mercredi 20 avril 2011
Le risque de la fracture sociale
Incantation ne vaut pas décision. Le volontarisme présidentiel réitéré en terre ardennaise, sans mode d'emploi précis, n'y changera rien. Président affiché du pouvoir d'achat, Nicolas Sarkozy a mis la revalorisation des salaires sur les rails de la précipitation et de la confusion. Il est à craindre, dans un contexte économique et financier peu favorable, que le terminus soit aussi chaotique, quand la seule majorité qui se dégage, hétéroclite mais absolue, est celle des mécontents. Avec en prime, aujourd'hui, les fonctionnaires, condamnés désormais à une cure de rigueur côté salaires, après s'être vu imposer une cure de minceur, côté effectifs.
L'histoire repasse curieusement certains plats. Souvenez-vous : en 2009 le Président pensait déjà avoir trouvé la bonne martingale pour résoudre l'équation du pouvoir d'achat. Il fallait couper la poire des bénéfices en trois. Un tiers pour l'investissement, un tiers pour les actionnaires, un tiers pour les salariés. L'irréalisme de la proposition autant que l'irrésolution à la mettre en oeuvre avait eu raison de son existence. La configuration a-t-elle vraiment changé avec la nouvelle recette miracle de plus ou moins 1 000 € ? Qu'en reste-t-il une fois dissipé l'effet d'annonce ? Quatre évidences.
1. La garantie d'une usine à gaz. Les indications floues et contradictoires augurent d'un dispositif complexe, avec des exonérations à géométrie variable, des effets de seuil toujours redoutables. Bref, un nouveau maquis où les grandes entreprises sont mieux équipées que les autres pour se frayer un chemin. Comme toujours en France.
2. Le sentiment d'une inconséquence politique. Face à une réalité des prix de plus en plus douloureusement subie à la pompe par des millions de ménages, comment peut-on mitonner à ce point une recette improbable et incertaine, jusqu'à créer la cacophonie jusque dans sa propre majorité ? Jusqu'à rallier dans le même camp du refus, patrons et syndicats, salariés et exclus, employés du privé et fonctionnaires ?
3. L'assurance d'une injustice, comme l'ont noté le Medef et les syndicats dans une confondante unanimité. Seule une minorité d'employés de grandes entreprises profitera sans doute du coup de pouce passager du gouvernement. La très grande majorité des salariés, elle, devra se contenter du simple réajustement mécanique du Smic sur l'inflation. Autant dire pas grand-chose.
4. La certitude d'un accroissement dangereux des inégalités. À l'heure où le devoir de cohésion national s'avère plus que jamais vital, le gouvernement prend le risque de diviser au lieu de rassembler, d'élargir les fractures sociales au lieu de chercher à les réduire. Vrai entre grandes entreprises et PME, entre service public et privé, vrai surtout entre les salariés, seuls concernés par la prime du moment et les exclus, encore une fois encore laissés pour compte.
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