Mais les urnes témoignent aussi d'une sanction de la gauche au pouvoir, pour son premier grand test depuis l'élection de François Hollande en mai 2012. Dès lors en vue du second tour, nombreux socialistes ont appelé dès dimanche à faire barrage au Front national, mais l'UMP rejette toute idée de "front républicain" et entend se maintenir en cas de triangulaire
Quel avenir pour la gauche ?
Dans la foulée, le chef du gouvernement a tenté de trouver une explication à la déroute du PS. Il a estimé que "certains électeurs ont exprimé par leur abstention ou leur vote leurs inquiétudes, voire leurs doutes". Et de poursuivre en indiquant que ce premier tour s'est déroulé dans "un contexte économique et social difficile", mais aussi sur fond de "politique de redressement indispensable mais exigeante" engagée par le gouvernement.
"Dans la plupart des communes, la campagne va se poursuivre pour le second tour. La priorité est de rassembler toutes les forces de la gauche. Quand il n'a pas été réalisé au premier tour, l'heure est au rassemblement le plus large et le plus vite possible", a demandé le Premier ministre. De son côté, le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a estimé tard dans la nuit de dimanche à lundi que "tous les responsables politiques" devaient entendre le message de l'abstention "trop élevée" au premier tour des élections municipales. Mais "c'est aussi bien sûr de la responsabilité du gouvernement. Le Premier ministre l'a dit, il y a quelques heures", a relevé le ministre avant d'ajouter que "ce message nous invite à tout mettre en œuvre pour redonner confiance en l'action publique, pour restaurer ce lien qui existe entre les citoyens et leurs élus". Toutefois, Manuel Valls a tenu à souligner que "rien n'est joué" pour son camp pour le second tour.
Le principal symbole de la gifle reçue par les socialistes est très certainement le vote de Marseille. En effet, le PS avait fait de la cité phocéenne son espoir principal, celui qui allait masquer les pertes d'autres villes. Mais rien ne s'est passé comme prévu car Patrick Mennucci a subi un revers cinglant au premier tour, étant même devancé par le candidat du Front national. En effet, le maire sortant Jean-Claude Gaudin (UMP) arrive en tête avec 38,8% des voix, Stéphane Ravier du FN 23,2% et le député socialiste seulement 19,8%, selon les résultats de 376 bureaux dépouillés sur 478. S'exprimant devant la presse à son siège de campagne, Patrick Mennucci s'est tout de même montré combatif. "Au-delà des apparences des chiffres, rien n'est joué", a-t-il assuré.
"Je pense qu'on peut encore gagner, il s'agit de nous rassembler", a-t-il insisté, lançant un appel à Jean-Marc Coppola, 53 ans, chef de file du Front de gauche (6,86%), et Pape Diouf, 62 ans, à la tête d'une liste citoyenne (5,45%). Une véritable bérézina. Autre résultat spectaculaire : Niort a basculé à droite après près de 60 ans de gouvernance de la gauche, tandis que les sorts de Strasbourg et Toulouse, que le PS avait enlevé à la droite en 2008, sont très incertains.
Cependant, à l'image du président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone et du ministre de l'éducation Vincent Peillon, le PS à la « mobilisation » pour le second tour, pour faire barrage au FN. Car au niveau municipal, un nouveau tripartisme politique semble s'installer, même si plusieurs des futures triangulaires avec le FN devraient permettre au PS de conserver des mairies.
La percée du Front national : "la fin de la bipolarisation de la vie politique" ?
"La règle est que nous nous maintiendrons, il peut y avoir une ou deux exceptions", a déclaré Marine Le Pen sur France 2, laissant entendre qu'il pourrait y avoir ici où là, au niveau local, des tractations avec des responsables de l'UMP.
"C'est la fin de la bipolarisation de la vie politique française, le Front national arrive comme une grande force autonome, une grande force politique, plus seulement nationale, mais également locale", a-t-elle estimé sur TF1. "Le Front national s'implante comme il voulait le faire, et il s'implante avec un cru assez exceptionnel." "Le Front était jusqu'ici un vote national, nous sommes en train de démontrer qu'il est aussi un vote local, un vote qui s'est enraciné", a renchéri le vice-président du FN, Florian Philippot, qui a obtenu près de 36% à Forbach.
Globalement, le parti d'extrême-droite devrait être présent dans plus d'une centaine de triangulaires, dépassant son précédent de 1995 où il s'était maintenu dans 119 villes de plus de 30 000 habitants au second tour. Le FN semble donc en mesure de faire mieux que cette année-là où il avait conquis trois villes : Toulon, Marignane (Bouches-du-Rhône) et Orange (Vaucluse), auxquelles Vitrolles (Bouches-du-Rhône) s'était ajoutée en 1997.
Une poussée du FN qui a fait réagir. La maire de Lille, Martine Aubry (PS) notamment a jugé dimanche soir que la droite avait "banalisé les thèses du Front national"."Pour moi c'est une grande tristesse, parce que je sais que le Front national n'apportera rien pour redresser Hénin-Beaumont" et aussi "parce que, partout en France, le Front national augmente", parce que "la droite a banalisé les thèses du Front national"a-t-elle estimé."Si le Front national apparaît à certains comme une solution alors qu'il n'a jamais, jamais été une solution, c'est parce que la droite a banalisé ses idées de division, d'opposition et de repli sur soi. Quand j'entends ce soir M. Copé qui explique qu'il ne fera pas jouer le front républicain, qu'il laissera un Front national gagner et qu'il n'appellera pas à voter socialiste, je me dis que la droite n'a plus rien à voir avec le gaullisme", a assuré la maire de Lille.
L'UMP peut avoir le sourire
Comme lui, d'autres anciens ministres UMP ont été réélus dès le premier tour avec de très confortables scores, notamment Laurent Wauquiez au Puy-en-Velay en Haute-Loire (plus de 67%), François Baroin à Troyes dans l'Aube (62,56%) ou Alain Juppé à Bordeaux (près de 60%). Mais le principal motif de satisfaction pour l'UMP est peut-être le score du parti à Paris. En effet, à la surprise générale, Nathalie Kosciusko-Morizet a fait mentir tous les sondages. Elle est arrivée en tête devant sa rivale socialiste Anne Hidalgo. Si les listes de NKM sont distancées dans deux arrondissements clés pour l'issue du scrutin le 30 mars, les 12e et 14e, la candidate UMP a obtenu 35,64 % des voix, un peu plus d'un point de plus qu'Anne Hidalgo, qui totalise 34,40 % des suffrages.
Le "peuple de Paris", "libre et rebelle", a "fait mentir tous les pronostics", s'est félicitée Nathalie Kosciusko-Morizet. "Le changement est possible, il est tout proche", a-t-elle lancé aux militants soulignant que, parmi ses têtes de liste, "certains sont élus dès ce (dimanche) soir". "On nous annonçait comme une évidence le triomphe de l'équipe sortante, c'est le contraire qui s'est produit ce (dimanche) soir" dans la capitale, a ajouté la candidate UMP. "Après 13 ans de pouvoir sans partage, deux Parisiens sur trois ont condamné l'équipe sortante", ont "dit leur volonté de changement", "refusé de se plier aux ordres du pouvoir et de ses relais", "crié leur désir d'une nouvelle énergie", a-t-elle martelé.
Si l'UMP arrive donc en tête au soir du premier tour, à l'heure actuelle peu de villes ont basculé de gauche à droite (la principale étant Niort). Il va donc falloir s'en remettre à des triangulaires dans 114 villes. Quelles sont donc les consignes à suivre dans ces cas là ? Jean-François Copé, fermement opposé à la politique du Front républicain, répète à l'envi que l'UMP "ne fera jamais d'alliance avec le Front national". Il a aussitôt appelé "celles et ceux qui ont voté pour le FN pour marquer leur colère" à "reporter leur voix" sur les candidats de l'UMP dimanche prochain.
Dans le même état d'esprit, François Fillon, ancien Premier ministre, a lui aussi invité "les électeurs ayant voté pour le Front national à nous rejoindre dimanche prochain", tout en répétant que "vis-à-vis du Front national, aucun désistement et aucune alliance ne peuvent être, pour l'UMP, envisagés". Il s'est félicité de la "poussée importante de la droite et du centre" pour ce premier tour, y voyant pour la gauche "les conséquences d'une politique gouvernementale inefficace et impopulaire". Et de mettre en garde : "Cependant, rien n'est encore joué".