TOUT EST DIT

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mardi 1 mars 2011

Le tyran ne peut jamais être un allié

En Libye, la « révolution arabe » continue, mais à un rythme différent. A Tunis et au Caire, hier, l'influence des Etats-Unis sur les armées tunisienne et égyptienne s'est révélée être décisive. A Tripoli, aujourd'hui, l'Amérique n'a pas de vraies cartes à jouer et ce sont les Nations unies, et non les Etats-Unis, qui cherchent à peser de tout leur poids sur le régime libyen pour qu'il cesse de massacrer son peuple. Et la différence est sensible. Les résolutions des Nations unies ne font pas le même effet que les « conseils avisés » des Etats-Unis.

Il n'en reste pas moins que les conditions de départ du « chien fou » - la formule est de Ronald Reagan -nous obligent à nous reposer une question fondamentale qui va bien au-delà de la Libye. Selon quels critères choisissons-nous nos alliés ? Et le « nous » concerne tout aussi bien les Etats-Unis de George W. Bush, l'Angleterre de Tony Blair et de Gordon Brown, que la France de François Mitterrand à Nicolas Sarkozy, sans mentionner la palme, qui revient sur ce plan, à l'Italie de Silvio Berlusconi.

Bien sûr, ce petit pays de plus de 6 millions d'habitants a du pétrole et du gaz en quantité significative et nous avons voulu nous convaincre que son leader avait changé, qu'il était certes toujours un peu « original », mais que, fondamentalement, c'était un homme modéré et réaliste, et qu'en plus de quarante et un ans de pouvoir il avait eu le temps de mûrir. Il est aisé aujourd'hui de mesurer les limites de cette méthode Coué diplomatique. Un despote ne devient pas respectable du seul fait que nos intérêts coïncident avec les siens. Il ne s'agit pas de faire preuve d'idéalisme irresponsable et de succomber ici à la dictature des « bonnes émotions ». C'est tout le contraire. Il est en réalité naïf de faire preuve de trop de cynisme et, au nom d'une vision stratégique à long terme, il est essentiel, pour ne pas « insulter l'avenir », de garder ses distances avec des régimes qui ont donné d'amples preuves de leur hystérie sanguinaire. Au nom de quelle étrange logique peut-on vouloir un jour renverser par la force des armes le régime de Saddam Hussein en Irak, parce qu'il serait devenu une menace pour son peuple, et, quelques années plus tard, fermer les yeux sur les crimes du régime du colonel Kadhafi en Libye ?

Le général de Gaulle, pour justifier, en pleine guerre froide, ses rapprochements avec la Russie des soviets ou avec la Chine de Mao, avait coutume de dire que, derrière les régimes, il voyait les peuples, ce qu'il appelait la Russie ou la Chine « éternelles ».

Mais la Libye, en dépit de sa taille géographique et de ses ressources énergétiques significatives, n'est ni la Russie ni la Chine. Elle n'est pas, n'a jamais été et ne sera jamais un acteur incontournable du système international. Depuis plus de quarante ans, elle n'est, sous la férule d'un clown rusé et sanguinaire, qu'une aberration tragique qui a surfé pour survivre sur nos petits calculs et notre grande lâcheté. Maintenant que Kadhafi est en train d'être chassé par son peuple et abandonné progressivement par ses fidèles, ce que les Libyens retiendront de notre comportement ne sera pas nécessairement en notre faveur. Ils se seront libérés difficilement dans le sang, et - sauf au dernier moment -plutôt en dépit de nos peurs que grâce à nos encouragements.

Bien sûr, si le soulèvement en Libye confirme bien le caractère révolutionnaire du « printemps des peuples arabes », il introduit aussi des éléments nouveaux avec l'entrée en oeuvre du facteur énergétique. Il ne se trouve pas plus de classe moyenne en Libye, contrairement à la Tunisie, qu'il ne s'y trouve un grand héritage historique, contrairement à l'Egypte. Mais il y a du pétrole et du gaz. Et on ne peut s'empêcher de poser la question suivante ; à quand le tour de l'Arabie saoudite ?

Il existe sans doute en Libye, et surtout à l'extérieur du pays, des jeunes élites prêtes à prendre la relève, mais les risques de chaos sinon de fragmentation du pays sont bien réels. Des risques à la mesure de notre aveuglement d'hier.

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