Comme Moody's et Fitch, l'agence de notation financière Standard and Poor's a attribué, lundi 20 septembre, la meilleure note possible (AAA) aux titres de dette qui seraient émis par le Fonds européen de stabilité financière (European Financial Stability Facility, EFSF), créé pour permettre d'aider des Etats en crise de la zone euro. La note AAA lui permettra d'emprunter à un taux favorable.
"En se fondant sur les assurances données par l'EFSF, nous estimons que les garanties accordées par les gouvernements soutenant le remboursement des obligations de l'EFSF seront inconditionnelles, irrévocables et interviendront au bon moment", a-t-elle ajouté.
Cependant, cette note, assortie d'une perspective stable, "dépend des notes et des perspectives des garants notés AAA", à savoir la France, l'Allemagne ou les Pays-Bas, prévient Standard and Poor's. "La perspective ou la note de l'EFSF pourraient être révisées si nous révisions la perspective ou la note d'un ou plusieurs garants notés AAA", ajoute l'agence.
EMPRUNTER À HAUTEUR DE 440 MILLIARDS D'EUROS
Au plus fort de la crise de la dette dans la zone euro, les Etats européens ont décidé en mai la mise en place de ce fonds de soutien pour les pays de la zone euro qui connaîtraient des difficultés financières telles qu'en a connu la Grèce. Il s'agit d'une société spéciale, d'une durée de vie de trois ans, créée pour emprunter sur les marchés avec des garanties apportées par les Etats de la zone euro, qui pourront s'élever jusqu'à 440 milliards d'euros.
Si les pays de la zone euro décident de l'activer, cette société lèvera de l'argent sur les marchés, qui sera ensuite utilisé pour acheter des titres de dette d'un Etat en difficulté financière. Les garanties apportées par les pays de la zone euro seront proportionnelles à leur participation dans le capital de la BCE et, selon l'accord final, cette somme sera encore majorée de 20 %, afin de rassurer au maximum les marchés et de couvrir le cas où un pays décide de se retirer du mécanisme ou ne puisse pas y participer. Un mécanisme de "sur-garantie" qui a contribué à rassurer les agences de notation.
"Nous sommes extrêmement satisfaits d'obtenir les meilleures notes de la part de toutes les agences, a réagi le directeur de l'EFSF, Klaus Regling. C'est une confirmation claire que l'EFSF peut jouer le rôle envisagé", a-t-il ajouté dans un communiqué. En juin, les ministres des finances de la zone euro avaient clairement indiqué vouloir obtenir la notation la plus haute possible pour l'achat de titres obligataires.
lundi 20 septembre 2010
Satisfecit des agences de notation au fonds européen de stabilité financière
Onze banques françaises condamnées pour entente illégale
L'Autorité de la concurrence leur a infligé une amende de 384,9 millions d'euros. Elles sont accusées d'avoir illégalement coordonné leur tarification sur le traitement des chèques.
L'Autorité de la concurrence a infligé une amende de 384,9 millions d'euros aux 11 principales banques françaises pour entente sur les coûts de traitement des chèques, estimant qu'elles avaient facturé des frais indus à leurs clients, selon un communiqué publié lundi. (Pour lire la décision, cliquez ici)
L'Autorité a essentiellement sanctionné la commission dite d'échange image chèque (CEIC), mise en place en janvier 2002 pour compenser, selon les banques, la perte de trésorerie qu'induisait l'accélération du traitement des chèques.
Amenées à libérer plus tôt les sommes réglées par chèque, les banques faisaient valoir qu'elles ne pouvaient donc plus les placer aussi longtemps qu'auparavant, ce qui entraînait une perte de revenus financiers. De ce fait, les 11 banques concernées avaient appliqué uniformément à 80% des volumes traités une commission de 4,3 centimes d'euros par chèque. La CEIC a finalement été supprimée en juillet 2007, "sous la pression de l'enquête en cours", rappelle l'autorité administrative indépendante.
Les banques sanctionnées sont le Crédit Agricole, Société Générale, BNP Paribas, le Crédit Mutuel, le Crédit industriel et commercial (CIC), le Crédit du Nord (groupe Société Générale), LCL (groupe Crédit Agricole), la Banque Postale, BPCE, HSBC et la Banque de France. Le groupe BPCE, qui chapeaute les enseignes Banque Populaire et Caisse d'Epargne, a été le plus durement touché, avec une amende de 90,9 millions d'euros, suivi par le Crédit Agricole (82,9).
Les banques ont un mois pour interjeter appel de cette décision. Un appel éventuel n'est pas suspensif et ne dispense donc pas les banques sanctionnées de s'acquitter du montant de leur amende.
"Priorité à la compétitivité", plaide Jean-Louis Borloo
Le ministre de l'écologie, Jean-Louis Borloo, dont le nom est régulièrement cité comme successeur possible de François Fillon à Matignon, estime que la compétitivité de la France est "la clef de tout", dans un entretien au quotidien Les Echos daté de lundi. Interrogé sur la reprise économique, M. Borloo la juge "à notre portée", à condition d'avoir "comme priorité la compétitivité". "La clef de tout, c'est d'amplifier le retour de la France dans la course à la compétitivité mondiale, d'aider et épauler nos champions nationaux", affirme le ministre d'Etat, qui suggère de "regarder à la loupe" ce qui se passe dans les grands pays émergents.
"Pékin mise sur une croissance compétitive à faible intensité énergétique", souligne-t-il, rappelant que les Chinois sont devenus les leaders mondiaux du photovoltaïque et qu'il "préparent activement les voitures sans carbone". "Il est illusoire de croire qu'ils nous concurrencent uniquement par les coûts salariaux", ajoute-t-il. "Leur compétitivité va devenir de plus en plus technologique". Plaidant en faveur de "financements innovants", il propose d'organiser un "Grenelle de la fiscalité" autour de 2012 afin en particulier de "réintroduire de la simplicité, de la visibilité" et d'"accentuer l'équité fiscale".
Jugeant que l'élection présidentielle de 2012 se jouera avant tout "sur une vision stratégique" pour répondre à la mutation du monde, il se déclare persuadé que cette mutation est une chance et souligne qu'il y "travaille vraiment". Interrogé sur l'accent mis depuis quelques mois par Nicolas Sarkozy sur la sécurité et l'immigration, le ministre se tient à l'écart de la moindre réserve ou critique : "Il y a des séquences et la sécurité en est une", dit-il. "Il n'y a pas de prospérité sans règles et sans ordre." Comme à chaque fois qu'il est interrogé sur le sujet, le ministre de l'Ecologie refuse de se prononcer sur son attitude si le chef de l'Etat lui proposait de remplacer François Fillon à Matignon. "Je ne réponds pas aux questions qui ne sont pas posées", coupe-t-il.
La vie est faite de hauts et de bas, pour tout le monde. Mais il faut mépriser les hauts et repriser les bas, aimait philosopher Jacques Chirac, citant sa grand-mère. Le microcosme parisien, ce petit manège des sondages et des ramages, fait exactement l'inverse : il exacerbe au lieu de pondérer, enfonce les bas comme des portes ouvertes, et parle de renaissance au moindre vagissement. Sa chanson de l'heure, c'est l'agonie de Nicolas Sarkozy et le triomphe des socialistes. Elle ne sonne pas faux, certes, entre l'agressivité désordonnée de notre Président et les manifestations contre sa réforme des retraites. Mais qui nous dit que demain, tout cela ne sera pas cul par-dessus tête - Nicolas Sarkozy au pinacle des réformateurs, les socialistes replongés dans leurs querelles primaires ? Nous n'en savons rien. Et vingt mois jusqu'à la présidentielle, cela fait combien de hauts et de bas ?
Les outrances de Viviane Reding ne passent pas. Quel besoin avait la commissaire luxembourgeoise de ramener Vichy, voire la Shoah, dans l’affaire des Roms ? De proclamer, urbi et orbi : “Je pensais que l’Europe ne serait plus le témoin de choses pareilles après la Seconde Guerre mondiale.”
C’est confondre Roissy et Drancy, la déportation et l’aide au retour. Un peu forcé, le retour, mais quand même…
Pareil amalgame relève de la basse injure. Du coup, l’indignation change de camp. Ceux qui condamnaient - non sans arguments - sa politique de “sécurité-spectacle”, soutiennent désormais un Sarkozy calomnié. À l’attaquer trop grossièrement, ses ennemis lui rendent un fier service. Parce qu’en politique aussi, l’excessif devient vite “insignifiant”.
Faute d’avoir lu Talleyrand, Claude Bartolone se laisse prendre à son tour. Bien sûr, l’image de la France se trouve ternie par les errements élyséens. Il suffit de lire la presse étrangère pour s’en convaincre. De là à lancer sur RCJ, la Radio de la communauté juive : “Quelque chose de terrible est train de nous arriver...” Le député PS, hier, avait la gravité des prophètes de l’apocalypse. Il semblait annoncer des pogroms, la discrimination générale, le néo-pétainisme en marche…. Avec une opposition aussi subtile, le chef de l’Etat peut dormir tranquille. 2012 lui sourit encore.
Comment peut-on repousser l'âge de la retraite alors que près d'un Français sur deux n'occupe déjà plus un emploi avant de prendre sa retraite ? Cette question est au coeur du débat actuel. Loin de traduire un problème de formation ou de coûts salariaux trop élevés, du moins dans la grande majorité des cas, le départ anticipé des seniors de l'emploi est en fait le résultat d'un pacte social implicite entre les partenaires sociaux, le patronat et les syndicats.
Alors que la France possède un taux d'emploi des 50-55 ans relativement élevé, supérieur de 5 points à la moyenne européenne, il se produit un décrochage brutal entre 55 ans et 59 ans. Pourquoi les Français de cette classe d'âge deviendraient-ils subitement inemployables, tandis que les jeunes quinquas résistent mieux que dans les autres pays à l'usure du temps ?
Pour l'essentiel, l'explication tient dans la volonté des partenaires sociaux, de faire des 55-59 ans, la génération la plus proche de la retraite, la variable d'ajustement du marché du travail. Ils ont ainsi mis en place une véritable préretraite, qui n'ose dire son nom, dans notre système d'allocation-chômage : à partir de 57 ans, il est possible d'attendre l'âge du taux plein en étant indemnisé, quelle que soit la durée de chômage. Combien de départs négociés au sein de l'entreprise reposent sur la possibilité d'attendre l'âge de la retraite dans des conditions assez favorables ? Plus qu'un frein au retour à l'emploi, ce système accélère les sorties de l'emploi car la paix sociale dans l'entreprise, au moment d'une baisse des effectifs, passe par le départ des seniors.
Il est grand temps de sortir de la culture de la préretraite. Cela passe, aujourd'hui, par une normalisation du régime d'indemnisation-chômage des seniors. Il serait particulièrement incohérent et inefficace de vouloir reculer l'âge légal de la retraite sans chercher à augmenter parallèlement l'âge de cessation d'activité. Reste à en convaincre les partenaires sociaux. De ce point de vue, la logique d'affrontement actuelle sur la fin programmée de la retraite à 60 ans augure mal des futures négociations avec les syndicats. C'est pourquoi, il aurait été préférable que le gouvernement privilégie l'augmentation de la durée de cotisation, réforme des retraites jugée acceptable par les syndicats modérés, pour pouvoir demander, comme contrepartie, cette normalisation du régime d'allocation-chômage. Encore une occasion de dialogue social manquée...
Il est à craindre qu'en dernier ressort, le gouvernement ne doive dessaisir les partenaires sociaux de leurs prérogatives pour assurer cette normalisation. La cohérence d'ensemble de la stratégie de recul de l'âge de la retraite est à ce prix. Rien ne serait pire que maintenir l'âge de la préretraite autour de 57 ans, alors que l'objectif est clairement de travailler au moins jusqu'à 62 ans.
Jean-Olivier Hairault
Professeur d'économie à l'université de Paris I. A participé à l'ouvrage collectif 16 nouvelles leçons d'économie contemporaine, édit. Albin Michel.
Après la bataille du printemps, qui succéda elle-même à la campagne d'hiver, la grande offensive d'automne est lancée à l'encontre du bouclier fiscal. Il aura suffi de deux étincelles pour relancer le combat de tous ceux qui, à gauche et jusque dans la majorité, s'accommoderaient bien de revoir l'Etat surtaxer les riches contribuables au seul prétexte de leur bonne fortune. Le premier déclencheur est la hausse sensible de la somme globale restituée en 2009 (680 millions d'euros) aux bénéficiaires de ce dispositif censé plafonner le montant des impôts directs à la moitié des revenus perçus.
Cette inflation étant la conséquence logique de l'appropriation de ce nouvel outil par les citoyens qui savent en tirer le meilleur profit, l'administration saura corriger les optimisations abusives. Quant aux 360.000 euros reversés, en moyenne, par le Trésor, curieusement, ils heurtent bien plus les consciences que les 900.000 euros d'impôts que ces mêmes contribuables auraient payé sinon, supportant alors des taux d'imposition indécents.
Le deuxième moteur du nouvel assaut vient du grand nettoyage opéré par le gouvernement dans les niches fiscales. En théorie, au moins, des crédits d'impôt restreints, ce sont plus de contribuables susceptibles d'être placés de facto sous la protection du bouclier fiscal. Et un nouvel angle d'attaque offert à ses adversaires, quand le projet de budget 2011 arrivera à l'Assemblée nationale. Déjà effrayés à l'idée de devoir défendre l'indéfendable, des députés UMP, même eux, commencent, en tapinois, à rédiger des amendements de suspension. Qui vaudraient actes de suppression.
Mais, puisqu'il a ouvert une brèche dans le bouclier en excluant de son périmètre l'« impôt retraite » - la hausse de 1 point du taux maximal de l'IR -, le gouvernement sera bien forcé d'y faire une autre entaille pour empêcher que la remise en ordre des niches ne fasse trop de nouveaux élus à restitution fiscale. Limitées au seul « coup de rabot » général sur les niches, ces concessions conserveraient au bouclier un semblant de cohérence. Etendues à l'ensemble des crédits d'impôt réformés, ces ouvertures réduiraient sensiblement l'espérance de vie de ce parapluie à impôts créé en 2007. Hélas pour la stabilité de la politique fiscale.
Les résultats très positifs (58 % de oui) du référendum constitutionnel intervenu il y a une semaine en Turquie représentent avant tout une victoire personnelle pour le Premier ministre, Recep Erdogan. Aussi est-il plus que jamais important de le comprendre.
Erdogan est-il, comme il s'est présenté initialement lui-même au monde occidental, un Konrad Adenauer musulman pour qui l'AKP est l'équivalent turc de ce qu'est la démocratie chrétienne en Allemagne ? Ou est-il en réalité, comme le pensent certains de ses détracteurs, une « version ottomane » de ce qu'était hier Nasser en Egypte, un populiste habile et opportuniste ?
Les deux comparaisons sont certes osées, sinon excessives. La Turquie n'est pas, contrairement à l'Allemagne d'après-guerre, un pays animé d'un fort sentiment de repentance. La république de Bonn naissante voulait rompre radicalement avec son passé. La Turquie à l'inverse veut renouer avec le sien, même si elle entend elle aussi rompre avec le régime des militaires. Le référendum a été organisé trente ans jour pour jour après le coup d'Etat qui amena le général Evren au pouvoir en 1980.
Mais, pour l'Allemagne d'Adenauer, l'équilibre entre les préceptes chrétiens et les principes démocratiques était fondamental. Y aurait-il aujourd'hui plus d'islam que de démocratie dans le projet de l'AKP ? Et l'islam, contrairement au christianisme, aurait-il une relation plus complexe avec le politique en n'établissant pas des frontières claires entre « ce qui appartient à César et ce qui appartient à Dieu » ?
Si Erdogan ne peut-être Adenauer, serait-il plus proche de Nasser ? Certes, la Turquie de 2010 est « beaucoup plus » que l'Egypte d'hier ou d'aujourd'hui. C'est une puissance émergente à la réussite incontestable. L'audience de Nasser dans le monde arabe d'hier est probablement sans commune mesure avec celle d'Erdogan dans le monde musulman d'aujourd'hui. L'Empire ottoman n'a pas laissé que de bons souvenirs. Quoi qu'il fasse pour séduire la « rue arabe », le Premier ministre turc demeure au mieux, tout comme les ayatollahs iraniens, un « étranger proche ».
Néanmoins, ces comparaisons peuvent se révéler utiles, car comprendre la « vraie nature » d'Erdogan, c'est répondre, pour partie au moins, à l'un des plus grands défis stratégiques auquel le monde occidental se trouve confronté, celui de sa relation avec l'islam.
Recep Erdogan peut inquiéter des démocrates laïcs soucieux du renforcement, excessif à leurs yeux, des pouvoirs de l'exécutif. Il n'en rallie pas moins une majorité de Turcs qui se retrouvent dans son nationalisme sourcilleux et dans son ambition de redonner à la Turquie une influence régionale, y compris dans les républiques turkmènes de l'ex-Union soviétique.
Les raisons de ce « nouvel appétit » d'influence sinon de puissance sont multiples. Un peu d'humiliation renforce l'ambition naturelle des peuples. Le comportement de l'Union européenne, de l'Amérique de Bush et plus récemment d'Israël ont constitué autant d'incitations pour la Turquie d'Erdogan. « Vous ne voulez pas de moi dans votre club de gentlemen chrétiens ou vous considérez mon soutien comme allant de soi, quel que puisse être votre comportement en Irak ou à Gaza… et bien vous vous trompez ! » La Turquie est l'héritière d'un grand empire. Elle possède une culture de puissance, une grande tradition diplomatique, celle de la Sublime Porte.
La nature a aussi horreur du vide. Les aventures moyen-orientales de l'Amérique de Bush ont profondément remanié les cartes de la région. La disparition de l'Irak comme centre de pouvoir, la sclérose de l'Egypte, la timidité de l'Arabie saoudite, l'isolement croissant de l'Iran ont « ouvert un boulevard » aux ambitions turques. Il y a, de plus, dans l'esprit des Turcs ce que l'on pourrait décrire comme une certaine relativisation de l'Europe, sinon de l'Occident en général. A l'heure de la Chine, de l'Inde, du Brésil…, la Turquie se dit qu'elle a des modèles alternatifs. Si les portes de l'Union se ferment, d'autres opportunités « émergent » devant elle. La multipolarité est déjà dans les têtes turques.
Erdogan n'est ni Adenauer ni Nasser. C'est un populiste habile qui a su utiliser les humiliations subies par son pays pour faire progresser de pair nationalisme et islam, à un moment où « l'équilibre de la confiance » évolue clairement en faveur de la Turquie et au détriment de l'Union européenne.
En septembre 2008, lorsque la crise financière a éclaté, on a soudain pris conscience que certaines banques ou compagnies d’assurance étaient « too big to fail ». Littéralement : trop grosses pour faire faillite. Plus exactement : trop grosses pour qu’on les abandonne à leur sort. Les États, avec l’argent du contribuable, sont venus à leur secours pour éviter des banqueroutes qui auraient plongé l’économie mondiale dans une panique dévastatrice. « Too big to fail », ce mot-clé des deux dernières années, Benoît XVI a su, vendredi, le reprendre habilement à son compte pour lui donner une signification beaucoup plus vaste.
Lors de son discours au Westminster Hall, le pape relevait : « Le monde a été témoin des immenses ressources que les gouvernements peuvent mettre à disposition lorsqu’il s’agit de venir au secours d’institutions financières retenues comme “too big to fail”. Il ne peut être mis en doute que le développement humain intégral des peuples du monde n’est pas moins important : voilà bien une entreprise qui mérite l’attention du monde, et qui est véritablement “too big to fail”. »
C’est de cela qu’il va être question à partir d’aujourd’hui à New York, où chefs d’État et de gouvernement se réunissent afin de faire le point sur les Objectifs du millénaire, huit sujets retenus en 2000 comme prioritaires pour faire reculer la pauvreté dans le monde. La tentation existera au sein de cet aréopage d’affirmer qu’il faut se satisfaire des résultats obtenus. Sur le mode : ne nous en demandez pas trop, surtout dans cette période de crise.
Des résultats, effectivement, il y en a. Un seul fait suffit à le dire : des nations longtemps symboles de pauvreté – la Chine, l’Inde, le Brésil – ont suffisamment progressé pour figurer aujourd’hui parmi les pays qui financent l’aide au développement. Mais il reste tant à faire pour que la misère s’éloigne de l’horizon des hommes ! Afin de confirmer leurs engagements, les nations riches pourraient accomplir dès aujourd’hui un geste fort : annuler les dettes qui pèsent encore sur les nations les plus pauvres. Les banques aidées en 2008 ont commencé à rembourser les fonds publics dont elles ont bénéficié. Ce serait une belle manière de recycler cet argent.
Guillaume Goubert
Les éditorialistes entendent régulièrement ce reproche : ils seraient maladivement « pessimistes ». Dark Vador(s) des news irrésistiblement attirés par le côté sombre de l'actualité. Les yeux rivés sur les trains qui n'arrivent pas à l'heure. Et la plume guidée par l'inspiration morbide de l'échec ou du scandale. Un bien triste destin, en somme.
Pour se défendre contre de telles spéculations, ils pourraient invoquer le réalisme du philosophe Raymond Aron quand il rappelait au jeune président Valéry Giscard d'Estaing - 48 ans en 1974 - « que l'histoire est tragique ». Grande ou petite, domestique ou internationale, elle l'est en effet. La saveur de l'existence, le goût du bonheur et les élans de leurs idéaux personnels n'y changent rien : les journalistes ne peuvent échapper à la gravité de l'information, ni rester étrangers à la tension des polémiques créées délibérément, jour après jour, par des annonces-choc.
Ce matin, il faudrait être doté d'une sagesse surhumaine, ou bien Candide, pour ne pas aborder la semaine avec une certaine appréhension. La précédente a été si « noire » (l'adjectif est de source ministérielle) pour l'exécutif qu'on se demande ce que peut réserver la suivante. Après la circulaire incendiaire sur l'expulsion des Roms, un imbroglio sur la double violation du secret de l'instruction et des sources journalistiques, un mercredi de désordre au Palais-Bourbon, un clash européen à Bruxelles assorti le lendemain du démenti d'une Angela Merkel courroucée, on en vient même à redouter que le déplacement du chef de l'État à New York pour l'assemblée générale de l'ONU aujourd'hui et demain soit l'occasion d'un nouvel incident.
En revisitant allègrement des pans entiers de la justice au nom de la sécurité, dans les colonnes du Figaro Magazine de ce week-end, le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux n'a pas craint, lui, de souffler sur des braises incandescantes au risque d'allumer de nouveaux feux passionnels. Les partis de droite et de gauche qui tiendront leurs journées parlementaires dans les prochains jours auront du grain à moudre... Plus que les syndicats avant la nouvelle journée de grève sur les retraites de jeudi, dont on ne sait si elle sera un chant du cygne social ou une nouvelle étape de la contestation.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que le gouvernement n'aborde pas cette échéance avec le moral. Le pari populiste de la politique sécuritaire n'a pas fonctionné, pas encore en tout cas, si on en croit le sondage Ifop JDD : il fait perdre quatre points au président, tombé à 32% de personnes satisfaites (pour 67% de mécontentes). Seule l'autre Sarkozy, Carla, résistant à deux biographies qui font pschitt, reste majoritaire avec 54% d'opinions positives. Un sourire dans le noir.
au début de cette semaine, les images feront le tour de la planète et chacun hésitera entre l'émotion et l'exaspération. On y verra une centaine de dirigeants de ce monde monter à la tribune de l'ONU, à New York, pour signer la déclaration officielle réaffirmant les objectifs du Millénaire sur le développement. Barack Obama, Lula, Angela Merkel, Nicolas Sarkozy et bien d'autres encore rediront la main sur le coeur leur soutien aux engagements pris il y a dix ans, avant de repartir vers leurs pays respectifs. Aux yeux de beaucoup, ces voyages éclair paraîtront indécents. Deux ans après une crise qui a conduit à mobiliser en quelques semaines des milliers de milliards de dollars pour sauver le système financier, les aides promises aux pays déshérités souffrent plus que jamais de la comparaison.
Pour une part, l'analyse du bilan de la lutte contre la pauvreté peut conforter ce pessimisme. Si 2010 affiche le premier recul de la faim dans le monde depuis quinze ans, selon les chiffres divulgués il y a quelques jours par la FAO, ce tournant suit en réalité deux années de hausse marquées par la flambée des prix agricoles. Et 925 millions de personnes restent victimes de malnutrition, ce qui est évidemment inacceptable. Un habitant sur deux du monde en développement n'a tout simplement pas d'accès à l'eau courante ni à des sanitaires dignes de ce nom ! C'est donc un bilan mitigé qu'ont dressé les Nations unies dans le rapport fouillé présenté juste avant l'été.
Il faudrait pourtant être aveugle pour ne pas voir les signaux d'amélioration et ne pas en relever les causes. Un indicateur les résume mieux que les autres : la proportion des habitants des pays en développement vivant en dessous du seuil de subsistance (1,25 dollar par jour) est passée de 46 % à 27 % entre 1990 et 2005, évolution qui est en ligne avec l'objectif de 15 % d'ici à cinq ans. L'explication ? Elle n'est pas à chercher très loin. Ce sont les progrès de la Chine, de l'Asie du Sud et du Sud-Est ou encore du Brésil qui sont en cause. Le miracle économique de ces pays ne fait pas seulement émerger des millionnaires et une nouvelle classe moyenne mondiale, il tire des millions de personnes de la pauvreté la plus absolue.
Seuls ceux qui veulent être aveugles refuseront d'y voir un succès de l'économie de marché et - osons ici le mot ! -du capitalisme, qui, malgré tous leurs défauts et les règles qui doivent les encadrer, sont considérés partout comme les plus efficients. Pour les pays riches, ce serait une erreur d'en tirer la conclusion qu'ils peuvent désormais se laver les mains du développement en s'en remettant à la croissance. Mais le début de ce millénaire aura au moins montré que le décollage est non seulement possible, mais qu'il est à portée de main.
L'intervention, mercredi, de la Banque du Japon pour contrer l'appréciation du yen révèle une absence totale de coopération internationale dans le domaine des taux de change. En dépit des multiples déclarations politiques sur la réalité de la concertation internationale au plus haut niveau, l'action unilatérale japonaise prouve le contraire. Tokyo aurait eu d'ailleurs bien tort de s'en priver, la plupart des gouvernements agissant de la même manière. L'heure de la mobilisation générale au paroxysme de la crise économique et financière semble bel et bien avoir vécu. Au niveau national, les plus hauts responsables politiques ne cachent pas leur amertume. De la « négligence bénigne » pour la valeur du dollar, malgré le sempiternel « un dollar fort est dans l'intérêt des Etats-Unis » de l'administration américaine, à l'intransigeance chinoise opposée à toute revalorisation rapide de sa monnaie en passant par le Japon désireux d'affaiblir sa devise contre toute logique sans oublier la cacophonie européenne sur le niveau souhaitable de l'euro, chacun défend ses propres intérêts. La valse des monnaies reste plus que jamais d'actualité et le chacun pour soi l'emporte. Seul un risque majeur de déstabilisation générale du système monétaire international serait à même de provoquer une nouvelle mobilisation générale.
Pour l'heure, il n'y a donc plus de pilote dans l'avion. Mais plusieurs. Historiquement, les relations entre grandes monnaies étaient régulièrement évoquées dans le cadre des sommets du G7, que ce soit au niveau des ministres des Finances et des gouverneurs de banque centrale ou des chefs d'Etat. Souvenons-nous des accords du Plaza, en septembre 1985, où les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France décident ensemble de déprécier le cours du dollar américain par rapport au yen et au deutsche Mark. Ou des accords du Louvre, deux ans plus tard, lorsque les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et le Canada opèrent de nouveau pour enrayer, cette fois-ci, la baisse du dollar. La dernière coopération sur les taux de change, plus limitée, viendra de la Banque centrale européenne et de la Réserve fédérale américaine pour soutenir l'euro en septembre 2000. Depuis, plus aucune intervention concertée n'a été mise en oeuvre pour corriger les déséquilibres des monnaies. Et pour cause. L'apparition de nouveaux géants économiques, Chine en tête, complique la tâche.
Les dirigeants du G8 ne peuvent plus aujourd'hui décider à eux seuls de gérer le système monétaire international. La crise économique et financière ayant radicalement changé le paysage, le G8 a perdu de ses prérogatives au profit d'un club élargi, le G20. Le sommet des chefs d'Etat du G20 de Pittsburgh en septembre 2009 l'a ainsi officiellement mandaté en tant que « forum prioritaire de la coopération économique internationale ». Sauf que, au sein de ce forum élargi, les questions de change sont abordées du bout des lèvres pour ne pas dire occultées. Certes, le dernier sommet des Vingt à Toronto, en juin dernier, a bien mentionné la problématique des changes. Mais en termes édulcorés. Les leaders se sont seulement engagés à « accroître la flexibilité des changes pour refléter les fondamentaux sous-jacents de l'économie » et ont regretté une « volatilité excessive » et « une variation désordonnée des taux de change », préjudiciables à la stabilité économique et financière. C'est bien peu. Les économistes regrettent que le G20 ne se soit pas plus saisi du problème. Mardi dernier, la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), dans un rapport consacré au commerce et au développement, soulignait que « le moment d'une intense coopération internationale sembl[ait] appartenir au passé ». Et d'ajouter que le processus lancé en 2006 par la Chine, les Etats-Unis, la zone euro, le Japon et l'Arabie saoudite pour résorber les déséquilibres commerciaux mondiaux, notamment par un ajustement des taux de change, est un échec. Aucune des politiques qui ont conduit à l'émergence de ces déséquilibres n'a été modifiée. Dans un tel contexte, les chances d'assister à une refonte du système monétaire international et à une intense coopération dans le domaine des taux de change sont minimes. Du moins, tant qu'il n'y aura pas un arbitre reconnu internationalement pour forcer un ou plusieurs pays à revoir sa ou leur stratégie de change et de commerce.
Un renforcement des pouvoirs du G20 et du Fonds monétaire international (FMI) en la matière est donc plus que souhaitable. Il est même possible. Dans les statuts d'origine du FMI, le premier article stipule en effet que les buts du Fonds sont, entre autres, de « faciliter l'expansion et l'accroissement harmonieux du commerce international » et de « promouvoir la stabilité des changes, [de] maintenir entre les Etats membres des régimes de change ordonnés et [d'] éviter les dépréciations concurrentielles des changes ». Dès lors, pourquoi ne pas redonner au FMI sa légitimité première sous l'oeil du G20 pour éviter tout débordement des taux de change ? Pourquoi ne pas constituer grâce aux réserves des banques centrales du G20 un fonds commun géré par le FMI et qui aurait pour but d'intervenir massivement sur le marché des changes sur une devise dont la valeur s'écarterait de son niveau jugé souhaitable au regard de l'évolution de la balance commerciale du pays émetteur de cette devise ? La logique le voudrait. La pratique en décidera sans doute autrement. Malheureusement.
Sarkozy a été "vulgaire" pour Duflot
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