mardi 26 août 2014
Après la crise politique, le cataclysme économique ?
La France est sur le fil du rasoir en cette fin d'été 2014. La crise politique au sommet de l'État s'ajoute au sombre tableau d'une économie nationale à l'arrêt depuis le début de l'année. Dans des conditions de plus en plus délicates, il ne manquait plus qu'un changement d'équipage en plein milieu de la tempête… L'opinion publique est prise à témoin des déchirements au sein même de la majorité sur l'opportunité des mesures engagées depuis plus de deux ans. Et en toile de fond, ferment de toutes les tensions sociales, la détérioration des chiffres du chômage ne cesse de refléter une réalité dépressive.
Les marges de manœuvre, au contraire de ce que laisse à penser le débat politique, sont quasi nulles. De ce point de vue, sans doute est-il nécessaire de rappeler les spécificités de la situation française. La dette publique y augmente de manière inexorable. Cette menace silencieuse, si elle n'est pas contenue, se traduira par un cataclysme quand elle deviendra hors de
contrôle. Il ne s'agit pas d'une hypothèse, mais d'une certitude. La seule question est de savoir à quel moment elle se produira. Quand le niveau de la dette franchira le seuil symbolique de 100 % du produit intérieur brut (vers la fin de l'année prochaine si la trajectoire actuelle se poursuit)? Peut-être avant? Peut-être après? L'évidence, en revanche, est que la seule manière d'éviter ce moment où les créanciers deviendront les véritables maîtres de la France est de parvenir enfin à redresser nos finances publiques.
Or les engagements pris par Paris en matière de déficit, année après année, ne sont pas tenus, provoquant certes l'affliction de nos partenaires européens, mais contribuant surtout à l'accélération de la spirale infernale: pour faire face à nos obligations d'emprunteur, les impôts et prélèvements divers augmentent, affaiblissant la consommation chez les particuliers, et plus grave encore sapant la compétitivité de nos entreprises. Du coup, un autre déficit se fait encore plus inquiétant: celui de notre commerce extérieur. La France décline en faisant moins rentrer de richesses par ses exportations qu'elle n'en dépense dans ses importations, notamment énergétiques. Cet affaiblissement généralisé entraîne la conséquence la plus préoccupante: la chute de l'investissement public et privé, hypothéquant à long terme les capacités de redressement du pays.
Endettement démentiel, outil économique vieillissant ; il n'est pas concevable de laisser pareil héritage aux jeunes générations sans réagir et corriger au plus vite nos propres incohérences. Ces dernières s'étant accumulées depuis des décennies, la phase de réforme ne peut qu'être forte et douloureuse. Faut-il privilégier le choc et la tension maximale, ou au contraire le compromis et la patience? François Hollande a choisi la seconde option ; ce n'est pas une surprise, la démarche est conforme à sa personnalité profonde et du reste à ce qu'il avait annoncé pendant la campagne présidentielle. Il se trouve alors confronté au danger d'un lent pourrissement de son environnement proche tout en bénéficiant de l'extraordinaire répit que lui offrent les conditions de taux hyperfavorables auxquelles emprunte la France.
Il s'agit là en même temps de notre plus grand atout actuel et de notre plus grande fragilité. Une variation des taux, même légère, un simple retour à des conditions seulement normales, ouvrirait un trou béant, ingérable par Bercy. Il s'agit coûte que coûte de conserver la confiance des investisseurs mondiaux, qui renouvellent jour après jour leur quitus à la zone euro et à ses deux têtes d'affiche. L'Allemagne, la garante, emprunte quasi gratuitement, et la France donc, l'autre partenaire du couple, plus faible, permet à la masse gigantesque de liquidités mise en circulation par les banques centrales occidentales d'obtenir un minimum de rémunération. Dans cet équilibre instable, il ne faut surtout pas instiller le soupçon même d'un doute chez ces grands fonds financiers avides de nos bons du Trésor. C'est pourquoi le remaniement autour des compétences clefs de la finance et de l'économie ne traîne pas et que les messages clairs sont envoyés pour que soit prolongée notre providentielle facilité de caisse.
Évidemment un tel contexte, artificiellement favorable, suscite les propositions alternatives en tous genres. Les partis extrémistes de droite comme de gauche fourmillent de solutions démagogiques et inapplicables (pour parodier Audiard, ce serait même à cela qu'on les reconnaît). Le signe du désarroi de la société française se retrouve d'ailleurs dans la séduction croissante que peuvent exercer de telles chimères.
Nouveau gouvernement Valls : rien à attendre
Gouvernement Valls : la poursuite de la même politique conduira inévitablement au désastre politique, économique et social.
Le problème avec ce remaniement — ce French cancan politicien vulgaire et dérisoire censé émoustiller le public et les médias, toujours avides de voir les petits dessous affligeants de la République socialiste et les ragots de couloirs Elyséens ou ministériels — c’est qu’il est non seulement dérisoire (démissionner tout un Gouvernement pour virer deux olibrius, vraiment ?) et surtout totalement inutile : il ne règlera rien et rien ne changera parce que les moteurs de l’idéologie socialiste continueront de tourner à plein régime.
Donc si vous voulez mon avis, quels que soient les nouveaux ministres, la France est très, très mal barrée. Il y aura d’autres marionnettes, mais la poursuite de la même politique conduira inévitablement au désastre : désastre politique d’abord, faillite économique et financière ensuite, violence sociale enfin… On vit un moment absolument tragique pour le pays : il faudrait sonner le tocsin mais tout le monde préfère s’interroger sur le nom des nouveaux ministres… comme si cela avait la moindre importance.
Un French cancan politique insupportable
Comme tout a déjà été dit, ici et ailleurs, il est inutile — et épuisant surtout — de continuer à user de la salive pour dénoncer le Pouvoir socialiste, énumérer ses erreurs, pointer ses incohérences, lister toutes les lois inutiles et les mesures absurdes, s’effarer du montant de la dette, se lamenter de la croissance effrayante du chômage, des défaillances d’entreprises, de l’effondrement du pays… Tout cela ne sert strictement à rien parce que le Pouvoir actuel est une farce économique et que la communication lui tient lieu de paravent et de cache-misère.
C’est ce que je vous disais en parlant de French cancan : on aguiche le public et on amuse les médias avec des lettres d’Aurélie Filippetti ou des jugements de vipère de Montebourg sur Hollande le menteur. Toute cette fumée médiatique pour que les Français ne prennent surtout pas conscience de l’état de délabrement du Pays. De la Com’ en quelque sorte. Ce remaniement en fait partie : alors que l’économie s’effondre, que l’État est en faillite, que les retraites ne seront plus assurées et que les traitements des fonctionnaires sont payés à crédit, les médias vont encore, pendant de longues semaines, continuer à s’interroger sur le profil des uns et des autres, l’avenir de tel ou tel à l’horizon 2017… Bref, le manège habituel : show must go on… Le Président commémore, Valls fait de la fumée en changeant ses équipes dites “de combat” et roule ma poule : le tout est de tenir jusqu’en 2017. La France ce n’est pas leur problème. Seuls leurs postes le font se bouger. Vous avez vu comme ils s’agitent depuis quelques jours ? Pour le chômage, la sécurité, l’immigration, Ebola, l’État Islamique … ils sont restés muets et inertes ! Mais là leurs postes sont en jeu, alors ils s’agitent ! Je n’insiste pas car c’est décourageant et n’importe comment on a déjà tout dit.
La vraie question n’est pas Montebourg, ni le remaniement
Qu’Arnaud Montebourg soit parti est évidemment une excellente nouvelle car ses idées “interventionnistes”, “Colbertistes” et “Keynésiennes” achevaient de mener le pays à la ruine. Mais il n’était qu’un pion dans la stratégie socialiste qui exige toujours plus d’emprise Étatique et d’interventionnisme bureaucratique, ministériel ou préfectoral. C’est évidemment Hollande — et le cap absurde qu’il s’obstine à garder — qui est le vrai responsable de la faillite à venir. Je vous explique.
Il y a deux sortes de gens :
• ceux qui pensent qu’ils sont là pour “distribuer” les richesses et faire avancer la “justice sociale” : ils prennent pour cela le maximum d’impôts à ceux qui travaillent et gagnent de l’argent, et le redistribuent sous forme de primes, d’allocations, de prestations, de subventions etc… Ils prennent et redonnent par l’intermédiaire de leurs grosses lessiveuses redistributrices Étatiques. C’est leur idée du socialisme en 2014 : les riches n’ont qu’à payer et il ne faut surtout pas faire confiance aux entreprises car les patrons se gavent en exploitant les travailleurs. Ils n’ont jamais créé une entreprise de leur vie et n’ont donc jamais créé un seul emploi. Mais comme ils ont fait l’ENA, ils savent tout et en particulier quels investissements sont rentables : donc ils taxent d’abord les entreprises en leur annonçant qu’ils leur rendront l’argent sous forme d’allégements, mais uniquement en contrepartie d’emplois créés ! Il ne leur vient pas à l’esprit que si ils enlevaient leurs grosses pattes étatiques, et faisaient confiance à la liberté d’entreprendre, les entreprises seraient plus dynamiques et embaucheraient. Mais bon, ils sont socialistes et donc pour “la justice sociale”. C’est pour ça qu’ils distribuant des bonbons au Peuple sous forme d’allocations et des subventions à leurs “clientèles électorales” pour s’assurer de leurs bulletins de vote et être réélus. Aussi simple que ça.
• De l’autre côté, vous avez ceux qui pensent qu’avant de pouvoir la redistribuer, il faut d’abord la créer cette fameuse richesse et donc diminuer le matraquage fiscal, diminuer les dépenses publiques qui plombent la croissance, diminuer la dette, diminuer la charge sur les entreprises pour leur permettre de gagner de l’argent, d’investir, de vendre des produits sur des marchés difficiles, de payer des salaires, d’embaucher des chômeurs qui végètent à Pôle emploi qui ne pourra d’ailleurs bientôt plus les payer…
Bon, je n’insiste pas, vous avez compris : d’un côté les méchants profiteurs qui compromettent la croissance et l’emploi en prônant l’austérité, en se mettant des profits dans les poches et en se gavant de dividendes ; et de l’autre les gentils interventionnistes comme Montebourg qui veulent dépenser sans compter, accroître toujours les déficits, s’endetter davantage, distribuer encore plus, subventionner au maximum… soit disant pour “relancer la croissance et le pouvoir d’achat”… Le problème est qu’ils ont essayé ces méthodes depuis des années et que ça n’a conduit qu’à un matraquage fiscal sans précédent, des déficits dramatiques, une dette abyssale de 2000 milliards d’euros, un chômage massif… Sans pour autant obtenir la croissance promise et le retour à l’emploi.
Toujours la faute aux autres !
Donc bravo les méthodes interventionnistes Étatiques à la Montebourg qui, bien évidemment refuse toujours de reconnaître qu’elles nous mènent dans le mur. Pour Montebourg, ce ne sont pas ses méthodes interventionnistes ne marchent pas, c’est la faute à la méchante Allemagne qui ne joue pas le jeu, ou de la méchante Europe qui imposerait des contraintes budgétaires intenables au lieu d’autoriser la fine équipe française de bras cassés et d’incompétents à ouvrir encore plus largement les vannes des subventions et des dépenses publiques ! Car pour des gens comme Montebourg, tout ce qui n’est pas de la dépense publique massive, c’est évidemment du “libéralisme sauvage” ou de “l’austérité”. À aucun moment ne lui vient à l’esprit que l’austérité qu’il dénonce, c’est celle qu’il inflige aux contribuables en les accablant d’impôts ! Alors que la seule chose qu’on lui demandait, comme ministre de l’Économie, c’était de la discipline budgétaire ! Même pas de l’austérité mais de la rigueur ! Celle que lui demande pourtant inlassablement Didier Migaud, le Président de la Cour des Comptes que j’aurais nommé Premier ministre si j’avais été Président de la République. La France serait sur le chemin du redressement et les Français reprendraient confiance dans l’avenir. Mais, comme disait ma Grand-mère, on n’a que ce qu’on mérite. Et nous on a Hollande, Valls et tous ces ministres incompétents qui n’ont jamais travaillé dans une entreprise, qui ne comprennent pas les lois de base de l’économie et qui conduisent donc le pays à la ruine et très bientôt à la révolte.
Donc vous voyez, ce n’est pas “Montebourg” le problème : c’est notre incapacité à faire naître un grand mouvement d’indignation contre ces ânes et à organiser un puissant soulèvement de l’opinion contre une idéologie interventionniste nuisible qui nous mène tous à la ruine !
Vivement qu’ils dégagent et qu’on redonne, sur tous les sujets importants, la parole auPeuple souverain !
Un gouvernement Valls en mode coincé
Surprise totale ! Avec une rapidité qu’on n’aurait jamais soupçonnée chez Valls, et après avoir probablement acculé Hollande à prendre une vraie décision, la rebuffade et l’opposition matamoresque de Montebourg aboutit à l’impensable : le gouvernement démissionne et voilà Manuel, reconduit dans ses bonnes œuvres, chargé de trouver une nouvelle brochette de winners pour son gouvernement tout neuf.
Hier, je revenais (goguenard) sur les abrutissantes bêtises gauchisantes de Godille & Zigzag pardon Montebourg et Hamon qui, devant l’obstination du premier ministre et du chef de l’État de ne pas infléchir un cap illisible, profitaient d’une petite sauterie en Bresse pour afficher une opposition aussi franche que stérile mais calculée pour se ménager une existence politique au-delà d’un gouvernement qu’on sentait déjà fort mal barré compte tenu d’une conjoncture économique déplorable. Croyant sans doute qu’à la suite de ses déclarations, Montebourg se verrait présenter un choix simple (partir ou fermer sa grande jatte frétillante) par un Hollande indécis et un Valls chiffonné, ce qui lui aurait permis de présenter sa démission avec un certain panache, voilà notre ministre du Dressement Reproductif renvoyé séance tenante ou à peu près. Le résultat, finalement, est le même : Montebourg ne sera bientôt plus dans le gouvernement.
Certains accordent du courage à Valls pour cette décision surprenante et rapide. Peut-être. Force est de constater que, comme je l’écrivais il y a quelques temps, le pauvret était irrémédiablement coincé. Ne rien faire signait, très clairement, son arrêt de mort. Certes, celui-ci est programmé depuis qu’il est premier ministre, Hollande ne l’ayant nommé à cette place que dans le but de faire disparaître un concurrent gênant pour 2017. Mais choisir de laisser couler les remarques acides de Montebourg, c’était passer pour un faible et s’assurer une perte d’électorat et d’autorité mortels. Au moins Valls ménagera-t-il un peu son image en prenant une telle décision.
Cependant, on s’interroge sur la pertinence d’un remaniement global et sur le gain réel de l’opération. En effet, et en imaginant que la situation française ait ici un quelconque intérêt aux yeux de ces cyniques magouilleurs, un remaniement ministériel, si tôt après une petite poignée de mois d’exercice du précédent gouvernement, risque de ne rien changer. Les déficits budgétaires français seront les mêmes après la nomination du nouveau gouvernement. Les perspectives économiques ne vont pas changer d’un cachou. Le chômage va continuer de grimper et la croissance de dégringoler. Pire : les beaux projets de « réformes », packagings colorés de bricolages microscopiques, ne seront plus dans les mains des mêmes ministres et le changement d’équipes va inévitablement provoquer des couacs et des ralentissements. Pour des « changements » qui étaient déjà particulièrement poussifs, on va donc encore ajouter à la viscosité globale.
Et sur le plan politique, là encore, le gain apparaît franchement discutable. Montebourg (probablement suivi de cette tanche humide de Hamon) va retrouver toute sa liberté de parole et va inévitablement passer du mode « Déclarations idiotes et patriotisme de pacotille » qui le caractérisait jusqu’à présent au mode « Populisme & Gauche de Combat » dont les médias vont se repaître comme jamais. Maintenant paré d’une bonne visibilité nationale, pouvant prétendre (à tort ou à raison, peu importe) à une connaissance des dossiers économiques, sa voix portera et permettra évidemment aux « frondeurs » et autres déçus, nombreux, de la politique illisible du Capitaine de Pédalo de trouver dans sa Grande Frétillance un porte-voix commode et écouté. Autrement dit, le petit crincrin de Montebourg qui était jusqu’alors agaçant pour l’Exécutif va devenir un véritable concert de critiques en dolby surround.
Bien sûr, on peut imaginer (soyons fou) que Hollande, ainsi débarrassé des socialistes les plus dogmatiques, va enfin en profiter pour relancer de grands chantiers et travailler,vraiment, dans le bon sens, sans plus craindre la moindre dissension dans un gouvernement qu’on imaginera resserré, bien rangé derrière Valls, en formation de combat pour redresser l’économie française. On peut. C’est, quelque part, un pari fort couillu d’imaginer Valls faisant un travail de fond comme jamais il n’en fut fait en 40 ans. Mais ce n’est pas rigoureusement impossible…
Sauf qu’à présent, et avant même que le nouveau gouvernement soit connu, un autre problème va se poser au premier ministre : celui de la majorité parlementaire. En effet, le présent remaniement n’est que la résultante des dissensions au sein du gouvernement et dans le groupe majoritaire à l’assemblée. Actuellement, le PS ne dispose en effet que de la majorité à une voix près, ce qui rendrait tout vote d’un texte assez délicat si, d’aventure, quelques députés socialistes décidaient de jouer autre chose que la discipline de parti. De même, il est de plus en plus difficile d’obtenir l’assentiment des écolos ou des communistes qui n’ont de cesse, ces derniers mois, de conspuer un gouvernement décidément trop turbo-libéral, acquis au dogme néfaste de la méchante austérité et vendu aux intérêts capitalistiques de Bruxelles et gnagnagni lutte des classes et gnagnagna en finir avec l’austérité.
On pourra m’objecter qu’il est peu probable que cette majorité parlementaire saute trop vite, tant une dissolution remettrait en cause le douillet mandat de pas mal de députés socialistes, jeunes et absolument pas certains de pouvoir retrouver une place au chaud en cas d’élections anticipées. C’est exact : le climat politique est actuellement très défavorable au PS et des législatives anticipées seraient probablement douloureuses pour le camp du président. Cependant, si l’on peut raisonnablement penser que cette dissolution n’aura pas lieu tout de suite, difficile d’imaginer qu’on y coupe tout de même.
En effet, il ne faut pas perdre de vue que le but de Hollande n’est pas de conserver une majorité parlementaire, mais bien, à tout prix, de se faire réélire en 2017. S’il faut, pour cela, dissoudre le gouvernement et l’assemblée dans un futur proche, il ne se gênera pas et s’offrira ainsi un beau gouvernement à droite, ce qui lui permettra de carboniser durablement un ou deux opposants qui auraient pu être gênants les présidentielles arrivant. À la limite et dans ce contexte, on comprend nettement mieux l’idée hollandesque de réintroduire une part de proportionnelle à la prochaine élection, ce qui ne manquerait pas de contenter les petits partis à sa gauche (EELV, Front de Gauche, centre divers et (a)variés). Ceci assurerait une bonne dilution du Parti Socialiste qui ressemble de plus en plus à une croix que le chef de l’État n’a plus trop envie de porter (ou supporter), et (gros bonus), une bonne volée de plomb dans les fesses encore trop rebondies de l’UMP et qui pourrait trouver dans cette occasion politique matière à se refaire.
Cette tactique, évidemment inspirée du maître mitterrandien, souffre cependant de quelques problèmes. Au contraire des années 80 où, à vrai dire, la situation française n’était pas extraordinaire mais fort loin de celle qu’on connaît actuellement au plan économique, l’actuel paysage politique est parsemé d’embûches, au premier rang desquelles se trouve le Front National. Une élection (proportionnelle qui plus est) aurait des chances non négligeables de fournir un bon tremplin au parti de Marine Le Pen qui deviendrait, de fait, une candidate redoutable pour 2017. L’assemblée, composée d’un panachage de FN, d’UMP et de PS aucunement majoritaires, deviendrait alors une pétaudière complète, assurant au pays un immobilisme total. Mais on s’en fiche parce que dans l’imaginaire hollandesque, un second tour l’opposant avec Marine Le Pen lui donnerait les clefs du pays pour cinq nouvelles années. Calcul immonde, probabilités favorables, mais le risque existe néanmoins que les Français, excédés de ces bidouillages à leurs frais, se vengent dans l’urne. Caveat emptor.
Comme on le voit, les perspectives sont particulièrement sombres. Le prochain gouvernement est condamné à faire des étincelles et relever le pays, comme jamais auparavant, et la moindre hésitation, la moindre bévue l’entraînera sur un chemin fort douloureux, avec des (gros) bouts de FN dedans. Entre les oppositions des verts, des cocos et de la droite, l’hostilité d’une partie du PS, la montée du FN et un président qui parie trop ostensiblement sur une réélection dans un fauteuil sans sentir l’exaspération du peuple monter, la probabilité que Valls nous sorte de l’ornière est infime.
Et quoi qu’il fasse, ce pays est foutu.
La dissolution, dernière cartouche de Hollande
Et maintenant, que va-t-il se passer? Le prochain gouvernement Valls, qui devrait être délesté de son aile gauche représentée par Montebourg et Hamon, pourra-t-il obtenir une majorité à l'Assemblée ?
Agiter la menace d'une dissolution permettra très probablement à Hollande de contraindre les députés PS à voter la confiance, même si c'est en maugréant. Une dissolution entraînerait en effet des élections législatives anticipées. Or, vu l'impopularité de l'Exécutif, ces législatives anticipées entraîneraient une déroute pour les députés socialistes sortants, une victoire pour l'UMP et, de surcroît, l'arrivée d'un groupe FN au Palais-Bourbon. De quoi faire réfléchir les députés PS qui siègent actuellement dans l'hémicycle. Plus que jamais, la dissolution reste la dernière arme à la disposition du président pour dénouer une crise grave. Elle permet de recourir à l'arbitrage du suffrage universel, seule source du pouvoir. Sous la Ve République, cinq dissolutions ont eu lieu. Sous de Gaulle, le 4 octobre 1962, l'Assemblée a adopté une motion de censure du gouvernement Pompidou. Le conflit entre l'homme du 18 Juin et les députés portait sur l'élection du président au suffrage universel direct. Le président souhaitait instituer cette réforme et l'Assemblée nationale la refusait. Son gouvernement une fois renversé, Pompidou présenta sa démission à de Gaulle. Or, le Chef de l'Etat le maintint à Matignon et riposta en prononçant la dissolution de l'Assemblée. En novembre 1962, les gaullistes gagnèrent les législatives. Désormais, il était clair que le gouvernement procédait du président, et non de l'Assemblée nationale.
Le 30 mai 1968, de Gaulle prononça une deuxième fois la dissolution de l'Assemblée élue l'année précédente pour dénouer la crise après un mois de barricades et de grèves. Après son élection, en 1981, et sa réélection, en 1988, François Mitterrand dissout avec succès l'Assemblée, alors en majorité RPR-UDF.
Certes, les Français n'acceptent pas que le président prononce une dissolution pour convenance personnelle si aucune crise politique ne la justifie. L'échec de la dissolution décidée par Jacques Chirac en 1997, qui a entraîné la victoire de la gauche aux législatives qui suivirent, le prouve.
Pour autant, nul ne conteste qu'une dissolution pourrait aujourd'hui être justifiée en cas de divorce entre Hollande et les députés PS. Le nouveau gouvernement Valls devrait obtenir la confiance de l'Assemblée, mais nul ne ferait des paris sur sa pérennité. En cas de catastrophe économique et de paralysie politique, Hollande choisira-t-il de dissoudre dans l'espoir d'une cohabitation qui le remettrait en selle pour la présidentielle de 2017? Dans Le Figaro, Bernard Accoyer et Gérard Larcher, anciens présidents respectivement de l'Assemblée et du Sénat, ont déjà exhorté la droite à annoncer par avance son refus d'une nouvelle cohabitation (nos éditions du 17 avril 2014). Pas sûr que cet appel soit entendu. Il est difficile de résister à une odeur de maroquin.
François Hollande en ministre du redressement politique !
C'est peu dire que François Hollande ne souhaitait pas le départ d'Arnaud Montebourg, de Benoît Hamon ou même d'Aurélie Filippetti du gouvernement. Pas plus qu'il ne voulait lors du dernier remaniement se passer de la présence des Verts dans l'équipe gouvernementale. Car le chef de l'État est bien placé pour le savoir, c'est à gauche que se gagne le premier tour de la présidentielle, et ce sont des réserves de voix de la gauche dont il aura besoin pour se faire réélire s'il peut se représenter en 2017.
Avec le remaniement et la nomination d'un gouvernement Valls 2, 147 jours après le premier, le président de la République joue donc son va-tout en accordant un poids considérable à son hyper-Premier ministre dont l'autorité était défiée. La ligne de la cohérence et de la cohésion l'a emporté et c'en sera probablement fini désormais de la cacophonie à l'intérieur de l'équipe gouvernementale.
Avoir Arnaud Montebourg en Cincinnatus à l'extérieur, plus Martine Aubry en embuscade à Lille et une centaine de députés « frondeurs » contre soi n'est certainement pas une position confortable. Mais cela ne peut pas être pire que la contestation permanente qu'organisait le ministre de l'Économie au sein d'un gouvernement dont il était censé incarner et respecter la ligne.
Force est de reconnaître qu'Arnaud Montebourg a réussi sa sortie, en la mettant en scène de façon magistrale. En trois jours, de son interview samedi au Monde réclamant un changement de cap économique contre l'austérité à la conférence de presse à Bercy où il a annoncé lundi soir avoir choisi de reprendre sa « liberté », Arnaud Montebourg se pose en chef de file de la gauche de la gauche avec le beau rôle de la victime. Si le socialisme de l'offre prôné par François Hollande échoue à ranimer la croissance, le Bressan, inventeur de la primaire pour le choix du candidat à la présidentielle, sera un concurrent redoutable pour le Corrézien sans doute dés 2017.
Mais le départ d'Arnaud Montebourg libère aussi François Hollande en lui offrant une sortie politique inespérée. Le chef de l'État, qui a multiplié pendant l'été les commémorations en profitant des 70 ans de la Libération pour se « présidentialiser », va enfin pouvoir sortir de l'ambigüité qui a miné le début de son quinquennat. Le départ d'Arnaud Montebourg est l'occasion d'un redressement politique et de la réaffirmation d'un cap pro-européen et pro-entreprise qui va permettre d'accélérer les réformes en faisant endosser leur impopularité par le Premier ministre, en première ligne. Toute la question est évidemment de savoir s'il aura pour les mener une majorité ou bien si, comme certains le pressentent désormais, la fronde d'une partie de la gauche laisse présager un blocage des réformes. Et, pourquoi pas, un scénario de dissolution façon 1997.
Le vote du budget de l'État et de la Sécurité sociale à l'automne sera le juge de paix. A défaut de trouver une majorité à gauche, Manuel Valls ira-t-il en chercher une nouvelle par une coalition avec certains centristes, à la façon de Michel Rocard entre 1988 et 1991 sous François Mitterrand ? Avec, pour l'actuel Premier ministre, un risque, celui de subir le même sort, c'est-à-dire d'être limogé sans préavis une fois sa « mission » achevée pour permettre à François Hollande de finir son quinquennat à gauche en vue de 2017.
Dans la dure loi de la politique, il ne peut y avoir qu'un gagnant : entre Hollande, Valls et Montebourg, c'est une partie de billard à plusieurs bandes qui vient de commencer. Mais, dans le régime de la Ve République, la prééminence institutionnelle et la légitimité donne une prime au chef de l'État qui a pour lui l'atout le plus précieux : la gestion du temps. De sorte qu'Arnaud Montebourg, avec sa sortie fracassante, a peut-être brûlé sur ce coup de dés tous ses vaisseaux. Son refus de la ligne réaliste à l'allemande en fait le héros d'une partie de la gauche contestataire. Mais si le pacte de responsabilité de François Hollande finit par réussir, ce que l'on ne peut pas exclure par principe, même si cela peut prendre plus de temps que celui du calendrier électoral, alors le trublion de Bercy aura perdu la partie. Au moins pourra-t-il se consoler en se disant que le spectacle de son passage gouvernemental avait un certain panache. Et que cela voudra dire que l'économie française se sera, à son corps défendant, finalement redressée !
Gouvernement Hollande 3 : rupture avec la gauche de la gauche ?
Le remaniement ministériel du gouvernement Hollande va-t-il déboucher sur l’émergence d’une gauche plus réformiste ?
Sale temps pour l’emploi : un certain nombre de ministres vont se retrouver au chômage ! (Même si, n’en doutons pas, leur reconversion est assurée).
Plus sérieusement, une décision de remaniement du gouvernement vient de tomber, en provenance de François Hollande, et de Manuel Valls à coup sûr. Il s’agit de la décision la plus cohérente à prendre à la suite des déclarations tonitruantes d’Arnaud Montebourg contre la politique du gouvernement dont il fait pourtant partie.
Au point que cela nous fait penser que le futur ex-ministre n’a fait qu’anticiper l’annonce d’un remaniement que ces déclarations n’auraient fait que précipiter. Remaniement dont feraient les frais Benoit Hamon ministre de l’éducation, la ministre de la Justice Christiane Taubira, et celle de la Culture Aurélie Filippetti.
Rupture avec l’archaïsme ?
Une décision qui, si elle se confirmait, établirait la rupture de la politique du gouvernement avec la gauche de la gauche, le courant le plus idéologue, d’inspiration marxiste, les plus absolutistes, ceux pour qui « justice sociale » rime avec contrôle des prix, re-nationalisation des quelques entreprises publiques (très) partiellement privatisées, renforcement de la législation sociale au détriment des accords contractuels… En bref, la « Nouvelle Politique Économique » qu’avait préconisé quelques temps avant sa mort un certain Vladimir Ilitch Oulianov, dit… Lénine, qui déclarait « Nous ne sommes pas assez civilisés pour pouvoir passer directement au socialisme ».
C’est peut-être ce que Montebourg a en tête en précipitant son suicide gouvernemental. Sans-doute a-t-il en vue la recomposition d’une opposition déclarée lors du prochain congrès du parti socialiste à la mi-octobre, opposition d’autant plus virulente que les résultats annoncés de la politique du président Hollande ne sont pas au rendez-vous.
L’émergence d’une gauche réformiste ?
Peut-être l’occasion, en tous cas, une opportunité unique, de s’affranchir des idéologies utopistes ? Et si le prochain gouvernement pouvait, pour une fois, prendre l’exemple sur ceux qui ont fait les réformes afin de permettre à leur pays de sortir de l’ornière ?
Faut-il rappeler que si l’Allemagne est là où elle en est à ce jour, c’est grâce aux réformes dites « Hartz », engagées entre 2003 et 2005, sous le mandat du chancelier Gehrard Schröder… un socialiste. Doit-on se souvenir que les réformes libérales engagées par Margaret Thatcher, qui n’était certes pas socialiste, n’ont pas été remises en cause pour autant par Tony Blair, qui lui l’était bel et bien. N’est-ce pas le premier ministre socialiste espagnol José Luis Zapatero qui avait mis la suppression de l’ISF au programme de son élection, lequel, une fois supprimé, fait de la France le dernier pays où il est encore appliqué ? Dans ces temps troublés, on se prend ainsi à rêver d’un retour de nos élus à un réalisme économique, une forme de pragmatisme débarrassé de leurs utopies !
Mais voilà, ce n’est sans doute qu’un rêve
Un gouvernement en ordre de bataille… interne
Décidément, la politique c’est comme une bonne omelette : il faut d’abord commencer par casser des œufs, ça demande du temps pour obtenir des résultats, et une fois qu’on a commencé, impossible de revenir en arrière. Or, en France, si on n’arrête pas de casser les œufs, nombreux, des contribuables, il semble que, bien que les choses soient cuites, la recette ne soit toujours pas arrêtée…
En ces temps de disette intellectuelle mais pas médiatique, tout va plus vite. Il y a à peine une semaine, le 17 août dernier, Manuel Valls, le premier ministre — dont la cote de popularité semble réaliser le même parcours qu’un soufflé au fromage mal stabilisé — annonçait, le regard fixe, le menton haut et la mâchoire serré, que non, non, non, il était hors de question de commencer à changer d’un cap qu’il avait été si compliqué de fixer sur les deux précédentes années. À cette occasion, le brave Manuel, suivant religieusement la ligne insufflée par son chef, expliquait clairement que, je cite :
« La politique que le président de la République a décidé de mettre en œuvre nécessite du temps pour produire des résultats. Mais il est hors de question d’en changer. »
Voilà, c’est dit, n’y revenons plus, emballez c’est pesé, mais n’allez pas trop vite de peur que l’omelette soit mal cuite.
Malheureusement, la sérénité et la détermination affichée par les deux têtes de l’exécutif n’a pas trop bien percolé aux niveaux inférieurs et il semble que ce soit plutôt une certaine fébrilité qui règne tant dans le gouvernement que dans les rangs socialistes actuellement. Au premier rang des petits agités, on retrouve bien sûr Arnaud Montebourg qui a bien compris son intérêt à toujours se démarquer, autant que possible, de Hollande et Valls. Le voilà donc qui profite de sa Fête de la Rose, à Frangy-En-Bresse, pour expliquer sa position qui se résume essentiellement à « Pas Comme François ni Manuel, mais mieux ».
Et il aurait tort de se priver, puisque l’exécutif n’a absolument pas les moyens de se débarrasser de lui actuellement (pour nommer qui, exactement, à sa place ?) et n’a pas non plus l’envie ni l’intérêt d’afficher la moindre dissension au sein de ce que Hollande et Valls font passer pour un gouvernement. En outre, ces deux derniers étant maintenant détestés par l’opinion publique, Montebourg a tout intérêt à afficher une position aussi diamétralement opposée à la leur que possible, d’autant que cette position antagoniste peut potentiellement lui apporter le soutien des « frondeurs », ce groupe de députés socialistes dont les grognements sourds se font entendre de façon plus claire à mesure que la situation, notamment économique, se dégrade plus vite dans le pays.
Tout le reste sera donc rhétorique et consistera à arrondir les angles aigus d’un discours opposé à celui du chef de l’Exécutif par une bonne couche de bobards sucrés :
« Je suis à mon poste pour faire évoluer des politiques qui méritent d’être changées. Les choix politiques ne sont pas figés. »
En gros, il est « hors de question de changer de cap », mais on va tout de même « faire évoluer des politiques » qui « ne sont pas figé(e)s ». Quelque part, dans ce gouvernement, Le Changement, C’est Subtil, et méritera largement une exégèse pointue par les historiens lorsqu’ils devront expliquer, dans quelques décennies, le foutoir qu’est devenue la politique française dans cette période agitée.
On s’amusera ensuite à constater que la manœuvre de Montebourg, motivée à la fois par des considérations purement politiciennes (récupérer les frondeurs, présenter un jour « plus à gauche » à l’opinion publique) et pragmatique (sauver ses miches électorales si jamais tout devait partir en dissolution) a finalement été comprise par le petit Hamon, novice du gouvernement mais pas des appareils politiques où il aura usé ses fonds de culotte depuis qu’il est sorti du lycée, qui aura donc décidéd’emboîter servilement le pas du ministre de l’économie. Si le gouvernement doit se chamailler, autant que ce soit de façon magistrale.
Rassurez-vous. Tout ceci se fait, bien sûr, en bonne intelligence et dans la gentillesse moelleuse à laquelle nos socialistes nous ont toujours habitués ; si Hamon décide d’aller s’opposer au cap ferme et définitif de Valls et Hollande, s’il décide de planter un petit couteau dans le dos de son patron et du patron de son patron, c’est cependant en toute loyauté parce que c’est sacré, ça, la loyauté :
« Il y a aujourd’hui un débat, qui existe en raison de faits nouveaux : l’isolement de Mme Merkel, la menace de la déflation, et ce débat il justifie, comme beaucoup d’économistes le suggèrent, comme beaucoup de chefs de gouvernement le demandent, d’être mené. On le fait en parfaite loyauté »
Voilà, pas de problème, on se contente simplement de dire qu’on va faire autre chose que ce qui a été décidé au plus haut de l’État, mais tout sera fait en toute loyauté : on va balancer de la petite phrase assassine, dans des happenings Vins & Petits Fours au milieu de la Bresse, en toute décontraction, alors même que le capitaine a clairement indiqué qu’il fallait exclure « toute godille ou tout zigzag ». Tout ceci n’est vraiment pas très clair. Au demeurant, dans le couple clownesque formé par Hamon et Montebourg, qui est la godille, qui est le zigzag ? Montebourg le zigzag et Hamon la godille, ou est-ce l’inverse ?
Pendant ce temps, à droite, on note la dissension et on réclame bien sûr des démissions, histoire d’occuper le terrain sur le plan politique, puisqu’elle l’a totalement déserté au plan des idées et des contre-propositions raisonnées. Mais chut, ne le répétez pas : la rentrée de l’UMP n’est pas encore faite ; elle est partie en vacances il y a deux ans et demi, et ne devrait plus tarder à revenir, maintenant. Puisqu’on vous le dit.
En réalité, on assiste surtout à des petites bulles médiatiques d’effervescence montebourgeoise sans intérêt.
Oui, il est probable (et logique) que Matignon savait que Montebourg ne pourrait pas tenir longtemps sa langue, dopé aux amphétamines surdosées, se ferait un plaisir d’émettre des critiques et de prendre une position volontairement opposée à celle, officielle, du chef de l’État et de son premier ministre. C’était non seulement prévisible … mais aussi probablement souhaité. Cela comporte en effet de nombreux avantages.
D’une part, ces manœuvres montebourgeoises et la fidèle léchouille hamonesque permettent de tester le terrain, tant auprès des amis que des ennemis politiques, tant auprès de la classe politique française qu’étrangère. En fonction des réactions qu’on pourra analyser de la presse étrangère, l’exécutif français saura de quelle marge il dispose vraiment pour débiner la fermeté de Merkel, sur quelle latitude il peut compter auprès de la Commission européenne et par extension, auprès de ses partenaires européens qui continuent de grogner en ne voyant toujours s’engager aucune réforme de fond dans le pays. Autrement dit, Montebourg sert en quelque sorte de fusée d’essai. À ce rythme, rien n’interdit d’imaginer qu’il puisse un jour se poser sur Mars (qu’il y reste !) … ou d’exploser en vol (ce qui serait tout aussi possible, voire souhaitable du point de vue de Hollande).
D’autre part, ce ridicule cirque médiatique et ces merdoiements communicationnels épiques au sein du gouvernement ont la bonne fortune d’occuper la galerie. En focalisant la presse et, par voie de conséquence, une partie des Français sur les petites poussées d’urticaire d’un Montebourg frémissant d’aise de passer ainsi sur les ondes, on donne au peuple quelque chose à grignoter en attendant le mois de septembre. Ce dernier sera ensuite rempli avec les petits reportages sur les enfants qui rentrent à l’école, puis la mise en place de la nouvelle Commission, puis l’un ou l’autre sommet épuisant d’ennui et de technicité sans intérêt. Le clown Montebourg joue ici son rôle de bouffon divertissant, et il est parfait pour ça.
Parce que pendant ce temps, une chose est sûre : rien ne change à la situation. Non seulement, les solutions des socialistes sont toujours aussi ineptes, mais il semble qu’en plus, volontairement ou non, ils se chamaillent pour savoir de quelle façon débile ils vont nous enfoncer dans le trou.
Ce pays est foutu.
Démission du gouvernement : la gauche est-elle en train de mourir ?
«Oui, la gauche peut mourir» avait lancé Manuel Valls le samedi 14 juin devant le conseil national du Parti Socialiste. Alors que le Premier ministre a présenté la démission de son gouvernement, Fabien Escalona se demande si ce scénario catastrophe n'est pas en train de se réaliser...
Après les violentes critiques de Cécile Duflot et Jean-Luc Mélenchonet celles des frondeurs, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon ont ouvert un nouveau front de contestation à gauche, contraignant Manuel Valls à présenter la démission de son gouvernement. Est-on en train d'assister à l'implosion de la majorité qui avait porté François Hollande au pouvoir en 2012 et plus largement à l'implosion de la gauche?
Fabien ESCALONA: Je réserverais le terme «implosion» plutôt pour le jour éventuel où il n'aurait plus de majorité à l'Assemblée pour soutenir sa politique. Les frondeurs ont beau se battre sur des amendements, ils ne sont manifestement pas prêts à aller jusque-là. Leurs raisons sont tout à fait compréhensibles, mais c'est ce qui fait leur faiblesse devant un exécutif inflexible.
En revanche, il y a bien eu une rétractation de la majorité gouvernementale depuis le départ des ministres écologistes. Et cette majorité était déjà réduite par rapport aux soutiens dont a bénéficié le candidat Hollande, ou par rapport à la «gauche solidaire» queMartine Aubry avait tenté de faire vivre lorsqu'elle était à la tête du PS. Cette rétractation va peut-être se poursuivre avec le remaniement ministériel, suite à la contestation des choix économiques par des membres du gouvernement. Cette contestation portait atteinte à l'autorité de l'exécutif dans la mesure où elle était publicisée. En même temps, cela était dû au fait que le débat n'était pas vraiment organisé ou accepté en privé ni dans le parti lui-même, censé être un espace démocratique.
Comment expliquer cette rétractation et le climat de confusion qui règne à gauche?
Ces tensions dans la majorité et la grande confusion à gauche découlent du moment particulier de notre histoire politique que nous sommes en train de vivre. Le PS est au pouvoir dans le contexte d'une crise profonde, qui n'est pas juste une affaire de conjoncture, mais qui concerne toute une cohérence institutionnelle en train de se déliter dans l'UE et au-delà. A cette occasion, l'exécutif pousse particulièrement loin la reconversion néolibérale du projet socialiste, certes entamée il y a trente ans, mais de façon heurtée ou partielle et surtout dans des conditions plus favorables. Il s'agit d'une tentative violente de modifier le centre de gravité du parti, qui provoque inévitablement des réactions, y compris de députés classiquement sociaux-démocrates comme Pierre-Alain Muet.
Or, cela coïncide avec ce que les électoralistes appellent une «phase de réalignement». Ce genre de phase intervient lorsqu'un ordre électoral assez stable s'est brisé (ce fut le cas en 2007) et lorsqu'un nouvel ordre se cherche, chacun des acteurs du système partisan cherchant à sauver sa peau, au milieu d'évolutions brutales et incertaines. C'est pourquoi, au chaos idéologique, s'ajoute un chaos stratégique.
Durant la présidentielle, une note du think tank Terra Nova recommandait au PS de se tourner vers les jeunes, les diplômés, les femmes et les immigrés, plutôt que vers les classes populaires. François Hollande paie-t-il aujourd'hui cette stratégie?
François Hollande n'a pas défini sa campagne en fonction de ce rapport, et puis au fond nous n'en sommes même plus là. Il est vrai que les pertes électorales en milieux populaires ont été massives depuis son élection. Mais ce qu'il paie, c'est tout simplement (si l'on peut dire…) l'absence de résultats socio-économiques et le jugement négatif des Français sur sa capacité à gouverner et à donner du sens à son action. Hollande paie, en particulier, le fait que deux années au pouvoir ont suffi à démobiliser une large part de son électorat. Songez qu'en 2012, il recueillait les suffrages de 22,3% des inscrits sur les listes électorales, contre 5,7% pour les listes PS aux européennes de 2014: c'est une division par 4! Il faut chercher du côté du NPA pour trouver vraiment pire.
Au-delà des querelles de personnes et des difficultés actuelles de François Hollande, la gauche semble souffrir d'un problème idéologique beaucoup plus profond. Face aux nouveaux défis de la mondialisation, elle semble avoir totalement échoué à établir une doctrine commune. Qu'est-ce qu'être de gauche aujourd'hui? Les «sociaux libéraux», majoritaires au gouvernement ont-ils encore quelque chose en commun avec l'aile gauche du PS et la gauche dite radicale?
Ce qu'on appelle par commodité «la mondialisation» concentre toute une série de phénomènes, qui heurtent en effet un certain cadre (national, productiviste…) auquel une grande partie de la gauche contemporaine a été acculturée (mais la droite aussi!). A partir de là, définir la «nouvelle» façon d' «être de gauche» dépend beaucoup de la façon dont vous définissez cette dernière. Il est sans doute vain de décréter ce qui serait son essence immuable, mais certains ont cherché à identifier des invariants. Ils opposent d'un côté la droite avec son attachement à l'ordre, à la hiérarchie et à l'autorité ; et de l'autre la gauche, avec l'égalité comme «étoile polaire», la «rectification» de l'ordre existant comme tâche permanente, et l'autonomie ou l'autogouvernement comme principe politique.
En ce sens, la gauche serait ce mouvement de revendication démocratique qui vient toujours contester l'ordre établi, y compris d'anciennes gauches, au nom des promesses d'émancipation de la modernité. Je crois qu'il y a un fort attachement culturel à cette définition de la part de l'aile gauche du PS et de la gauche radicale (la façon dont ils l'incarnent étant une autre question). Or, la ligne de ceux que vous appelez les sociaux-libéraux, et dont beaucoup relèvent en fait de ce que j'appelle le «social-conservatisme», heurte de plein fouet ce fonds culturel commun. Manuel Valls, en particulier, est convaincu que la «mondialisation» exige de redéfinir le contenu de la gauche ainsi que son périmètre d'alliances.
Les différents mouvements de contestation qui naissent pourraient-il en revanche se rassembler? Quels sont les points communs et les différences entre Arnaud Montebourg, Cécile Duflot et Jean-Luc Mélenchon?
A côté du «choc culturel» que constituent les deux premières années du quinquennat Hollande pour toute une partie de la gauche, les logiques institutionnelles et partisanes continuent d'exister et brouillent considérablement les choses. Les frondeurs sont terrorisés à l'idée de provoquer une crise de régime (quitte à ce qu'elle advienne sans eux), Montebourg avait jusqu'à présent choisi de rester dans un gouvernement dont il réprouvait les choix budgétaires, Duflot a choisi d'en partir en partie pour cette raison, mais se considère toujours dans la majorité, au contraire de Mélenchon qui se vit dans l'opposition! Cela traduit aussi des divergences idéologiques. Montebourg a largement épousé un paradigme productiviste rejeté par les deux autres, tandis que seule une minorité d'EE-LV est prête à considérer comme le PG que l'écologie politique est nécessairement un anticapitalisme.
La grande alliance «rouge-verte» voulue par Jean-Luc Mélenchon vous paraît-elle crédible?
Pour les raisons que je viens d'indiquer, elle n'est pour l'instant guère probable à l'échelle nationale. Mais de la part de Jean-Luc Mélenchon, cela répond à une double logique, au-delà du fait de sortir de son tête-à-tête avec le PC. Premièrement, il a bien compris que c'est autour d'une telle synthèse que peut continuer de se développer une gauche radicale européenne différente de la famille communiste effondrée. Deuxièmement, il a aussi pris conscience que les assises sociologiques traditionnelles de la gauche de classe ne permettront jamais de contester l'hégémonie du PS. Le PG est très intéressé par des mouvements novateurs comme Podemos en Espagne, et affirme désormais clairement que c'est «le peuple» et non pas «la gauche» qui sera craint par les puissants. Ce nouveau cap stratégique est risqué, mais a-t-il vraiment le choix?
Une recomposition politique qui irait même jusqu'à la droite antilibérale est-elle imaginable en cas de fortes turbulences sociale et politiques?
Non, à part des trajectoires d'éléments marginaux, j'ai du mal à l'imaginer. Sur le plan stratégique, ça ne serait pas viable: les valeurs, les enjeux jugés importants, les comportements de vote diffèrent largement entre les électorats concernés. Sur le plan idéologique, ce n'est pas convaincant non plus. La résistance à l'UE «telle qu'elle est», par exemple, ne fait pas une matrice commune, comme le montrent les modes d'opposition radicalement distincts et même antagonistes du FN et du Front de gauche.
Inscription à :
Articles (Atom)