Une terre difficile et généreuse
C'est une fête de Pentecôte radieuse que nous aurons vécue ces jours-ci. Un peu de répit dans les affres de la crise économique et financière. Un peu de bonheur tout simple, offert gratuitement par la nature qui, après tant de catastrophes, nous montre à nouveau son visage souriant.
Tout cela, bien sûr, ne devrait pas nous enlever tous nos soucis, nous détourner de nos efforts. Mais ce répit devrait renouveler nos forces, ranimer nos espoirs tout en nous incitant davantage encore à respecter l'environnement dont nous profitons tant.
Le 21 avril, en marge du forum sur le climat à l'initiative de chefs d'État d'Amérique latine, le président bolivien, Evo Morales, a lancé l'appel à une « déclaration universelle des droits de la Terre-mère ». Si cette initiative trouve un écho favorable dans les rangs de l'Onu, elle pourrait prendre place dans les négociations internationales sur le climat. On reconnaîtrait des droits à la « Terre-mère » et à tout ce qu'elle contient : les animaux, les végétaux, les minéraux.
C'est aller un peu loin sans doute, car qui dit « droits » dit aussi « devoirs ». Que serait en effet un « droit » que personne n'aurait le « devoir » de respecter ? Rien du tout évidemment. Mais ces animaux, ces végétaux, ces minéraux dotés de « droits » ne peuvent accomplir aucun « devoir ». On voit donc la limite d'une telle démarche qui se fonde sur une conception erronée du droit.
« Grand esprit » et transcendance
Cependant, il n'est pas inutile de souligner cet aspect « mère » de la terre. Elle est en effet mère de la vie. Pour la respecter, il n'est pas nécessaire de la personnaliser, voire de la diviniser. Les esprits ont quitté depuis longtemps les arbres sacrés.
En envoyant dans le ciel bleu d'Assise de grandes volutes de fumée, les Indiens célébraient le « Grand esprit » devant le pape Jean-Paul II lors de la journée oecuménique des religions. Par ce geste, ils reconnaissaient une transcendance que nous aurions tort d'oublier dans nos sociétés modernisées. C'est cette transcendance que l'on célèbre en ce jour de Pentecôte, qui nous incite aussi au respect de la nature, de la terre nourricière, de la vie. Ce n'est pas la terre, fût-elle baptisée « mère », qui est transcendante. Cependant nous devons reconnaître humblement la puissance de ce qui bout en son sein et qui se manifeste dans le ciel avec le nuage émis par le volcan islandais. Ou bien de ce qui surgit sous la mer comme ce pétrole qui, par l'imprudence des hommes, envahit l'océan.
Tout cela devrait nous rendre modestes et conscients de nos fragilités, et nous inciter, comme le recommandent les textes anciens, à « habiter la nature ». C'est-à-dire à vivre avec elle, à composer avec elle, à se garder de l'épuiser et de la violenter. Sinon, nous le savons tous, elle cessera d'être généreuse pour le bonheur des générations.
François Régis Hutin