khadafi » en Libye ne pouvait en aucun cas être réformé, sa famille étant aussi dysfonctionnelle que le colonel lui-même. Tel n'est pas fatalement le cas de l'Arabie saoudite ou du Maroc. La dynastie saoudienne a surmonté successivement le défi du panarabisme de l'Egypte de Nasser et les tentatives de l'Iran des ayatollahs pour exporter leur révolution. Pour ce faire, la monarchie saoudienne s'est appuyée bien sûr sur les revenus du pétrole, sur l'alliance privilégiée avec les Etats-Unis, sans parler de l'intervention des gendarmes français à La Mecque en 1979. Mais elle s'est appuyée plus encore sur une légitimité d'ordre monarchique et religieux à la fois, sur l'alliance qui existe entre « la Maison de Saoud » et les autorités religieuses Wahhabites. Certes, cette alliance est source d'ambiguïté. Elle fonde le contrat social qui existe entre la monarchie et le peuple saoudien, mais elle rend aussi toute évolution difficile. L'Arabie saoudite a terriblement besoin de ré-formes politiques, de réformes sociales et culturelles. La condition des femmes y est non seulement inacceptable : elle constitue pour le devenir du pays un grave handicap. De la même manière, des réformes de la justice et de l'éducation s'imposent avec urgence. Le pétrole fournit de la richesse, mais ne crée pas d'emplois. La jeunesse saoudienne a besoin elle aussi de dignité, de respect, d'espoir. La stabilité de l'Arabie saoudite, tout comme celle de la Jordanie ou du Maroc passe par une réforme institutionnelle profonde. La solution est claire, elle paraîtrait presque de bon sens à un Européen du Nord : une forme de monarchie constitutionnelle adaptée bien sûr aux besoins et aux cultures locales. A terme, en effet, ce système peut sembler pour ces pays de tradition monarchique comme la forme la moins vulnérable, et donc la plus moderne de régime. Un tel système permet, sur le papier au moins, de distinguer entre le détenteur symbolique du pouvoir et son détenteur réel, évitant ainsi une centralisation certaine et excessive du pouvoir, source de fragilité. La monarchie persiste comme source de légitimité, mais elle s'autolimite pour survivre. Montesquieu écrivait hier les « Lettres persanes » pour faire réfléchir les Européens sur eux-mêmes. Plus de deux siècles plus tard, la lecture de Montesquieu s'imposerait-elle aux monarques présents d'Arabie et du Maghreb ? Une telle évolution est sans doute nécessaire, mais est-elle vraiment possible ? Prendre ses distances avec les autorités religieuses pour faire avancer la société sur le chemin des réformes et de la modernité est-il compatible avec le maintien de la légitimité religieuse, quasi sacrée du monarque ? La voie est certes étroite, mais y en a-t-il d'autres ?


Une telle transformation suppose des monarques éclairés et volontaires. Sur ce plan, pour des raisons d'âge et de santé, on pourrait légitimement être plus inquiet pour l'Arabie saoudite que pour le Maroc ou la Jordanie.

Géopolitique de l'électronique


C'est un petit carré de silicium d'un centimètre de côté qui contient le monde entier. Plus d'un milliard de transistors sous sa surface, serviteurs dociles de l'homme pour commander à la machine. Supprimez-les et la société moderne décervelée s'effondra d'elle-même : plus d'ordinateurs, de téléphone, d'avions, de voitures, d'Internet, d'usines, d'hôpitaux. Ce secteur relativement modeste, de l'ordre de 300 milliards de dollars de chiffre d'affaires dans le monde tient sur ses épaules près de 10 % de l'économie mondiale. C'est ce que l'on appelle une technologie clef, comme l'a été la sidérurgie aux XIX e et XX e siècles, au même titre que la science des matériaux ou les biotechnologies. Tous les Etats du monde tentent de les maîtriser, peu y parviennent sur le long terme.


Car outre leur aspect « stratégique », ces briques de base de la société moderne partagent deux caractéristiques fondamentales : elles sont en évolution constante et les coûts de production s'envolent à chaque nouvelle génération. Une usine de production de semi-conducteurs coûtait 70 millions de dollars d'investissement en 1980, contre 4 milliards aujourd'hui et 10 milliards de dollars en 2020. Le prix de trois centrales nucléaires pour une installation qui sera obsolète en moins de dix ans.


Qui pourra alors se payer de telles usines ? Actuellement, seul l'américain Intel, assis sur la rente du PC, en a réellement les moyens. Deux spécialistes s'accrochent, le coréen Samsung dans les mémoires et le taïwanais TSMC dans le travail à façon. Les autres, japonais ou européens n'auront bientôt plus la capacité de suivre. Le seul choix qui s'offre à eux est d'abandonner leurs usines pour ne faire que de la conception ou mutualiser leurs moyens de production, voire fusionner comme le font les japonais. C'est là que l'on rejoint la géopolitique. L'électronique est l'un des rares domaines de la haute technologie où l'Europe dispose encore de toute la chaîne de valeurs, du constructeur de machines aux grands électroniciens comme STMicroelectronics ou Infineon en passant par des pôles de niveau mondial comme à Grenoble ou Dresde. Abandonner une telle filière aura des conséquences en termes de capacité de recherche mais aussi de compétitivité de toutes les industries en aval. Ici aussi, l'Europe n'a pas d'autre choix que celui de l'union. Si elle veut encore exister sur le plan industriel, elle doit tout mettre en oeuvre pour sauver sa filière électronique. Et pour une fois, il n'est pas trop tard.

Les malentendus de la parité

Sommes-nous des machistes indécrottables ? Selon une étude de l'Insee, largement médiatisée, un quart des Français estime qu'en cas de crise économique, « les hommes devraient être prioritaires pour trouver un emploi ». Rassurons-nous tout de même : cette opinion est minoritaire (près des deux tiers des personnes interrogées sont d'un avis contraire) ; de plus, elle n'est pas spécifiquement masculine : elle est partagée, dans les mêmes proportions, par les deux sexes. Notre pays occupe d'ailleurs, pour l'emploi des femmes, un rang honorable : le taux d'activité des Françaises (66 %) est supérieur à la moyenne européenne.

Pourquoi, alors, cet apparent préjugé « antiféminin » exprimé par un Français sur quatre ? Il traduit peut-être moins une préférence qu'un constat : les difficultés rencontrées par les femmes -qu'il s'agisse d'emploi, de salaire ou de carrière -conduisent, de fait, les couples à privilégier le travail de l'homme. Ces difficultés suscitent, jusqu'ici, plus de discours que de mesures concrètes. Une loi de 2006 avait prévu l'obligation, pour les entreprises de plus de 50 salariés, d'engager des actions en faveur de la parité, et les sanctions réservées aux récalcitrantes ont été précisées en 2010 : à cette date, à peine 8 % des entreprises concernées avaient signé des accords dans ce sens. Le monde du travail n'est pas seul en cause. L'insuffisance du nombre de crèches, dans un pays qui connaît un boom de la fécondité, se mesure à la proportion d'enfants de moins de trois ans gardés hors du milieu familial : 31 %, selon Eurostat, contre 45 % aux Pays-Bas, 73 % au Danemark... Autre obstacle, le système fiscal : l'imposition conjointe des couples (une particularité française) fait du salaire féminin, notamment chez les cadres, un revenu d'appoint -celui auquel on renonce quand les tâches familiales s'alourdissent.

Créer des quotas obligatoires de femmes dans certaines instances est une mesure spectaculaire, mais elle ne concerne qu'une infime minorité. Et surtout, au lieu de s'attaquer aux racines du mal, elle ne traite qu'un de ses symptômes.