TOUT EST DIT

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samedi 20 mars 2010

Les endormis du scrutin


Le grand nombre d'abstentions de dimanche dernier a résonné comme un coup de tonnerre. Mais va-t-il réveiller les endormis du scrutin ? Pas si sûr, car beaucoup semblent se sentir hors de ces joutes politiques qui, pensent-ils (mais à tort), ne les concernent que de très loin.

Ces dernières semaines, Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, a rendu son rapport annuel. On peut y lire ceci : « Je suis inquiet, car je perçois, à travers les dossiers qui me sont adressés, une société qui se fragmente, où le chacun pour soi remplace l'envie de vivre ensemble, où l'on devient de plus en plus consommateur de République plutôt que citoyen... Un fossé s'est creusé entre le citoyen et l'État... Il y a comme une 'France des invisibles'... Je suis frappé par la cohabitation de deux types de sociétés : l'une, officielle, que nous connaissons tous ; l'autre, plus souterraine, qui vit d'aides, de travail au noir et de réseaux... Politiquement, cela peut mal tourner. L'histoire a montré que le ressentiment et la peur nourrissaient le populisme... On aurait intérêt à sortir du petit jeu politicien. »

Faut-il voir, dans ce décalage, la cause ou l'une des causes de la forte abstention ? Sans doute. Les démocrates devraient donc non seulement s'inquiéter de ce détournement massif des urnes, mais aussi et surtout de ses causes.

Si beaucoup de Français ne se sentent pas concernés par la chose publique, s'ils estiment que les alternances droite-gauche sont une sorte de « jeu politicien » qui ne les concerne pas, s'ils pensent que tout est pareil, que tout se vaut, on peut en effet s'inquiéter de ce délitement de notre démocratie.

Pourtant, on pourrait aussi se réjouir de ceux qui votent. « Si l'on ne disposait pas du droit de vote, on se battrait pour l'obtenir », disait une jeune fille qui, pour la première fois, votait dimanche dernier. « Alors je vote ! », proclamait-elle.

Aux élus de ne pas la décevoir et de sortir des petits « jeux politiciens » pour servir le bien commun sans démagogie, car c'est cela que chacun attend de ses représentants. Encore faut-il le faire bien et le faire savoir pour que chacun se sente associé à cette tâche indispensable.

Second tour des régionales : la gauche affiche son unité, l'UMP veut croire au sursaut

A défaut d'inverser la tendance, le parti présidentiel espère sauver entre une et trois régions, dimanche, lors du second tour des élections régionales. L'après-scrutin se prépare déjà à l'Elysée, tandis que la gauche réunie commence à rêver d'« alternative » en 2012.

L'Alsace peut-elle sauver l'UMP ? Les instituts de sondages, qui ne se sont guère trompés sur les tendances du premier tour (hormis la remontée du FN), abordent le second tour de dimanche avec pour seule interrogation le cas de l'Alsace : l'UMP et le PS y sont au coude-à-coude. Partout ailleurs, ils voient la gauche gagnante (et souvent à près de 60 %), même si le parti majoritaire veut encore croire en ses chances en Guyane et peut être aussi à La Réunion. En tout état de cause, la partie est extrêmement difficile pour l'UMP. Toute la semaine, ses dirigeants, au premier rang desquels François Fillon, ont battu les estrades, multiplié les déplacements et tenté de mobiliser l'électorat boudeur. Nicolas Sarkozy s'est refusé à parler de la campagne, mais il a durci le ton sur la sécurité. En rencontrant, hier à Dammarie-les-Lys, en Seine-et-Marne, les proches du policier tué par l'ETA, il a souhaité une application « systématique » de la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine incompressible de trente ans pour les meurtriers de membres des forces de l'ordre. « Récupération politique » pour capter les voix du Front national, a aussitôt répliqué le PS, avec d'autant plus de verve que le Premier ministre avait la veille, par mégarde, annoncé lors d'un meeting la mort d'un autre policier dans un contrôle routier.

Voix critiques à l'UMP

La majorité espérait reprendre la main dans l'entre-deux-tours en affichant son unité face à une gauche empêtrée dans ses négociations. Las, elle a connu plus de flottements que le camp adverse, qui a trouvé un terrain d'entente dès mardi. Martine Aubry (PS), Cécile Duflot (Europe Ecologie) et Marie-George Buffet (Front de gauche) ont même tenu une conférence de presse commune hier, dans un café du XI e arrondissement de Paris, s'inscrivant dans la construction d'une « alternative » de la « gauche solidaire » pour 2012 (lire page 19). Seul Daniel Cohn-Bendit a un peu gâché la fête en estimant que ce type d'accord d'entre-deux-tours était « un peu un déni de démocratie ». Nicolas Sarkozy a eu, lui, toutes les peines du monde à empêcher les remises en cause dans son propre camp, à commencer par le choix de nier l'idée d'un « vote sanction » au premier tour. Quelques voix (Alain Juppé, François Baroin, et même hier Dominique Bussereau, candidat UMP en Poitou-Charentes) se sont également risquées à critiquer tout haut une ligne stratégique que beaucoup contestent tout bas, qu'il s'agisse de l'ouverture à gauche, de l'union dès le premier tour ou de la main tendue aux écologistes. Pour éviter que cette contestation ne s'étende la semaine prochaine, le président de la République a beaucoup consulté et reçu -les présidents de groupe UMP de l'Assemblée et du Sénat, Jean-François Copé et Gérard Longuet, le secrétaire général du parti, Xavier Bertrand… -, tandis que ses conseillers prenaient le pouls des parlementaires et les invitaient au calme.

Retrouver la confiance

Car l'après-régionales est déjà dans toutes les têtes. Nicolas Sarkozy ne prévoit, a priori, aucune intervention ni bouleversement ministériel d'ampleur, et ne décidera, en tout état de cause, qu'au vu des résultats de dimanche soir. Mais ses proches, déjà, multiplient les conseils pour qu'il retrouve la confiance de son camp. Car c'est bien cela qui les inquiète dans le vote aux régionales : le décrochage apparent de certaines populations traditionnellement acquises à la droite, les agriculteurs, les artisans, les médecins, les personnes âgées. Brice Hortefeux voit bien le président lancer sans attendre la réforme des retraites et François Fillon lui remettre sa démission (qu'il n'accepterait pas). Certains anticipent un remaniement plus important que prévu, avec l'arrivée de personnalités de droite de poids, voire le départ de ministres d'ouverture. Seules certitudes : le chef de l'Etat tiendra, lundi et mardi, ses réunions hebdomadaires avec les dirigeants de l'UMP et ceux de la majorité.

CÉCILE CORNUDET, Les Echos