La débâcle de 1940, « humiliation géante »
Le 10 mai 1940, après neuf mois durant lesquels nous assistâmes sans bouger à l'attaque puis à la défaite de la Pologne, notre alliée, les armées allemandes attaquaient à l'Ouest. C'était le week-end de la Pentecôte. De nombreux soldats français étaient en permission.
Le 13 mai, les blindés du général Guderian franchissaient la Meuse. Le 14, le général Von Rundstedt, ayant traversé les Ardennes, perçait les défenses françaises à Sedan et se lançait vers Arras, Cambrai, Amiens.
La « drôle de guerre » était terminée et Churchill, qui venait d'être nommé Premier ministre, en tirait la conclusion, le 13 mai, devant la Chambre des Communes : « Nous sommes à l'aube d'un des plus grands affrontements de l'histoire... Je n'ai rien à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur... Notre politique, c'est de faire la guerre sur mer, sur terre et dans les airs par tous les moyens. Faire la guerre contre une tyrannie monstrueuse. Notre but : la victoire, la victoire à tout prix en dépit de toute terreur, aussi longue et difficile que puisse être la route ; la victoire, car sans victoire il n'est point de salut. » (1)
En France, c'était le début de la débâcle. 110 000 soldats français furent tués dans cette bataille de France. « Elle fut perdue par l'impréparation, l'impéritie, la nullité à tous les niveaux de nos états-majors... Ce fut la plus grande raclée que reçurent nos armées au bout de mille ans d'histoire », écrit Maurice Druon dans son livre au beau titre, C'était ma guerre, ma France et ma douleur (2).
La France allait perdre, en quelques jours, son rang de première puissance. On allait appeler le maréchal Pétain, le général Weygand. « On faisait feu de tous les vieux bois », écrit Maurice Druon qui, pour décrire la mentalité de certains, raconte la consigne qui lui fut donnée par un officier : « Surtout, si vous rencontrez des Allemands, ne tirez pas ! ».
L'exode
De la même façon, un officier s'était écrié devant le Sergent Paul Hutin qui mettait sa mitrailleuse en batterie dans la forêt de Rennes : « Malheureux, si vous tirez sur eux, ils vont tirer sur nous ! »
L'exode immense allait commencer. Les gens vieux, jeunes, blessés, malades, mitraillés par les stukas et terrorisés mouraient de peur, de faim, de soif sur les routes. « Une humiliation géante m'assaillait », dit encore Maurice Druon.
La France hésitait. Le gouvernement allait déclarer Paris ville ouverte, laissant ainsi les troupes hitlériennes y entrer musique en tête.
Au contraire, Churchill multipliait les appels au sursaut, les mises en garde. Il s'agit, proclamait-il le 19 mai, « de sauver non seulement l'Europe, mais l'humanité tout entière de la tyrannie la plus infâme et la plus vile qui ait jamais obscurci et souillé les annales de l'histoire... C'est aujourd'hui le dimanche de la Trinité. Il y a des siècles, des paroles ont été écrites pour encourager les fidèles serviteurs de la vérité et de la justice : armez-vous ! Soyez prêts à la bataille, car mieux vaut périr au combat que de voir outragés notre Nation et notre autel... Nous défendrons notre île, quel qu'en soit le prix. Nous nous battrons sur les plages, sur nos terrains d'aviation. Nous nous battrons dans les champs et dans les rues. Nous nous battrons dans les collines. Nous ne nous rendrons jamais ! »
En France, sous le choc, l'effondrement politique suivit la défaite militaire.
Le sursaut viendra plus tard avec un général deux étoiles qui va entrer dans l'histoire.
(1) Discours de guerre, de Winston Churchill, Éditions Texto.
(2) Éditions Plon.