Il y a du stoïcisme dans cette abdication qui porte au plus haut la vertu de savoir se retirer du monde.
jeudi 14 février 2013
Comme Charles Quint
Quel que soit l’homme que le Sacré Collège donnera pour prochain pape à la catholicité, tout indique qu’il ne ressemblera pas à Benoît XVI, lequel restera peut-être dans l’Histoire comme le dernier pape européen. À l’aune de la période postconciliaire, il faisait déjà figure d’exception : après Jean-Paul II dont le pontificat, plus encore que celui de Paul VI, s’exerça en mondovision, Joseph Ratzinger aura placé son intelligence et son énergie au chevet de ce qui lui tenait le plus à coeur : l’Europe, berceau de l’Église universelle en même temps que coeur malade de la chrétienté.
Le choix de son prénom sonnait déjà comme un programme : Benoît, en souvenir du fondateur de l’ordre bénédictin, patron du continent européen. Mais aussi en communion avec Benoît XV, devenu pape alors qu’éclatait la Première Guerre mondiale, catastrophe qu’il tenta, en vain, de conjurer. Intellectuel de haut vol, cet « enfant prodige de la théologie contemporaine »(dixit Philippe Levillain) a tout fait, comme le pape de 1914, pour réparer l’irréparable : la division des chrétiens. Et plus encore, sans doute, l’extinction, chez ses contemporains, de tout sentiment de transcendance. Au-delà des anglicans, des luthériens, des calvinistes, des orthodoxes même, il n’a cessé, tout au long de presque huit années de pontificat, de s’adresser aux peuples d’Europe.
Et quand il a senti ses forces lui manquer, ce pape qui avait lu Épictète et savait séparer ce qui dépend de soi et ce qui n’en dépend pas, fût-ce avec l’aide de Dieu, a décidé de retourner à la foule. Il y a du Charles Quint, dans cette abdication qui porte au plus haut la vertu de savoir se retirer du monde. Nul doute que, comme le Don Carlo de l’opéra de Verdi qui croyait entendre parfois la voix du grand empereur, le successeur de Benoît XVI se souviendra de cet exemple.
L’énigme Peillon
L’énigme Peillon
En nommant Vincent Peillon à l’Éducation nationale, François Hollande avait, croyait-on, fait le bon choix. Refonder l’école ayant toujours été le dada proclamé de cet agrégé de philosophie, on le croyait prêt à gouverner.
À peine investi, il annonçait la mise en oeuvre de la semaine de quatre jours et demi pour la rentrée 2013… comme ça, sans concertation ! (D’où la grève des enseignants du primaire mardi.) Il était recadré aussitôt par Jean-Marc Ayrault. La France étant le pays où les enfants ont le moins de jours de classe par an par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE mais le plus d’heures de cours par semaine, l’opinion n’a pas compris qu’il annonce une rallonge des vacances de la Toussaint. Illogique. Ni qu’il supprime les deux heures d’aide personnalisée aux enfants — legs de Xavier Darcos —, réduisant ainsi à 24 heures hebdomadaires le temps de travail des professeurs du primaire. Ni, sur un autre registre, qu’il veuille dépénaliser le cannabis — François Hollande et Jean-Marc Ayrault y sont hostiles — quand des chefs d’établissement se battent pour empêcher les élèves d’y toucher. Une communication brouillonne.
Son projet d’aménagement des rythmes scolaires a été soumis par deux fois aux syndicats. Ils ont dit non. Il s’agit certes du bien-être des enfants, mais on change les habitudes ! Les enseignants n’ont pas tous envie de travailler le mercredi matin. Ils voudraient aussi un rattrapage de salaire par rapport à leurs collègues du secondaire.
Quand on s’appelle Peillon, on paye. Il est question d’une prime annuelle de 400 euros. Sauf que Bercy et Matignon refusent de donner une rallonge au moment où Marylise Lebranchu annonce un gel des salaires de la fonction publique.
« Il n’a pas toujours le doigté nécessaire pour faire aboutir ce qui est nécessaire », tranche Jean-Christophe Cambadélis. L’erreur du ministre serait d’avoir voulu passer en force en prenant les gens de haut. Un péché d’agrégé qui ne supporte pas la contradiction d’en bas. “Laissez-nous du temps !”, implorent les enseignants. Mais, surtout, beaucoup de maires se plaignent de n’avoir pas les moyens d’organiser le mercredi le transport des enfants, de recruter les animateurs nécessaires aux trois quarts d’heure d’activités périscolaires, de payer la cantine. La réforme ne sera pas généralisée en 2013.
« Je veux changer l’école, je serai jugé sur l’école », a dit le ministre. Selon ses détracteurs, son projet de loi de refondation de l’école, hormis la formation des enseignants par alternance, ne contiendrait que des mesurettes. Le Monde week-end, qui dressait le palmarès des ministres, met Peillon dans la case “énigme”. Personne ne peut dire s’il va réussir, échouer, ni même qui il est vraiment.
Et demain ?
Et demain ?
Il n’y a pas si longtemps, la construction automobile française se partageait entre cinq « généralistes » : Peugeot, Citröen, Renault, Simca et Panhard. Les deux premiers ont fusionné, les deux derniers ont disparu des routes. Et Renault, allié à Nissan, championne du « low-cost » avec Dacia, produit de moins en moins en France. Les pays voisins ont connu la même évolution. Quelquefois jusqu’à l’extinction totale des marques nationales comme au Royaume-Uni, à l’exception de quelques modèles artisanaux.
Logiquement, cette concentration devrait se poursuivre, mondialisation oblige. Dans dix ou vingt ans, une ou deux sociétés-holding créées dans le regroupement des constructeurs survivants signeront leurs voitures d’un « made in Europe » plus ou moins fallacieux car la plupart des pièces viendront d’ailleurs. Bien sûr, marketing oblige, quelques noms de marques traditionnelles seront conservés… Quant à la production, les fermetures programmées à Aulnay et à Bochum (chez Opel) dessinent malheureusement l’avenir. Les usines de demain seront surtout peuplées de robots contrôlés par des techniciens hautement qualifiés. Eux-mêmes aux ordres de l’ingénierie commerciale et financière, sous l’œil implacable du design, du marketing et de la publicité !
Encore faut-il préparer ce futur également accessible aux constructeurs français. À condition qu’ils restent dans le peloton de tête, en gagnant de nouvelles places, et pas seulement dans le « low cost ». Elles passent aussi, à l’exemple des firmes allemandes, par l’exportation hors d’Europe du haut de gamme (à réinventer en France, il est vrai).
Mais les marchés des pays émergents riches en devises ne resteront pas éternellement à conquérir. Même pour les voitures de luxe qui rapportent tant aux constructeurs allemands ! Comme la Chine, ces pays développent à vitesse grand « V » leur propre industrie. Rapidement, les marques européennes, japonaises et américaines seront confrontées à une rude concurrence lorsque viendra la moyenne gamme chinoise, à prix très compétitifs. Rappelons qu’il y a dix ou quinze ans les « made in Korea » étaient chez nous aussi rarissimes que les « made in Japan » dans les années 1960…
Pourvu que l’automobile, née en Europe, ne suive pas le cours d’autres inventions européennes ! En ne citant que les appareils photo ou les téléviseurs aujourd’hui fabriqués partout. Sauf en Europe.
Une victoire de gauche
Une victoire de gauche
Fin de la première partie. Par cent voix d’écart en faveur du projet de loi, l’Assemblée nationale approuve le mariage civil et l’adoption d’enfants par des couples de même sexe. Les députés ne se sont pas dérobés, on n’a enregistré que dix abstentions et neuf absences. Cela confirme la double valeur de ce débat : d’un côté un enjeu de société, de l’autre un classique affrontement entre la droite et la gauche.
A six exceptions près, la discipline de parti a fonctionné, ce qui consolide la position du président de la République et du gouvernement après des mois de flottement. Venant en complément des premiers succès au Mali, ce vote sans bavure va redresser les cotes de popularité défaillantes.
Ce scrutin, c’est son mérite, n’aura pas été préparé en catimini. Les conservateurs sont déçus du résultat mais leur voix s’est fait entendre, relayée par des cortèges très actifs. Les associations mobilisées pour ou contre le projet, les dossiers parus dans la presse, les discussions internes aux familles, les polémiques elles-mêmes ont contribué à situer les options. Impossible de dire que les enjeux ont été escamotés. En ce sens ce fut un vrai débat républicain, à la hauteur de ce qui fut, pour certains, un cas de conscience.
Pour autant, rien n’est joué. Le débat va rebondir au Sénat en avril, puis bifurquera plus tard, quand viendra le moment d’évoquer la procréation médicalement assistée ; il se focalisera autour de l’adoption et plus particulièrement des questions liées au secret potentiel de la naissance.
Le dilemme existe déjà, indépendamment de l’adoption par un couple homosexuel ; des enfants nés d’un don anonyme de sperme veulent connaître leur histoire. Cette revendication ne pourra que s’étendre si l’effacement complet du père vient à être souhaité après insémination d’une lesbienne, au cas où la PMA serait élargie. À côté de ces enjeux, le mariage civil de deux hommes ou de deux femmes, pourtant présenté comme un changement historique, risque d’apparaître comme une mesure annexe.
Merci Très Saint-Père !
Merci Très Saint-Père !
Pour avoir poursuivi l’oeuvre de Jean-Paul II. Pour avoir pris votre part des débats de société. Et pour cette grande leçon d’humilité contenue dans votre démission.
A l’heure où, pour la première fois depuis des siècles, un pape décide de renoncer à sa charge, la stupéfaction laisse la place à l’incompréhension, puis à l’émotion et enfin à l’admiration. Quel courage faut-il au chef de l’Église catholique — par ailleurs chef de gouvernement — pour dire qu’il n’est plus en état d’assumer sa charge ? Quelle humilité faut-il au plus grand “meneur d’âmes” au monde pour décider de se retirer dans un monastère en attendant d’être rappelé par ce Dieu dont il n’a cessé de vanter l’amour ? Quelle intelligence faut-il pour comprendre que l’Église de 2013 doit être menée par un pasteur doté de toutes ses forces et de tout son esprit ? Pour tout cela, il ne reste au commentateur rien d’autre à dire que merci.
Merci Très Saint-Père pour avoir assumé pendant huit ans cette charge immense qu’est le trône de Pierre. Pour avoir pris la si difficile succession de ce pape extraordinaire qu’était Jean-Paul II. Pour avoir assumé tout l’héritage de ce dernier en dépit des critiques venues des courants les plus modernistes. Pour avoir entendu le message de ces centaines de milliers de catholiques qui criaient dès le mois d’avril 2005 « Subito santo ! » (“Saint tout de suite !”) en accélérant le processus de sa béatification, puis en installant sa sépulture dans l’aile droite de la basilique Saint-Pierre afin d’en faire l’un des plus grands lieux de recueillement à Rome.
Merci Très Saint-Père pour avoir su régler pendant huit années très difficiles les affaires les plus sombres de l’Église, celles de la pédophilie — notamment au sein de l’Église américaine —, celle de l’argent sale à la banque du Vatican ou celle de cette fuite de documents secrets provenant de votre propre cabinet. Jamais vous ne vous êtes éloigné de la devise que vous vous êtes choisie : “Nous devons être les coopérateurs de la vérité”. Au point de laisser à votre successeur une Eglise lavée de tout soupçon, de toute controverse et de toute obscurité.
Merci Très Saint-Père pour avoir amené l’Église à renouer avec le message de l’Évangile. C’est à vous que l’on doit la renaissance d’un catéchisme tombé en désuétude. C’est à vous que l’on doit d’avoir défendu « la beauté et la nécessité » du culte eucharistique. Oui, sa beauté ! C’est aussi à vous que l’on doit la réhabilitation de la génuflexion devant le saint sacrement. Rappelant ainsi à tous les chrétiens que “l’homme n’est jamais si grand qu’à genoux”.
Merci Très Saint-Père pour avoir poursuivi les oeuvres de vos prédécesseurs dans le cadre du dialogue interreligieux. Nous avons tous en mémoire votre visite au camp d’Auschwitz où, marchant seul dans ce lieu que vous aviez qualifié de « symbole de l’enfer sur la terre », votre visage semblait porter le poids de ce crime indéfinissable. Nous avons aussi en mémoire votre émouvant passage au mémorial Yad Vashem, à l’occasion de votre voyage en Terre sainte. Nous avons enfin le souvenir de cette visite à la synagogue de Rome, où — toujours guidé par le souci de la vérité — vous avez rappelé que le si contesté Pie XII avait sauvé des juifs « de façon souvent cachée et discrète ». C’est à cause de tout cela que parmi les plus grands hommages à votre renonciation surprise il y a celle du grand rabbin ashkénaze d’Israël, Yona Metzger, qui a affirmé que votre pontificat a permis « une diminution des actes antisémites dans le monde ».
Merci Très Saint-Père pour avoir pris votre part des grands débats de société du moment. En étant le premier à évoquer les fondements d’une écologie humaine. Et en rappelant que la crise de l’écologie naturelle et de l’écologie sociale est due au fait que « la liberté et la tolérance sont très souvent séparées de la vérité ». Un message qui n’a jamais été aussi actuel quand la France, fille aînée de l’Église, institue cette ineptie de “mariage pour tous”. En se préoccupant en permanence du sort des chrétiens d’Orient, mais aussi de l’Église de Chine.
Merci enfin Très Saint-Père pour cette renonciation destinée à donner à l’Église un chef doté de toute sa vigueur et de toute son intelligence afin de poursuivre votre oeuvre pastorale, de manière à aller dès cet été à la rencontre de centaines de milliers de jeunes attendus à Rio de Janeiro, dans le cadre des désormais traditionnelles JMJ. De votre retraite au sein de ce petit monastère perdu dans les jardins du Vatican, vous allez vous livrer à votre occupation favorite : la prière. Quelle insatiable preuve d’amour pour tous les croyants ! Car comme l’écrivait Saint-Exupéry : « Aimer, c’est donner sans attendre de retour, et tout acte est prière s’il est don de soi. » Pour tout cela, Très Saint-Père, nous ne vous dirons jamais assez merci.
Rebondir, ou mourir
Rebondir, ou mourir
Dans la longue histoire de PSA, né de l’union de Peugeot et Citroën en 1976, l’année 2012 restera comme une tache. Car en perdant cinq milliards d’euros en 2012, le groupe a réalisé le pire exercice de tous les temps mais a aussi grillé sa dernière cartouche.
Bien sûr, la dépréciation d’actifs, à hauteur de 3,8 milliards d’euros, déforme sévèrement le tableau, alors qu’il s’agit d’une opération comptable d’ajustement, sans répercussion sur la trésorerie. Il n’empêche : le tableau en question est noir. Car si certains syndicats estiment que la perte, sans ajustement comptable, est limitée, ils font aussi semblant d’oublier que PSA a vendu de nombreux bijoux de famille qui font pencher la balance dans l’autre sens, cette fois à hauteur de 2 milliards. Et que la division automobile affiche une perte de 1,5 milliard d’euros.
Dans son histoire, PSA a déjà perdu des milliards. Huit milliards de francs, étalé sur cinq ans, au début des années quatre-vingt. Il a fallu que la 205 sorte ses griffes et que, déjà, des usines ferment, pour que le groupe survive. Puisse l’Histoire se répéter avec la 208 à l’heure où le site d’Aulnay, chauffé au fer rouge par la CGT, connaît ses derniers soubresauts.
Car sérieusement, quel constructeur automobile et, plus généralement, quelle entreprise peuvent se permettre de perdre 200 millions d’euros par mois sans changer de politique stratégique ? Aucun. Philippe Varin arrive au bout de son mandat de quatre ans le 31 mai et il est probable qu’il sera confirmé dans ses fonctions. Mais, quel que soit le futur patron, les défis resteront les mêmes. Plus important, les décisions stratégiques réaffirmées hier ont du sens. La concurrence des marques généralistes Peugeot et Citroën est, depuis longtemps, l’un des points faibles de PSA. L’Alliance avec GM doit, à en croire Philippe Varin, porter ses fruits rapidement, tout comme les lourds investissements dans les pays émergents, notamment en Chine où PSA vise 500 000 voitures vendues en 2013. Une année qui, par la faute d’un marché européen toujours atone, sera encore difficile. Mais aujourd’hui, au prix de 11 500 suppressions d’emplois entre 2011 et 2015, PSA est condamné à réussir son plan Rebond 2015. C’est la survie du groupe, et de toute la filière automobile française, qui est en jeu.
Officiel : la fin de l'illusion des 3% de déficit en 2013 !
Le Premier ministre a mis fin au faux suspense sur le respect par la France de son engagement de réduction des déficits. "Nous ne serons pas à 3%" du PIB en 2013, mais l'objectif de zéro déficit à la fin du quinquennat est maintenu.
3% de déficits publics en 2013, cette douce illusion qui a servi de levier à François Hollande pour imposer aux Français (et à la gauche) le plus dur plan d'austérité depuis Juppé en 1995 (30 milliards d'euros de prélèvements en plus cette année), c'est fini! Après François Hollande qui a laissé entendre mardi que l'objectif d'une croissance de 0,8% cette année ne sera pas atteint, c'est Jean-Marc Ayrault qui a sonné la fin de la partie hier soir sur France 3. "Nous ne serons pas exactement, je pense, aux 3% en 2013, pour une raison simple, c'est que la croissance en France, en Europe et dans le monde est plus faible que prévu", a-t-il dit. Mais, a-t-il ajouté, "l'objectif, et il sera atteint, c'est le déficit zéro à la fin du quinquennat, ce qui compte c'est la trajectoire".
Le voile se déchire donc sur les prévisions trop optimiste du gouvernement qui, après tous les autres pays et notamment l'Allemagne, s'apprête donc à dire la vérité sur l'état de l'économie plus tôt que prévu. Il y est un peu obligé puisque l'Insee va rendre publiques ce jeudi les chiffres du PIB au quatrième trimestre, probablement en baisse et alors que les derniers indicateurs conjoncturels, notamment la production industrielle, sont très préoccupants.
Jusqu'ici, le gouvernement s'accrochait à l'espoir d'une possible reprise progressive, enclenchée par le relatif retour au calme dans la zone euro et le rebond constaté à l'extérieur de la zone euro, aux Etats-Unis et en Chine notamment. Cette stratégie de communication consistant à attendre le plus longtemps possible a fait long feu, parce que la France est au contraire plutôt en train de s'enfoncer à nouveau dans la crise.
Paris espérait se déclarer au moment de la transmission à la commission de Bruxelles de la nouvelle mouture de la programmation pluriannuelle des finances publiques, fin mars ou début avril. Mais, à la veille d'un G20 à Moscou où la France va se plaindre de l'impact négatif de la hausse de l'euro sur le redressement de ses exportations, François Hollande, en bon politique, a saisi qu'il avait une fenètre de tir pour mettre la mauvaise nouvelle du non respect de ses engagements budgétaires sur le compte de la guerre des monnaies, plutôt que sur les insuffisances de sa propre politique... L'opposition UMP a d'ailleurs saisi de son côté la balle au bond en annonçant un vote de censure de la politique économique du gouvernement au Parlement, a indiqué le leader de l'UMP Jean-François Copé aux Echos. L'opposition n'a évidemment aucune chance de faire adopter cette censure, mais elle compte surtout en profiter pour placer le gouvernement dans l'embarras face à sa majorité de gauche, alors que le ton monte contre l'austérité. Une partie de l'aile gauche du PS a récemment pris partie pour un "tournant de la relance", arguant que la politique de rigueur est inefficace pour réduire les déficits et la dette. Ce sera surtout au Sénat que le vote de cette censure sera intéressante à suivre, car la gauche n'y est majoritaire qu'avec les voix du Parti communiste, des Verts et du Front de gauche...
Pour François Hollande, l'annonce que la France aura un déficit supérieur aux 3% du PIB prévus (3,5% selon le FMI) signale donc le début des ennuis. Ceux-ci ne viendront pas forcément d'où l'on croit. Côté Bruxelles, il peut espérer une certaine indulgence: Olli Rehn, le commissaire européen chargé des Affaires économiques, a écrit une lettre aux ministres des Finances de l'UE rendue publique ce mercredi. "Si la croissance se détériore de manière imprévue, un pays peut bénéficier d'un délai pour corriger son déficit excessif, à condition qu'il ait fourni comme convenu les efforts budgétaires demandés", écrit-il. "De telles décisions ont été prises l'an passé pour l'Espagne, le Portugal et la Grèce", a-t-il précisé à une semaine de la publication des nouvelles prévisions économiques de la Commission européenne.
Côté marchés financiers, François Hollande bénéficie aussi d'un certain répit. Les taux d'intérêt sur la dette française à dix ans ont certes remonté un peu depuis le point bas de la fin 2012, mais c'est plus parce que les investisseurs ont allégés leurs achats sur la dette des pays les plus sûrs (Allemagne, France...) pour se reporter vers l'Italie et l'Espagne, que la marque d'une défiance envers notre pays. Toutefois, les agences de notation qui toutes ont placé la dette française sous surveillance négative, pourraient ne pas apprécier et dégrader à nouveau la note du pays. Selon le responsable des notes souveraines de l'une des deux grandes agences de rating américaines, la notation de la France, comme d'ailleurs celle de tous les pays européens très endettés a de toutes façons un risque élevé d'être encore abaissée une voire deux fois au cours des prochaines années, avant d'espérer une stabilisation.
C'est là qu'il faut bien écouter la deuxième partie de la déclaration de Jean-Marc Ayrault: Paris ratera peut-être son objectif des 3% cette année, mais ne compte pas changer de politique économique. L'objectif de revenir à l'équilibre des finances publiques fin 2017 reste un horizon indépassable de la politique de François Hollande. Et c'est donc là que ses ennuis vont vraiment commencer puisque, comme l'écrit la Cour des comptes dans son rapport annuel, personne ne voit encore comment il compte réaliser les 60 milliards d'euros d'économies annoncées pour son mandat. Enfin, ce n'est pas tout à fait juste. Les fonctionnaires, dont le salaire est gelé, les professeurs, à qui il est demandé de travailler une demi-journée de plus sans gagner plus, et enfin les collectivités locales, à qui l'Etat demande un effort d'économie de 4,5 milliards d'euros sur trois ans, commencent à le voir venir. Et d'ailleurs, ils commencent aussi à manifester bruyamment qu'ils ne sont ni contents, ni d'accord.
De la viande de cheval pour les pauvres d'Europe
Le scandale de la viande de cheval a pris une dimension européenne. Or pendant que les pays européens se rejettent la faute, le problème sous-jascent, lui, demeure : en raison de la crise économique, les familles à faibles revenus achètent de plus en plus de la viande à bas prix.
C’est en Irlande et au Royaume-Uni que le problème a commencé : on a trouvé de la viande de cheval dans des burgers au boeuf, qui plus est dans des pays qui adorent les chevaux. Mais maintenant, le scandale alimentaire prend une dimension européenne. Si l’on trouve de la viande de cheval dans des produits des rayons irlandais et britanniques, celle-ci pourrait bien provenir d’abattoirs situés dans d’autres parties de l’Europe.
Comme à l’époque de la bactérie EHEC en 2011, tout le monde s’est aussitôt montré du doigt. L’industrie européenne de la viande représente un marché qui se chiffre à des milliards : aucun pays ne tient à se voir reprocher d’avoir trempé dans la magouille. L’Irlande montre les Polonais du doigt, les Polonais nient. La Suède accuse la France.
La France soupçonne Chypre, la Roumanie, de même que les Pays-Bas, de traiter des lots de viande mal étiquetés. Cette viande serait ensuite arrivée dans les usines irlandaises et britanniques de transformation de la viande. Qui livrent leur viande, entre autres, à Findus, société qui vend des plats cuisinés surgelés au Royaume-Uni, en Irlande, en Suède, en Norvège, en Finlande et en France.
Les chevaux ne sont pas marqués
“Le problème s’étend à toute l’Europe” a averti dès vendredi dernier Alan Reilly, de la Food Services Authority, l’instance irlandaise chargée de veiller à la sécurité alimentaire. Hier, Owen Paterson, ministre britannique de l’Agriculture, a parlé d’un “complot criminel international”.
En soi, la viande de cheval n’est pas un aliment mauvais pour la santé. Et, comme l’a encore précisé Alan Reilly le mois dernier, le tollé dans les pays amoureux des chevaux ne vient pas du simple fait que “la consommation de viande chevaline ne correspond pas à notre culture.”
Le problème, en l’occurrence, est qu’on ne peut pas remonter la filière de la viande jusqu’à un éleveur ou à un abattoir, qu’on ne sait pas comment elle s’est retrouvée dans les produits surgelés et depuis combien de temps cela dure.
La justice, la police et les autorités chargées de la sécurité alimentaire des divers pays européens mènent leur enquête à ce sujet. C’est important dans la mesure où la viande chevaline peut contenir de la phénylbutazone. Cette substance sert à traiter les inflammations articulaires et les coliques chez les chevaux. Il est interdit d’en donner aux chevaux destinés à l’abattage car, dans des cas très rares, elle peut provoquer chez l’être humain une anémie ou une leucémie. Du fait de la crise économique, on abat davantage de chevaux et pas toujours, soupçonne-t-on à présent, dans des abattoirs agréés. De plus, les chevaux ne sont pas marqués à l’oreille, comme les bovins et les ovins. On ne peut donc pas toujours clairement savoir s’ils sont destinés ou non à la consommation.
Les prix ont flambé au Royaume-Uni
“Si Findus et Tesco n’ont pas une chaîne alimentaire sûre pour leurs produits, nous sommes confrontés à un gigantesque problème dans ce secteur”, a dit Alan Reilly vendredi. Selon les autorités britanniques et irlandaises chargées de la sécurité alimentaire, il incombe aux supermarchés et aux producteurs de contrôler la viande. Vendredi prochain, les résultats d’enquêtes menées sur d’autres plats cuisinés surgelés seront annoncés. Le ministre britannique Owen Paterson a déjà déclaré qu’il s’attendait encore à de “mauvaises nouvelles”.
“Mais le vrai problème est le suivant : comment se fait-il qu’il y ait eu de la viande de cheval dans des burgers de bœuf ?” demande Elizabeth Dowler, professeur de diététique à l’Université de Warwick. Elle répond elle-même à la question : “parce qu’il faut qu’ils restent le moins cher possible”. Les burgers en question coûtent chez Tesco et Iceland 13 pence (15 centimes d’euros) l’unité, les lasagnes surgelées de Findus sont vendues généralement 1,60 livre sterling (1,35 euro) les 350 grammes.
Les prix de l’alimentation ont augmenté de 26 % au Royaume-Uni ces cinq dernières années. En Irlande, la hausse est certes moins prononcée, mais la crise a fait baisser le pouvoir d’achat dans le pays.
Le problème est lié à la pauvreté
Le prix du steak a aussi augmenté. Ce matin, au marché de la viande de Smithfield à Londres, un kilo valait au maximum 770 pence (7,70 livres sterling, soit 9 euros). En février 2007, il était à 560 pence. “Pour faire baisser le prix de la viande, on la complète, et pas toujours par de bonnes protéines”, dit le professeur Elizabeth Dowler. Et le prix de la viande de cheval est inférieur d’un cinquième à celui de la viande de bœuf. Elle doute sérieusement que l’on utilise une “viande de qualité”.
“Les gens qui sont touchés sont ceux qui ont peu d’argent et beaucoup d’enfants. Ceux qui n’ont pas les moyens de se payer un burger de meilleure qualité ou d’aller chez un boucher et de faire eux-mêmes leur viande hachée, et qui réagissent aux offres du type 3 pour le prix de 2”, dit-elle. “C’est un problème de pauvreté”.
Elle pense que le consommateur a conscience de ce qu’il achète. “Il ressort de mon enquête sur les familles à faibles revenus que les gens savent que ce qui est bon marché ne vaut rien, et c’était déjà le cas avant la crise. Mais ils n’ont souvent pas le choix”. Elle doute en revanche que les consommateurs sachent vraiment comment on fabrique des produits alimentaires. “L’histoire de l’enfant qui pense que le lait sort d’un carton de lait est trop facile. Mais a-t-on vraiment idée du fonctionnement de l’industrie laitière ?”
Martin McAdam, fournisseur de viande qui représente le maillon entre les abattoirs et les fabricants de burgers, a révélé sur la chaîne de télévision irlandaise RTÉ ses méthodes de travail. La demande de viande toujours moins chère l’a contraint de rechercher de la viande en dehors de l’Irlande. Il s’est tourné vers la Pologne, la Belgique et les Pays-Bas, a-t-il raconté – alors que l’Irlande est le premier exportateur de viande de bœuf d’Europe. La différence était “de cinq à dix mille euros par camion”. Il a déclaré ignorer que la viande était d’origine chevaline.
La National Union of Farmers, le syndicat britannique des agriculteurs, accuse l’industrie de transformation de la viande et les fabricants de plats cuisinés, qui veulent obtenir de la viande meilleur marché. Depuis la crise de la vache folle et de la fièvre aphteuse au Royaume-Uni (et le scandale des dioxines en Irlande en 2008 qui a contraint à exterminer des centaines de milliers de porcs), la qualité de la viande britannique s’est améliorée, estime Peter Kendall, président du syndicat. Cela se traduit par une hausse des prix. “C’est un défi pour les commerçants. Ils ne peuvent pas continuer à casser les prix sans tailler dans le vif.”
Devenir Polonais, c’est tendance
Terre d’émigration — les Britanniques, les Irlandais et les Allemands le savent bien — la Pologne attire également de très nombreux immigrés. Des travailleurs en provenance d’Europe centrale et orientale, mais aussi d’Asie du Sud-Est et d’Afrique, qui demandent la nationalité polonaise.
Lorsque German Efromovich, milliardaire sud-américain et propriétaire de la compagnie aérienne Avianca, a voulu acquérir la compagnie portugaise TAP, il s'est heurté à un obstacle de taille : la législation européenne interdit en effet à un investisseur originaire d'un pays extérieur à l'UE tout achat d'une compagnie aérienne au-delà de 49 % des parts. Obstacle que l'entrepreneur a vite surmonté en annonçant, lors d'une conférence de presse à Lisbonne, devant les journalistes ébahis : "Ma demande de nationalisation polonaise est en cours. Je peux le faire parce que mes parents étaient Polonais." Peu de temps après, le 5 décembre dernier, il recevait son passeport polonais.
Efromovich, né en Bolivie dans une famille de juifs polonais qui ont quitté la Pologne juste après la guerre, a toujours souligné que ses parents étaient fiers de leurs racines polonaises. Pour l'instant, la nationalité polonaise ne lui a pas été d'une grande utilité, car les autorités portugaises ont subitement renoncé à la vente de TAP faute, selon elles, de garanties financières suffisantes. Il n'empêche : nous avons gagné un nouveau citoyen, qui a de surcroît chamboulé le classement des Polonais les plus riches en s'y plaçant, fort de ses 3,5 milliards de zlotys [près de 900 millions d'euros], en cinquième position.
L'aigle sur la poitrine
Yuriy Gladyr, membre depuis quatre ans du Zaksa, l'équipe de volley-ball de Kedzierzyn-Kozle en Silésie, n'est sans doute pas aussi riche. Originaire de Poltava, en Ukraine, Gladyr vit en Pologne avec sa femme Marina et sa fille Daria, née ici. Il vient de recevoir la nationalité polonaise. Il voudrait désormais endosser le maillot frappé de l'aigle [le maillot national] : "C'est le rêve de tout joueur de volley-ball, car la représentation polonaise participe aux rencontres de très haut niveau", assure-t-il.
Les plus connus des naturalisés Polonais "par choix" viennent du monde de football, où des célébrités étrangères apportent un peu d'éclat à l'équipe nationale. "J'aime les Polonais, j'aime la Pologne. Je voudrais devenir citoyen du pays dans lequel j'ai vécu beaucoup de beaux moments", déclare Roger Guerreiro, le joueur brésilien de Legia (Legia Warszawa, le club de la capitale). L'accession à la nationalité peut se révéler assez rapide quand l'équipe nationale est en mal de milieu de terrain offensif.
Depuis l'année dernière, la procédure devant le voïvode (représentant du gouvernement central au sein d'une voïvodie, un département) offre une voie simple et rapide à l'acquisition de la nationalité. Celle-ci peut être également accordée par le Président sur la base du mérite, comme ce fut le cas pour quelque 2 500 personnes en 2012. La grande majorité des demandes passent toutefois devant les voïvodes, qui voient les demandes se multiplier depuis l’adhésion de la Pologne à l’UE.
Sympathique et attractive
Pourquoi les étrangers sont-ils de plus en plus nombreux à demander la nationalité polonaise ? Par pur pragmatisme. Selon Henry Mmereole, originaire du Niger et gérant de trois pharmacies à Varsovie, les étrangers s'installent ici parce que le pays est en pleine expansion, et que les personnes audacieuses peuvent y progresser rapidement. Il concède que le plus difficile reste certainement le climat, mais qu'on s'y habitue.
Aux motivations économiques ou familiales, s'ajoute un autre élément : la Pologne est jugée sympathique et attractive. "Une bonne ambiance, des gens gentils. Ma tante et mon oncle venus de Grèce ont emprunté récemment Traktat Krolewski (la voie royale) à Varsovie, et ils n'ont pas cessé de s'émerveiller. La Pologne devrait promouvoir sa culture, par exemple sa création théâtrale exceptionnelle, ou le sport. C’est principalement à travers ces domaines qu'un pays gagne en réputation”, explique le musicien Milo Kurtis, cofondateur du groupe culte Maanam, actuellement membre de Drum Freaks.
Né à Zgorzelec, fils de réfugiés grecs (issus de la vague d'immigration qui vit près de 15 000 Grecs arriver en Pologne en 1949), il a décidé de demander la nationalité polonaise. C'était une démarche honnête et pratique, compte tenu du fait qu’il pense comme un Polonais et qu’il veut rester dans ce pays jusqu'à la fin de ses jours. Il raconte que dans les années 80, une offre de nationalité lui a été faite par l'Allemagne, mais le sujet à été rapidement oublié après cette mise au point de son beau-père : "Tu as le choix, mais sache que nous n'allons pas avoir un Allemand dans la famille."
Le Vietnam de l'Europe
Nombreux sont ceux qui viennent au bord de la Vistule, simplement pour chercher une vie meilleure, ou une bonne formation. Mais seule une petite minorité de ces nouveaux arrivants souhaitent acquérir la nationalité polonaise. Quelques milliers de personnes par an à l'échelle du pays c'est très peu, compte tenu du nombre total d'étrangers séjournant sur notre territoire, légalement ou pas, estimé entre 500 000 et 1 million de personnes. Mais leur afflux ne fait que commencer.
La Pologne est devenue une destination de choix pour les Vietnamiens. Les parents d'un bon nombre d'entre eux ont étudié ici dans les années 60 et 70, parlent polonais et transmettent une image quelque peu idéalisée de la Pologne comme celle d'un pays ruisselant de lait et de miel, constate Karol Hoang, entrepreneur dans l'immobilier et propriétaire d'une agence de mannequins. Son grand-père était diplomate, en poste à Varsovie.
Si la Pologne compte plusieurs dizaines de milliers des Vietnamiens, ce sont pourtant les Ukrainiens qui dominent parmi les immigrés. Employés dans l'agriculture et l'horticulture, ils travaillent également dans les secteurs de la construction et de la garde d'enfants ou de personnes âgées. "Les Ukrainiens viennent travailler, gagner de l'argent, puis ils repartiront chez eux. Les Chinois, si leurs affaires ne marchent pas, plient bagages et vont voir ailleurs. Les Vietnamiens, eux, restent quoi qu'il arrive. Nous nous enracinons ici, nous songeons à ce que nous allons faire dans les dix ou vingt prochaines années, à ce qui attend nos enfants, s'ils disposeront d'une formation solide ou d'un poste dans une bonne entreprise ou dans une banque", explique Karol Hoang. Marié à une Polonaise, il se dit "à moitié Polonais". Vieille de 20 ans, sa relation avec la Pologne vient d'être scellée par la nationalité polonaise fraîchement acquise.
Les jeunes Vietnamiens s'assimilent rapidement, trop même aux yeux de la première génération d'immigrés qui reproche aux nouveaux arrivants de négliger les liens avec la mère patrie. La communauté asiatique est cependant touchée par un vrai problème identitaire. Ils voudraient être Polonais, mais, très éloignés du modèle physique des grands blonds aux yeux bleus, ils ne sont pas toujours acceptés.
Premier député noir
L’attitude des Polonais envers les immigrants a évolué par rapport à la fin des années 1990, époque où l’on voyait, lors de matchs de foot, les supporteurs lancer des bananes sur le joueur Olisadebe, originaire du Nigèria. De ce pays vient aussi John Abraham Godson, le premier député polonais noir. Pour lui, tout a commencé lorsqu'un missionnaire roumain lui a parlé de la Pologne. Aujourd'hui il souligne qu'il vient de Łódź (la troisième ville polonaise située dans la partie centrale du pays) et que c'est ici qu'il veut vivre et même, être enterré.
Quand un immigrant commence-t-il à se sentir vraiment Polonais ? Pas forcément en recevant un certificat de nationalité. Okił Chamidow, le réalisateur de la très populaire série télévisée "Le monde selon la famille des Nuls", d'origine tadjike, avoue en plaisantant avoir pensé qu'il était devenu vraiment Polonais le jour où il s'est mis à se plaindre sans raison.
Mots croisés/affaire Findus : l’inutilité de Benoît Hamon, les bêtises de Périco Légasse
Lundi soir se tenait sur France 2 l’émission hebdomadaire « Mots croisés », présentée par Yves Calvi. Petit florilège.
Hier, le thème de l’émission abordait une problématique centrale, qui mérite l’attention attentivement attentive de l’ensemble des citoyens éclairés, des politiques, des intellectuels de tout bord. La crise ? Non ! Le chômage de masse ? Non ! La viande de cheval bien sûr ! Parmi les invités de cette palpitante émission, Benoît Hamon, Ministre de la consommation, et Périco Légasse, journaliste et chroniqueur gastronomique (le mari de Natasha Polony, pour ceux qui lisent la rubrique people des journaux).
À ce moment, il est légitime d’avoir une pensée émue pour notre Ministre. Benoît Hamon, ancien Président du Mouvement des Jeunes Socialistes, considéré comme appartenant à « l’aile gauche du PS », a certainement dû imaginer, lors de ses débuts en politique, qu’il allait essayer de changer le monde. Réduire la pauvreté et les inégalités, apporter plus de Justice dans ce monde imparfait, organiser la prospérité, etc. Des buts tout à fait louables, même si les lecteurs assidus de Contrepoints savent que les méthodes qu’il emploie pour cela n’obtiendront jamais les résultats escomptés. Mais voilà, la politique étant à présent ce qu’elle est, Benoît Hamon s’est retrouvé, à partir de 23h et pendant deux longues heures, à débattre sur le fait qu’un obscur fournisseur roumain s’est amusé à remplacer du bœuf (de la vache, en réalité, des bœufs il n’y en a plus) par de la vieille carne hippique. Il a donc joué le rôle qu’il pouvait, c’est-à-dire celui de protecteur du peuple outragé, en affirmant que « les contrôles allaient être renforcés » pour que cela ne se reproduise plus, que « le Gouvernement allait être vigilant », et que d’ailleurs une réunion de crise s’était tenue aujourd’hui entre membres du gouvernement, représentants de la filière incriminée et associations de consommateurs. Ce qui, traduit en langage courant, signifie que le Gouvernement fera semblant de s’intéresser à ce problème tout le temps que durera la polémique, avant qu’un autre scandale ne balaie cette éphémère actualité.
Mais la palme de la bêtise, il faut quand même le dire, revient sans conteste à Périco Légasse. Pour lui, le coupable est tout trouvé : « L’Europe néolibérale », accusation répétée plusieurs fois tout au long de l’émission. Inutile de revenir sur le terme néolibéral, qui est décidément utilisé partout mais défini nulle part. Ce qui n’est pas surprenant lorsqu’on sait qu’il n’a aucune signification pertinente, puisqu’il s’agit d’une invention des antilibéraux pour attaquer le soi-disant libéralisme dérégulé que l’on a pourtant bien du mal à observer. Le raisonnement de Périco Légasse est le suivant : les institutions européennes organisent la concurrence inéquitable entre les pays, et cette concurrence pousse les prix vers le bas au point que, forcément, les fournisseurs sont conduits à tromper le consommateur en remplaçant les ingrédients des plats préparés par des composants de basse qualité pour augmenter leurs marges. À cet instant, plusieurs éléments peuvent, en quelques lignes, être mobilisés pour montrer que M. Légasse n’a absolument rien compris à ce qu’il raconte.
D’une part, l’existence de la PAC, 40% du budget européen, dont la France est la première bénéficiaire, ne consiste rien de moins qu’à perturber durablement la logique de marché en subventionnant les agriculteurs de pays à hauts salaires qui sont amenés à produire des quantités bien plus grandes que le marché ne peut absorber. Subventions dont on ne sait pas très bien si elles contribuent réellement à moderniser l’agriculture mais qui conduisent à des gaspillages certains (lire l’article à ce sujet). Difficile de trouver là une quelconque inspiration libérale.
D’autre part, si l’on poursuit la logique de Périco Légasse, la solution serait donc de relocaliser l’ensemble de la filière agroalimentaire. Mais, sans compter le fait qu’on ne voit pas très bien comment cela serait possible sans méthode très coercitive, il est difficile d’imaginer que cela permettrait de limiter ce genre de fraude. En effet, le renchérissement des coûts, confronté à la volonté légitime des consommateurs de limiter leur budget alimentation ne pourrait conduire qu’à augmenter encore la tendance des fournisseurs mal intentionnés à tromper leurs clients.
Enfin, le sous-entendu principal des affirmations péremptoires de M. Légasse consistait à dire que les industriels de l’agroalimentaire ne sont « que des banquiers » (une « insulte » qui en dit long sur le sérieux du personnage), uniquement intéressés par l’argent, et prêts à empoisonner le consommateur pour quelques euros de plus. Pourtant dans cette affaire, ce sont bien les « banquiers » (qui curieusement, tiennent à leur réputation) qui ont découvert le pot-aux-roses, ourdi par le producteur roumain. Enfin Yves Calvi fera remarquer à juste titre que bien que l’affaire fasse des remous, elle n’est pas représentative des centaines de millions d’autres produits écoulés chaque année sans le moindre problème.
Et c’est bien là le danger de ce type d’émissions. En invitant des personnes qui ne cessent de s’exprimer sur des sujets qu’elles maitrisent peu, on en vient au syndrome du « gros micro mou. » Un pseudo-journaliste qui s’improvise économiste lance ces banalités au mieux sans aucun fondement, au pire véritablement dommageables si elles étaient appliquées au pied de la lettre. Le téléspectateur lambda, qui n’a pas forcément les outils nécessaires pour prendre du recul par rapport à ces affirmations, pensera peut-être que M. Légasse ne fait qu’avancer des idées de bon sens. Malheureusement, c’est tout le contraire.
En mot de conclusion, la journaliste de Libé Laure Noualhat, également invitée, reprenait les mots du philosophe Jacques Ellul : « Je veux moins de complexité, de technicité » ; « il faut remettre de la simplicité dans ce monde ». Hier, à "Mots croisés", oui-oui était de sortie.
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