Plus que la poussée de Marine Le Pen,
ce sont les propositions de l’extrême gauche qui frappent les
observateurs américains et anglo-saxons. Petite revue de presse d’après
premier tour.
Les photos de Nicolas Sarkozy et François
Hollande sortant de l’isoloir ont fait la première page du New York
Times ce lundi. Mais le reportage qui suivait tenait moins aux deux
finalistes, qu’à celle arrivée troisième : « Hier, comme à chaque
premier tour d’une élection présidentielle, les Français ont voté avec
leur cœur, dans quinze jours, au second tour, ils voteront avec leur
tête… Comment Marine Le Pen a-t-elle pu ainsi voler leur cœur… ? »
La
réponse pour le journaliste tient à la crise, et à
« l’anti-sarkozysme » qui s’est emparé de la France. Il note surtout que
ce résultat a déjoué les pronostics. Jusqu’alors la campagne
présidentielle avait été dominée par la percée dans les sondages et le
succès annoncé de Jean-Luc Mélenchon, « un ancien Trotskyste ». Une percée qui n’en finissait pas de surprendre outre-Atlantique. Comment les Français peuvent-il encore croire à des discours de gauche se demandaient les observateurs ?
« On savait la France plus à gauche que les États-Unis, mais à écouter certains des candidats, on prend conscience du fossé qui nous sépare… » écrit Brad Plumer dans le Washington Post, toujours pas revenu de ce qu’il a entendu dans la bouche de certains candidats. Au point d’avoir dressé la liste des « propositions
qu’un candidat d’un des deux grands partis américains ne pourrait pas
faire » : taper sans retenue sur le dos de la finance comme Hollande … ;
promettre de taxer à 75% les revenus au dessus de 1 million d’euros
(sachant que le candidat Mélenchon demande 100% de taxe à partir de
500 000 euros )… ; imposer un plafonnement des rémunérations des
patrons ; critiquer tous azimuts la libre entreprise et les marchés,
même à droite puisque Marine Le Pen a fait de son score une victoire
contre la banque, la finance et les multinationales ».
Un
tel radicalisme laisse peu d’options économiques viables à un pays.
Surtout un pays en crise, dans un monde en crise. Inquiet des
conséquences internationales de telles mesures, Plumer est allé
interroger un spécialiste pour essayer de comprendre. Il a trouvé Arthur
Goldhammer, directeur du département d’études européennes à
l’Université d’Harvard. Pour ce politologue les candidats du premier tour de la présidentielle française se répartissent en deux camps : « le camp des deux candidats arrivés en tête, qui préconisent bon an mal an une forme d’adaptation à la mondialisation » et « le camp des autres qui ont tous en commun de rejeter cette mondialisation ». François Hollande et Nicolas Sarkozy totalisant 56% des voix, le premier camp demeure majoritaire mais « les forces de résistance sont nombreuses et l’anti-establishment puissant ».
De l’autre côté de la Manche, l’hebdomadaire The Economist, a été tout aussi frappé par la prévalence d’un tel discours : « A
regarder la télévision et écouter la radio ces jours-ci en France on
pourrait penser que ce pays est un repaire de communistes,
d’anticapitalistes et de révolutionnaires ». L’hebdomadaire note que « pas moins de trois candidats sur dix se réclamaient de l’extrême gauche », (Mélenchon, Poutou et Arthaud), donc du fait de la règle d’équité de la campagne officielle « l’extrême gauche a totalisé le tiers du temps de parole à l’écran et sur les ondes ».
Et le journal prend plaisir à reproduire quelques perles de campagne sous le titre « Il faut y être pour croire ce que l’on entend » : « A
la radio M. Poutou défendait sérieusement la réduction du temps de
travail de 35 à 32 heures en précisant que le but ultime est de
« travailler le moins possible et gagner le plus possible… et si ne pas
travailler du tout était possible, nous ne serions pas contre ».
« Jean
Luc Mélenchon a ranimé la vieille alliance entre le parti socialiste et
le parti communiste sous les mots d’ordre « prendre le pouvoir » et
« partager la richesse » : « Si je suis élu, dit-il, nous partagerons la
richesse, et ceux qui ne veulent pas la partager de leur plein gré, la
partagerons de force. »
« Jean-Luc Mélenchon (encore lui) dit : « Regardez
les riches dans les yeux et ne leur dites pas « je ne suis pas
dangereux », dîtes leur au contraire « je suis dangereux et je vais vous
vider les poches ».
Et le journaliste de conclure « avec un tel discours ambiant, pas
étonnant que, François Hollande, qui, n’importe où ailleurs passerait
pour un vieux gauchiste démodé, ait en France une réputation de modéré. »
Cette « modération » est la bouée de sauvetage à laquelle les observateurs étrangers veulent se raccrocher.
Sur la crise de l’euro, dit Arthur Goldhammer, Sarkozy et Hollande « ne sont pas très éloignés », « ils reconnaissent tous deux que quelque chose doit être fait pour changer l’Europe », mais Sarkozy, « véhément et débordant d’énergie s’est sagement rangé derrière Angela Merkel », alors que Hollande « qui a passé sa vie a bâtir des compromis » a promis de tenir une « position ferme». Et d’opiner « il n’est pas sûr qu'il ait la capacité de le faire. »
Tout comme les médias français, les journaux anglo-saxons présentent la victoire du candidat socialiste comme quasi acquise.
Même s’ils notent qu’elle suscite peu d’enthousiasme chez les Français.
The Economist est allé à Donzy, en Bourgogne, le village qui prédit
toujours le vainqueur des scrutins présidentiels. « Donzy vote
plutôt Hollande, note le journaliste mais sans enthousiasme »…« Il n’y a
aucune ferveur autour de lui », nous dit le maire du village. « Les
gens du coin sont résignés à sa victoire » … Il faut dire que c’est
« débutant, qui n’a même pas été ministre ».
Mary
Ryddell du Telegraph rappelle que les socialistes avaient jadis
surnommé François Hollande « Flanby ». Sous sa plume il devient donc « Mr Milk Pudding ».
Plus
sérieusement l’Associated Press s’est intéressé aux programmes des deux
finalistes face aux échéances qui attendent la France. Le diagnostic
est inquiétant : « Aucun des deux candidats ne propose les réformes
nécessaires pour remettre la France sur la voie de la réussite
économique… Sans croissance, la dette actuelle est insoutenable, et sans
réforme la croissance ne repartira pas ! »
Cette
sombre perspective est partagée par Desmond Lachman, chercheur de
l’American Enterprise Institute qui signe, dans The American du 23
avril, une synthèse implacable de la campagne et des enjeux de
l’élection française sous le titre « la prochaine et plus sérieuse phase de la crise européenne »: « L'élection
de François Hollande aurait des conséquences sur la crise de l’euro…
parce qu’il s’est engagé à aller droit à la collision avec Angela
Merkel… et parce que sa posture guerrière contre la finance, sera mal
perçues par les marchés… Hollande n’a aucune expérience
internationale, la plus haute responsabilité gouvernementale qu’il ait
jamais occupée a été celle de maire… Il regarde en arrière, n’offre
aucune perspective nouvelle, et se veut la réincarnation du dernier
Président socialiste François Mitterrand… Les Français qui sont
fatigués de Sarkozy n’aiment guère Hollande… le choix est pour eux
déprimant, ils perçoivent que quel que soit le vainqueur c’est la France
qui perdra. »